Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.
Fifth Day.
Nous ne sommes peut-être pas passés le bon jour, mais la librairie « City Lights Books » nous a semblé bien calme en ce samedi ensoleillé de fin d’été. Des pièces minuscules, encastrées les unes dans les autres, des escaliers en bois étroits et tortueux, des alcôves, des petits recoins sombres, des milliers et des milliers de livres et de revues. Lawrence Ferlinguetti, le créateur de la librairie la plus célèbre des Etats-Unis, lui a donné ce nom en hommage au film de Charles Chaplin « Les Lumières de la Ville » (1931). C’est ici que le coeur de la Beat Generation a battu dans les années cinquante et c’est ici aussi que Ferlinguetti s’est battu contre le conservatisme puritain notamment lors du célèbre procès qui a suivi la publication de « Howl » d’Allan Ginsberg (1957). Farouche défenseur des droits de l’Homme et de la liberté sexuelle, pacifiste convaincu, militant anti-raciste, Ferlinguetti, poète, libraire et éditeur, (aujourd’hui âgé de 99 ans !) a été en quelque sorte le Maspero de la West Coast, le marxisme en moins. Ce matin, les clients sont des « boomers » à la soixantaine bien tassée, et ils parcourent paisiblement les rayons Vegan et Yoga. On s’est assis sur un petit banc, on a trouvé au rayon poésie un exemplaire de la fameuse collection « Pocket Poets » (un peu ce que fera Seghers plus tard ), et on a lu « Bomb » de Corso. L’esprit de la Beat Generation nous a paru alors bien, bien loin, à ce moment-là, dans cette petite librairie de province endormie… On est sorti, j’ai pris une photo dans Columbus Avenue et on est parti à pieds vers le sud.
… Et on a retrouvé le Souffle de San Francisco. Des dizaines de milliers de personnes manifestaient pour la défense du climat : Sur plus de 5km, Market St envahie de pancartes, de banderoles, de sirènes, de chansons, de slogans au mégaphone. Des grand-mères, des enfants en poussette, des couples de tous âges, des handicapés en fauteuil, des chiens, des centaines d’étudiants de Berkeley, des chiens, des jongleurs, des pacifistes, des écolos, le parti socialiste californien (si,si !), le LGBT local en masse et… pas un seul policier en vue ! Une impression de force extraordinaire, une détermination farouche contre la politique de Trump, mais aussi et surtout, la bonne humeur et la fantaisie. Comme si la Beat Generation et le Flower Power se retrouvaient ensemble, dans la rue, cinquante ans après.