Colombie : le président veut légaliser le cannabis et repenser la production de cocaïne

femme fumeur cannabis colombie

​Il y a 3 semaines, le président colombien Gustavo Petro a provoqué un séisme, du moins un débat, en déclarant : « La cocaïne n’est pas pire que le whisky. » Cette phrase illustre la volonté du dirigeant de remettre en cause la politique mondiale de lutte contre la drogue, largement influencée par les États-Unis. La Colombie, plus grand producteur de cocaïne au monde, a légalisé le cannabis médicinal en 2016, mais son commerce pour usage récréatif reste pénalisé. Gustavo Petro vient de demander au Parlement de complètement légaliser le cannabis récréatif.

 « La cocaïne n’est pas pire que le whisky. » Cette comparaison, qui peut sembler provocatrice, s’inscrit dans une logique plus large de critique de la prohibition et de la criminalisation des drogues en Colombie. Pour Gustavo Petro, il est temps de repenser la manière dont le monde traite la question des stupéfiants et d’adopter une approche basée sur la régulation plutôt que sur la répression.

Cette déclaration n’a pas tardé à susciter des réactions contrastées. Les partisans du président estiment qu’il soulève une question pertinente sur l’hypocrisie de la politique antidrogue mondiale. « Pourquoi la consommation de whisky est-elle socialement acceptée alors que la cocaïne est diabolisée, alors que toutes deux sont des substances psychoactives aux effets délétères ? », a argumenté le sociologue colombien Daniel Pardo dans une tribune publiée dans El Espectador.

D’un autre côté, ses opposants dénoncent une banalisation dangereuse de la cocaïne. L’ancien président colombien Iván Duque a réagi avec virulence : « C’est une déclaration irresponsable qui envoie un message désastreux aux jeunes. La cocaïne détruit des vies et finance des organisations criminelles. »

L’échec de la guerre américaine contre la cocaïne

Depuis les années 1970, les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans la lutte contre le trafic de drogue en Amérique latine, notamment via le Plan Colombie lancé en 2000. Pourtant, malgré des décennies de répression, la production et l’exportation de cocaïne colombienne n’ont jamais été aussi élevées.

Un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié en 2023 indiquait que la surface cultivée de coca en Colombie avait atteint un record historique, avec plus de 230 000 hectares. De plus, la demande mondiale ne faiblit pas, notamment en Europe et aux États-Unis, où la consommation de cocaïne continue de croître.

« La guerre contre la drogue n’a pas réduit la consommation ni la production. Elle a seulement renforcé les cartels et accru la violence », a déclaré Gustavo Petro lors d’un sommet latino-américain sur la drogue en 2023. Il milite pour un changement radical : « Nous devons arrêter de criminaliser la feuille de coca et proposer des alternatives économiques aux cultivateurs. »

Une proposition radicale : la régulation de la cocaïne ?

Dans le prolongement de ses prises de position, Petro plaide pour une approche plus pragmatique et moins punitive. Il estime que la dépénalisation ou la régulation de certaines drogues pourrait permettre de réduire la violence des cartels en coupant leur principale source de revenus.

« Le problème n’est pas la feuille de coca en elle-même, mais l’interdiction qui transforme son commerce en un marché clandestin ultra-violent », explique le chercheur colombien Alejandro Gaviria, ancien ministre de la Santé.

Cette approche s’inscrit dans une tendance globale où plusieurs pays, comme le Canada et certains États américains, ont déjà opté pour la dépénalisation du cannabis. Mais l’idée d’une régulation de la cocaïne reste hautement controversée, notamment à Washington, qui craint une explosion de la consommation et un affaiblissement du contrôle sur les cartels.

Un changement de paradigme à venir ?

Si la position de Gustavo Petro choque, elle pose néanmoins une question essentielle : la politique antidrogue actuelle est-elle efficace ? Devant l’augmentation continue de la production et du trafic de cocaïne, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une approche moins répressive et plus axée sur la santé publique.

