James Ellroy à Rennes ?! Oui, l’Automne littéraire des Champs Libres a commencé en grande pompe avec une pointure de la littérature américaine. James Ellroy, auteur de romans noirs mondialement reconnu, a donné une conférence et une séance de dédicaces aussi caustiques que captivantes. Retour sur l’événement littéraire de cette rentrée rennaise !
Qui de mieux que l’élégant Ellroy pour inaugurer l’Automne littéraire des Champs Libres ? Du 13 septembre au 7 décembre 2016, l’institution rennaise convoque écrivains et artistes autour d’un thème : à la vie, à la mort. James Ellroy, à maintenant 68 ans, demeure une voix majeure de la littérature contemporaine. Sa venue dans la capitale bretonne semblait inespérée. De fait, la salle de conférence Hubert Curien affichait complet. L’auteur a profité de son passage au festival America, événement sur les littératures et cultures d’Amérique du Nord, pour venir saluer les Bretons.
L’arrivée en fanfare de James Ellroy a réchauffé cet automne littéraire. Chemise hawaïenne, raillerie drolatique teintée de french bashing bienveillant, classiques lunettes rondes : Ellroy est venu comme il est, avec sa franchise et sa figure d’écrivain sarcastique. Rien à envier aux cultissimes interventions d’un Bukowski sur Apostrophe ou d’un Jim Harrison chez Michel Field. Dès le début, le ton est donné. À la question de savoir si son œuvre se trouve influencée par la culture française, James Ellroy se lance dans une diatribe hilarante contre Albert Camus ponctuée de quelques Motherfuc*** :
Il m’a piqué ce que j’avais découvert, puis il m’a piqué mon prix Nobel, puis toutes mes femmes.
Extravagant, James Ellroy, mais toujours intéressant. L’auteur était venu pour présenter son dernier roman, Perfidia, paru en 2015 aux éditions Rivages. Celui-ci inaugure le second Quatuor de Los Angeles, et revient donc aux racines de ses plus grandes œuvres comme Le Dahlia Noir, L.A. Confidential ou White Jazz. Roman noir certes, mais aussi historique, Perfidia tourne autour d’un événement célèbre de l’inconscient collectif américain : le 7 décembre 1941 et l’attaque de Pearl Harbor par le Japon. Après avoir traité les années 50, 60 et 70, celui qui se surnomme le Chacaaaal esquisse un retour vers les années 40. L’histoire, comme toujours, a l’énergie baroque et pêle-mêle de ces œuvres précédentes. Pourquoi Perfidia ? Parce que, pour l’auteur,
c’est un roman sur la trahison, trahison morale de l’Amérique au début de la Seconde Guerre mondiale, avec l’internement de ses citoyens d’origine japonaise.
Le personnage principal reste la ville de Los Angeles, la cité des Anges de 1941 qui, selon Ellroy, représentait « un moment de fête où je veux vous emmener dans ce roman ».
James Ellroy œuvre en quelque sorte à produire une contre-histoire de l’Amérique. La fièvre qui s’est emparée des Américains après l’attaque de Pearl Harbor a longtemps été un tabou. Ce n’est qu’en 1988 que Reagan s’est publiquement excusé auprès des citoyens américains d’origine japonaise victimes des camps. Mais attention : Ellroy demeure un patriote. Celui qui s’affirme ailleurs en « réactionnaire » se dit à Rennes « moraliste ».
J’éprouve du mépris pour le nihilisme et le minimalisme : je préfère parler du prix à payer en conséquence de ses actes.
Surtout, l’auteur a explicité son projet historiographique. Affirmant être « un historien fictionnel », il insiste sur l’importance du travail et de l’obsession. « Si vous croyez à cette Histoire, à travers mon histoire, alors j’aurais réussi », dit-il au public des Champs Libres. Inutile, en revanche, de le questionner sur 2016 et les élections présidentielles américaines ». Ellroy accepte ce qu’il appelle un « déni conscient », mais pour lui, « 2016 n’existe pas ». De conclure : « Je vis définitivement en 1941, enfin, j’arrive en 1942 ». Aussi passéiste ainsi que furieusement contemporain !
James Ellroy Perfidia, Collection Rivages Noir, août 2016, 848 pages, 10 €
Pour consulter le programme complet de l’automne littéraire 2016