Dans un monde sous tension où la sécurité alimentaire est menacée par les crises géopolitiques, climatiques et économiques, une petite nation sud-américaine, le Guyana, émerge comme une exception radicale : selon une étude parue en mai 2025 dans Nature Food, c’est le seul pays au monde capable de subvenir à l’intégralité de ses besoins alimentaires. Décryptage d’un modèle intrigant, et panorama des rares pays qui s’en approchent.
Le Guyana : une exception mondiale
Au cœur de l’Amérique du Sud, bordé par le Venezuela, le Suriname et le Brésil, le Guyana, ancienne colonie britannique devenue indépendante en 1966, s’est hissé à une place unique : la pleine autosuffisance alimentaire.
L’étude de Nature Food, qui a évalué 186 pays selon leur capacité à produire localement les sept grands groupes alimentaires nécessaires à une alimentation saine (fruits, légumes, produits laitiers, poissons, viandes, protéines végétales, féculents), ne relève qu’un seul vainqueur : le Guyana.
Même en cas de rupture totale des échanges mondiaux, ses 800 000 habitants pourraient continuer à manger à leur faim.

Les clés de ce succès discret
Un volontarisme politique affirmé
Depuis 2020, sous la présidence d’Irfaan Ali, le gouvernement guyanais a fait de l’agriculture un pilier central de sa stratégie de souveraineté :
- investissements massifs dans les infrastructures agricoles ;
- aides fiscales et subventions aux agriculteurs ;
- soutien logistique aux filières de production.
Une diversification rapide des productions
Longtemps centré sur le riz et la canne à sucre, le pays a élargi sa palette agricole :
- élevages bovins et porcins ;
- pisciculture et pêche côtière ;
- cultures de soja, maïs, haricots, manioc, patates douces.
Une jeunesse agricole mobilisée
Par le biais de son programme Agriculture Innovation and Entrepreneurship, le Guyana a su impliquer les jeunes générations dans des filières agricoles modernisées, fondées sur les technologies numériques et les pratiques agroécologiques.
Des atouts naturels remarquables
Climat tropical stable, ressources en eau abondantes, terres arables peu exploitées : la nature guyanaise constitue un terrain fertile pour cette ambition agricole.
Le paradoxe pétrolier
Ironie de l’histoire : alors que le Guyana connaît depuis 2019 une spectaculaire montée en puissance comme producteur de pétrole offshore, c’est en investissant ses revenus pétroliers dans l’agriculture qu’il consolide sa sécurité alimentaire. Une stratégie de long terme visant à éviter la classique « malédiction des ressources » qui a piégé nombre de pays exportateurs de matières premières.
Top 5 des pays les plus proches de l’autosuffisance alimentaire
Si le Guyana reste seul à atteindre le 100%, certains pays s’en approchent :
1. Chine (90-95%)
Forte en riz, blé, légumes, porc, mais dépendante pour le soja et certains produits laitiers.
2. Vietnam (90-94%)
Excellence en riz, aquaculture et fruits tropicaux. Dépendances résiduelles sur le blé et les produits laitiers.
3. Inde (85-90%)
Autosuffisante en riz, blé, lentilles, lait et volailles. Vulnérabilités sur les huiles végétales et certaines protéines animales.
4. France (75-80%)
Maîtrise des productions céréalières, laitières et animales. Dépendance sur les fruits exotiques, les oléagineux, le café, le thé et le cacao.
5. États-Unis (75-80%)
Géant exportateur en céréales, viandes et laitages. Importations nécessaires pour certaines protéines végétales et fruits tropicaux.
Une alerte mondiale déguisée
L’étude souligne la vulnérabilité de la plupart des pays en cas de crise géopolitique, de pandémie ou de bouleversement climatique affectant les échanges internationaux. Le Guyana, laboratoire à taille réduite, démontre qu’une politique cohérente d’investissement agricole, de diversification et de résilience locale reste possible — même à l’ère de la mondialisation.
Comprendre l’autosuffisance alimentaire
Définition
L’autosuffisance alimentaire désigne la capacité d’un pays à produire l’ensemble des aliments nécessaires à la subsistance de sa population, sans recours aux importations.
Les 7 groupes alimentaires de base
Selon Nature Food et le modèle WWF Livewell :
- Fruits
- Légumes
- Produits laitiers
- Poissons
- Viandes
- Protéines végétales (légumineuses, oléagineux)
- Féculents (céréales, tubercules)
Pourquoi est-ce stratégique ?
- Réduction de la dépendance aux marchés mondiaux instables.
- Meilleure résilience en cas de crise internationale.
- Moindre exposition aux pénuries et aux fluctuations de prix.
Limites
L’autosuffisance n’est pas toujours synonyme de qualité nutritionnelle optimale ni de durabilité environnementale si elle repose sur des pratiques agricoles intensives ou polluantes.