Accueil Blog Page 263

NÉ D’AUCUNE FEMME UN CONTE TRAGIQUE DE FRANCK BOUYSSE

Lauréat de plusieurs prix littéraires, Franck Bouysse, écrivain limousin très attaché au terroir, poursuit sa rencontre avec les figures du mal pour y faire émerger sa lumière des mots et des émotions. Né d’aucune femme, son dernier roman au titre et à la couverture qui interpellent, se veut un conte tragique où une jeune enfant vendue par son père ruiné rencontre un ogre et sa mère sorcière. De cet enfer, Franck Bouysse extirpe la lumière de la rédemption et la féminité de son héroïne.

né d'aucune femme BOUYSSE

Nous sommes dans les Landes, vraisemblablement au milieu du XIXe siècle. Gabriel, un jeune curé, reçoit la confession d’une inconnue. Cette voix qu’il ne connaît pas lui annonce que, bientôt, on l’appellera à l’asile voisin pour bénir le corps d’une femme. La messagère lui fait promettre de récupérer les cahiers cachés sous la robe de la défunte.
C’est ainsi que Gabriel entame la lecture des cahiers de Rose, celle que l’on accuse d’infanticide.

Rose est l’aînée des quatre filles d’Onésime et de La Mère, un couple de pauvres paysans. Les filles ne sont pas bien utiles à la ferme. Sans plus d’espoir de faire survivre sa famille, Onésime emmène Rose, quatorze ans, à la foire de la ville voisine. Là, il la vend à un maître de forge bedonnant et bien habillé.

Franck Bouysse

Lorsque Rose arrive au château du maître de forge, elle rencontre la mère de ce dernier, une vieille dame maigre, acariâtre au sourire grimaçant et à la bouche pleine de reproches. Rose ne se doute pas encore de l’enfer qu’elle va vivre entre ces murs.
Seul, Edmond, le palefrenier qui l’incite d’ailleurs à fuir dès les premiers jours, pourra lui faire vivre un moment de bonheur inoubliable : quelques secondes de liberté sur le dos d’un cheval, moment magique, semence de rêve lui permettant de survivre aux horribles scènes qui l’attendent.

Les gens de la terre, on leur apprend à taire leur souffrance.

Rose, avec la naïveté et la curiosité de l’enfance, ne baisse jamais les bras. Les gens de rien ne sont pas maîtres de leur destin. Elle en vient parfois à croire qu’elle mérite tout ce qui lui arrive, comme une fatalité due à sa naissance.

GROSSIR LE CIEL BOUYSSE

Puis, enfermée à l’asile, Rose, initialement illettrée, comprend que les mots sont les seules choses qui peuvent sortir libres de ses doigts. En lisant le journal du maître, elle avait acquis un langage. Alors, elle « s’écrie »! Oui, elle invente ce mot qui lui convient davantage que le verbe « écrire ». C’est ce récit, que Gabriel, une quarantaine d’années plus tard nous confie.

Dans ce lieu, où Franck Bouysse nous fait sentir la mousse et la terre mélangées, à cette époque où le droit n’appartient qu’aux nantis, Rose nous livre une histoire dramatique, parfois insoutenable, d’où émergent pourtant la lumière de ses mots, sa féminité et son courage.

Né d’aucune femme est un grand roman mélodramatique où la noirceur des uns côtoie la grandeur d’âme d’une héroïne inoubliable.

Né d’aucune femme de Franck Bouysse, Éditions La Manufacture du Livre, Paru le 10 janvier 2019, 336 pages, Prix : 20,90 euros, ISBN : 978-2-35887-271-3

FRANCK BOUYSSE

Franck Bouysse est né en 1965 et partage sa vie entre Limoges et sa Corrèze natale. Sélection du Prix Polar SNCF, Grossir le ciel a rencontré un succès critique et public. Il a notamment remporté le prix Sud Ouest / Lire en poche du festival de Gradignan, le prix polar Michel-Lebrun, le prix Calibre 47 et le prix Polar Pourpres. Franck Bouysse est également l’auteur de Vagabond et Pur Sang aux éditions Écorce, et Plateau, aux éditions de La Manufacture de Livres, prix des lecteurs de la foire du livre de Brive.

BON ENTENDEUR, GROOVE ET FRANCOPHONIE

Bon Entendeur est un trio de musiciens et de DJs à l’origine de mixtapes où cohabitent musique ensoleillée et patrimoine de la culture populaire. Dans chacune d’entre elle, le groupe superpose le discours de personnalités francophones, politiciens, acteurs ou actrices, chanteuses, humoristes à une sélection pointue de titres électro chill, hip-hop, funk, disco et house. Alors qu’ils étaient de passage le 6 avril à Rennes en concert, Unidivers a eu le plaisir d’échanger avec eux.

Bon Entendeur
Bon Entendeur. De gauche à droite, Arnaud Bonet, Pierre Della Monica et Nicolas Boisseleau. Crédit : Adrien Combes.

Création et développement

UNIDIVERS — Bon Entendeur est un concept imaginé par Arnaud Bonet : des citations de personnalités de la culture française superposées à une mixtape. Comment est né le projet ?

ARNAUD BONET — J’avais une chaîne YouTube, comme Pierre d’ailleurs, où on publiait des musiques, sans avoir les droits. Nos chaînes ont donc été clôturées. Je me suis dit qu’avec un site web, on ne serait pas autant ennuyés. J’ai acheté un nom de domaine et Pierre m’a rejoint tout de suite. Au départ, c’était juste un blogue où on diffusait de la musique, une bibliothèque de liens SoundCloud.

PIERRE DELLA MONICA — Avant les mixtapes, nous faisions des playlists. Il y a eu un an entre le moment où on a créé Bon Entendeur et la première mixtape.

ARNAUD BONET — Pour cette première mixtape, sortie en 2013, on s’est amusé à utiliser le discours de DSK qui était passé au 20 h après l’affaire du Sofitel à New York. Ça a bien marché, et ça nous a donné plein d’idées.

UNIDIVERS — Y avait-il une source d’inspiration particulière ?

ARNAUD BONET — On avait entendu le sample de DSK dans le set d’un DJ sur une plage à Calvi on the Rocks. J’avais trouvé cette idée complètement dingue ! On a récupéré le discours et on l’a mis sur une musique différente.

UNIDIVERS — Nicolas Boisseleau, c’est après cette première mixtape que vous avez rejoint le projet. Qu’est-ce qui vous a motivé ?

NICOLAS BOISSELEAU — Je connaissais Pierre grâce à mon petit frère, je l’avais rencontré à Calvi on the Rocks où je travaillais, l’année où Arnaud y était aussi d’ailleurs. Je venais de terminer mes études quand la première mixtape est sortie. J’ai trouvé ça super, le discours de DSK, mais aussi le mélange des styles musicaux. Comme j’avais du temps pour moi, j’ai écrit aux gars et ça a bien marché entre nous.

UNIDIVERS — Aujourd’hui, comment vous répartissez-vous les rôles au sein du collectif ?

PIERRE DELLA MONICA — On fait tous à peu près tout. Mais Arnaud gère plus l’administratif, Nicolas la communication et le management, et moi la musique.

ARNAUD BONET — Quand on est en concert, Pierre et moi sommes sur scène et Nicolas endosse le rôle de manager.

Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.
Bon Entendeur
Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.

PIERRE DELLA MONICA — Mais on demeure polyvalents, on gère à trois nos réseaux sociaux, l’album, etc.

NICOLAS BOISSELEAU — Dans l’ensemble, la plupart des décisions sont prises à trois.

Bon Entendeur
Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.

UNIDIVERS — Cela fait plus de cinq ans que l’aventure Bon Entendeur a démarré. Quelles étapes ou quels souvenirs marquants retenez-vous ?

NICOLAS BOISSELEAU — Le premier beau souvenir c’était Saint-Barthélémy. Ça faisait cinq mois qu’on faisait des mixtapes et on a reçu un mail improbable. On était invités à jouer à une fête sur un yacht à Saint-Barthélémy. On n’y croyait pas du tout. On n’avait jamais joué en live.

PIERRE DELLA MONICA — On a appris à mixer en trois semaines avec des tutoriels, Virtual DJ, Traktor, etc.

NICOLAS BOISSELEAU — Finalement, on a passé une semaine dingue dans un cadre de rêve, avec un mec vraiment sympa qui avait une grande culture musicale et avec qui on est restés en contact. Ça nous a beaucoup motivés pour la suite.

Bon Entendeur
Page Facebook Bon Entendeur

PIERRE DELLA MONICA — C’est une question de point de vue, chacun a connu des étapes différentes. Moi ça a été le Bataclan, quand le projet avait deux ans : j’ai rarement ressenti autant de stress. Il y a eu le festival Solidays après, où j’ai ressenti cette même amertume dans l’estomac.

Bon Entendeur

NICOLAS BOISSELEAU — Pour moi, ça a été Garorock, où il y avait 35 000 personnes. C’est l’équivalent d’une ville, ça fait vraiment bizarre. Dans les étapes du projet, il y a aussi eu le fait d’intégrer peu à peu des partenaires, un tourneur, puis un second, Jordie Boillereau (Allo Floride) ici présente. Cela peut paraître anodin mais ce sont des éléments qui sont venus s’adosser à Bon Entendeur et qui font que la structure se professionnalise. Il y a eu ça, mais aussi le label : on est chez Columbia depuis six mois, c’est avec eux qu’on sort un premier album en juin.

Bon Entendeur
Bon Entendeur au festival Garorock 2018.

Les Mixtapes

UNIDIVERS — Votre premier travail est de trouver les morceaux qui composent vos mixtapes, où les cherchez-vous ?

ARNAUD BONET — Moi, c’est sur YouTube exclusivement maintenant.

PIERRE DELLA MONICA — J’ai tenté YouTube, mais je ne trouve pas l’algorithme de recommandation assez pertinent. Donc c’est à 90 % sur SoundCloud. Parfois sur des radios aussi.

NICOLAS BOISSELEAU — Et puis Shazam en soirée.

UNIDIVERS — Il est également possible de vous envoyer des morceaux directement sur votre site, par l’onglet « submit your track ». Est-ce que vous en recevez beaucoup ? Est-ce que vous en retenez beaucoup ?

PIERRE DELLA MONICA — On en reçoit beaucoup. Mais pour être franc, on n’en retient pas énormément.

UNIDIVERS — Avez-vous découvert des artistes de cette façon ?

NICOLAS BOISSELEAU — Oui, il y en a plusieurs qu’on a découverts comme ça et qu’on suit désormais sur les réseaux.

ARNAUD BONET — Mais il n’y a pas que des producteurs qui utilisent cet onglet. Des fans nous recommandent des morceaux qui ne sont pas d’eux, mais qu’ils associent à notre univers. Cet aspect collaboratif est intéressant, il y a une interaction avec notre communauté.

NICOLAS BOISSELEAU — On est aussi de plus en plus souvent tagués sur Instagram, sous des sons ou en story. C’est un autre moyen pour les gens de nous suggérer des morceaux.

UNIDIVERS — Que faut-il à un morceau pour que vous le reteniez dans une mixtape ?

PIERRE DELLA MONICA — Il faut du groove. Souvent, pour qu’on adhère à un son, il faut un élément qui dénote, des accords de piano, un solo de guitare, un break particulier, une atmosphère planante…

ARNAUD BONET — Il faut qu’il y ait du relief. Si des morceaux qu’on adore sont trop répétitifs, par exemple un sample bouclé pendant trois minutes, soit on le coupe, soit on ne le met pas. De temps en temps, on s’autorise aussi à modifier un peu les morceaux, en rajoutant un kick ou une ligne de basse, pour harmoniser l’ensemble de la mixtape.

PIERRE DELLA MONICA — On fait nos mixtapes sur Ableton Live. Les morceaux restent rarement intacts : on les coupe, on rajoute des breaks ou on les décale.

NICOLAS BOISSELEAU — On s’interdit aussi les morceaux qui ont déjà une notoriété trop importante.

ARNAUD BONET — Oui, puisque l’idée c’est de faire découvrir.

UNIDIVERS — Chaque mixtape est portée par le visage d’une personnalité célèbre. C’est un panthéon de la pop culture française que vous cherchez à faire ?

PIERRE DELLA MONICA — C’est davantage la francophonie que la France qu’on veut mettre à l’honneur. Il y a eu Benoît Poelvoorde, Romy Schneider, Jacques Brel

UNIDIVERS — Comment les choisissez-vous ?

ARNAUD BONET — Ça peut dépendre de l’actualité, de nos possibilités d’interview aussi.

PIERRE DELLA MONICA — Il n’y a pas vraiment de règle. Quand on a une idée, on en discute. On tente de voir si la personne est disponible pour une interview, ou, dans le cas contraire, s’il y a assez de contenu sur Internet pour faire une mixtape sur lui.

NICOLAS BOISSELEAU — Ça peut être une personnalité qu’on a entendue sur les réseaux et qu’on trouve intéressante. Parfois, quand on hésite, on fait voter notre public sur Instagram et sur YouTube.

PIERRE DELLA MONICA — Par exemple, on a fait un sondage pour départager Édouard Baer et Jean Rochefort. On était certains qu’Édouard Baer gagnerait.

PIERRE DELLA MONICA — J’avais récupéré des interviews, je l’avais contacté. Finalement, Jean Rochefort a gagné de peu. Il est passé en tête sur les deux sondages. Mais on est très contents quand même, car c’est un monument du patrimoine français.

UNIDIVERS — Chaque mixtape a aussi un titre qui renvoie souvent à une valeur. Comment est-ce vous associez ces valeurs aux personnalités ?

NICOLAS BOISSELEAU — Dans les discours, il y a souvent une notion qui ressort.

ARNAUD BONET — Le mot en question peut être prononcé.

NICOLAS BOISSELEAU — Ou alors c’est seulement évoqué, ça forme une sorte d’ambiance. En tout cas, on choisit toujours le thème après avoir sélectionné les discours et s’en être bien imprégnés.

UNIDIVERS — C’est un éventail de valeurs dans lesquelles vous vous reconnaissez ?

ARNAUD BONET — Non.

NICOLAS BOISSELEAU — Oui et non.

PIERRE DELLA MONICA — Si !

ARNAUD BONET — On n’assume pas toutes les idéologies des personnalités qu’on sélectionne.

PIERRE DELLA MONICA — Lesquelles ?

ARNAUD BONET — Alain Delon, Brigitte Bardot

PIERRE DELLA MONICA — On n’assume pas tout ce qu’ils ont pu dire. Mais ce que dit Delon dans la mixtape, je l’assume complètement !

ARNAUD BONET — On ne veut pas faire comprendre aux gens que c’est ce qu’on pense. On met en lumière un discours, une façon de pensée et le relief de ce qu’ils disent, sans pour autant que ce discours soit le nôtre.

PIERRE DELLA MONICA — Mais si on n’assume pas un discours, on ne le met pas dans la mixtape.

NICOLAS BOISSELEAU — On ne cautionne pas forcément la personnalité dans son entièreté, mais le discours qu’on a sélectionné et qu’on trouve charismatique.

UNIDIVERS — Justement, cette idée de charme revient souvent…

NICOLAS BOISSELEAU — Ce sont des gens qui ne laissent pas indifférent. Robert Badinter, par exemple, n’est pas forcément charismatique, Simone Veil non plus. Mais ce sont des gens éloquents, dont le discours a une certaine portée.

PIERRE DELLA MONICA — Des gens qui ont mené des grands combats dans leur vie.

NICOLAS BOISSELEAU — Il n’y a pas un unique qualificatif qui définit pourquoi on retient ces discours. Ça peut être le charisme, l’éloquence, la trace qu’ils ont laissé dans le patrimoine francophone, c’est assez vaste. Mais en tout cas, ce sont des valeurs nobles.

UNIDIVERS — Comment glanez-vous les discours ?

ARNAUD BONET — Parfois, on parvient à les interviewer en studio. Le premier, c’était PPDA en 2015. Ensuite, on a eu Oxmo Puccino, Richard Bohringer, Frédéric BeigbederFary, et le dernier, Pierre Niney.

