Festival photo La Gacilly 2014, les Etats-Unis à l’honneur

Avant que les grands de ce monde débarquent en France pour commémorer le D day, La Gacilly a ouvert les célébrations avec un défilé de camions américains chargés de faux G.I. (tout droit sortis du Musée du Maquis Saint-Marcel) qui traversaient ses rues à la suite d’une somptueuse Cadillac décapotée. C’était vendredi 30 mai pour le lancement de son 11e Festival photo dont les États-Unis sont invités d’honneur.

Dans la belle américaine, deux couples : Jacques Rocher (maire de la commune), John G. Morris leurs épouses. Ce dernier n’est rien d’autre que l’homme qui a envoyé Robert Capa couvrir le débarquement ! Un peu gêné de rester douillettement dans son bureau de Life magazine, il décide de partager le risque, et débarque lui-même à Utah Beach le 20 juillet 1944. Il accompagne les armées dans leur marche libératrice à travers la Normandie puis la Bretagne.

Patrick Messina
Patrick Messina

« Je travaillais aux marges de la guerre, mais je crois malgré tout que mes images disent beaucoup sur la guerre », affirme le délicieux nonagénaire. 97 ans, beaucoup de chic, il a une petite larme à l’œil quand on lui demande quel genre d’homme était Capa : « Je l’aimais ». Simply. De Morris, on regarde avec intérêt les images de Rennes tout juste libérée. De Capa, modèle absolu du photojournalisme du XXe siècle, on reste béat devant celles d’une femme tondue par les « résistants », d’enfants jouant dans la neige à Wuhan en 1938, de paysannes ukrainiennes, d’amoureux à Barcelone pendant la Guerre d’Espagne ou celle, emblématique, de Picasso sur la plage de Golfe Juan en 1948.

Luxor Pool, Pete Mc Bride
Pete Mc Bride

« La photo est un accélérateur de sens, bouscule la pensée et procure du bonheur », insiste Auguste Coudray, président du festival. Impossible de le nier face aux immenses portraits de Steve Mc Curry, dont la célébrissime Pakistanaise aux yeux verts immortalisée dans un camp de réfugiés de Peshawar en 1984. Son expression de force, de courage et de crainte fait écho à celle d’une Tibétaine en tenue de fête au festival du cheval de Tagong. « Ces portraits ont rejoint le panthéon de ces images indélébiles qui font l’histoire », souligne Cyril Drouet. Le commissaire des expositions pense sans doute à Robert Doisneau, à Willy Ronis et à Édouard Boubat, dont le tendre portrait de Rémi (son petit-fils) au coquillage sert de visuel au festival. L’immense représentant de la photo humaniste française a posé son objectif au Portugal, en Inde, en Sardaigne et aussi en Bretagne, face à des menhirs sous la neige (1956) et à un vieux pêcheur de Saint-Guénolé (1964). Une commande a été passée à deux (plus) jeunes photographes sur les blockhaus : Patrick Tourneboeuf en fait des monolithes de fin du monde, tandis que Mathieu Pernot s’y livre à des expérimentations à la chambre noire.

Festival photo de la Gacilly, 11e édition, du 31 mai au 30 septembre 2014
Robert Capa

La thématique de base de ce festival, « l’homme et la nature », amène judicieusement des clichés de lions pris par Michael Nichols en Tanzanie pour National Geographic, et les stupéfiantes photos de Nick Brandt dont la trilogie sur « le crépuscule du monde sauvage » interpelle sur la disparition des animaux sauvages.

Lui n’a pas introduit l’homme dans ses clichés iconiques noir et blanc, mais Ansel Adams a joué un rôle primordial dans la préservation des grands parcs nationaux. Pete Mc Bride et David Maisel tirent quant à eux la sonnette d’alarme sur l’environnement avec des photos hallucinantes prises en altitude, du bien nommé Colorado, ou des inquiétantes couleurs de sites miniers (traités comme des abstractions de Rothko).

Pointe de Perharidi, Roscoff, Mathieu Pernot
Mathieu Pernot

Les peuples natifs trouvent toujours une place légitime à La Gacilly. Cette année, Brent Stirton nous offre un « retour chez les Navajos » et Russel James (craquant photographe australien) a collaboré avec des communautés autochtones qui peignent des motifs traditionnels aborigènes sur ses photos. Le travail de Guillaume Herbaut interpelle sur l’incidence du réchauffement climatique et des investissements étrangers sur les modes de vie des communautés premières de l’Arctique. Floriane de Lassée a posé la question « How much can you carry? » (Combien peux-tu porter ?) aux femmes et aux jeunes qu’elle a croisés au cours de son tour du monde, dans les campagnes d’Éthiopie, du Népal ou d’Indonésie (*). « C’est un hommage à ces porteurs de vie, ceux dont la vie est lourde où le sourire et le rire deviennent la clef d’une existence vivable » indique la jeune femme elle-même porteuse de vie.

Edouard Boubat
Edouard Boubat

Ce festival n’oublie jamais les « autochtones » morbihannais. Cette année, Georges Mérillon (ex de Gamma) a « tourné comme une abeille dans le département ». 2700 km en « terre inconnue » sous l’angle « terre de vacances ». Patrick Messina, issu d’une famille rapatriée d’Algérie en 1962, en a fait sa « terre d’adoption », dont il fixe les sites immuables (golfe, presqu’île de Rhuys…) avec deux référents temporaires, ses propres enfants.

Toutes ces photos sont disposées dans les rues, dans des cours, des chemins et dans le labyrinthe du végétarium, de part et d’autre de l’Aff. Un parcours qui fait de La Gacilly « un jardin de la photographie » selon l’expression de Florence Drouet, directrice artistique qui se réjouit des 300 000 visiteurs en 2013. Légitime succès.

Le plus grand Festival Photo en plein air de France. Créé il y a 11 ans, le Festival Photo Peuples et Nature de La Gacilly a réuni plus de 2 millions de visiteurs autour des plus grands photographes internationaux. 11 édition, du 31 mai au 30 septembre 2014.
Festival Photo La Gacilly
Place de la Ferronnerie
La Gacilly
56200
Bretagne
France
02 99 08 68 00
http://www.festivalphoto-lagacilly.com

* ce reportage fait l’objet d’une publication à sortir en juin 2014 aux éditions Filigranes.

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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