Sorti le 4 mars 2016, ce nouvel album de l’Américain Ray Lamontagne explore un autre versant du genre folk rock. Baptisé Ouroboros ce disque coproduit avec Jim James, chanteur du groupe My Morning Jacket, est orienté dans une esthétique assez psychédélique.
On retrouve parmi les huit morceaux du nouvel album de Ray Lamontagne Ouroboros (nom donné à un objet ou dessin représentant un serpent ou dragon qui se mord la queue, emblème de l’éternel retour et du caractère cyclique du temps) l’influence de la musique folk-rock-blues des années 70 à savoir celle de Neil Young, Stephen Stills et autres, mais la nouveauté provient de l’utilisation de saturations vintage sur les guitares, de réverbérations profondes sur le chant, du son céleste des claviers ainsi que de durées de chansons assez longues, caractéristiques du genre psychédélique. Il y a également dans la progression des accords une grande tension, un côté lancinant et hypnotique sur les deux titres The Changing Man/ While it Beats ; on y retrouve un côté rock progressif à la Pink-Floyd. Le titre Hey, No Pressure est construit autour d’un riff blues-rock efficace auquel s’alterne une guitare lead offrant quelques phrasés bâtis sur des gammes pentatoniques avec un style et un son très seventies. Le chant quant à lui notamment sur la coda (fin du morceau) est une réelle incantation à se libérer, comme son titre l’indique, de toute lourdeur accablante.
En parallèle aux titres rock, se combinent des ballades assez élaborées et novatrices comme les deux chansons In My Own Way et Homecoming. La voix de Ray Lamontagne, chaude et suave y interprète des textes poétiques évoquant un quotidien solitaire, mélancolique mais très certainement confortable, loin du tumulte de la vie sociale moderne. Au niveau de l’accompagnement musical nous nous trouvons là face à des tempos très lents maintenus par des motifs joués aux claviers et des guitares blues très épurés. Le titre qui ouvre l’album est bâti autour d’une rythmique assez répétitive jouée à la guitare acoustique à laquelle viennent s’ajouter des interventions pianistiques. Le tout donne ici encore un côté hypnotique et psyché à un morceau d’une durée longue (près de neuf minutes) format type des premières productions de groupes comme Pink Floyd et King Crimson. Pour une référence plus récente, disons que l’esthétique de cette ballade se rapproche un peu des compositions du jeune chanteur Jacco Gardner. Les paroles sur ce morceau évoquent un état entre le sommeil et l’éveil, une rêverie, quelque chose d’inconscient, de minéral à l’image des photos de paysages désertiques rocailleux illustrant l’intérieur de la pochette du CD.
En ce qui concerne le format long et le style de certains morceaux du disque, Ray Lamontagne y fait une allusion sur le dernier titre : You’re never going to hear this song on the radio, but wouldn’t it make a lovely photograph ? En effet avec cette nouvelle production, le songwriter se démarque des conventions commerciales et du genre pop song, format qu’il a décliné talentueusement à sa manière à ses débuts et qui fit son succès. Beck fut récompensé d’un Grammy award du meilleur album de l’année pour son disque folk rock « Morning Phase » en 2015 au grand désarroi du chanteur Kanye West. Espérons donc que le monopôle tenu par les musiques hyper rythmées et parfois, avouons-le, vide de sens ne soit pas pour toujours aussi hégémonique et laisse de temps à autre une place à ce genre folk aérien qui mériterait une réelle reconnaissance du grand public.