Bon Entendeur PPDA
Interview de PPDA par Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.
Fary Bon Entendeur
Interview de Fary par Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.
Bon Entendeur Pierre Niney
Interview de Pierre Niney par Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.

NICOLAS BOISSELEAU — Pour la mise en relation, on se débrouille. PPDA c’était par Twitter par exemple.

ARNAUD BONET — Une seule règle : pas avec les agents. Comme ils n’ont pas d’argent à se faire ils disent non.

PIERRE DELLA MONICA — C’est un schéma qu’ils ne comprennent pas. Ce n’est pas pour une pub, pas pour un film, ce n’est pas de la promo non plus, c’est pour de la musique.

NICOLAS BOISSELEAU — Et sinon, quand il faut faire des recherches, on se répartit le travail. Ça peut être sur l’INA. Moi j’aime bien chercher des éléments dans des podcasts. Radioscopie, l’émission de Jacques Chancel, est un monument de la radio qui nous permet de trouver plein de pépites pour les personnalités un peu âgées.

UNIDIVERS — N’avez-vous jamais de problèmes avec les droits d’auteur ? Par exemple, dans « L’Anticonformisme », la playlist avec Alexandre Astier où il y a beaucoup de citations de Kaamelott.

https://www.youtube.com/watch?v=kG7MLuxYXo0&t=2546s

PIERRE DELLA MONICA — Non, Astier nous avait même retweeté.

ARNAUD BONET — On ne vend pas nos mixtapes, le site est gratuit, l’application aussi. Il n’y a pas de pubs, on ne fait vraiment pas d’argent avec, c’est un outil promotionnel.

NICOLAS BOISSELEAU — C’est relativement inattaquable. À aucun moment on ne porte préjudice à la personne qu’on met à l’honneur, il n’y a pas de diffamation. En plus il existe en France un droit à l’hommage, à la caricature, et le droit à la citation. Mais parfois c’est pour les morceaux qu’on utilise qu’on peut avoir des soucis.

UNIDIVERS — Votre première mixtape portait sur DSK

PIERRE DELLA MONICA — C’est un peu un OVNI en fait, c’est la seule mixtape qui n’est pas un hommage. On enfonce sa langue de bois.

ARNAUD BONET — Oui, il y a la petite flûte de pan derrière…

UNIDIVERS — Une mixtape avec Emmanuel Macron serait-elle envisageable ?

Bon Entendeur
Bon Entendeur. Crédit : Adrien Combes.

(rires)

ARNAUD BONET — C’est drôle que vous parliez de ça, car pendant la campagne présidentielle son équipe nous avait approché pour qu’on fasse une mixtape. On a refusé. Macron, c’est clairement pas possible. Mais au même titre que Mélenchon, Le Pen ou Fillon : on ne veut pas rentrer dans le prisme de la politique, ça ne nous intéresse pas.

NICOLAS BOISSELEAU — Les seuls politiques qu’on utilise sont soit morts, soit hors du jeu politique.

PIERRE DELLA MONICA — On avait quand même pensé à Nicolas Hulot, parce que l’écologie nous touche particulièrement. Ça dépasse la politique, c’est plus important.

La Production : un album en préparation

UNIDIVERS — Vous vous êtes aussi lancés dans la production, avec quelques remixes déjà parus sur votre Soundcloud. Vous avez aussi un projet d’album pour juin, de quoi sera-t-il composé ?

ARNAUD BONET — D’un côté, il y aura des remixes de chansons du patrimoine francophone des années 1960 et 1970. De l’autre côté, ce sont des productions qui reprennent l’idée des mixtapes, avec l’interview d’une personnalité.

NICOLAS BOISSELEAU — On retrouvera la structure d’une mixtape, avec un début en douceur, ça s’ambiance et ça redescend tranquillement vers la fin.

UNIDIVERS — Quelles personnalités retrouvera-t-on dans l’album ?

PIERRE DELLA MONICA — On entendra PPDA, Pierre Niney et Beigbeder… Il y a aussi un morceau dont on n’est pas sûrs encore.

NICOLAS BOISSELEAU — C’est l’objet d’une négociation entre les majors et ayants-droit. On a aujourd’hui treize morceaux prêts, et un quatorzième, qui serait l’outro de l’album, pour lequel il y a encore des discussions entre Universal et Sony. Si jamais ça sort, ce serait un format hybride, entre le remix et la récitation d’un poème de Paul Éluard récité par Anna Karina dans Alphaville (1965) de Jean-Luc Godard. Pour des questions de droit, on a fait réciter ce poème par une autre actrice, Leslie Medina. L’album paraîtra chez Columbia, le 7 juin.

UNIDIVERS — Merci à vous, Bon Entendeur, on vous souhaite une excellente tournée !

Bon Entendeur

Tout est résumé par les garçons dans cette vidéo ! Avec des images de leur concert au festival Mythos et un plan de notre entrevue dans leur loge caravane.

Bon Entendeur

Site Internet

Facebook

Communauté

Bon Entendeur

QUAND KLIMT BOUSCULE LE DESTIN DE LUCIE, ROMAN PERCUTANT DE MARTINE MAGNIN

Une exposition au Grand Palais sur le peintre viennois mondialement connu Gustav Klimt. Événement que ne peut rater Lucie, qui y entraîne son père, dans une joie presque indicible puisqu’ils sont de grands admirateurs de l’artiste. Oui mais ce serait sans compter avec l’ingéniosité dévastatrice de quelques fous…

LE BAISER DE GUSTAV KLIMT

Le père et la fille, comme bon nombre d’innocents, se retrouvent au mauvais lieu au mauvais moment : le métro ce jour-là. On comptera des dizaines de victimes d’un terroriste après l’explosion d’une bombe. Le père meurt et Lucie, elle, se retrouve dans un profond coma sur un lit d’hôpital.

KLIMT
Jardin au crucifix 1911. Oeuvre détruite en 1945 au château d’Immendorf

La famille est réunie autour la jeune femme, maman de deux petites jumelles, en espérant qu’elle recouvre rapidement la santé. Mais les médecins, scientifiques et cartésiens dans l’âme sont plus réservés. Il faudra du temps, beaucoup de temps et ce, sans assurance qu’elle sorte un jour de cet état.

KLIMT
L’arbre de vie fresque murale 1905-1909. Palais Stoclet, Bruxelles, Belgique

Mais pendant ce temps, dans la tête de Lucie, il se passe bien des choses, un véritable voyage intérieur entre les différentes périodes de la vie artistique de Klimt et ce néant, ce sentiment d’emprisonnement qu’elle ne comprend pas. Même au cœur du coma, Lucie échange avec son père, avec ceux qu’elle aime, quand elle parvient à les identifier. Les jours passent, les semaines s’égrènent, parviendra-t-elle à la fin de ce voyage ou s’enfoncera-t-elle définitivement dans l’oubli ? Il faudra se plonger dans Le baiser de Gustav pour le savoir…

KLIMT
Les trois âges de la femme 1905. Galleria Nazionale d’Arte Moderna, Rome, Italie

D’un fait finalement cruellement divers, Martine Magnin nous propose par un jeu de mise en abîme de cohabiter entre le quotidien presque surréaliste de Lucie et de l’artiste Gustav Klimt qui a développé, via son art, la thématique de la femme, dans sa relation aux autres, aux hommes, à la maternité, à elles-mêmes, qui a sublimé les corps, les érotisant par sa peinture, ses ambiances, ses propres résonances, ses propres fantasmes picturaux.

KLIMT MAGNIN
Mort et Vie 1908-1911. Leopold Museum, Vienne, Autriche

Enfin ce roman est aussi un prétexte louable pour convoquer les personnages comme le lecteur sur la propension à la résilience, la filiation et la renaissance. Comme quoi quand on pense que tout s’arrête, on peut être surpris parce que tout commence. Différemment. On peut donc croire parfois, souvent, à la lumière…

Le Baiser de GustavMartine Magnin – Éditions Pierre Philippe – 190 pages
Parution : avril 2019.  Prix : 19,00 €.

Couverture : Le Baiser © Klimt – Photo auteure Martine MAGNIN © DR

MARTINE MAGNIN

Martine Magnin est passionnée de sémantique, de philosophie, de psychologie, et d’antiquités. Fille de l’historienne et écrivaine Maguelonne Toussaint Samat, elle a vécu toute son adolescence à L’Isle-Adam. Elle se consacre aujourd’hui à l’écriture, après avoir consacré sa carrière à la communication sous toutes ses formes au service des entreprises et des institutions. Le Petit Livre Rouge des Meilleurs Vœux (2014) est son premier essai publié.

LES YEUX DE LA PAROLE OU L’HISTOIRE D’UNE HISTOIRE

Mardi 2 avril, en partenariat avec les Amis du Monde Diplomatique et l’Université Rennes 2, l’Arvor a diffusé Les Yeux de la parole. Réalisé par Jean-Marie Montangerand et David Daurier, ce documentaire relate l’expérience d’une classe de collégiens aixois qui assiste à la création d’un opéra en langue arabe. Cette œuvre, inspirée de fables millénaires réécrites par Fady Jomar, un poète syrien en exil, exalte les liens entre les peuples dans l’Histoire.
Nous avons rencontré les documentaristes et le poète qui nous ont éclairés sur le sens qu’ils donnent à leurs œuvres respectives.

yeux parole

En s’intéressant à la création d’un opéra en langue arabe sous le regard d’élèves d’un collège français, Les yeux de la parole approche autant la question de la création des œuvres que celle de leur transmission. D’où viennent les histoires ? Comment ont-elles voyagé ?

C’est l’histoire d’une histoire

Au cœur du documentaire de Jean-Marie Montangerand et David Daurier se trouve un opéra en cours de création. Étonnamment, le parcours de cette œuvre nous ramène à des temps immémoriaux.

Intitulé Kalîla wa Dimna, l’opéra est mis en scène en 2016 par le Palestinien Moneim Adwan à partir d’une réécriture par le Syrien Fady Jomar du recueil du Perse Ibn-al-Muqaffa composé il y a… plus de 1200 ans. Lui-même fut grandement inspiré du Panchatantra, recueil indien de contes et de fables animalières, rassemblé des siècles plus tôt et qui inspira également « notre » Jean de La Fontaine. Tout ici semble histoire d’écriture et de réécriture, de langage et de traduction, d’interprétation et d’actualisation.

yeux parole
Kalîla wa Dimna, fables et contes écrites par Ibn al-Muqaffa vers l’an 750.

« Lorsqu’on connaîtra l’ouvrage, on sera assez enrichi pour se passer de tout autre. Si on ne le connaît point, on ne pourra en tirer profit et l’on sera comme cet homme de la fable qui, une nuit, jeta dans le noir une pierre, sans savoir où elle tombait, ni pourquoi il avait fait ainsi ». Ibn Al Muqaffa à propos du Kalila wa Dimna

Les fables présentes dans Kalîla wa Dimna (VIIIème siècle) — à la manière de celles de La Fontaine — sont conçues comme des leçons de vie et dénoncent, sous couvert de leur apparence triviale, les travers humains et la société de leur temps. En 2016, ce sont des collégiens de la banlieue d’Aix-en-Provence qui découvrent ces œuvres millénaires dans une forme modernisée.

Le cheminement des récits à travers les âges, les époques et les peuples, c’est ce que le documentaire Les Yeux de la parole cherche à représenter. Pour se faire, il se positionne tantôt dans l’œil des élèves, tantôt en spectateur des musiciens, acteurs et metteurs en scènes de l’opéra co-écrit par Fady Jomar.

yeux parole
Kalîla wa Dimna, opéra écrit par Fady Jomar en 2016.

Le poète

Fady Jomar est un poète syrien exilé au Liban, en Turquie et enfin en Allemagne pour fuir le régime de Bachar el-Assad. En 2016, alors qu’il travaille comme cuisinier à Berlin, Moneim Adwan lui propose d’adapter pour un opéra certaines fables de Kalîla wa Dimna, fleuron de la littérature moyen-orientale. Fady Jomar accepte la réécriture, à une condition toutefois : que l’opéra soit une version revisitée de ces fables historiques.

Pour lui, intemporelles, ces œuvres peuvent et doivent être adaptées au contexte contemporain : « C’est une manière pour moi de dire que ce qui est arrivé dans l’Histoire continue d’arriver maintenant. Peut-être que les outils ont changé, les moyens ont changé, mais les mêmes événements surviennent ». Disant cela, Fady Jomar pense évidemment aux crimes perpétrés par le pouvoir syrien contre son peuple. En effet, l’histoire que le poète décide de réactualiser est celle d’un roi, d’un écrivain et du meurtre d’un peuple. Difficile de ne pas voir les liens entre fictions et réalité.

kalila wa dimna

En réécrivant l’œuvre plutôt qu’en la traduisant mot à mot, le poète l’adapte à son temps et à son public : « Contrairement à l’œuvre originale, je ne voulais pas mettre en scène des animaux. Les animaux ont servi de masque à l’auteur, car il avait peur d’être tué. Nous, n’avons plus peur. Alors nous n’avons plus besoin de masques, nous écrivons ce que nous voulons ».

« Il est écrit que des gouttelettes de sueur perlent sur le front de la parole,

Et que cette parole transforme les rêves des gens en encre bleue étalée sur des feuilles.

Il est écrit que celui qui adore son pays donnera de la chaleur protectrice à ses enfants. » Fady Jomar, Kalîla wa Dimna, scène 9 (2016)

Les murs de vent

Les yeux de la parole évoque donc ces histoires qui s’actualisent en permanence, au gré de l’Histoire, comme l’expriment Jean-Marie Montangerand et David Daurier, les deux réalisateurs du film : « La finalité de notre film n’est pas de faire découvrir cet opéra, mais de contempler la résonance que l’actualité donne à des histoires écrites il y a plus de mille ans ». Une partie du mystère de leur transmission, malgré les frontières — qu’elles soient physiques ou linguistiques —, est percée à jour par le film.

yeux parole

Quels liens toutefois pourraient se tisser entre des collégiens français et l’opéra écrit par Fady Jomar ? Les thématiques historiques et politiques de l’œuvre, racontées et chantées en langue arabe par des acteurs étrangers… autant de frontières « infranchissables » entre une œuvre et son jeune public. Ce sont ces frontières que les professeurs et les médiateurs, sous l’œil de la caméra, vont chercher à déconstruire.

« Comment cette histoire est arrivée jusqu’à vous ? Elle a fait comme le personnage de l’histoire, elle a traversé les frontières et traversé les passages piétons. » Les yeux de la parole

 

Ils se servent pour cela autant d’enseignements formels (analyse de fables, cours d’Histoire, de Géographie) que de liens préexistants entre les élèves et l’œuvre, cherchant à piquer leur curiosité. Beaucoup d’enfants de la classe ont des origines maghrébines ou orientales que l’école ou leur famille ne leur ont pas offert d’explorer ; si bien qu’ils ignorent tout de cette autre culture. Certains se montrent même incapables de retrouver leur pays d’origine sur une carte du monde.

yeux parole

Jean-Marie Montangerand (co-réalisateur) voit son expérience dans cette classe de collège comme un révélateur d’une culture française en repli : « La culture arabe est une culture dont on les distancie. Beaucoup de parents refusent d’apprendre cette langue à leurs enfants. Il y a des enfants qui connaissent la langue arabe, mais n’osent pas l’employer en classe, car ils en ont honte, parce qu’on stigmatise cette langue et cette culture ».

Au cours du film, nous assistons à la transformation progressive de cette ignorance en curiosité, jusqu’à la rencontre virtuelle organisée entre la classe et Fady Jomar, où les regards se tendent et les questions fusent. Ce sont d’abord des questions maladroites : « — Pourquoi vous avez choisis l’Allemagne ? (…) Vous avez pris l’avion ou vous êtes partis à pied ? ». Puis d’autres, davantage en lien avec l’œuvre : « — Pourquoi vous êtes partis en prison ? » ; « Est-ce qu’il y a un lien entre vous et Chatraba [personnage du livre] ? ». Cette rencontre, comme d’autres qui ponctuent le film, révèle à la fois le fossé entre les hommes et la possibilité de franchir ce gouffre, de créer des ponts ; tout en laissant libre le spectateur de penser si cette approche scolaire peut s’avérer réellement efficace.

yeux parole

Dans un film qui ne cherche pas à convaincre de la grande réussite de l’opéra, ou de l’initiation culturelle scolaire, nous assistons en réalité à la mise en lumière du voyage spatial et temporel des œuvres, des histoires qu’elles contiennent. Le récit du film est celui des histoires qui se ressemblent et se déplacent, malgré les frontières humaines qui font rempart à leur voyage.

