Le livre qu’il vous faut pour réussir vos photos selon Henry Carroll

Nadine Ijewere
Nadine Ijewere

Dans Le Livre qu’il vous faut pour réussir vos photos, ouvrage modeste mais superbe et efficace publié aux éditions Pyramyd, Henry Caroll invite le lecteur photographe à voir plus qu’à regarder. Les yeux avant l’appareil photo. Un conseil majeur qu’illustrent cinquante clichés des plus grands photographes.

Devant nous, il y a peu, face un monument, une jeune femme se triturait la bouche dans tous les sens: boudeuse, rieuse, amoureuse, colérique. Elle modifiait simultanément son décolleté. A bout de bras elle tenait un rectangle de plastique noir: un smartphone. Cela dura bien dix minutes. Cela engendra au moins une centaine de photos à voir le pouce s’agiter en dessous de l’écran. Filtre « portrait », mise au point automatique, cette séance de selfies a sûrement générer autant de « bonnes » photos, mais sûrement aucune photo « réussie » selon l’utile distinguo que fait dès sa préface Henry Carroll, l’auteur de cet ouvrage vendu à plus de 500 000 exemplaires. Il n’ajoute pas, mais cela semble aller de soi, que ce qui est proposé au lecteur de son ouvrage, modeste par la taille, mais magnifiquement conçu, c’est l’utilisation d’un appareil photo, un vrai, avec un viseur, des objectifs interchangeables, des possibilités de réglage infinies pour réaliser certes des photos souvenirs, mais surtout rechercher la créativité même modeste, y compris dans des prises de vue familiales.

henry carroll photos

Les plus anciens ont connu ce type d’ouvrages qui proposait en dix, cinquante, cent leçons de faire de vous des pros de la photo. On en choisissait un exemplaire, voire deux, et puis on s’apercevait que tous disaient la même chose, répétaient les mêmes conseils. Cet ouvrage d’Henry Caroll vous offre autre chose : il vous invite à regarder autour de vous, à regarder les œuvres de photographes reconnus. Certes, des pages (peu nombreuses) vous disent l’essentiel de la technique et sa trilogie incontournable. La vitesse d’obturation d’abord qui vous permet d’assurer la netteté de votre photo ou de choisir l’effet filé. L’ouverture du diaphragme ensuite qui fixe la profondeur de champ. Et enfin la sensibilité retenue qui dépend des conditions de lumière. Impossible d’échapper à ce modeste bagage technique mais cette maîtrise rapidement obtenue fait partie du plaisir de la photo que réduit singulièrement les modes automatiques « Portrait » ou « Paysage ».

Ce rite exposé, il ne figure pas d’ailleurs comme un symbole dans les premières pages, c’est l’apprentissage de l’oeil que l’auteur cherche à susciter chez son lecteur. Pour ce faire il n’a pas hésité à faire appel à une cinquantaine de photographes majeurs dont il commente une photo, souvent iconique. Des clichés des anciens comme Robert Franck, Dorothea Lange, Elliott Erwitt côtoient la nouvelle génération telles Nadine Ijewere ou Lorraine Poole. Chaque photo répond aux quatre thèmes volontairement limités en nombre qui couvrent en fait intelligemment tout le panel des choix créatifs. La composition d’abord dont l’illustration débute bien entendu par une photo de Cartier-Bresson, le maître de « l’instant décisif », ce millième de seconde où, par la magie de votre œil, tous les éléments se mettent harmonieusement en place dans votre viseur obéissant au principe d’Ansel Adams, « On ne prend pas une photo, on la construit ».

Au choix de l’exposition qui suit, nous préférons le terme de réglages, ceux que votre maîtrise technique doit appréhender. Suit le thème de la lumière et enfin l’essentiel chapitre consacré au regard, à votre regard: « ne regardez pas, voyez ». Accompagné de photos spécifiques comme pour toutes les parties du livre, ce regard nécessaire s’applique en fait à l’ouvrage dans son ensemble. La photo en contre-jour d’une silhouette fière et vulnérable dans une rue américaine ne serait rien sans le talent de Zora J. Murff et la maîtrise de la lumière de René Burri photographiant des hommes sur un toit d’un immeuble de Sao Paulo en contre point de la rue éclairée en contre bas n’existe que parce que le photographe français avait d’abord son œil exercé aux contrastes.

  • henry carroll photos
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En choisissant une cinquantaine de photos entrées dans l’histoire de la photographie, Henry Caroll nous ouvre les yeux. Exemples à l’appui, il montre combien une photo portrait de Francis Bacon par Bill Brandt est contraire à tous les principes de composition décrits dans l’ouvrage. Pourtant la photo reflète mieux que toute autre la personnalité du peintre. « Apprends les règles comme un professionnel afin de pouvoir les briser comme un artiste » disait Picasso, un adage que l’auteur reprend à son compte en nous invitant à regarder sans cesse les photos des plus grands, à les analyser, à les comprendre « parce que l’on ne doit pas seulement voir vos photos. On doit les entendre. On doit vous entendre ». Alors faites du bruit.

Le livre qu’il vous faut pour réussir vos photos d’Henry Carroll. Éditions Pyramyd. 144 pages. 15,90€.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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