Ibrahim Maalouf et l’OSB nous présentent Parachute, Yes we can !

Il ne faut pas se tromper, si le TNB affichait plus que complet, le programme de la première partie n’en était pas vraiment la cause. Pour agréable qu’il soit, le nom de Ibrahim Maalouf et la présentation de sa nouvelle production Parachute y étaient pour beaucoup.

 

La perspective de voir un orchestre symphonique improviser en direct constituait un grand point d’interrogation. Il nous fallait des réponses.

Il eut été dommage de passer sous silence l’agréable interprétation des Indes galantes de Jean-Philippe Rameau par l’OSB. Cette œuvre de 1735 véhicule l’image un peu sucrée d’un « bon sauvage », plutôt idéalisé – et dont nous aurions à retenir quelques leçons d’humilité… L’ouverture à la française, tellement à la mode à l’époque (on la retrouve même dans le Messie de Haendel), ouvre la séance avec une élégance compassée puis se relâche en offrant une musique dansante et pleine de verve. Impossible de ne pas se souvenir que Lully et Monsieur de Pourceaugnac nous donnaient à entendre une musique pas très différente il y a quelques jours à l’opéra de Rennes.

Darrell AngC’est avec un concerto pour pipa et orchestre de Tan Dun que se poursuit cette soirée un peu inhabituelle. Auteur de musiques de différents genres, il s’est fait connaitre en France en écrivant notamment la musique du film « Tigre et dragon ». Le « pipa », ce luth chinois et ses sonorités étranges et exotiques que nous avions déjà rencontré il y a deux ans, lors du concert « L’Adieu au dragon », a exercé la même impression sur le public. L’approche est de toute évidence beaucoup plus contemporaine, mais la fascination exercée tant par les vibratos que les glissandi est la même. Les membres de l’OSB seront une fois de plus mis à contribution : ils viennent ponctuer de nombreuses fois des phrases musicales à l’aide de cris, de bruits ou de chocs, qui confèrent à cette pièce, souvent abrupte, une vitalité toute particulière.

Darrell AngC’est en pays de connaissance que nous nous retrouvons avec « Le bœuf sur le toit » de Darius Milhaud. Quelle œuvre pleine de dynamisme et de fraicheur. Sa musique est inspirée d’airs sud-américains, particulièrement brésiliens. Son titre découle d’une chanson de la même origine : « Oboi no tellado ». Il s’agit de la promenade d’un observateur de scènes de carnaval qui évolue dans différentes ambiances dont il fait le récit. Un thème relie ses différentes impressions, exactement comme dans les Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorwski. Située dans un bar Américain, l’histoire du Bœuf sur le toit regroupe de curieux personnages tels un nain, un bookmaker ou un policier qui se livrent, sur des rythmes de rumba ou de tango, à une improbable chorégraphie (puisqu’à l’époque aucun des rôles du ballet n’était tenu par des danseurs).

Puisqu’il est dit qu’il fallait que les Athéniens s’atteignissent… venons-en au morceau de choix de notre soirée : la présentation de Parachute. Après une pas si brève (mais utile) présentation par Ibrahim Maalouf de sa création, c’est bouche bée que le public attend la première partie, non écrite.

La flûte d’Eric Bescond lance une première note timide et un peu étouffée. Elle suffit à donner du courage à d’autres membres de l’orchestre ; chacun peu à peu propose un rythme ou une note qui vient se juxtaposer afin de créer une musique un peu indéfinissable mais pas du tout cacophonique. Cette première partie est trop courte pour se forger réellement une idée de ce que peut être un orchestre symphonique qui improvise. L’OSB ne se lâche pas vraiment et joue la prudence en offrant, à domicile, le minimum syndical. L’articulation se fait assez rapidement vers le second mouvement sans doute plus rassurant.

Cette partie, écrite, met rudement à l’épreuve Ibrahim Maalouf lui-même puisque pendant près de 40 minutes, sa trompette est omniprésente. C’est une musique plutôt énergique et plaisante dans laquelle, cette fois, l’orchestre s’implique sans réserve. C’est sans doute ce qui lui permettra de déboucher sur la troisième partie, non écrite, dans une sorte de continuité. Et d’improviser de manière cohérente. Si la sortie de Darrell Ang n’avait pas marqué de façon très formelle le début de la seconde période d’improvisation, nous ne nous en serions quasiment pas aperçus. Dès lors, plus concernés, les musiciens démontrent de manière étonnante que le projet de Ibrahim Maalouf – un peu fou en apparence – est réalisable ! C’est tout à fait clair : il faut des leaders d’opinion qui « proposent » des thèmes ou des rythmes dans lesquels s’engouffrent les autres musiciens ; mais chacun a droit à la parole et les hiérarchies traditionnelles s’effacent.

Si quelque doute pouvait subsister dans les esprits – et c’est compréhensible, – Ibrahim Maalouf vient de lancer au monde de la musique un message très fort. Difficile encore d’en saisir toutes les implications et tout le devenir, mais l’important était de faire le premier pas. Et c’est à Rennes avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne qu’il a été réalisé. Beau motif de fierté justifiée pour Marc Feldman qui avait accepté de courir un risque considérable en donnant corps à un tel projet. Il arborait lundi soir à juste titre un sourire de fierté et de soulagement.

 

Lundi 9 et Mardi 10 mars 2015 à 20h
Rennes / TNB
Le jeudi 12 mars à Saint Brieuc,
le 13 mars à Vannes, le 15 mars à Ploudalmézeau et le 28 mars à Paris

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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