« Si vous tuez un poète, mille chansons lui survivront », Fady Jomar.

Profondément lumineux, Les yeux de la parole nous parle donc, sans lyrisme, d’ouverture à l’Autre, ainsi que de rendre à tous les langages (français, arabe, musique, images…) leur naturel pouvoir de circulation. David Daurier (co-réalisateur) nous livre d’ailleurs que « le premier titre qu’on avait choisi c’était Les Murs de vent. C’est un terme tiré d’une poésie de Fady Jomar, qui signifie : les frontières invisibles qui font que les textes, les idées, les mots peuvent traverser les frontières… mais les hommes non. ».

yeux parole

Les prochaines projections en présence de l’équipe du film.

Le blog du film.

FESTIVAL PANORAMAS, DE L’ÉLECTRO PLEIN LA VUE ET LES OREILLES

Organisé à Morlaix par l’association WART depuis 1998, le festival Panoramas est un pilier de la musique électronique en Bretagne. Combien de lycéens y ont fait leurs premières armes, leurs premiers pas dans cette culture ! Unidivers a eu la chance de s’entretenir avec Eddy Pierres, directeur de WART, et Joran Le Corre, programmateur, pour découvrir l’histoire du festival et les détails de cette 22e édition.

FESTIVAL PANORAMAS

Un peu d’Histoire vous fera pas de mal !

UNIDIVERS — Le festival Panoramas célèbre sa 22e édition cette année, pouvez-vous revenir sur la naissance du projet et sur ses évolutions ?

EDDY PIERRES — Le projet est né alors même que quelques-uns des fondateurs — Joran (directeur artistique), Lionel (Fortune/Abstrackt Keal Agram & DJ résident de Panoramas) et moi-même (directeur) — n’étions que lycéens ou jeunes étudiants. Festival de copains qui voulaient animer la ville dont nous étions originaires : Morlaix. Nous avons créé l’association WART pour organiser Panoramas#1 en 1998. Peu à peu, quelques amis nous ont rejoints, dont beaucoup font encore partie de l’aventure. À la première édition, nous avions fait jouer les groupes du coin, ceux qui répétaient à la MJC de Morlaix notamment, dans les bars morlaisiens.

Puis, la deuxième année, nous avons invité un groupe professionnel, Sloy, au Coatelan (Plougonven) un club mythique de la région. Ce fut ensuite l’installation au parc des expositions de Langolvas, en parallèle des concerts dans les bars et autres événements en centre-ville que nous avons maintenus.

Puis, il y a eu le virage plus net vers les musiques électroniques avec les premiers passages dans le grand Ouest de Vitalic que nous avons accueilli en 2002, ou de Justice en 2006. Nous avons alors travaillé à favoriser l’accessibilité du festival : implantation d’un camping éphémère en 2010, développement des transports en commun (navettes, offre TER…). En parallèle, nous avons voulu améliorer la qualité d’accueil des festivaliers, la décoration et l’aménagement du site de LANGO, progressivement passé de deux à quatre scènes pour couvrir l’intégralité du spectre des musiques électroniques, de l’artiste émergent à la tête d’affiche. De 4 à 6 000 spectateurs accueillis en moyenne dans le début des années 2000, Panoramas a atteint la jauge de 30 000 spectateurs ces dernières années !

FESTIVAL PANORAMAS MORLAIX
© Skyroad production
FESTIVAL PANORAMAS MORLAIX
© Éric Tanguy

VITALIC, de retour à Panoramas, fera office de fil rouge de cette édition en se produisant le vendredi et le samedi pour présenter ses deux tout nouveaux projets : KOMPROMAT (en duo avec REBEKA WARRIOR) et son projet solo DIMA.

UNIDIVERS — Quels moments forts retenez-vous de cette histoire ?

EDDY PIERRES — Le premier passage de Vitalic symbolise bien le virage du festival vers les musiques électroniques et l’esprit « Panoramas » au travers du live qu’il nous avait alors livré, à la fois très rock’n’roll mais aussi mental et techno. La venue de Justice, à l’aube de leur succès mondial, en DJ set à Coatelan dans un club plein comme un œuf restera un fabuleux souvenir. Je peux évoquer aussi ce même club Coatelan investi par un Sebastien Tellier très inspiré servant des bières derrière le bar en fin de concert ! En 2000, la création du projet Abstrackt Keal Agram, le premier groupe que fera tourner WART. Citons encore la première venue de Brigitte Fontaine, enfant du pays, en 2001 (que nous accueillons à nouveau cette année). Ou Alain Bashung pour deux soirées d’émotions et de frissons au théâtre du Pays de Morlaix en 2005. La venue des mythiques Public Enemy en 2007 et Flavor Flav déambulant avec sa célèbre pendule au cou dans les rues de la ville ! Le live apocalyptique de Sexy Sushi au grand hall à Lango en 2010 au cours duquel un cochon mort est suspendu sur scène ! Ou bien encore tous les artistes majeurs de la scène techno, électro, hip-hop que nous avons eu l’occasion d’accueillir : Paul Kalkbrenner, Dj Shadow, Wu Tang Clan, Jeff Mills, 2 Many Dj’s (de retour cette année), Laurent Garnier et beaucoup d’autres et bien sûr, sans oublier Sven Väth cette année !

En 2003, 2 Many Dj’s popularisait l’exercice du mash up avec « As Heard On Radio Soulwax », mix fou d’une petite heure qui faisait se caramboler pas moins d’une centaine de courts extraits musicaux (des Stooges à Salt-N-Pepa en passant par New Order ou Vitalic). Ils dynamitaient alors pour de bon les genres et les chapelles musicales. Hyperactifs, les frères Dewaele n’ont pas jamais chômé depuis, remixant les plus grands noms de la planète électro, montant leur propre station de radio, leur label… Ils joueront vendredi 12 avril dans le grand hall.

https://www.youtube.com/watch?v=2f4ZN-_-pvA

Originaire de Francfort, Sven Väth est l’une des plus fortes incarnations de la scène techno. Pionnier parmi les pionniers, connu pour son endurance aux platines (jusqu’à 24 h de set !), Sven Väth est un DJ et producteur adulé de part et d’autre du globe. D’abord chanteur dans les années 80, il se réinvente en DJ et producteur de musique électronique, devenant l’un des acteurs essentiels de l’émergence de la trance et de la techno allemande des années 90. Il jouera samedi 13 avril dans le grand hall et le dimanche 14 avril au Tempo.

Accompagner les artistes

UNIDIVERS — L’association Wart est aussi une boîte de booking, quand et comment a vu le jour cette évolution, qu’est-ce qui l’a motivée ?

EDDY PIERRES — La base en est le concert qui devait constituer une date unique d’Abstrackt Keal Agram lors des premières éditions du festival. Mais le concept et le live d’A.K.A ont alors tellement plu aux spectateurs que le groupe a décidé de continuer l’aventure et que WART a proposé de leur trouver des dates de concerts. C’est ainsi que nous avons commencé la tournée. De fil en aiguille, à travers A.K.A ou le festival Panoramas, nous avons rencontré d’autres artistes : Psykick Lyrikah, Robert Le Magnifique, X Makeena… que nous avons aussi accompagnés pour leur développement et leur booking. Nous avons aussi rencontré Rodolphe Burger aux Vieilles Charrues (festival avec lequel nous avons une longue et belle histoire d’amitié) qui nous a proposé d’organiser sa tournée ! Puis il y a eu Yelle, dont nous avons été le premier tourneur en France et les choses se sont enchaînées à tel point que cette partie, à la base secondaire, est devenue notre travail principal et représente aujourd’hui deux tiers de l’activité de la structure. Cette activité de tournée qui s’étend sur toute l’année nous a permis de prolonger l’aventure du festival et de développer notre activité au-delà du temps de l’événement. Cela nous a permis aussi de trouver un certain équilibre financier et de développer la professionnalisation de notre structure qui a longtemps reposé sur un investissement uniquement bénévole.

https://www.youtube.com/watch?v=oWSs2F6lCtw

Fer de lance de l’électro hip-hop en France au début des années 2000 avec trois albums incontournables au compteur, les deux compères bretons ont chacun fait leur chemin depuis : alors que Lionel Pierre tentait de mettre son groupe Fortune sur les rails de Phoenix, Tanguy Destables officiait lui principalement en tant que producteur sous l’entité Tepr, pour son propre compte comme pour celui d’artistes, dont Yelle. Arm, en featuring sur ce morceau, était membre du groupe de hip-hop Psykick Lyrikah.

UNIDIVERS — Comment s’articule l’activité de booking à la structure associative ?

EDDY PIERRES — Tout est intimement lié chez nous puisque, comme je l’expliquais précédemment, le festival a nourri nos rencontres avec les artistes et chaque année Panoramas met en avant des artistes WART accompagnés en tournée : Salut C’est Cool, Elisa Do Brasil, Arnaud Rebotini, Acid Arab, Sirap… sur l’édition 2019 par exemple. Pour autant, au vu du développement de nos activités aujourd’hui, les choses sont forcément organisées de manière différente, avec notamment l’installation d’une antenne parisienne de WART pour travailler la tournée et les nombreuses productions parisiennes (un Zénith de Jeanne Added ce mois-ci notamment). Mais nous aimons préserver un esprit « famille » qui fait partie de notre ADN, de notre histoire. Nous revendiquons fièrement la présence de nos artistes sur le festival et le lien intime existant avec beaucoup d’entre eux.

UNIDIVERS — Votre roster compte environ 80 artistes, comment s’est-il développé ?

EDDY PIERRES — Nous accompagnons aujourd’hui beaucoup d’artistes, mais nous refusons aussi des projets, avec parfois un certain regret. Si nous souhaitons continuer à bien faire notre travail d’accompagnement, il est nécessaire de préserver cette proximité avec nos artistes, de maîtriser notre développement même si c’est toujours frustrant de refuser des projets, surtout au vu de la richesse de la scène musicale française actuelle. C’est un jeu d’équilibriste puisqu’un développeur d’artistes se doit de découvrir et d’accompagner régulièrement de nouveaux musiciens qui deviendront peut-être les Jeanne Added, Naïve New Beaters ou Salut C’est Cool de demain !

UNIDIVERS — Y a-t-il des critères artistiques, ou autres, particuliers ?

EDDY PIERRES — Surtout pas de critère ! Si ce n’est que nous n’accompagnons pas la pratique amateur ni même le développement local et régional puisque le but de WART aujourd’hui est d’accompagner des projets qui ont un fort potentiel de développement au niveau national et international (Acid Arab est le groupe français qui a le plus joué à l’étranger en 2017 !). Mais le projet SE/cW permettra prochainement d’être attentif aussi à l’accompagnement de la scène locale et bretonne.

Mêler les sonorités orientales à la musique électronique : voilà l’idée un peu folle qui a réuni Guido Minisky et Hervé Carvalho en 2012. En s’affranchissant des frontières musicales, Acid Arab s’est ouvert les portes du monde entier. Ces membres de la famille Wart, habitués du festival, viendront clore cette 22ème édition. Ils joueront le dimanche 14 avril au Tempo.

Programmation 2019

UNIDIVERS —  La programmation de cette édition est présentée comme un panoramas des tendances internationales de la musique électronique, en quoi l’est-elle ?

JORAN LE CORRE — Presque tous les styles de musiques électroniques sont représentés. À Panoramas, on peut ainsi écouter de la techno, de la trance, de la house, de la bass music, de l’électro… mais aussi du rap et parfois de la chanson (je pense à Brigitte Fontaine cette année). Beaucoup des artistes sont émergents et constituent des paris pour l’avenir. On pense à Sara Zinger, Oktober Lieber, Mézigue, Regal, Identified Patient, Darzack

Jeune héritière de l’esprit du mythique Pulp, Sara Zinger perce en tant que DJ et productrice. Nouveau tournant en 2017 : Sara se lance dans des titres électro-pop aux accents new wave sur lesquels elle pose sa voix. Le vendredi 12 avril, au Klub Explorer, elle dévoilera les morceaux d’un premier album à paraître.

Oktober Lieber est le projet de Charlotte Boisselier et Marion Camy-Palou, deux productrices issues de la scène post punk et électro. Inspirées par la minimal wave eighties et la techno de Detroit des années 90, les deux parisiennes érigent un édifice techno pop aux accents industriels. Sur scène, les deux jeunes femmes se produisent côte à côte, triturant leurs machines à quatre mains pour offrir des performances hypnotisantes et radicales. Elles joueront le samedi 13 avril au Klub Explorer.

Inclassable, agité, Mézigue est un véritable empêcheur de tourner en rond. Une attitude salvatrice dans le petit cercle parfois trop policé de la house française. Épaulé par ses amis du label DKo dans cette entreprise de démolition rigolarde, Mézigue mélange avec aisance house, techno, acid avec une inventivité toujours renouvelée. Il jouera le samedi 13 avril au club sésame.

Frâichement arrivé d’Espagne à Berlin, Regal devient le plus jeune artiste ibérique à se produire dans le temple de l’électro allemande, le Berghain. Aussi bien influencé par Emmanuel Top que par Richie Hawtin, Regal trousse des tracks techno à l’efficacité redoutable qui oscillent entre trance et acid techno. Il jouera le samedi 13 avril au club sésame.

Apparu sur la scène électronique amsterdamoise en 2016, Identified Patient est l’une des meilleures incarnations de la nouvelle garde techno néerlandaise. Grand échalas blond de 25 ans, Job Veerman – de son vrai nom – pratique une techno singulière, aussi sombre que suave. Progressives, les productions du hollandais avancent à pas de loup pour mieux vous happer et vous entraîner toujours plus loin dans la transe. Il jouera le samedi 13 avril au Klub Explorer.

Théo Rocca débute le piano et la batterie tout gamin. Âgé de 20 ans, s’il a troqué son piano contre des synthés et des boites à rythme, le producteur garde toujours une paire de baguettes à portée de main. Pour son live techno, qui navigue entre les sonorités acid et afro, DARZACK s’entoure de percussions électroniques pour offrir une véritable performance scénique. Il jouera le samedi 13 avril au Klub Explorer.

FESTIVAL PANORAMAS

UNIDIVERS — Pourtant, peu d’artistes house comptent dans la programmation de cette année, c’est un choix ?

JORAN LE CORRE — Ce n’est pas un choix à proprement parler… Mais c’est vrai que nous songeons à dédier une scène à ce style pour les prochaines éditions. Les musiques électroniques fonctionnent par vagues. On sent parfois un renouveau de la trance, de la bass music, de la techno… La house fédère à nouveau énormément, une scène dédiée serait une bonne idée !

UNIDIVERS — Quels artistes êtes-vous particulièrement content de programmer cette année ?

JORAN LE CORRE — On peut dire que nous sommes très fiers d’avoir réussi à programmer Sven Väth ! Parce que c’est une légende de la techno à travers son label Cocoon, ses résidences, ses performances… Très heureux également d’avoir des artistes émergents comme Johan Papaconstantino, Oktober Lieber, un des premiers lives de KOMPROMAT, le premier d’Onyvaa, Columbine, Regal, la classe techno de Reinier Zonneveld

L’été 2017, tous ceux qui sont tombés sur « Pourquoi tu cries?? », premier titre de Johan Papaconstantino, se sont probablement demandé : mais d’où sort ce chanteur vocodé, avec sa vibe orientale et ses sonorités électro-funk tout droit sorties d’un after à Athènes… ? Depuis, le Marseillais s’est progressivement dévoilé à travers quelques nouveaux morceaux, dont l’enivrant « J’sais pas ». À découvrir de toute urgence ! Il jouera le dimanche 14 avril au Tempo.

https://youtu.be/Yu3yNPHNYA8

Le terme russe « Kompromat » signifie « dossier compromettant ». Rien d’étonnant à ce que Vitalic et Rebeka Warrior aient choisi ce nom pour leur collaboration. Eux qui nous promettaient déjà « La mort sur le dancefloor » sont résolus à se compromettre à nouveau en duo, cette fois pour un projet électro-indus inspiré de la vieille techno berlinoise. Ils joueront le vendredi 12 avril au club sésame.

