Dope Thief sur AppleTV : Un polar sur le fil du rasoir entre réalisme et caricature sociales

Apple TV+ propose avec Dope Thief une plongée dans l’univers du crime à Philadelphie. Le specteur suit Ray et Manny, deux petits escrocs qui se font passer pour des agents de la DEA afin de détrousser des trafiquants. Inspirée du roman éponyme de Dennis Tafoya, la série oscille entre thriller nerveux et comédie décalée. Mais cette oscillation est-elle une force ou une faiblesse ?

L’alchimie opère d’entrée de jeu entre Brian Tyree Henry (AtlantaBullet Train) et Wagner Moura (Narcos). Le duo fonctionne à merveille. Henry incarne Ray, un homme tiraillé entre l’adrénaline du crime et l’envie de s’en sortir tandis que Moura prête son charisme brut à Manny, plus désabusé mais tout aussi attachant. Leur relation, oscillant entre bromance et tensions croissantes, confère à la série un socle réaliste solide qui compense les faiblesses du scénario. De fait, là où Dope Thief brille, c’est dans ses moments de complicité entre les deux protagonistes, qui rappellent les meilleures heures du buddy movie à la Breaking Bad ou Training Day. On y retrouve cette dynamique où le comique et le tragique s’entrelacent avec des dialogues percutants et une tension latente.

Le premier épisode de Dope Thief , réalisé par Ridley Scott, pose une esthétique soignée et immersive. Photo léchée et mise en scène nerveuse pour une Philadelphie crasseuse et oppressante. Haut de gamme. Cependant, la série a du mal à maintenir son rythme. Certains épisodes prennent trop leur temps à installer des sous-intrigues secondaires.

Mais le plus gênant dans Dope Thief  reste un mauvais équilibre entre le réalisme sombre du polar urbain et des scènes quasi-parodiques. On ne sait plus trop bien à quelle genre ou sous-genre le rattacher. Certaines séquences rappellent Brooklyn Nine-Nine par leur absurdité alors que d’autres s’inscrivent dans une veine bien plus dure proche de The Wire ou Sicario. Cet écart stylistique peut être perçu comme un parti-pris audacieux, mais aussi comme une maladresse. Personnellement, je l’ai perçu comme une mauvaise maîtrise travesti en décalage.

Enfin, côté fresque sociale, autrement dit les quartiers délaissés de Philadelphie, Dope Thief  frise parfois la caricature. Les personnages secondaires, souvent réduits à des archétypes (le dealer sans pitié, le flic corrompu, l’informateur désespéré), manquent de nuance mais parfois font mouche. 

Si vous aimez les thrillers portés par des personnages forts et que les changements de tonalité ne vous dérangent pas, la série Dope Thief  vaut le détour. Mais si vous recherchez une œuvre au ton homogène et à l’intrigue resserrée, son approche hybride risque de vous frustrer.