Fast fashion : quand Shein, Kiabi et Decathlon transforment leurs invendus en jackpot fiscal

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Sous couvert de bonnes intentions écologiques, les géants de la mode à bas prix engrangent des millions grâce à la loi anti-gaspillage. Un paradoxe troublant dans un monde où chaque seconde cent vêtements neufs apparaissent sur le marché français.

En 2025, il est possible de se faire de l’argent non pas en vendant ses vêtements, mais en les donnant. Depuis l’entrée en vigueur de la loi anti-gaspillage de 2022, les entreprises sont encouragées à offrir leurs invendus à des associations plutôt que de les détruire. En retour, elles bénéficient d’une réduction d’impôt équivalente à 60 % de la valeur des dons. Une disposition pensée pour moraliser un secteur excessif. Mais à la faveur de cette mesure, une autre logique s’est installée : celle de la défiscalisation lucrative.

Selon une enquête conjointe menée par Disclose et Reporterre, les champions de la fast fashion – Shein, Kiabi, Decathlon – auraient largement détourné l’esprit de la loi afin de rentabiliser leur surproduction. Ainsi, des vêtements fabriqués en excès deviennent soudain source de crédit d’impôt. Dans un système de production toujours plus rapide, toujours moins coûteux, toujours plus polluant, même l’échec devient un modèle économique. Génie ultime de l’ultra-libéralisme qui recycle tout, même sa contradiction…

Une économie de la surabondance organisée

L’enquête révèle qu’en quatre ans, le volume de vêtements mis sur le marché français a bondi de 30 %. Chaque seconde, ce sont 100 articles qui surgissent dans le circuit commercial. « On a créé un système malade où il est normal de produire en trop », résume Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire. Loin de corriger les abus, la loi semble les avoir institutionnalisés.

Le cynisme n’est jamais loin. Dans certaines structures associatives, les invendus affluent à un rythme tel que les dons doivent être triés, redistribués ou… jetés. Le coût environnemental reste inchangé : extraction de ressources, transports, emballages, gestion des déchets. La défiscalisation, elle, est bien réelle – et pèse sur l’argent public.

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Shein : du jetable déguisé en philanthropie

L’exemple de Shein est particulièrement emblématique. Le géant chinois, accusé de travail forcé ou de contrefaçon, continue de produire à flux tendu dans ses usines de Guangzhou – comme en témoigne une photo prise le 1er avril 2025 par Reuters. Chaque semaine, des milliers de nouvelles références, parfois vendues à moins de 5 euros, inondent le marché européen. Invendus ou non, ces produits sont pensés pour ne pas durer. Mais leur obsolescence devient une ressource : un produit mal conçu, une taille non vendue, une saison ratée… tout est bon pour faire crédit fiscal.

Une industrie incompatible avec la transition écologique

Le paradoxe est flagrant. Alors que la mode est responsable de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, elle continue de fonctionner à rebours de toutes les politiques climatiques. Pire : la loi qui devait restreindre ses excès en devient le moteur. Faut-il alors réformer la loi, voire conditionner les avantages fiscaux à des critères de durabilité, de transparence ou de localisation ? C’est ce que réclament plusieurs ONG, ainsi que des députés écologistes, qui dénoncent « une prime à la pollution ». Des pistes de régulation existent : plafonner les dons déductibles, interdire leur valorisation au prix fort, ou encore renforcer les contrôles pour éviter les abus.

Une mode éthique en contrepoint

Heureusement, à la marge de la surproduction, un autre monde se construit. Celui des marques éthiques, des circuits courts, de la seconde main et de l’upcycling. Mais ce monde reste fragile, freiné par le déséquilibre structurel des subventions. Quand les mastodontes du textile bénéficient d’incitations fiscales massives, les acteurs vertueux peinent à se financer. En 2025, consommer moins mais mieux n’est pas seulement un choix éthique : c’est un acte de résistance contre un système où l’absurde devient rentable.

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Fast fashion & invendus : paradoxe Fiscal

Surproduction alarmante

  • +30 % : augmentation du volume de vêtements mis sur le marché français en 4 ans.
  • 100 vêtements/seconde : rythme auquel des articles neufs sont injectés sur le marché français.
  • 8 % : part de l’industrie textile dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre.Le Monde.fr

Loi AGEC (2022)

  • Objectif : interdire la destruction des invendus non-alimentaires.
  • Incitation : réduction d’impôt de 60 % sur la valeur des dons d’invendus à des associations.donsolidaires.fr+1CCISM+1

Détournement du dispositif

  • Certaines marques surproduisent volontairement pour bénéficier des avantages fiscaux.
  • Les invendus sont valorisés à des prix élevés pour maximiser la réduction d’impôt.
  • Les associations se retrouvent submergées par des dons qu’elles peinent à gérer.

Cas emblématiques

  • Shein : propose plus de 7 200 nouveaux modèles par jour, avec une production massive en Chine.
  • Kiabi & Decathlon : bénéficient également du dispositif, bien que leurs pratiques soient moins extrêmes

Réactions et mesures envisagées

  • Proposition de loi pour instaurer un malus environnemental proportionnel à l’impact des produits.
  • Interdiction de la publicité pour les marques de fast fashion.
  • Obligation d’afficher l’impact environnemental des produits sur les sites de vente en ligne.
Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique et humaniste !