Californienne installée à Paris, ONYVAA est en train de se hisser parmi les grands de la scène techno européenne. Après s’être formée à la production à Amsterdam, la jeune femme crée son propre label, Passeport, pour s’offrir la possibilité de créer en toute liberté. Adepte d’une techno mentale aux textures organiques sans fioriture, ONYVAA insuffle une immense dose de fraîcheur et d’énergie dans chacun de ses sets. Elle jouera le samedi 13 avril au club sésame.

Véritable OVNI dans le monde du rap français, le collectif rennais Columbine a fait du chemin depuis le « fond de la classe » au lycée Bréquigny, où tout a commencé en 2014. Leurs visages ont changé. Mais surtout, ils assument désormais sans détour une sensibilité à fleur de peau. La maturité peut-être ? Columbine prend aujourd’hui toutes les libertés dans l’écriture et la production, comme pour balancer un espoir rageur à la face de leurs désenchantements. Ils joueront le vendredi 12 avril au grand hall.

Le Néerlandais Reinier Zonneveld a commencé le piano classique dès son plus jeune âge. Il découvre la musique électronique à 20 ans et, fasciné, fait l’acquisition de ses premières machines. Fort de ses précoces connaissances musicales, il crée sa propre musique : une techno aux basses puissantes augmentée de délicates mélodies de synthétiseurs. Travailleur acharné, il est repéré par les plus grands noms de la scène techno, sortant des morceaux sur les labels de Carl Cox et Richie Hawtin. Il jouera le samedi 13 avril au grand hall.

FESTIVAL PANORAMAS

UNIDIVERS — Vous intégrez aussi la scène locale en programmant le collectif La Menuiserie en back to back avec Salut c’est cool. Comment est venue cette idée ?

JORAN LE CORRE — Salut C’est Cool fait parti des artistes que nous accompagnons. Ils ont donc beaucoup joué à Morlaix, que ce soit sur Panoramas ou pour nos organisations annexes… À force de venir ici, ils ont sympathisé avec le collectif La Menuiserie. C’était pour nous une évidence de les faire jouer ensemble ! Ils s’entendent bien, aiment les mêmes sons, ce devrait être un grand moment !

Salut C’est Cool, c’est avant tout l’histoire de quatre potes aux personnalités attachantes : James, Louis, Martin et Vadim. Sans aucun calcul ni cynisme, SCC construit sa carrière de manière hyper instinctive, créant son propre idiome musical quelque part entre techno, gabber, electronica et chanson dada. Avec leurs tubes « Techno Toujours Pareil », « Salam Aleykoum » ou « Tony Hawke », SCC a su prendre le poult de son époque jusqu’à devenir un véritable groupe générationnel. Ils jouent le vendredi 12 avril dans le grand hall et le samedi 13 avril dans le chapiteau en b2b avec La Menuiserie.

Hyperactif sur la région morlaisienne depuis cinq ans, le collectif La Menuiserie fait désormais parler de lui bien au-delà. À la tête du crew, on retrouve le producteur M.Tounu et ses mixes entre trap et gabber, l’IDM de Jacques & Edgar, la techno de Sergie ou encore Lori Booster, DJette passionnée de Jumpstyle. Et on en oublie, car le crew compte pas moins d’une dizaine de membres au total ! On les retrouvera en back to back avec Salut C’est Cool.

FESTIVAL PANORAMAS

Morlaix, son pays, ses asso

FESTIVAL PANORAMAS

UNIDIVERS — Le festival ne se limite pas au parc de Langolvas, pouvez-vous nous parler des événements satellites ?

EDDY PIERRES — Effectivement depuis son origine WART a toujours souhaité mettre en valeur le territoire du Pays de Morlaix et le centre-ville de Morlaix en particulier (le parc expo se situant en périphérie). C’est aussi l’occasion de laisser la place aux partenariats associatifs et culturels locaux : le festival du film court mais bref qui lance traditionnellement Panoramas une semaine en amont, street golf, expositions, Panoramas pour les Kids pendant le festival… Mais aussi les « Panoramiques » directement organisés par WART, à savoir des concerts dans les lycées ou dans des lieux atypiques du territoire, comme celui de Brigitte Fontaine cette année à l’hôtel des ventes.

Brigitte Fontaine est une artiste rare et singulière qui ne laisse jamais indifférent. Avec sa verve inimitable, elle manie sans cesse poésie et humour, vous plongeant dans une savoureuse ivresse surréaliste. De retour à Morlaix pour un concert, la chanteuse-écrivaine-comédienne présentera un spectacle à son image : hors norme. Elle jouera en duo avec le guitariste Yan Péchin à l’Hôtel des ventes de Morlaix le dimanche 14 avril à 17h30.

Brigitte Fontaine Panoramas

UNIDIVERS — Certains événements auront lieu au chantier du SE/cW pouvez-vous nous  parler de ce lieu et du projet qui l’anime ?

EDDY PIERRES — Le SE/cW, c’est le regroupement associatif et la coopération quotidienne de trois structures culturelles : Le S pour le cinéma La Salamandre, le E & le C pour le théâtre de L’Entresort associé à la compagnie Catalyse, et le W de Wart. Nous avons choisi de nous unir pour penser ensemble un équipement culturel, lieu de vie, de création, de diffusion, de transmission et d’événements. Autour de ce projet, nous avons réuni de nombreuses collaborations pour élaborer un nouveau modèle d’équipement unique en France. L’architecte Loïc Julienne, associé à Alice Périot, Giulia Tellier (Construire/Paris) et Amélie Loisel (Laab / Lannion) ont su concrétiser cette alliance d’activités en concevant un équipement unique qui propose une multiplicité d’usages. Le SE/cW, d’ici une année désormais, ce seront : trois salles de cinéma (150/100/50 places), une salle de spectacle (1 000 places), des salles de répétitions, une librairie, un restaurant-bar, des bureaux… Mais dès à présent et depuis plusieurs mois déjà, le SE/cW est un chantier ouvert au public et une Cité de Chantier ouverte à toutes les rencontres et toutes les disciplines (Le SEW dans la Nuit, le Baluche Disco Club, les visites de chantier, des expositions…). Bien sûr, cette nouvelle édition du festival investira la Cité de Chantier du SE/cW via une rencontre publique, des visites de chantier, l’inauguration, une conférence mixée…

SEW Morlaix
Basée sur l’ancienne manufacture de tabac de Morlaix, le SE/cW est né du regroupement et de la coopération quotidienne de trois structures culturelles de disciplines différentes. Ensembles elles ont eu l’intuition qu’en se regroupant elles bâtiraient et développeraient un projet d’ampleur et de nature inégalée. Les trois associations prolongent cet esprit de coopération en associant professionnels, collectivités, acteurs privés, publics, professionnels, bénévoles afin d’agir collectivement à la mutation de l’ancien site.

UNIDIVERS — En plus des nombreux bénévoles qui rendent possible le festival, vous  sollicitez aussi un engagement inter associatif local ?

EDDY PIERRES — En effet, cette année sur 750 bénévoles, près de 200 sont engagés dans le festival à travers l’implication de leur association (associations de parents d’élèves, clubs sportifs locaux, association de retraité…). On essaie de développer le lien associatif depuis plusieurs années, car l’organisation d’un tel évènement nécessite de l’engagement et des bonnes volontés. Mais ça ne se limite pas à ça ! Le public de Panoramas est principalement jeune. En impliquant ces associations, l’idée est aussi d’attirer des publics différents. Ces partenariats permettent à des gens d’autres générations d’être présents sur le festival. Cette dimension est très importante, car c’est l’occasion d’établir des échanges intergénérationnels. Par exemple, l’association de soutien à l’école Diwan de Morlaix fait des crêpes au camping chaque année. Ce sont principalement des parents d’élèves. En passant du temps avec les festivaliers, c’est aussi le regard sur notre public qui va évoluer. Ça permet de lever certains a priori… C’est un enrichissement mutuel.

FESTIVAL PANORAMAS BENEVOLAT

Ils sont près de 800. Ils ont de 18 à 80 ans. Ils veillent sur Panoramas en permanence. On les croise un peu partout, du soir au matin… Qui ça ? Les bénévoles ! Parmi eux, des membres d’assos morlaisiennes avec qui Wart a tissé des relations étroites.

Sans bénévolat, impossible d’organiser un festival !

UNIDIVERS — Merci Eddy Pierres et Joran Le Corre, on vous souhaite beaucoup de courage pour cette édition du festival Panoramas !

PANORAMAS #22

SITE INTERNET

FACEBOOK

ÉVÉNEMENT

BILLETTERIE

FESTIVAL PANORAMAS

 

 

 

ELLES M’ATTENDAIENT… LE NOUVEAU ROMAN HYPNOTIQUE DE TOM NOTI

Halley et Max, quelle histoire… Quand ces deux-là se rencontrent, ils savent que leur destin va changer, que l’amour va les réunir pour le meilleur mais peut-être pour le pire… Parce que ce ne serait pas la vraie vie avec son cynisme et ses coups de dague. Et parfois ses rebondissements.

TOM NOTI ELLES M'ATTENDAIENT

 

Max est une force de la nature, un mec simple, un cœur simple, qui travaille sur les chantiers et mène une vie discrète. Halley, elle, est une jeune femme plutôt enjouée, drôle, au caractère coloré. Elle travaille dans un bureau et prend soin de son petit appartement.

Quand ils se croisent, « tomber » amoureux prend tout son sens. Ils ne se quittent plus, deviennent fusionnels et s’installent dans une relation en vase clos, mais, rien de surprenant, c’est souvent ainsi au début d’une relation passionnée. Et ce malgré quelques hésitations émanant du beau Max… Ils se marient et l’arrivée de la petite Rosie au sein du foyer est un ravissement. D’ailleurs Max est fou heureux, il vole littéralement ; il en oublierait presque le quotidien, les gars du chantier, les heures supplémentaires obligatoires, les ordres du conducteur de travaux, les blagues souvent grasses et douteuses de ses collègues et puis… la gueule de bois qu’il prend pour arroser l’arrivée de sa fille…

Ils se marient et vivent heureux… Stop ! Stop ! Stop !!! Là ça fait trop conte de fée… Parce que la réalité de ces deux, de ces trois-là n’est pas aussi lumineuse qu’il n’y paraît dans les premières pages de Elles m’attendaient
En réalité, les choses vont vite se dégrader, les événements du passé, les non-dits contenus de l’enfance de Max vont venir assombrir et atomiser le quotidien du couple, de la famille. Et plutôt qu’en ajouter – au risque de tomber dans le misérabilisme -, Max, dans un élan – qu’on comprendra plus tard -, va jeter l’éponge et prendre congé de sa famille, de son boulot, de la société… Il n’est pas atteint de folie ou de démence, c’est plus subtil et plus pernicieux…

Au fur et à mesure des années, Halley et Rosie vont devoir apprendre à vivre sans Max, qui pourtant demeure au centre de leurs pensées, de leurs discussions souvent, de leur cœur. Malgré la tristesse, le chagrin, une certaine forme de colère et d’incompréhension permanente. Pourquoi les a-t-il laissées en plan ? Pourquoi, lui, qui vivote à quelques rues de chez elles, les garde-t-il dans son viseur ? Pourquoi se refuse-t-il à les honorer comme mari, comme père… Parce que quelque chose le paralyse. Et pourtant, il les aime à la folie.

On ne sait pas toujours comprendre les réactions des êtres qui nous entourent, alors par facilité, par veulerie, par méchanceté gratuite souvent, on juge, on condamne, on conspue… Et puis on passe à autre chose, un fois la fascination pour le malheur des autres retombée…
Tom Noti nous prouve à travers ces trois personnages, ces trois destins combien la force des sentiments peut parfois s’estomper sous le poids du passé, des non-dits, des souffrances de l’enfance. On entend de-ci de-là qu’adultes, on reproduit souvent ce qu’on a vécu dans l’enfance : pas faux, pas si vrai non plus. On entend qu’on trimballe ses casseroles, mais on sait aussi que d’aucuns peuvent s’avérer résilients et ne répondent pas aux grandes théories psychanalytiques… Ceux-là ils changent le cours des choses et prennent en main leur destin, parfois même un peu celui de celles et de ceux qui les entourent.

Et l’on peut imaginer aussi que nés du pire, on peut engendrer le meilleur… Pour l’amour de soi parfois, pour l’amour des autres souvent.

Roman particulièrement touchant de Tom Noti, très empreint d’humanité !

Elles m’attendaient…TOM NOTIÉditions La Trace – 145 pages. Parution : avril 2019. Prix : 18,00 €.

Couverture : Ed. La Trace – Photo auteur Tom NOTI © La Trace

TOM NOTI ELLES M'ATTENDAIENT

Tom Noti vit au creux des montagnes majestueuses qui sont son oxygène. Ses histoires racontent les gens qui avancent, vaille que vaille, avec leurs sentiments en bandoulière et les casseroles qu’ils trimballent. Il est l’auteur de plusieurs romans dont Les naufragés de la salle d’attente, chez Paul & Mike Editions.

MON PÈRE CE POIVROT, UN ROMAN GRAPHIQUE POIGNANT SUR L’ALCOOLISME

Parler de son père alcoolique, et le dessiner n’est pas chose facile. Stéphane Louis dans Mon Père ce Poivrot relève, et réussit ce défi. Sans pathos ni moralisme. À titre d’exemple et de prévention.

BD MON PERE CE POIVROT

Le titre, Mon Père ce Poivrot, claque, mord, volontairement provocateur. Et disant tout. Ce que confirme dans la page d’ouverture un court texte de Stéphane Louis.

Il y a un autre personnage important, ici : l’alcoolisme. J’ai voulu essayer de sensibiliser les gens comme je le pouvais à ses causes et à ses conséquences. L’alcoolisme n’est pas festif. Il tue. Mon père en est mort littéralement.

BD MON PERE CE POIVROT

Tout est dit et le lecteur sait ce qui l’attend. Ce père, Maurice ou Lulu, d’abord accoudé et endormi sur le comptoir, va être facilement reconnaissable tout au long de la BD. Il possède un gros nez rouge, comme un clown, pour identifier le personnage, un nez rouge qui cette fois-ci ne fait pas rire et pourrait donner plutôt envie de pleurer.

BD MON PERE CE POIVROT

Le récit n’est pourtant pas larmoyant même si les situations tragiques se multiplient. Stéphane Louis, nous fait connaître son père par des allers et retours dans le temps, commençant ses souvenirs par une enfance orpheline et des drames qui jalonnent sa vie. Car comme le dit son ex-épouse, Louisette, qui l’a quitté à cause de la bouteille « C’est un gentil Lulu, un vrai c’est ce qu’on retiendra tous de lui.. » même « s’il avait ses démons que je ne pouvais plus porter avec lui, pour lui ».

BD MON PERE CE POIVROT

L’alcool tue environ 20 000 personnes en France par an. Et fait de multiples dégâts dans l’environnement immédiat. C’est ce que veut expliquer le fils dessinateur qui ne se contente pas de décrire une descente aux enfers. Dans une démarche militante, qu’il revendique, il montre l’entourage, le regard de la société sur cet homme qui est malade, car l’alcoolisme est bien une maladie incomprise par l’entourage qui voit l’alcoolique comme responsable de sa déchéance. Les paroles de ces anonymes dans la rue ou de ses proches à son domicile sont dures, leur regard impitoyable et enfonce Lulu qui essaie pourtant de sortir de ce cycle infernal que Lulu lui même décrit en proclamant : un dernier pour la route avant d’arrêter. « Boire pour arrêter de boire ?» comme le constate ironiquement le gendarme. Un paradoxe difficile à rompre et que Lulu ne parviendra pas, malgré tous les efforts minutieusement et affectueusement décrits, à briser. Comme tant d’autres Lulu, ils sont cinq millions touchés par ce fléau.

