Grèves à la SNCF : un conflit maîtrisé ou différé ?

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Malgré les préavis déposés pour le pont du 8 mai, la direction de la SNCF se veut confiante en assurant un trafic normal sur les TGV jusqu’au 8 mai. Une accalmie relative, qui masque des tensions plus profondes et systémiques entre les syndicats et l’entreprise publique.

« Ce ne sera pas une semaine noire », assure la direction de la SNCF. Une formule martelée en conférence de presse ce 3 mai 2025, alors que les préavis de grève déposés par les syndicats SUD-Rail et CGT-Cheminots pour la période du 5 au 11 mai faisaient craindre une paralysie du réseau. Du lundi 5 au jeudi 8 mai, les TGV devraient circuler normalement. En revanche, les contrôleurs seront en grève les 9, 10 et 11 mai, à la veille d’un autre long week-end de mai, celui de l’Ascension.

Annulations massives de billets de train : les Français se tournent vers des alternatives

Devant la menace grandissante d’une grève, de nombreux voyageurs anticipent et modifient leurs plans. Le covoiturage et les trajets en bus connaissent un regain d’intérêt, tandis que les annulations de billets de train explosent. Selon BFMTV, les désistements pour le 8 mai ont déjà bondi de 50 %. Un plan de transport plus détaillé devrait être communiqué demain.

Une grève ciblée et symbolique

« Ce mouvement n’est pas un caprice ni un coup de pression ponctuel. Il s’inscrit dans une dynamique de fond contre la dégradation du service public ferroviaire et la remise en cause des droits sociaux acquis », explique Erwan Le Poulain, délégué CGT-Cheminots, joint par téléphone. Selon lui, la colère monte depuis plusieurs mois : intensification des cadences, augmentation des effectifs contractuels au détriment du statut, et effets encore sensibles de la réforme ferroviaire de 2018.

Du côté de SUD-Rail, la stratégie est sans ambiguité : « Nous avons attendu, alerté, proposé. Nous avons été méprisés. Cette grève vise aussi à rappeler que sans contrôleurs, les trains ne roulent pas. » Le choix des dates, en plein cœur du pont du 8 mai, est assumé. Il s’agit d’optimiser la visibilité du mouvement sans recourir à un blocage généralisé, jugé contre-productif à ce stade.

Une réponse prudente de la direction

La SNCF, par la voix de la direction de SNCF Voyageurs, a voulu rassurer. « Nos plans de transport seront maintenus au maximum, et nous anticipons les réorganisations de personnel nécessaires. La majorité des trains circulera normalement », a déclaré Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs. Le groupe mise sur la mobilisation limitée des grévistes pour maintenir une image de continuité de service, quitte à déployer des dispositifs d’astreinte et à solliciter des volontaires.

Mais cette stratégie a ses limites. « Le remplacement des contrôleurs n’est pas aussi simple que celui d’un agent d’accueil. Il y a des questions de sécurité, de certification, et de fatigue », rappelle un cadre technique sous couvert d’anonymat.

Le droit de grève encadré… et contourné ?

Depuis 2007, le service minimum est encadré par la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers. Elle impose la déclaration individuelle de participation à la grève 48 heures à l’avance. Elle oblige aussi l’entreprise à informer les usagers sur les prévisions de trafic au moins 24 heures à l’avance. Mais dans les faits, cette législation n’a pas supprimé les conflits. « Elle a déplacé le rapport de force. On assiste à des grèves tournantes, ciblées, ou à répétition, qui maximisent l’effet symbolique tout en restant légales », analyse une juriste en droit du travail à l’Université de Nanterre. « Le pont du 8 mai est un moment stratégique dans cette logique. »

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Une tradition française du conflit ferroviaire

La SNCF est historiquement au cœur des grandes batailles sociales françaises. De la grève des cheminots de 1947 à la mobilisation contre la réforme des retraites de 1995, en passant par le long conflit de 2018 sur l’ouverture à la concurrence, les grèves SNCF cristallisent souvent des enjeux nationaux. Selon l’Insee, le secteur ferroviaire reste, de loin, celui où les journées individuelles non travaillées (JINT) pour fait de grève sont les plus nombreuses en France. Les mouvements de 2023 et 2024, notamment autour des salaires, ont confirmé cette tendance. Une spécificité française ? Pas seulement. En Allemagne, les grèves de la Deutsche Bahn ont aussi fortement augmenté ces dernières années, mais dans un cadre syndical plus centralisé.

Et pour les usagers ?

Pour les voyageurs, les conséquences varient selon les lignes. La SNCF rappelle que les billets TGV Inoui et Intercités sont échangeables et remboursables sans frais si le train est annulé. Des bons d’achat peuvent aussi être proposés dans certains cas. Le site SNCF Connect mettra à jour les circulations chaque jour dès 17h pour le lendemain. Pour les usagers réguliers, la crainte d’une grève surprise s’est estompée, mais la fatigue s’accumule. « On ne peut pas prévoir un voyage à l’avance sans penser à une annulation potentielle. C’est épuisant », témoigne Claire, une cadre vivant entre Lille et Lyon.

À court terme, un soulagement. À long terme, l’incertitude

L’absence de perturbations majeures jusqu’au 8 mai est une victoire temporaire pour la direction. Mais la colère syndicale reste vive, et l’approche des Jeux Olympiques pourrait accentuer la conflictualité. À défaut d’une trêve sociale, la SNCF semble engagée dans une succession de bras de fer ciblés, à l’image d’une entreprise publique sous tension dans une société où les fractures salariales et professionnelles se creusent.

Le calendrier social SNCF de mai 2025

  • 5 au 8 mai : Trafic TGV annoncé comme normal
  • 7 mai : Grève annoncée des conducteurs dans certaines régions
  • 9, 10 et 11 mai : Grève des contrôleurs avec perturbations attendues
  • 29 mai (Ascension) : Préavis en cours, à confirmer

Voici un tableau récapitulatif des salaires des conducteurs de train à la SNCF, en fonction de l’expérience et du type de poste, basé sur les données disponibles jusqu’en 2025 :

Niveau / PosteSalaire mensuel net estiméCommentaires
En formation (apprenti)Environ 1 600 €Rémunération pendant la formation initiale.
Début de carrière (CRML / CRL)1 800 € à 2 500 €Conducteurs de manœuvre ou de ligne débutants.
Milieu de carrière (5 à 15 ans d’ancienneté)2 500 € à 3 600 €Inclut les primes liées aux horaires décalés et aux conditions de travail.
Fin de carrière (CRL expérimenté)3 600 € à 4 600 €Salaire avec primes pour les conducteurs expérimentés.
Conducteur de TGV (fin de carrière)Jusqu’à 5 000 €Poste accessible après plusieurs années d’expérience et formation spécifique.

Note : Ces montants sont des estimations basées sur les données disponibles et peuvent varier en fonction des primes, des indemnités, des horaires et des régions.

Le salaire des conducteurs de train à la SNCF est composé d’une partie fixe (traitement de base, prime de fin d’année) et d’une partie variable (primes de traction, indemnités de nuit, de week-end, etc.).