Départ pour la Malaisie, ses paysages, ses légendes, son histoire et sa société multiculturelle avec cette pétillante histoire d’un village et de quelques habitants tendres et loufoques.
Nous entrons à Lubok Sayong, petite ville fictive proche de Kuala Lumpur (Malaisie) un jour de grande inondation. Il faut dire que le village, situé dans une vallée encadrée par deux rivières et trois lacs légendaires est voué à être inondé. Ce qui n’empêche pas Mami Beevi, têtue comme une mule à s’attacher à son quartier, sous le regard placide de Auyong, directeur de la conserverie de litchis.
Toutefois, à la mort accidentelle de sa demi-sœur qui rentrait du foyer de Kuala Lumpur où elle venait d’adopter Mary Anne, Beevi accepte de reprendre la grande maison paternelle pour y élever l’enfant, seule rescapée de l’accident. Elles en feront une maison d’hôtes.
Pour son premier roman, Shih-Li Kow alterne les récits de deux personnages bien choisis pour leur calme et leur bienveillance, mais aussi pour leur différence.
Auyong est un homme adulte malais d’origine chinoise. Il symbolise l’ancienne génération face à la jeune Mary Anne, une orpheline qui a tout à apprendre et a tant besoin d’amour et de reconnaissance. Elle est profondément attachée à Mary Beth, une autre orpheline de quinze ans que Beevi accueillera souvent pour apaiser Mary Anne.
Plus tard, Mary Beth lui fera découvrir la ville où tout va bien plus vite qu’au village ennuyant.
L’auteur va énormément jouer sur ces oppositions. Ancienne et nouvelle génération, histoire intime et universelle, quotidien et légende, village et ville, humour et gravité. Elle construit ainsi un récit à la fois divertissant et enrichissant, délivrant douceur et puissance pour mieux séduire le lecteur.
Autour des deux narrateurs gravitent bien des personnages, chacun ayant sa part de folie. On croise Ismet le potier, Naïn la folle aux sangsues, les Miller des Américains, les membres de la famille de Beevi et surtout l’incroyable Miss Boonsidik, un transgenre dont les histoires vont permettre de mettre en évidence toute la sensibilité de Auyong. Miss Boonsidik est pour moi un personnage essentiel qui relie l’intime d’un village à une cause universelle.
Et quel voyage ! Dans l’histoire d’une famille, d’un village, d’un pays multiculturel.
C’est toujours les Noirs en bas de l’échelle ; nous les Indiens, en bas, les Malais au sommet et vous les Chinois au milieu, à jouer sur les deux tableaux.
Un beau cocktail de charme, de loufoquerie et d’humanité.
La somme de nos folies de Shih-Li Kow, Editions Zulma, 23/08/2018. 384 pages, ISBN 978-2-84304-830-2, Prix : 21,50 €.
Titre original : The Sum of our follies traduit de l’anglais (Malaisie) par Frédéric Grellier.
Née dans la communauté chinoise de Kuala Lumpur, Shih-Li Kow écrit en anglais. Son premier recueil de nouvelles, Ripples and Other Short Stories, publié en 2009, a été finaliste du Prix international Frank O’Connor. Jouant admirablement du proche et du lointain, du particulier et de l’universel, du vraisemblable et du fabuleux, du sérieux et du cocasse, sa voix singulière défend sans conteste la diversité et l’ouverture – politique, artistique, ou écologique – dans la Malaisie multiculturelle d’aujourd’hui, à travers des figures qu’elle nous rend inoubliables. La Somme de nos folies est son premier roman, et c’est un enchantement.