Chaque jour, des millions de Français décrochent leur téléphone en redoutant ce qu’ils vont entendre : silence au bout du fil, message robotisé, démarcheur insistant ou fausse promesse de “gain d’énergie”. Ce harcèlement téléphonique est devenu un bruit de fond insupportable. Et pourtant, la réponse des autorités tient jusqu’ici de la litote bureaucratique. Le 21 mai 2025, une loi a été adoptée interdisant formellement le démarchage téléphonique sans consentement préalable. Une décision historique. Sauf que la loi ne s’appliquera qu’à partir du 11 août 2026 (pourquoi 15 mois plus tard ?!). Et d’ici là ? Rien. Ou plutôt : l’aggression ordinaire.
En France, le démarchage téléphonique non sollicité est devenu une nuisance d’ampleur nationale. Chaque jour, des millions d’appels commerciaux indésirables perturbent la vie quotidienne des particuliers. Selon l’UFC-Que Choisir, 38 % des Français déclarent recevoir au moins un appel de démarchage par jour, et la moyenne nationale s’établit à près de sept appels par semaine. Mais certains utilisateurs qui ont fait l’erreur de s’inscrire sur la plateforme Bloctel peuvent recevoir plus de dix par jour.
Des enquêtes récentes, comme celles du baromètre Hiya, confirment que la France figure parmi les pays européens les plus touchés par ces pratiques. Au-delà du simple désagrément, ce phénomène affecte profondément la qualité de vie : il engendre stress, fatigue, interruption du travail, et un climat général de méfiance envers le téléphone lui-même, outil de lien devenu vecteur d’agression. L’ampleur de ces appels, leur répétition, leur caractère souvent frauduleux ou manipulateur, et l’impossibilité pour les citoyens de s’en protéger efficacement font du démarchage téléphonique un véritable problème de santé publique numérique, auquel l’État ne peut plus répondre par l’inaction ou de simples déclarations d’intention.
Le 21 mai 2025, une loi a été adoptée interdisant formellement le démarchage téléphonique sans consentement préalable. Une décision historique. Sauf que la loi ne s’appliquera qu’à partir du 11 août 2026 (15 mois plus tard…).
Va-t-on enfin pouvoir respirer ? Non, car les appels continueront. Ils continueront même après cette date. A moins qu’un changement profond de stratégie n’ait lieu du côté des opérateurs téléphoniques et de l’État régulateur. Sans cela, la loi restera un vœu pieux : comme toujours belle sur le papier, impuissante dans les faits.
Les opérateurs savent. Et ils laissent faire.
Orange, SFR, Bouygues, Free : tous disposent de l’infrastructure technique permettant de savoir qui appelle, quand, depuis où, et à quel rythme. Ils pourraient bloquer en amont les appels en rafale, les numéros usurpés, les centres d’appels off-shore. Mais ils s’y refusent. Pourquoi ? Parce que l’économie du démarchage, même illégale, génère des revenus : flux de voix sur IP (VoIP), location de plages de numéros, hébergement de services téléphoniques. La passivité des opérateurs n’est pas de l’impuissance, c’est une stratégie commerciale. Au détriment du bien-être des Français et, pour certains, de leur compte en banque.
Une loi sans mise en œuvre est une loi sabordée
La nouvelle législation interdit à compter du 11 août 2026 tout appel commercial sans un consentement “libre, spécifique, éclairé et univoque”. Une avancée majeure. Mais qui, en pratique, vérifiera ces consentements ? Qui contrôlera les bases de données utilisées ? Qui empêchera les plateformes étrangères de continuer à appeler les Français depuis des numéros frauduleusement “français” ? Rien n’est prévu pour répondre à ces questions dans les faits. Pas de filtrage réseau imposé, pas d’outil centralisé de gestion des consentements, pas de label téléphonique vérifié. Et surtout : pas de moyens renforcés pour les organes de contrôle (DGCCRF, Arcep).
Agir maintenant : ou la loi ne servira à rien
Il est urgent que les autorités n’attendent pas l’été 2026 pour réagir. Nous appelons le gouvernement, les opérateurs et les parlementaires à :
- Imposer un filtrage automatique des appels commerciaux en l’absence d’un identifiant vérifié, dès aujourd’hui ;
- Créer une base publique et centralisée de consentements téléphoniques, interopérable avec les systèmes des professionnels ;
- Interdire l’émission d’appels commerciaux depuis des numéros mobiles non vérifiés ou masqués ;
- Sanctionner les donneurs d’ordre, et non seulement les sous-traitants invisibles ;
- Renforcer les moyens de l’Arcep et de la DGCCRF, avec une doctrine de contrôle en temps réel.
Sans cela, la loi sera tournée en ridicule, vidée de sa substance avant même d’être appliquée. Et les citoyens continueront de subir, dix fois par jour, la brutalité banalisée du harcèlement téléphonique.
Ce qui se joue ici n’est pas anecdotique. C’est une bataille pour la souveraineté numérique, pour la protection de notre vie privée, pour le respect des plus élémentaires droits à la tranquillité. La loi de 2025 est une victoire en trompe-l’œil si elle n’est pas suivie d’actes. La passivité des opérateurs ne peut plus être tolérée. Et l’État ne peut plus feindre la surprise.
Il reste 14 mois. Ce temps ne doit pas être celui du recul, mais celui de la préparation. Une démocratie se mesure aussi à sa capacité à faire respecter ses propres règles. Pour que la loi ne devienne pas une promesse creuse, il faut agir maintenant. Plaignez-vous auprès de vos élus, notamment députés et sénateurs, afin qu’ils agissent.
Un outil minimal :
Pour Iphone : Accédez à Réglages > Apps > Téléphone, puis touchez l’une des options suivantes : Appels d’inconnus silencieux : Vous recevez des notifications pour les appels provenant de personnes dans vos contacts, pour les appels sortants récents et pour les suggestions Siri.
Pour Androïd : Dnsn, Paramètres, sélectionnez « Spam et filtrage d’appels » et de sélectionner le niveau de protection qui vous intéresse. Spam, faux numéro, numéro inconnu… Selon le modèle de votre téléphone Google Pixel, vous aurez plus ou moins d’options à votre disposition.
Scandaleux : alors qu’Orange pourrait filtrer gratuitement les appels indésirables, l’opérateur vous les impose mais vous propose une option payante pour les empêcher (uniquement sur votre téléphone fixe)… Honteux.