BD MON PERE CE POIVROT

Cette descente aux enfers, réaliste et précise, Stéphane Louis nous la fait comprendre en spectateur, ni juge, ni avocat, ni procureur. Le dessin classique, proche des habitudes de la BD d’humour atténue la noirceur du propos. Les gendarmes sont des caricatures de gendarmes, Marcel le petit vieux du comptoir plonge son nez entre les seins volumineux de Tata Roger, comme dans un film de Fellini. On sourit presque, évitant ainsi le piège du moralisme ou du désespoir. Et la tendresse prend le dessus sur l’image dégradante renvoyée par des yeux perdus dans un vide sidéral, qui regardent au delà de la réalité et du quotidien. Ou par un langage détérioré, symbole ultime et dérangeant de la déchéance. Lulu videra même sa maison de tous ses meubles et de ses souvenirs, pour repartir, croit il, vers un avenir enfin un peu plus radieux, plus proche de son ancienne épouse, qui l’aime toujours et de son fils, qu’il a envie de retrouver et de sauver. Un retour final auprès des deux êtres qu’il aime mais qu’il ne parvient pas …. à aimer. Un retour que l’on sait perdu d’avance.

Cette BD est avant tout un témoignage, et une formidable déclaration d’amour. Qui se conclue ainsi

C’était un poivrot Lulu… oui mais c’était mon père ce poivrot.

Lulu est décédé en 2006.

Mon père ce poivrot. Scénario et dessins : Stéphane Louis. Couleurs: Vera Daviet. Éditions Grand Angle. 70 pages. Paru le 9 janvier 2019. 16,90€.

ZADIG. UN MAGAZINE POUR VOIR LA FRANCE AUTREMENT

La création d’un titre dans la presse écrite est toujours une aventure. Avec le premier numéro de Zadig, Éric Fottorino, nous offre une revue qui se veut différente en se dégageant de l’actualité pour décrire « une » France dont on dit qu’elle est oubliée. Indispensable.

ZADIG MAGAZINE

« Parler des invisibles, c’est aller à la rencontre de vies qui ne sont pas assez racontées. On part de trajectoires singulières pour faire comprendre des réalités sociales plus larges, mais restées dans l’ombre. Cela participe d’un projet de représentation démocratique ». Ces propos sont ceux de l’historien Pierre Ronsanvallon dans la remarquable interview que lui consacre le premier numéro de Zadig. Lassé de voir le mot « peuple » approprié par des partis politiques, sans lui donner du contenu, le sociologue estime qu’il est essentiel, à l’image de Balzac et de sa « comédie humaine » de faire entendre la voix de ceux qu’il appelle les « invisibles ». Cette volonté qu’il a tenté de concrétiser avec sa collection « Raconter la vie », de petits ouvrages qui voulaient donner la parole aux « simples témoins », c’est Éric Fottorino qui la reprend à son compte avec ce nouveau trimestriel qui porte le titre ambitieux de « Réparer la France ».

ZADIG MAGAZINE

C’est bien de cela qu’il s’agit en effet, cette volonté de donner leur juste place aux absents des média notamment et tenter de définir ce « peuple » mis à toutes les sauces de la démagogie et auquel le mouvement des gilets jaunes a apporté un éclairage particulier. Alors en lisant ce numéro on n’est pas surpris de découvrir la place importante accordée aux portraits et aux métiers de ces oubliés. Jean Marie et Serge sont pêcheurs au Guilvinec, Carole est infirmière à Audresselles, et des journalistes les ont accompagnés pendant trois ou quatre jours dans leur quotidien. Eux, mais aussi leurs patients, leurs collègues apportant dans leur témoignage la réalité d’une vie sociale méconnue.

Des mots porteurs comme des murs porteurs

c’est ce que croit le directeur de publication. Aussi, l’écrit permet de prendre le recul et les écrivains ont donc toute leur place : Maylis de Kérangal nous parle du Havre et l’architecture de Niemeyer, Marie Darrieussecq raconte les migrants, la fiction permettant de dire le réel. À côté d’autres portraits de professeurs et de jeunes entrepreneurs, les lieux ne sont pas oubliés visant à dresser un état des territoires comme cet édifiant reportage du côté de Vesoul où le trafic de stupéfiants bat son plein, loin des idées reçues d’une campagne à l’abri des turpitudes de la ville. Pareillement un magnifique article signé Arthur Frayer-Laleix dit « les jours trop tranquilles à Vierzon » quand les fonds de commerces de bouche ne se vendent plus, quand le bowling est le seul lieu de retrouvailles le samedi soir mais où aussi quelques nouvelles boutiques parviennent à se créer. Tout n’est pas noir et Zadig dresse certes un portrait sombre, pointant à travers ses articles les difficultés de notre territoire mais décrit aussi des domaines d’espoir, de réussite, des pistes pour accompagner des transformations sociales et économiques inéluctables.

AMERICA

C’est un pari que cette publication contraire aux vents de l’actualité immédiate, aussi vite traitée qu’oubliée. Mais il ne part pas de rien ce « mook » (contraction de M comme magazine et ook comme book), il s’appuie sur la réussite de America, créé par Fottorino, déjà, avec François Busnel, après l’élection de Trump et qui a comme ambition de mieux comprendre les États-Unis par le truchement de rencontres d’écrivains, de la littérature, de reportages sur la « vraie vie » et « l’Amérique profonde ». Les lecteurs d’America se retrouveront donc en territoire connu avec une présentation, format, maquette, tellement proche et aussi soignée. Pas de publicités, l’utilisation importante et réussie de dessins, de schémas, de graphiques explicites, prix de vente identique, prolongent l’expérience d’America qui publie son neuvième opus. Même la structure est proche avec notamment l’ouverture par une chronologie trimestrielle factuelle et par l’irremplaçable entretien avec un écrivain. Dans Zadig c’est Mona Ozouf qui ouvre le bal, l’historienne racontant sa conception de la République à l’aune de son enfance bretonne et comparant, en les différenciant, le mouvement révolutionnaire de 1789 avec les difficultés sociales et d’identité d’aujourd’hui. Pareillement, un portfolio sobre et dépouillé trouve sa place dans un « chemin de fer » rédactionnel comparable. Ici des photos irréelles, et étonnamment poétiques de Francesca Todde, montrent l’expérience de Camille et Manolo qui avec deux chevaux font découvrir aux détenus des Baumettes l’art équestre derrière les murs de la prison, quand liberté et emprisonnement se côtoient, avec une poésie inattendue.

America arrêtera sa parution avec la fin du mandat de Trump. Rien de cela n’est prévu avec Zadig et les premiers résultats de la vente de ce numéro un laissent supposer que le trimestriel débute une longue et passionnante aventure.

Zadig : N°1 en vente dans les librairies et points de presse au prix de 19 €. Trimestriel . Prochain numéro le 13 juin.

Les Fondateurs
Éric Fottorino est cofondateur et directeur de la publication du 1, d’America et de Zadig. Journaliste et écrivain, il a été directeur du Monde de 2007 à 2010. Il est notamment l’auteur de Caresse de rouge, Korsakov, Baisers de cinéma, L’Homme qui m’aimait tout bas, Questions à mon père, Le Dos crawlé et Dix-sept ans.

François Vey est le cofondateur du Parisien Magazine, dont il a été rédacteur en chef (2012-2017). Critique littéraire au Journal du Dimanche, il enseigne les médias et le journalisme économique à l’université Paris-Dauphine. Il a rejoint le comité de rédaction de Zadig fin 2017 en tant que rédacteur en chef.

Natalie Thiriez est cofondatrice de l’hebdomadaire le 1 et du trimestriel Zadig dont elle assure la direction artistique, elle a accompagné quinze ans durant de nombreux journaux et magazines lors de leur passage à la PAO et participé à la mise en place de nouvelles formules.

Laurent Greilsamer est cofondateur du 1 et de Zadig. Ancien directeur adjoint du Monde, il a récemment publié La Tragédie du capitaine Dreyfus (Tallandier, 2014) et Fromanger, de toutes les couleurs (Gallimard, 2018).

RENNES. LES ECOLOS PROPOSENT DE PASSER D’UNE LOGIQUE PAYSAGÈRE À UNE ECO-LOGIQUE

0

Rennes s’est fait remarqué durant les trois dernières décennies par une attention médiocre portée à la présence végétale dans son plan urbain, notamment en centre-ville. Le pic des espaces pauvrement arborés tout-granit (longtemps chinois) a été atteint récemment avant que la municipalité n’entame un virage favorable à une présence végétale renforcée dans la ville à l’horizon 2030. De fait, une majorité des Rennais réclame une plus grande végétalisation des espaces publics, avec des plantations en pleine terre, afin de trouver des endroits de fraîcheur et profiter d’un centre-ville moins pollué. Dans ce cadre, le groupe écologiste à la Ville de Rennes vient de transmettre des propositions pour une politique municipale de l’arbre, maillon de la biodiversité et allié dans l’adaptation au changement climatique. Communiqué vert.

A Rennes en 2019
130 000 arbres
70 000 arbres d’ornement, 30 000 arbres de boisement, 30 000 arbres en accompagnement de voirie
1 arbre pour 1,6 habitants
650 km de linéaire planté (voirie)
1000 arbres plantés chaque année
+1000 aux Prairies Saint-Martin
+1000 à la Prévalaye

vegetalisation rennes

L’arbre, maillon essentiel de la biodiversité
L’arbre est un élément constitutif essentiel des corridors biologiques. À la condition qu’il soit associé à toutes les strates de végétation (arbustes, (buissons, haies…) et que soient privilégiées les fruitiers, il permet à la faune de circuler le long de la trame verte* et ainsi protège et favorise la biodiversité* animale. L’arbre est aussi essentiel aux insectes pollinisateurs comme les abeilles, qui garantissent la qualité de la biodiversité végétale.

Pour une gestion intelligente des arbres
Pour que les arbres participent à la qualité de biodiversité, pour qu’ils poussent correctement et que toutes leurs potentialités soient exploitées, il est important de les entretenir, en les taillant régulièrement, parfois en opérant des coupes claires afin que les arbres et végétaux voisins se développent et puissent jouer leur rôle dans la trame verte. Les coupes sont inévitables, pour éviter les maladie, éviter les accidents, permettre le déploiement de plus grands arbres, parfois aussi permettre des aménagements indispensables à l’évolution de la ville.
On peut donc accepter de couper quelques arbres après en avoir débattu avec les habitant·e·s et associations, mais nous exigeons qu’un nombre au moins équivalent soit replanté.

Un fabuleux outil d’adaptation
L’arbre est un fabuleux outil de lutte contre le dérèglement climatique et les épisodes météorologiques hors norme. En apportant la fraîcheur, il diminue les effets des îlots de chaleur urbains*, il stocke le carbone et restitue de l’oxygène, il permet de mieux absorber les eaux de pluie.

Un allié précieux pour construire et chauffer nos ville
L’arbre est un formidable atout de développement durable. L’exploitation de son bois permettrait de nous chauffer et de construire des logements écologiques respectueux de l’environnement et de la santé de ceux qui y vivent.

Trame verte
La trame verte est la continuité végétale constituée par l’ensemble des espaces végétalisés, haies, jardins, aligements d’arbres, prairies…

Biodiversité
La biodiversité est constituée de l’ensemble des espèces vivantes animales et végétales. Sa préservation est un enjeu essentiel du développement durable.

Canopée
La canopée est l’étage supérieur d’une forêt. À Rennes, c’est la couverture verte constituée des frondaisons des dizaines de milliers d’arbres. Elle joue un rôle essentiel dans l’absorption du carbone.

Îlot de chaleur urbain
Les îlots de chaleur urbains sont des lieux dans la ville où la chaleur est particulièrement élevée, en raison de l’absence de végétalisation et de la prédominance minérale.

vegetalisation rennes

DÉCONSTRUIRE LE BÂTISSEUR, LE FASCISME DE LE CORBUSIER

En 2016 a été signée une convention pour la création d’un musée autour de l’œuvre de Le Corbusier, le plus fameux architecte français du XXe siècle, face à la Villa Savoye à Poissy. « Une étape décisive », souligne Antoine Picon, président de la fondation Le Corbusier. Le projet, soutenu par le Centre des Monuments Nationaux sous tutelle du Ministère de la Culture, devrait aboutir en 2022-2023. Mais il n’est pas sans soulever, à nouveau, des questions sur le trouble passé de l’architecte. Un livre signé Xavier de Jarcy en 2015, Le Corbusier, un fascisme français (éd. Albin Michel) nous en dit plus.

LE CORBUSIER UN FASCISME A LA FRANÇAISE XAVIER DE JARCY

Si Le Corbusier est « le plus grand architecte du XXe siècle », comme le proclama, à l’annonce de sa mort, André Malraux, il porte aussi de grandes parts d’ombre. Et tous les livres publiés sur l’architecte n’ont pas été des dithyrambes, loin de là. Celui de Xavier de Jarcy, entre autres, paru en 2015, Le Corbusier, un fascisme français, dévoile un homme à la personnalité ambiguë, trouble, voire détestable, quand il collabore avec des mouvements politiques d’extrême droite de l’entre-deux-guerres et le régime de Vichy.

Dans les années 1920 et 1930, Le Corbusier écrit dans différentes revues d’art et architecture et dans des feuilles politiques dirigées par ses amis et compagnons de route, tous membres actifs, et activistes, de partis de la droite la plus radicale et antisémite. Dans les revues fascisantes Plans, puis Prélude, il publie nombre d’articles qui sont autant de manifestes de ses théories urbanistiques et sociales, ségrégationnistes et autoritaires :

Classez les populations urbaines, triez, refoulez ceux qui sont inutiles dans la ville. […] Combien de milliers de parisiens, amas grouillants, sont un poids mort dans la ville, une entrave, une noire misère, un échec, un déchet ?

La ville radieuse, 1935.

ville radieuse corbusier
Le Corbusier, La ville radieuse, Éditions de l’Architecture d’Aujourd’hui, Collection de l’équipement de la civilisation machiniste, Boulogne-sur-Seine, 1935. Réédité par les Éditions Vincent, Fréal et Cie, 1964 © FLC-ADAGP.

En janvier 1941, Le Corbusier est nommé conseiller pour l’urbanisme et va travailler à Vichy auprès du Maréchal Pétain. Dans un texte de février 1941, « L’urbanisme de la Révolution nationale », Le Corbusier défend sa vieille idée de « constructions en hauteur, orientées selon la course du soleil, entourées d’espace et de verdure et complétées par des équipements favorisant l’eugénisme et la santé de la race » (Xavier de Jarcy). De toutes ces mesures naîtra, selon Le Corbusier, une éthique de « la loyauté et de la dureté », autant qu’une esthétique, « expression saine, loyale, poétique et lyrique de l’esprit de notre époque, appliquée au but le plus noble qui soit, la Révolution nationale ». Beau soutien au régime de Vichy ! Il vouera aussi une grande admiration à Mussolini, Primo de Riveira, et même Hitler.

Le Corbusier Plan Voisin
Le plan Voisin est un projet pour le centre de Paris, dessiné entre 1922 et 1925 par Le Corbusier. © FLC/ADAGP
Le Corbusier Plan Voisin
Plan Voisin, Paris. © FLC/ADAGP
Le Corbusier Plan Voisin
Plan Voisin, Paris. © FLC/ADAGP

Après la Libération, la vague de l’épuration l’épargne. Mieux, même : ses conceptions architecturales – bâtiments en béton de très grande hauteur, lignes horizontales parfaitement rectilignes…- vont être mises en œuvre dans les années 50 et suivantes avec l’appui politique et administratif des responsables de la reconstruction et de l’aménagement du territoire. Se dresseront ainsi les grands ensembles péri-urbains de l’après-guerre, « d’une uniformité désolante » (Xavier de Jarcy). Ainsi que les fameuses « Cités Radieuses » à Marseille, Rezé, Briey, Firminy et Berlin, qui fixent les populations, brisent le nomadisme urbain, qu’il a toujours détesté, et font du bâtiment un village vertical, avec son aire de jeu sur le toit, son école, ses rues intérieures, ses commerces, ses équipements sportifs, le tout créant

des foyers capables de réaliser l’élevage -je dis bien l’élevage- de l’espèce, enfants et adultes » écrit-il dans la revue de l’INED Population, en juillet 1948.