« La prohibition a échoué. Il est temps d’explorer de nouvelles solutions », conclut Gustavo Petro. Reste à voir si la Colombie pourra entraîner d’autres pays dans cette réflexion ou si la pression internationale maintiendra un statu quo.

Une première légalisation : celle du cannabis

Le président colombien, a récemment appelé à la légalisation du cannabis pour lutter contre la violence liée à son interdiction. Il a déclaré que l’interdiction de la marijuana en Colombie « n’apporte que de la violence » et que sa légalisation permettrait de « sortir cette culture de la violence ». 

Cette initiative s’inscrit dans une tendance plus large en Amérique latine, où des pays comme l’Uruguay et le Mexique ont déjà légalisé l’usage récréatif du cannabis. Cependant, en juin 2023, le Sénat colombien a rejeté un projet de loi visant à légaliser la vente de cannabis récréatif. Le projet proposait d’interdire la vente et la consommation de cannabis dans certaines zones publiques, y compris les universités, et de promouvoir le traitement de la toxicomanie.

Les partisans de la légalisation estiment que cela pourrait réduire la violence associée au trafic de drogue en privant les organisations criminelles de revenus importants. Cependant, des études suggèrent que la légalisation du cannabis n’est pas une solution miracle pour éliminer le crime organisé et la violence en Colombie. Bien qu’elle puisse réduire la taille du marché illégal du cannabis, un marché gris persisterait probablement, alimenté par des groupes criminels cherchant à maintenir leurs profits. 

De plus, l’intégration des petits producteurs locaux dans le marché légal pourrait être entravée par le contrôle territorial exercé par des groupes criminels, ce qui pourrait limiter l’impact de la légalisation sur la réduction de la violence. Il est donc essentiel que les politiques de régulation du cannabis soient coordonnées avec des politiques de sécurité pour protéger ces producteurs et les intégrer efficacement dans le marché légal.

La situation de la légalisation du cannabis en Europe est en pleine évolution, avec des approches variées selon les pays.Voici un aperçu des législations actuelles :​

Pays européen ayant légalisé le cannabis récréatif :

  • Malte : En décembre 2021, Malte est devenu le premier pays de l’Union européenne à légaliser la consommation récréative de cannabis. Les adultes peuvent posséder jusqu’à 7 grammes de cannabis et cultiver jusqu’à quatre plants chez eux. ​
  • Allemagne : Depuis le 1ᵉʳ avril 2024, les adultes peuvent posséder jusqu’à 25 grammes de cannabis en public et cultiver jusqu’à trois plants à domicile. De plus, des « cannabis social clubs » permettent la distribution contrôlée aux membres. ​

Pays ayant dépénalisé ou toléré la consommation :

  • Luxembourg : La consommation privée de cannabis est autorisée, et la culture à domicile est permise sous certaines conditions. ​
  • Pays-Bas : Bien que la vente de cannabis soit techniquement illégale, elle est tolérée dans les « coffeeshops » sous certaines conditions. La possession de petites quantités pour usage personnel est également tolérée. 
  • Espagne : La consommation et la culture privées de cannabis sont dépénalisées. Les « cannabis social clubs » permettent aux membres de cultiver et de partager du cannabis dans un cadre privé. 

Pays envisageant des réformes :

  • Suisse : Des projets pilotes sont en cours pour évaluer l’impact de la légalisation du cannabis récréatif. ​
  • République tchèque : Des discussions sont en cours concernant la légalisation du cannabis récréatif. ​

Pays renforçant les restrictions :

  • Italie : Le gouvernement envisage de restreindre l’industrie du « cannabis light », limitant la production et la vente de produits dérivés du chanvre, y compris ceux à faible teneur en THC. ​

France : La consommation de cannabis reste illégale, malgré un taux d’usage parmi les plus élevés d’Europe. Des débats sur la légalisation sont en cours, notamment en raison des avantages en termes de santé publique, de recettes fiscales et d’une réduction importante d’une criminalité qui concentre une partie importante des offres de l’ordre et de la magistrature.

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