Number 11 est le 11e roman de Jonathan Coe paru à l’automne 2015 en Angleterre. Il faudra patienter quelques mois pour la version française, mais lire dans la langue de l’écrivain est une expérience conseillée. Même si certains termes nous échappent on peut facilement suivre l’histoire et y prendre autant, voire plus, de plaisir que dans un livre traduit.
De quoi s’agit-il ? Le nombre 11 c’est celui de la ligne de bus que Val prend quotidiennement pour se laisser transporter dans les rues de Londres afin de tuer le temps. On est en 2012 et la Grande-Bretagne connaît une récession comme le reste de l’Europe. Val est bibliothécaire à temps partiel et voit son emploi menacé à cause des restrictions budgétaires dans le domaine public. Le ministre du Budget, l’une des cibles principales dans ce roman est en fonction depuis le 11 mai 2010 et réside au 11 Downing Street (encore ce numéro à connotation fortement négative…). Le nombre 11 c’est aussi celui d’une chambre maudite qui causera la perte de Roger obsédé par la quête d’un film lui rappelant un souvenir merveilleux de son enfance. Coe décrit ici la nostalgie d’une époque révolue :
A long time before you were born, the culture was different; it was about welfarism and having a safety net and above all not being so weighed down by choice all the time. (Page 176)
Roger could remember a time when we trusted people in power, and the side of the deal was to treat us like people who needed to be looked after now and again. (Page 177)
Ce même nombre apparaît à d’autres reprises notamment lors de la remise du Winshaw prize. La famille Winshaw présente dans le livre « Testament à l’anglaise » du même auteur, illustre la caste privilégiée nantie, influente et profondément méprisante de l’Angleterre d’aujourd’hui.
Le livre est divisé en 5 parties liées les unes aux autres, mais formant chacune une histoire avec des personnages situés dans des époques différentes (de 2003 à 2015). Outre la crise économique et son lot d’injustices : précarité, exploitation de main-d’œuvre étrangère, Jonathan Coe critique à nouveau le positionnement de Tony Blair lors de l’ingérence de l’armée britannique en Irak. Son roman « Le cercle fermé », écrit en 2006, dénonçait également cette politique.
Par ailleurs, un élément revenant souvent dans « Number 11 » concerne internet et la dérive de l’utilisation des réseaux sociaux. Jonathan Coe, à travers cette fiction arrive à cerner l’ambiance d’une époque toujours sur une tonalité tendre, satirique, burlesque ou réaliste et porte un regard critique sur l’évolution de nos sociétés.