Ouvrage instructif et …édifiant !

Le Corbusier cité radieuse
Le Corbusier, Cité radieuse de Marseille, 1947-1952.
Le Corbusier Maison radieuse
Le Corbusier, Maison radieuse de Rezé, 1953-1955.
Le Corbusier Corbusierhaus Berlin
Corbusierhaus, Berlin, 1957.
Le Corbusier Cité radieuse de Briey
Le Corbusier, Cité radieuse de Briey, Lorraine, 1959-1962.
 
Le Corbusier Cité radieuse
Le Corbusier, Cité radieuse de Firminy-Vert, 1965-1967.

► à lire : Xavier de Jarcy, Le Corbusier, un fascisme français, Albin Michel, 2015, 288 pages.

►à lire aussi : Marc Perelman, Le Corbusier une froide vision du monde : essai, Michalon, 2015, 250 pages.

►à lire aussi la chronique très nuancée de Michel Guerrin dans le journal Le Monde.

►à lire: communiqué de la Fondation Le Corbusier

►à écouter, sur France Culture : « Soutenir l’œuvre de l’architecte, est-ce « blanchir » Le Corbusier ? »

A RENNES WALLÜA CRÉATRICE DE MODE AUX MAINS D’ARGENT

Entre univers historico-fantastique et style rétro, la costumière et créatrice de mode rennaise Léa Gesbert — alias Wallüa — est la nouvelle résidente de la boutique de créateurs Kaléido Store. Une double casquette qui marque son originalité ! Présentation.

wallüa mode rennes

Après un baccalauréat général en 2013, Léa Gesbert assiste, comme tout futur bachelier un peu perdu, au Salon de l’étudiant à Rennes. Le métier de costumière, une formation qui l’intéressait déjà, lui est proposé. « J’ai réalisé un DTMS — diplôme des techniciens des métiers du spectacle, option techniques de l’habillage — à Locminé. Cette formation concernait plutôt l’habillage et préparait aux métiers de costumiers. Beaucoup de cours de couture étaient dispensés, ce qui m’a permis d’apprendre les bases. J’ai ensuite fait un DMA — diplôme des Métiers d’Art — dans le Jura, à Dole, dans le but d’être costumier-réalisateur ».

Léa profite de ces années de formation et réalise de nombreux stages, un bon moyen de perfectionner sa pratique et de savoir ce qui l’intéresse réellement. Elle découvre la Mayenne et l’atelier d’une costumière spécialisée dans le costume de jeux de rôle en grandeur nature – les GNistes, avant de plonger dans l’univers du cabaret, à Toulouse. 

Après une expérience enrichissante à Paris, lors d’un stage d’habillage au Théâtre de la Tempête, elle passe deux mois à Vienne pour son diplôme des Métiers d’Art. « La ville était magnifique, mais le stage décevant. Je me suis rendu compte que le milieu du cinéma n’était pas ce que j’imaginais : soit on bosse pour Luc Besson avec de la véritable création, soit on étiquette et fait de l’entretien… Il y a tellement de stocks de costumes dans le monde pour les films d’époque que les productions fonctionnent à la location. Je me suis rendu compte que le théâtre était humainement plus intéressant ».

wallüa mode rennes
© Clément Morel

En 2017, avec ses diplômes en poche et un solide bagage de compétences, Léa revient en Bretagne et se lance dans la réalisation d’un défilé de mode, à ses frais, dont la préparation court sur une année. La créatrice Wallüa naît alors. « Le défilé Imaginarium (R.D.L.R. : dans le cadre de la fête des tisserands à Quintin en 2018) met l’accent sur le personnage afin que les gens distinguent bien costume et mode. J’ai voulu montrer que le costume habille et matérialise un personnage avec une volonté de scénographie importante. Le défilé consistait en de petites scènes qui montrent une lavandière, un faune ou un peu de science-fiction, même si on le remarque moins sans les effets spéciaux. Chaque personnage avait une scénette avec une musique qui lui était attribuée afin d’aider le public à se mettre dans les personnages ».



Avec ce défilé en 2018, l’univers de Wallüa se dessine et se matérialise. Elle transpose son intérêt pour l’Histoire et les costumes historiques dans des contrées imaginaires, des personnages sortis d’un autre temps flirtent avec un style fantastique, à la limite du steampunk.« J’aime toutes les cultures de l’imaginaire, comme la science-fiction et le fantastique. Elles permettent une certaine liberté. Tout a déjà été un peu réalisé. Des couturiers comme Jean Paul Gaultier reprennent des codes et les remettent au goût du jour. Le résultat est parfois super intéressant ».

wallüa mode rennes
© Clément Morel

Refusant d’être bridée par le style d’une seule époque, Léa Gesbert peut emprunter les codes stylistiques d’époques différentes dans un même costume, et glisser ainsi vers la fantaisie. « Avec le costume, il est possible de tout réaliser : des volumes exacerbés, des couleurs flashy, de la dentelle, des fioritures en veux-tu en voilà, etc. Ce n’est pas destiné à être porté quotidiennement, les gens sont plus ouverts à l’exagération ». Cependant, force est de constater qu’il n’est pas facile de trouver des contrats dans ce milieu où la carrière fonctionne principalement au réseau. 

wallüa mode rennes
© Clément Morel

« Costumier est un métier en voie de disparition »

« Les subventions de l’État pour les petites compagnies ou les théâtres ne cessent de baisser et un des premiers métiers à sauter dans le milieu est malheureusement celui de réalisateur-costumier. Quand on réalise un spectacle, on a besoin de la lumière, du son, des acteurs… s’il reste de l’argent, on l’utilise pour le décor, ça coûte moins cher. Le costume vient après, s’il y a vraiment les moyens ». 

Après une remise en question, Léa se lance dans le prêt-à-porter. La période de Noël aidant, elle crée des vêtements pour ses amies, des modèles à son image, simples et colorés. En parallèle, elle contacte la personne qui l’a précédée à Kaléido Store et remarque une annonce pour un nouveau créateur à la boutique. Cet enchaînement fortuit la propulse dans l’aventure du prêt-à-porter et de la boutique de créateurs et ce depuis à peine de deux mois.wallüa mode rennes
« Le prêt-à-porter est une autre façon de travailler »

Aux côtés de ses créations aux multiples fioritures, Léa aime la simplicité avec une touche de rétro. « Je m’inspire de ce que je porte, des vêtements simples et agréables à porter ». Son penchant pour la mode des années 90 fait naître la chemise Wallüa, en voie de devenir un modèle phare de sa collection qui s’agrandit petit à petit. Amples et non cintrées, elles sont à manches courtes, manches trois quarts ou au coude et peuvent se porter en crop top, rentrées dans un pantalon, un short ou une jupe taille haute, ou avec un nœud comme finition.

wallüa mode rennes

Sans parler de la coupe, la légèreté et le confort de ses vêtements résident également dans les tissus choisis, des matières fluides, comme la viscose. « Ce n’est pas très écolo, alors que je le suis, mais la viscose n’existe pas en ecotex. Le traitement est chimique et ils n’ont pas encore trouvé d’équivalent plus responsable. Le coton est parfois raide, avec un tombé un peu lourd… Ce n’est pas forcément évident à porter tous les jours. La viscose est réalisée à partir de bambou à la base, donc c’est un tissu très aéré, comme le lin, mais il se froisse moins ». En regardant sa collection de plus près, elle avoue, amusée, aimer travailler sur les petits animaux — flamants roses, tigre, pour les plus récents — mais pas seulement. Robe-chemise à petits-pois blancs, chemise à motifs ethniques ou jupe à fleurs, chaque vêtement propose un style différent, avec comme point commun la couleur et une gaieté vestimentaire qui ravissent en ce début de printemps. wallüa mode rennes

« Avec l’été qui arrive, j’aimerais développer un modèle de chemises sans manches. J’ai pensé à des robes avec manches pour une clientèle plus âgée et je vais peut-être développer des shorts aussi, un modèle de sarouel mixte », conclut-elle, des idées pleins la tête. 

Facebook / Site 

 

Contact :

Léa Gesbert – Wallüa

0670344263

wallua.contact@gmail.com

 

BD. ACTE DE DIEU NOUVEAU ROMAN GRAPHIQUE DE GIACOMO NANNI

Après le formidable ADA, les éditions Ici Même publie un roman graphique unique en son genre, Acte de Dieu de Giacomo Nanni. L’occasion de vous emmener à la rencontre d’une maison d’édition novatrice et courageuse. Découverte.

ACTE DE DIEU

C’est un objet unique. Par son format d’abord, plus proche d’un missel que d’un roman graphique. Par son dessin ensuite qui emprunte à Seurat ou Signac les petits points qui décomposent les couleurs du spectre. Par le récit ensuite qui donne la parole à un chevreuil dans un parc urbain, à une carabine de chasseurs partis à la quête d’une licorne, deux événements bouleversés par un séisme tellurique ravageur. Lecteur rationaliste s’abstenir tant le dessin, et le récit qui emprunte les chemins de la répétition, offrent une poésie chorale touchante qui brise les codes habituels du genre. Même si le tremblement de terre décrit s’est véritablement déroulé en 2016, en Italie, dans la chine des Apennins, comme un ancrage dans la réalité pour mieux s’en éloigner. Comment un tel OVNI graphique a pu être ainsi édité en France? C’est la question que nous avons posée à Bérengère Orieux, fondatrice et gérante de la société nantaise.

Quand est comment est né Ici Même ?

Ici Même est née en 2014, avec deux premiers ouvrages parus en avril, Abaddon de Koren Shadmi et Heartless de Nina Bunjevac, deux auteurs inconnus en France. Je travaillais depuis une quinzaine d’années alors dans l’édition BD lorsque j’ai créé la structure.

Romans graphiques, textes illustrés, illustrations qui en disent long. Élargir, un tout petit peu, le champ du possible éditorial pour y faire entendre des voix qui nous sont chères.

précise votre site. Est-ce la définition de votre politique éditoriale ?

ACTE DE DIEU

Ça l’est. L’idée était d’aller regarder un peu ailleurs, essentiellement en Europe et en Amérique du nord, ce qui me paraissait original et pertinent en terme de création BD. Avec l’envie de faire émerger en France des auteurs peu ou pas connus.

ACTE DE DIEU

Quel est le lectorat visé?

Notre public est plutôt adulte, curieux, amateur de romans graphiques certes, mais aussi de livres en général. L’idée d’amener à la BD un lectorat plus littéraire ne me déplaît pas et j’ai pu constater que c’était souvent le cas.

Comment sont choisis les albums et les auteurs? Y a-t-il une concurrence avec les autres maisons d’édition ou allez vous là où les autres éditeurs ne vont pas?

On marche au coup de cœur, clairement, et on essaie de tisser et développer avec nos auteurs des relations sur le long terme, qui consistent à les suivre aussi parfois là où on ne les attendait pas. Forcément, il y a une forme de concurrence, puisque nous sommes très nombreux en France aujourd’hui, éditeurs petits et gros, à publier des auteurs étrangers, qu’il s’agisse d’achat de droits ou de création.ACTE DE DIEU

On constate peu d’auteurs français dans votre catalogue. Pour quelles raisons?

Comme je le disais précédemment, notre regard d’éditeur embrasse l’Europe et l’Amérique du nord aujourd’hui, aussi il est cohérent d’avoir une proportion de Français réduite… Mais les projets avec les auteurs de l’Hexagone sont aussi les bienvenus chez Ici Même !

Comment fonctionne au quotidien un maison comme la vôtre?

Avec une équipe très réduite : moi-même, éditrice et gérante, une collaboratrice à temps partiel et un graphiste à temps partiel. Viennent s’y ajouter des collaborations ponctuelles extérieures, avec les traducteurs par exemple.ACTE DE DIEU

Quelles sont vos relations avec les libraires?

Un grand nombre de libraires, attentifs et fidèles, nous suivent et nous soutiennent depuis le début. Depuis les tous premiers livres ! Sans eux nous n’aurions pas existé longtemps ! Les libraires sont nos indispensables prescripteurs, et encore nombreux sont ceux qui ont à cœur de soutenir l’édition indépendante.

Etes vous rêveuse d’un auteur ou d’un titre particulier dont le succès assurerait la pérennité de la maison d’édition ? Un succès comme l’Arabe du Futur ?

Qui ne le serait pas ? Mais il me semble sage de ne pas l’attendre ni même l’espérer — on n’est jamais à l’abri d’un succès, mais dans l’édition les gros succès relèvent très souvent d’une alchimie qui reste mystérieuse… c’est tout le sel de ce métier !

Quel est le tirage moyen d’un album?

Chez nous, 3.000 exemplaires.

Que peut on vous souhaiter pour l’avenir?

De belles découvertes, et juste le succès nécessaire et suffisant pour poursuivre l’aventure !

BD ACTE DE DIEU de Giacomo Nanni. Éditions ici même. 192 pages couleur. Parution le 11 avril 2019. 19,50 €.

Traduit de l’italien par Laurent Lombard
Postface de Gipi

BECHEREL. L’EXPOSITION O’CLOCK DE NADINE GRENIER

Depuis 10 ans maintenant, le tic tac des horloges de l’installation typographique O’clock de l’artiste Nadine Grenier tourne en France et à l’étranger – Venise, Milan en Italie. Du 5 avril au 17 mai 2019, la Maison du livre de Bécherel invite le public à prendre le temps de s’arrêter et d’écouter les minutes défiler, dans l’attente de découvrir la finalité de l’œuvre. Rencontre avec l’artiste.

oclock nadine grenier

« L’approche graphique dans l’artistique est assez logique pour moi dans le sens où l’artistique apporte une liberté de choix et de direction et la contrainte due aux commandes en tant que graphiste me permet une créativité autre ».

Unidivers : On se souvient tous des montres molles de Salvador Dali, mais l’horloge en tant que matériau ou objet d’art n’apparaît qu’à partir des années 1960. Elle célèbre un temps rassembleur et communautaire ou exprime une disjonction des temporalités individuelles. Elle peut être le rappel de son rôle premier, la mesure du temps ; l’enregistrement de contraintes sociales et l’expression d’une libération vis-à-vis de lui (cf. « Horloges au présent. Présence de l’horloge dans l’art actuel », de Claire Labastie, Marges, n°19, 2014, p. 96-112). Comment ce matériau a-t-il fait son entrée dans votre travail artistique ?

Nadine Grenier : Le point de départ de cette aventure vient d’un projet personnel qui a été mené quand j’étais étudiante en communication graphique aux Arts décoratifs de Strasbourg. Je n’avais pas pu assister à un workshop dispensé par un professeur de typographie, l’idée étant d’écrire en grand ou en objet. J’ai décidé de réaliser l’atelier moi-même, avec l’idée de créer un alphabet typographique à base d’horloges. Je ne saurais pas dire pourquoi cet objet, un pur hasard.

oclock nadine grenier

Avant d’être un travail artistique, il s’agit d’un travail typographique, écrire les lettres de A à Z à l’aide d’horloges. Une fois ceci fait, et étant en communication visuelle, écrire une phrase, voir si les lettres étaient équilibrées et si le dessin des lettres était homogène dans l’ensemble me paraissait plus logique. L’utilisation des horloges m’a guidé vers une citation sur le temps. Ce n’est qu’une fois la phrase écrite que la fonction initiale des horloges s’est révélée… Les aiguilles tournent, rendent la phrase visible avant qu’elle ne disparaisse. Le processus de création m’a permis de me rendre compte de l’utilité du matériau que j’avais en face de moi. Et depuis maintenant 10 ans, je pousse l’idée jusqu’au bout.

Unidivers : Présentée à la Maison du livre (Bécherel), O’clock est une installation typographique, caractéristique que l’on peut raccrocher à votre activité de graphiste, créant par la même occasion un lien entre vos deux activités professionnelles.

Nadine Grenier : Le travail de la typographie est un travail qui m’intéresse en effet. Tout part de la typographie : l’écriture, le langage, etc. C’est un sujet qui m’a toujours intéressé dans le dessin de lettres. Je n’entends pas par là la typographie de labeur, c’est-à-dire les polices de caractères qui apportent un confort de lecture ou dans l’écriture d’un texte (Garamond, Times, etc.) Il ne s’agit pas de la même réflexion, il est question ici de la typographie dans sa tradition. Beaucoup de graphistes ont travaillé la typographie, mais plutôt fantaisiste. La typographie de labeur est une référence de base, mais je préfère aller vers des choses plus libres.

