Du 9 au 13 juin 2025, la ville de Nice a accueilli la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC). Coorganisé par la France et le Costa Rica, cet événement diplomatique majeur a réuni 175 États, des ONG, des scientifiques et des collectivités. L’ambition : freiner l’effondrement écologique des océans. Au terme d’une semaine de débats, promesses et négociations, que faut-il en retenir ? Entre engagements concrets, traités internationaux et grandes absentes, Unidivers dresse le bilan politique et scientifique de cette conférence bleue.
Une mobilisation sans précédent, des attentes colossales
Face à l’urgence climatique et à la surexploitation marine, l’ONU a placé les océans au cœur de son agenda. À Nice, chefs d’États, ministres, ONG, chercheurs, acteurs privés et représentants autochtones se sont succédé pour tenter de définir une gouvernance globale des mers. La France, deuxième puissance maritime mondiale grâce à ses Outre-mer, a cherché à jouer les leaders, Emmanuel Macron affirmant vouloir faire de l’« océan un bien commun politique et écologique ».
Aires marines protégées : un cap affirmé, un rythme encore lent
Le chiffre phare à retenir : 10 % des océans sont désormais classés en aires marines protégées (AMP), contre 8,4 % en 2024. Si l’on salue ces progrès – grâce à des annonces majeures du Canada, de la Polynésie française et du Chili – l’objectif de 30 % d’AMP d’ici 2030, fixé à la COP15 biodiversité, demeure hors d’atteinte à court terme. Nombre d’ONG pointent le manque d’effectivité juridique et de financement pour faire de ces AMP de véritables sanctuaires marins.

Pollution plastique : vers un traité mondial contraignant ?
Alors que chaque année, 11 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans, le sommet a permis un pas symbolique : 25 nouveaux États ont rejoint l’initiative d’un traité international juridiquement contraignant. Une « Déclaration de Nice » a été signée, mais sans calendrier clair ni mécanisme d’application précis. L’Inde, les États-Unis et la Chine, plus prudents, plaident pour des engagements différenciés. Les discussions reprendront en fin d’année sous l’égide du PNUE.
Pêche industrielle : pas de rupture mais des signaux faibles
Malgré les demandes pressantes d’un moratoire sur le chalutage en eaux profondes – jugé destructeur pour les habitats benthiques –, aucun accord ferme n’a été trouvé. En revanche, plusieurs pays, dont l’Indonésie et le Sénégal, se sont engagés à tester un système de traçabilité des captures grâce à la blockchain, afin de limiter la pêche illégale et améliorer la durabilité des pratiques.
Un tournant pour la haute mer ?
La mise en œuvre du traité BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction), signé en 2023, a été au centre des discussions. Une plateforme scientifique mondiale sera créée pour cartographier les zones à protéger en haute mer. En parallèle, un fonds international doté de 400 millions d’euros, abondé par la France, le Japon et le Canada, soutiendra les pays en développement dans l’application du traité. La haute mer – longtemps hors de portée du droit international – entre enfin dans le champ d’une gouvernance partagée, bien que balbutiante.
Sciences océaniques : un pilier transversal, mais sous-financé
La conférence a réaffirmé l’importance des sciences océaniques dans les politiques climatiques. Lancement d’un observatoire global des données marines en open access, coalition des villes côtières face à la montée des eaux, appui à la Décennie des sciences océaniques de l’ONU (2021–2030)… autant d’initiatives structurantes. Pourtant, seul 1,6 % des financements climatiques internationaux est aujourd’hui consacré à l’océan, un chiffre dénoncé comme dramatiquement insuffisant.

Une conférence entre ambitions réelles et inerties politiques
« Beaucoup de caps fixés, peu de gouvernails », titrait un expert du CESE. C’est le paradoxe de cette conférence : une vision claire commence à émerger, mais les moyens financiers, juridiques et géopolitiques pour la mettre en œuvre manquent encore. Ni la question des subventions aux énergies fossiles dans le transport maritime, ni celle de la gouvernance des grands fonds marins n’ont été sérieusement abordées.
Les ONG regrettent également l’absence de mécanismes de suivi obligatoires pour les promesses annoncées. En creux, c’est une critique de l’architecture même des sommets climatiques qui s’exprime : celle d’un multilatéralisme volontariste, mais souvent désarmé face aux intérêts économiques dominants.
Un espoir à concrétiser
La Conférence des Nations unies sur l’Océan 2025 n’a pas été le sommet de la rupture, mais elle a sans doute été celui de l’ancrage : l’idée que les océans ne sont plus périphériques mais centraux dans les grandes transitions du XXIe siècle s’impose désormais. Reste à passer des intentions aux actes. Le prochain rendez-vous sera la COP16 biodiversité en Colombie à l’automne, puis la COP30 climat au Brésil. Entre deux marées politiques, l’océan attend des preuves de fidélité. Avant que nous buvions tous ensemble la tasse.
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