« Mon travail est visuellement éclectique, Amener du sens à une idée de départ crée un lien entre les projets »

Je peux apprécier des choses esthétiquement jolies et gratuites, mais ce n’est pas ce qui me correspond. Approcher par une traduction visuelle et toucher par un message permet de créer un lien.

oclock nadine grenier

Unidivers : Depuis 2008, trois versions de O’clock ont été réalisées. Quelle a été l’évolution de l’installation ?

Nadine Grenier : O’Clock a été fabriquée trois fois avec des évolutions dans l’esthétique. La première version fonctionnait, mais n’était pas viable sur quinze ans, par rapport au choix de matériaux par exemple. Considérons là comme une maquette de principe bien finie opérationnelle.

Comme le projet était intéressant et tenait la route, la seconde étape a permis de réaliser un rendu professionnel et propre. J’avais exposé à la Triennale Design Museum de Milan (2011), événement où exposent des pointures du design et de l’exposition. Les moyens mis en œuvre m’ont montré la voie à prendre. Toute la conception esthétique et technique a été reprise jusqu’à aboutir à la dernière version.

Unidivers : Le principe demeure le même, la phrase se construit au fil des minutes et est visible le temps d’une minute avant de nouveau disparaître.

Nadine Grenier : Un cycle se met en route toutes les trente minutes. Elle fonctionne en temps normal pendant trente minutes et à la fin de ce cycle, elles retournent au point de départ. Si le temps réel était respecté, la phrase ne serait visible que deux fois par jour, dont une fois pendant les horaires de fermeture de l’espace d’exposition, ce qui était le cas dans la première version exposée à la Biennale internationale du design de Saint-Étienne. Les spectateurs s’étaient passé le mot et venaient tous les jours à midi afin de voir la phrase. Afin de pallier ce temps de latence, une version accélérée de l’installation était projetée au mur. Cette alternative fonctionnait, mais l’effet de surprise n’était plus le même, déjà que trente minutes d’attente peuvent paraître longues dans notre époque. Paradoxalement, c’est une des caractéristiques de l’œuvre qui est réellement appréciée dans ce travail.

oclock nadine grenier

Unidivers : L’installation capte le présent du spectateur, qui entre en résonance avec O’clock. Au final, l’œuvre ne matérialise-t-elle pas le temps qu’il passe devant l’œuvre qui se construit ?

Nadine Grenier : Le cycle de trente minutes permet un accès régulier à la phrase, dans le cas contraire, l’installation perdait de son intérêt et devenait trop énigmatique. En faisant ce choix et en discutant avec les spectateurs, le retour que j’ai eu et que je n’avais pas anticipé, c’est le côté hypnotique de ce travail. L’heure est en perpétuel mouvement. Le public n’est pas prévenu, il ne sait pas vraiment ce qu’il y a à voir, mais il sait qu’il va se passer quelque chose. On sait seulement que trente minutes sont nécessaires pour voir le final, j’ai été surprise, car le public est prêt à faire cet effort. Ce n’est pas un effort, mais ça demande une certaine patience.

Unidivers : Vous pointez peut-être du doigt le paradoxe de l’humain. Dans une société où tout va de plus en plus vite, on a l’impression de perdre notre temps plus rapidement, mais avec O’Clock, le public accepte, en contrepartie de la finalité de l’œuvre, de perdre son temps.

Nadine Grenier : Exactement, et d’un côté, je me permets de perdre son temps. Ce n’est pas quelque chose de réfléchi à la base, mais c’est un point très intéressant à observer et analyser.

oclock nadine grenier

Unidivers : « Le temps passe, et chaque fois qu’il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s’efface » vient de l’artiste, écrivain et poète Jules Romains. Pourquoi cette phrase plus qu’une autre ?

Nadine Grenier : Cette phrase était intéressante au niveau du son et de la graphie et les répétitions de mots renvoient également à la typographie. Au moment de réaliser O’clock avec les horloges, j’ai ajouté le mouvement des aiguilles au processus afin de détruire la lecture de la phrase, et la phrase correspondait encore plus. J’avais peur qu’elle soit redondante, mais une corrélation forte se crée entre le sens et ce qu’il se passe de manière physique dans l’espace.

Je ne pensais pas l’installation adaptée pour l’étranger, puisque la phrase est en français ce qui limite la compréhension au plus grand nombre. Cependant, après avoir essayé, les personnes ont été unanimes sur le fait de laisser la phrase dans sa langue d’origine plutôt que de proposer une traduction anglaise.

Exposition O’clock – La Maison du livre, Bécherel, du 5 avril au 17 mai 2019

Adresse :
La Maison du livre
4 Route de Montfort, 35190 Bécherel

Téléphone : 02 99 66 65 65

QUAND UN FILS REBELLE EST VOUÉ AUX GÉMONIES …

Le diable emporte le fils rebelle. Wisconsin, un des États du Midwest des États-Unis tout près du lac Supérieur et du Michigan. Vous savez, chères lectrices, chers lecteurs, un des États qui a permis l’accession de Trump à la fonction suprême en 2016, et qui risque bien de l’y maintenir en 2020… Un État dur où la vie est pénible quand il y a pénurie de boulot, où les armes sont légion, un État où les gangs zonent parfois dans des villes en piteux état, où il ne fait pas toujours bon être noir ou un peu différent de cette Amérique pro-blanche (environ 6 % de Noirs et 2,5 % d’Asiatiques dans ce pays qui revendique sa richesse melting-pot).

GILLES LEROY REBELLE

Ah, on est loin des États des côtes dévolues souvent aux démocrates. Malgré tout, le Wisconsin, dont la ville principale est Milwaukee, est géré par un gouverneur démocrate et la religion à l’influence forte est le protestantisme évangélique. Et malgré tout, la peine de mort y a été abolie en 1851. Toutes ces précisions revêtent une certaine importance pour bien comprendre où Gilles Leroy a planté le décor de ce roman, Le diable emporte le fils rebelle, un écrit fabuleux de cruauté et d’envie de rébellion, comme son héros, Adam, l’adolescent dit « rebelle ».

La famille de Adam, les Blanchette, vit dans un mobil-home, sur un terrain récupéré à côté d’autres mobil-home où des familles comme la sienne sont installées là parce que trop pauvres pour pouvoir louer ou s’acheter une véritable maison. C’est pas la gloire, mais Lorraine, la mère, élève comme elle peut ses quatre garçons, l’aîné, Adam, des jumeaux et Benjy, le petit dernier. Et puis il y a le père, Fred, qui enchaîne petits boulots sur petits boulots, ne comptant pas ses heures. Et fermant sa gueule parce qu’il a fait de la taule pour des histoires pas très claires. Lorraine, elle, tient ses fils en respect, ils doivent filer droit ; elle bosse à nettoyer ses baraques mobiles, enlèvent la merde des autres avant de rentrer s’occuper de la marmaille qui la fatigue. Alors entre deux clopes et quelques médocs stupéfiants, elle fait comme elle peut. Et puis, elle l’aime son Fred, elle qui a connu la violence et le viol dès l’âge de treize, elle les aime à sa façon ses gamins, même si elle aspirerait pour eux à une vie meilleure. Elle se bat pour qu’ils fassent des études, filent droit et assistent chaque dimanche à l’office. Parce que Dieu décide de nos destinées et donc il est important d’écouter les sermons qui permettent de rester dans le rang, de tenir sa place et garder un peu de dignité.

Oui mais voilà, quand votre grand de quinze ans, Adam, se rebelle et affiche son caractère, quand il fuit les études et passe ses heures ou, isolé dans sa petite piaule à rêvasser, ou à sillonner les environs sur son super skate, rien de va plus. Celui-là il file un mauvais coton, il a des fréquentations douteuses, il risque de mal tourner et avoir des ennuis, notamment avec les voisins ou pire, la justice. Et puis Lorraine a beau tenter un dialogue à sa façon, son gamin est dans le rejet, il l’envoie paître avec des mots hauts en couleur. Pourtant avec son père, les choses sont plus tranquilles. Fred aime et comprend son fils, il ferait n’importe quoi pour lui. Lui, l’aîné qui a eu tant de mal à démarrer dans la vie, bébé fragile, qu’ils ont failli perdre plusieurs fois.

Et puis arrive un jour où tout bascule, tout déraille, quand les belles-sœurs de la mère, des vipères viennent l’entretenir de doutes quant aux relations intimes qu’Adam pourrait entretenir avec certaines personnes. Tout explose, tout vole en éclat… Lorraine perd la tête et la raison et décide de grands moyens, les pires…

Écrit au scalpel, ce roman sec et court de Gilles Leroy est haletant, totalement captivant, d’une dureté si réelle. C’est violent, on insiste sur le rejet des choses, des êtres, de soi quand la peur du qu’en dira-t-on prend le dessus sur tout. On oublie les sentiments, les liens du sang, la notion de famille, de respect, de protection. L’alternative se trouve dans la figure paternelle mais sera-t-elle assez solide pour ramener la raison et la paix dans une famille déjà morcelée par le passé, le quotidien, les autres ? A lire comme une urgence, comme une leçon d’humanité… Parce qu’il s’agit d’abord et avant tout d’humanité.

Le diable emporte le fils rebelleGilles Leroy – Éditions Mercure de France – 140 pages. Parution : janvier 2019. Prix : 15,00 €.

Couverture : plainpicture / astrakan – Photo auteur Gilles LEROY © Le Figaro

Gilles Leroy est l’auteur notamment d’Alabama Song (prix Goncourt 2007), Nina Simone, roman, Le monde selon Billy Boy et Dans les westerns.

https://youtu.be/3VrrWPeCNNc

ALTO BRACO, DES UNIVERS SI DIFFÉRENTS CONFRONTÉS DANS UN MÊME ROMAN

L’héroïne de Vanessa Bamberger, Brune, va découvrir en retournant sur l’Aubrac de son enfance que l’on n’échappe jamais à ses origines. Alto Braco est un magnifique roman sur la transmission et le sentiment d’appartenance.

AUBRAC ALTO BRACO

C’est un roman où le ciel prend des couleurs de ténèbres. C’est un roman où les vaches ont les yeux maquillés de Kôhl. C’est un roman où les hommes ont élevé des murets pour couper l’horizon. C’est un roman qui se passe en Aubrac, cet « Alto Braco », ce «  haut lieu » en occitan. C’est un roman qui raconte l’histoire de deux jeunes filles figées dans un médaillon sur la couverture. Elles s’appellent Douce et Granita. Elles sont soeurs et elles sont grand-mère et grand-tante de Brune que les deux femmes ont élevée. Brune, qui a quitté l’Aveyron jeune pour la région parisienne, revient dans un petit village d’Aubrac pour enterrer Douce.

AUBRAC ALTO BRACO

Avec ce retour dans les paysages qu’elle a occultés, elle revient vers son passé, son enfance. Insensible à cet espace lunaire, elle est certaine que l’on oublie d’où l’on vient et que l’on est fait du temps présent. Mais la nature par sa beauté, ses mystères modèlent les femmes et les hommes, impose son rythme et fait surgir les souvenirs et les secrets car sur cette terre balayée par l’Ecir, les vies campagnardes à la fin du siècle dernier sont marquées par des histoires de famille où la propriété du sol se mêle aux sentiments. Les non dits s’enveloppent du brouillard omniprésent à ce carrefour de l’Aveyron, du Cantal et de la Lozère. Brune, citadine, fonctionnaire, va au fur et à mesure de ses retours sur le haut plateau dessiné par les moines du XII ème siècle, découvrir d’où elle vient vraiment et ressentir peu à peu la nécessité de sentiment d’appartenance.

Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. Ou plutôt il faut savoir d’où l’on vient pour pouvoir l’oublier.

Vanessa Bamberger, qui s’était fait connaître avec son premier roman réussi Principe de suspension, prend avec ce texte une dimension supplémentaire. Les romans sur l’appartenance à la terre sont nombreux, de Giono à Marie-Hélène Lafon en passant par Alexandre Vialatte. Mais, s’appuyant sur une part autobiographique, l’autrice n’évoque pas un temps heureux temps révolu où la nostalgie du passé fait office d’Arcadie. Elle inscrit la quête de Brune dans la modernité d’une économie soumise aux contradictions des lois du marché. Par une magnifique alchimie minutieusement documentée, elle décrit le monde des éleveurs, leurs contraintes actuelles, leurs difficultés en plaçant ces vies dans les paysages indissociables de leur monde.

ALTO BRACO BAMBERGER

On apprend tout de la sélection des animaux, de la confrontation entre éleveurs « anciens » et éleveurs « modernes », mieux que dans un livre d’économie. Les portraits tressés patiemment, sans effets de manche, sont magnifiques. Du patron de bistrot au paysan de 80 ans dont l’horizon « s’arrêtait à sa ferme, à ses bêtes qu’il ne lâcherait jamais, parce qu’après il n’y avait rien, plus rien que le cimetière », c’est un Pays que Vanessa Bamberger nous offre à voir en prenant la hauteur d’un champ d’estive. Cette fusion des êtres avec la nature, on la retrouve dans les noms de femmes que l’on associe souvent aux noms de vaches qui fait écrire que

sur l’Aubrac, les vaches étaient plus précieuses que les êtres humains.

ALTO BRACO BAMBERGER

Les silhouettes et les caractères de Douce et Granita sont de ceux qui vous restent en mémoire après la lecture. Il faudra à Brune renouer avec ses paysages pour connaître vraiment ses deux grand mères qui l’ont élevée, pour comprendre leurs colères, leurs amours, leurs silences. Et même leur cuisine car les fumets de l’aligot, des farçous, disent autant que les mots.

AUBRAC ALTO BRACO

Les traces de loup dans la neige, la viande qui fond dans la bouche, l’eau des lacs qui frémit sous la brume, dessinent un paysage comme un panorama ouvert à 360 degrés, d’où on ne voit aucune ville, aucune demeure autre que celle des étoiles comme autant de flocons de neige sous la voûte céleste. Ces moments de l’intime, parfaitement racontés, qui nous constituent parfois à notre insu, nous offrent des dernières pages pleines de surprise, de révélations, de retournements comme une météo changeante et imprévisible.

Dans ce second roman, Vanessa Bamberger réussit à nous faire saisir la confrontation entre les univers si dissemblables du monde citadin et du monde rural. Elle trace des passerelles entre la ville et le village, entre le passé et le présent, entre la tradition et la modernité. Entre notre enfance et notre vie d’adulte. Une totale réussite.

Alto Braco de Vanessa Bamberger. Éditions Liana Levi. 240 pages. 19€.

 

SOUVERAINE MAGNIFIQUE D’EUGÈNE ÉBODÉ, UN TÉMOIGNAGE INDÉLÉBILE DE L’HORREUR RWANDAISE

En 2014, Souveraine Magnifique d’Eugène Ébodé revenait sur le génocide rwandais. Il y a tout juste 25 ans, entre avril et juillet 1994, au Rwanda, Tutsis et Hutus s’entre-déchirèrent dans une lutte de pouvoir qui engendra ce qui demeure, à ce jour, le génocide le plus court et le plus intense de l’histoire de l’humanité, où périrent, selon l’ONU, 800 000 Rwandais, en grande majorité Tutsis.

Quelques romanciers africains ont écrit sur la rivalité entre les deux ethnies, en particulier le Camerounais Eugène Ébodé. Il a publié en 2014 un roman — en réalité un témoignage — qui fait parler Souveraine Magnifique, jeune rescapée des tueries de 1994 qui anéantirent sa famille proche, sous ses propres yeux. Le livre décrit l’horreur du génocide, traduit métaphoriquement comme la saison des coupe-coupe qui a ensanglanté le pays des Mille Collines [le Rwanda]. À aucun moment l’auteur ne prononce les mots « hutus », assassins des « tutsis », préférant parler des « Courts » […] raccourcissant […] les « Longs ».

Eugène Ebodé Souveraine Magnifique

L’ethnocide désigne toujours une victime expiatoire, un bouc émissaire : « Parce que nous étions nés Longs, que nous étions plus effilés que les Courts, ils nous ont toujours prêté une origine indéfinie, bizarre ! À leurs yeux, nous ne sommes pas des citoyens légitimes de ce pays. Nous sommes de trop ! Certains ont conclu que nous avons vocation […] à disparaître. C’est insensé, car nous sommes d’ici et de nulle part ailleurs. Nous n’avons de pays que ces mille collines », clame Souveraine à l’écrivain venu recueillir son témoignage. « Notre sveltesse, nos longs nez, nos mages, nos rites […] avaient créé un sentiment étrange d’infériorité chez certains Courts. Nous avions beau répéter que la monarchie était celle du pays et n’appartenait à aucun groupe en particulier, on nous rétorquait que nous nous distinguions par nos mythes […]. Nous étions accusés de tenir davantage à ces mythes qu’à la personne de Jésus-Christ le fils de Dieu qui était mort sur la croix pour nous. On avait fini par nous identifier à ceux qui l’avaient crucifié. »

Les colons belges, à partir de 1931, imposèrent des papiers d’identité indiquant l’origine des populations constitutives du Rwanda : « hutu », « tutsi » ou « twa ». Cette pratique discriminante, de funeste mémoire et conséquence dans l’Europe antisémite de la première moitié du XXe siècle, était encore récemment en vigueur dans ce pays. Elle aida largement les meurtriers à identifier leurs futures victimes et à faire de ce pays un « équarissoir » pendant ces quatre mois mortifères de 1994.

Eugène Ebodé Souveraine MagnifiqueEugène Ebodé Souveraine Magnifique

Sidi N'Diaye éditions du bord de l'eau
Sidi N’Diaye, Tutsis du Rwanda et Juifs de Pologne, victimes de la même haine ?, Lormont, éditions du Bord de l’eau, 2017.

L’absurdité et l’horreur du conflit éclatent aux yeux de Souveraine Magnifique quand elle découvre que c’est leur voisin — et ami de la veille —, un « Court » qui, avec une sauvagerie insoutenable, décapite puis émascule à coups de machette son père, un « Long », et, après une tentative de viol, éventre sa mère, laissant échapper le fœtus qu’elle portait. L’épouse de ce voisin, qui fut la maîtresse d’école adulée et la « deuxième maman » de Souveraine, ne se remettra pas du geste insensé de son mari et en deviendra folle de douleur.

Le voisin, une fois la paix retrouvée, fut jugé par un tribunal de Sages et condamné à une peine inconcevable : le criminel fut condamné à s’occuper d’une vache conjointement avec la fille de l’homme et la femme qu’il massacra. « C’est le prix de la réconciliation ! Oui, après la sanction vient la réconciliation. Peut-être y aura-t-il le pardon, mais ça, monsieur, c’est aux victimes de l’accorder. Et puis une vache n’est pas qu’une vache, elle n’efface pas l’horreur, elle rend possible la reprise d’une communauté de destin. Vous comprenez ? » ajoute Souveraine face à son interlocuteur quelque peu sceptique.

On quitte cet ouvrage important, douloureux, parfois difficilement supportable, avec le sentiment désespérant de voir bégayer l’Histoire dans ses sempiternelles et monstrueuses vagues de haine génocidaire toujours prêtes à fondre sur tous les continents, que ce soit dans l’Amérique indienne, l’Asie cambodgienne, l’Orient arménien, l’Europe nazie ou stalinienne, ou celle de l’ex-Yougoslavie.

Dans l’abondante littérature (de fiction et d’essais) sur la tragédie rwandaise, se détache aussi la romancière Scholastique Mukasonga qui reçut le prix Renaudot en 2012 pour Notre-Dame du Nil, où elle décrit la séculaire rivalité interethnique de ce malheureux pays, annonciatrice des massacres de 1994.

Notre-Dame du Nil Scholastique Mukasonga
Scholastique Mukasonga, Notre-Dame du Nil, Paris, Gallimard, 2012.

Notre-Dame du Nil Scholastique Mukasonga

Dans un contexte plus général, il faut aussi lire un ouvrage, qui fait désormais référence, de l’historien Jacques Sémelin, Purifier et détruire : usages politiques des massacres et génocides, paru au Seuil en 2005, remarquable analyse multidisciplinaire de l’acte ethnocidaire.

Plus récemment, en 2015, le très remarqué et émouvant roman de Gaël Faye, Petit pays, prix Goncourt des lycéens, est venu nous rappeler l’horreur des massacres du Rwanda.

Eugène Ébodé, Souveraine Magnifique, Paris, Gallimard, collection « Continents noirs », 2014.

HISTOIRE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI, LE MARIN DE CASABLANCA DE CHARLINE MALAVAL

Le Marin de Casablanca, second roman de Charline Malaval, paraît ce mercredi 3 avril 2019 aux éditions Préludes. Dans ce roman choral partagé entre deux époques, les personnages se croisent et souvent s’entrecroisent. Et puis, il y a ceux, qui, de loin, observent, parce que les époques les éloignent, parce que les circonstances les séparent…

Le Marin de Casablanca Charline Malaval

Guillaume, la vingtaine, est brillant. Il a toujours voulu rejoindre l’armée (la grande muette), son truc c’est la marine. Alors, quand l’Allemagne s’apprête à déclarer la guerre à la France en 1939, Guillaume s’enrôle malgré les réticences de ses parents et part pour Toulon. Enfin, il a bien fallu l’autorisation du père, Lucien, pour que ce fils unique rejoigne la rade. Lucien, le père, aurait préféré un autre destin pour son fils, lui qui a connu la Grande Guerre. Lui, l’être mystérieux, si mystérieux sur son passé. Et puis, il y a Ginette, la fiancée de Guillaume, qui est triste, mais aussi en colère, que son beau Guillaume rallie les troupes et se retrouve bientôt à Casablanca, le Maroc, qu’elle ne connaît pas. Elle est impatiente, elle attend avec angoisse son bien-aimé parti loin de la Somme et d’Amiens. Quant à la mère, Hélène, n’en parlons pas, elle tremble à chaque instant. Son cher petit, parti pour le front, face à ces Boches qui veulent tout ravager comme vingt ans auparavant…

De 1940, on passe à 2005 et l’on fait connaissance de la ravissante Loubna, qui aimerait en connaître davantage sur son passé et qui a grandi, travaille et vit à Casablanca, coincée entre tous les non-dits, entre les regards au milieu des fantômes de son passé. Elle ne comprend pas comment elle peut goûter sa jeunesse dans une telle opulence alors qu’elle semble issue d’un milieu modeste. Alors elle attaque des recherches sur son passé, ses aïeux, ceux qu’on considère absents, disparus ou morts… Ceux qu’on a — en apparence — oubliés !

1940. Guillaume disparaît dans l’explosion du bâtiment sur lequel il sert la patrie. Alors, c’est Félix, l’ami de toujours, l’ami marin, qui est chargé de prévenir la famille. Pourquoi Félix ? Parce que Félix avait échangé sa permission avec Guillaume, alors il se sent fautif, malheureux et ferait tout pour faire revenir son ami à la vie. La vie, la mort, en fait Guillaume a disparu, personne ne sait s’il est décédé, s’il a déserté, s’il était espion à la solde de l’ennemi.

Plus on avance dans le roman, plus les questions se posent, plus elles se multiplient, plus elles s’enchaînent. Et puis ? Quel rapport entre 1940 et 2005 ? Y a-t-il un lien entre l’histoire de ce marin de Casablanca et la délicieuse Loubna ?

Dans un roman fort captivant, Charline Malaval nous balade entre deux époques. Les personnages sont typés et souvent surprennent, car ils sont loin de revêtir la première image qu’ils nous donnent d’eux, que les autres pourraient donner d’eux. On surfe sans cesse entre les non-dits, non-dits et faux-semblants qui ont semé souffrances, trahisons. Et en matière d’amour, les trahisons sont souvent légion. L’auteure excelle également par une écriture très visuelle et une langue qui souvent se rapproche effectivement de hauts personnages comme Gabin, Bogart et tant d’autres… Quant au lieu principal, le Maroc, il demeure fascinant d’exotisme et de lumière.

Cinéma Rialto Le Marin de Casablanca Charline Malaval
Cinéma Rialto. Photos publiées sur la page Facebook de Charline Malaval.

Hôtel Excelsior Le Marin de Casablanca Charline Malaval
Hôtel Excelsior. Photos publiées sur la page Facebook de Charline Malaval.

 Phare d'El Hank Le Marin de Casablanca Charline Malaval
Phare d’El Hank. Photos publiées sur la page Facebook de Charline Malaval.

Charline MalavalLe Marin de Casablanca, Paris, Préludes, 320 pages. Parution : 3 avril 2019. Prix : 16,90 €.

Le Marin de Casablanca Charline Malaval
Charline Malaval signe ici son second roman, après Étrangères (éd. Lucien Souny). Elle dévore tout ce qui touche aux voyages depuis qu’elle sait lire. Elle a consacré son doctorat de littérature comparée à ce sujet. Ensuite, elle a voulu confronter ce qu’elle avait lu et étudié avec passion à sa propre perception. Alors, elle a voyagé, travaillé à l’étranger et découvert des pays. Des expériences qui l’ont considérablement inspirée…

AU RWANDA, J’AI CRU QU’ILS AVAIENT ENLEVÉ TOUTE TRACE DE TOI

Vingt-cinq ans, c’est long, c’est court… Que faisions-nous en 1994 ? Certains travaillaient, d’autres suivaient des études, nombre encore n’étaient pas nés… À des milliers de coups d’ailes, sur un autre continent, où le soleil est écrasant, où la moiteur est permanente, où la terre est rouge, où les végétations sont luxuriantes, se déroulaient le pire, l’horreur, un génocide… au Rwanda, dans un tout petit pays d’Afrique centrale, jouxtant la région des grands lacs… Entre deux ethnies, Hutus et Tutsi. J’ai cru qu’ils avaient enlevé toute trace de toi.

YOAN SMADJA

1994. Sacha, reporter de guerre et est envoyée par sa rédaction en Afrique du Sud pour couvrir les premières élections démocratiques. Rapidement des événements s’enchaînent au Rwanda et elle file rejoindre ce petit pays qui s’apprêtent à de graves affrontements. En effet, au nom de l’info, la jeune femme souhaite obtenir une interview du leader du FPR (Front patriotique rwandais) Paul Kagame qui lutte contre le président Juvénal Habyarimana, lequel a rompu les accords d’Arusha qui devaient mettre un terme à la guerre civile qui déchire le peuple rwandais depuis trop longtemps.

RWANDA

Sacha fait ainsi la connaissance de Daniel, médecin particulier de Kagame. Le médecin, depuis plusieurs jours, court en tous sens pour retrouver sa femme, Rose et leur fils Joseph, tout deux disparus au début du conflit, quand les Hutus ont décidé d’exterminer les Tutsi.

RWANDA

À travers ce premier roman, l’auteur nous entraîne donc dans la course folle que vivent ces personnages qui se croiseront, se rateront souvent, se retrouveront peut-être sur fond de bain de sang permanent, de peurs, de colères, de douleurs et d’attentes. La construction du récit est ponctuée régulièrement par les lettres que Rose écrit à son mari. Puisqu’elle ne peut le voir, elle utilise l’épistolaire pour communiquer. Les lettres arriveront-elles jusqu’à leur destinataire ? Qui les lira ? Que deviendront-elles avec le temps ? Le suspense est permanent et l’atmosphère est lourde au-delà de la poésie disséminée de-ci de-là par l’auteur pour alléger quelque peu le propos principal.

OPERATION TURQUOISE RWANDA
Opération Turquoise au Rwanda

Roman particulièrement puissant sur une thématique lourde : l’organisation et la mise en place d’une politique génocidaire au Rwanda par les Hutus contre leurs frères Tutsi. La présence des casques bleus (ONU) sur place qui assistaient souvent passivement aux massacres pose question tant aux gens de l’époque qu’à nous autres lecteurs d’aujourd’hui. (finalement à quoi sert réellement l’ONU ?). Yoan Smadja souligne toute l’importance du rôle qu’a joué la Croix-Rouge dans l’aide (avec les moyens du bord) aux uns comme aux autres mais aussi les positions très ambiguës de certaines puissances occidentales… Pour rappel, l’opération Turquoise (sous Mitterrand et Balladur en 1994) est restée dans les mémoires comme un soutien déguisé aux Hutus contre les Tutsi.
C’est un travail fouillé, précis et remarquablement écrit qui nous rappelle non seulement les horreurs du passé, dont le Rwanda porte encore les stigmates, mais aussi la fragilité de toute démocratie.
À lire comme une urgence !

Yoan Smadja, J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi, Paris, Éditions Belfond, 285 pages. Parution : 4 avril 2019. Prix : 17,00 €

Yoan Smadja a travaillé dans la collecte de fonds en faveur d’ONG et pour des sociétés du secteur agroalimentaire. J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi est son premier roman.

VUE SUR MÈRE UN DRAME DE CAROLINE GRIMM

Vue sur mère : un drame de Caroline Grimm. Adèle et Aurélien, deux jeunes gens qui travaillent et vivent sur la côte basque tombent amoureux. Jusque-là rien de très anormal ; ce sont des choses qui arrivent. Aurélien est passionné de surf, Adèle de son côté a ses amis et essaie de leur consacrer du temps comme elle peut.

Caroline Grimm Vue sur mère

Un jour, les deux tourtereaux décident de se marier et bientôt, la petite Rose vient ravir la vie de ce jeune couple. Tout pourrait aller au mieux dans le meilleur des mondes si le passé de l’un comme de l’autre ne revenait pas régulièrement les hanter comme un boomerang…

Si Adèle s’occupe de son père qui donne des signes de faiblesse, elle n’a jamais connu sa mère, partie un jour en l’abandonnant. Du côté d’Adrien, c’est Maïté, mère d’adoption et deuxième épouse de son père qui lui a transmis toute l’affection possible. D’ailleurs il la considère comme « sa » mère, tellement cette femme, au caractère bien trempé, est attachée à son bien-être. Ainsi Adèle et Aurélien ont dû se construire de la sorte. Avec l’amour des leurs, mais aussi l’absence d’une mère. La présence de Rose les pousse à réfléchir à leurs origines. Aux vérités qu’ils pourraient devoir aborder quand la petite commencera à poser certaines questions, d’ailleurs n’a-t-elle pas déjà commencé ?

Sans avertir Aurélien, Adèle part à la recherche de sa mère, ce fantôme qui finit par la miner, contre l’avis de son père qui ne veut pas en entendre parler : une certaine Marie. Elle va se faire aider par une amie qui est en lien avec les médias. Mais peut-être cette femme est-elle morte puisque visiblement elle a disparu de tous les écrans radars depuis longtemps ? Au bout de quelques mois, elle parvient à la retrouver et la prise de contact s’accomplit via une radio nationale. Ce pourrait être voyeur, mais Adèle éprouve tant le besoin de vérité qu’elle finit par accepter.

Et les lectrices, les lecteurs de découvrir comment et pourquoi cette mère a laissé son enfant en d’autres temps.

De son côté, l’affaire titille Aurélien, qui, à son tour, va vouloir savoir qui est cette mère qui a disparu de sa vie quelques heures seulement après sa naissance…

Et l’impensable va s’écrire page après page…

Caroline Grimm a multiplié les prises de risques en tentant ce roman : le risque de tomber dans une sorte de pathos, ce n’est pas le cas ; le risque d’aborder un tabou avec un grand T, ce n’est pas le cas ; le risque de heurter la « bonne » morale religieuse, ce n’est pas le cas. Par la pudeur, par l’authenticité, par la réflexion et par une immense humanité, elle nous propose un texte à la thématique singulière cependant douloureuse et qui soulève bien des questions éthiques. Et par une audace de toutes les pages. Ces personnages présentent des reliefs intéressants et avancent dans la vie, entre hauts et bas, avec bon sens malgré certaines erreurs (mais après tout, l’erreur est humaine) ; au bout du compte, faut-il se fier à la raison, à la force des sentiments ou à certains compromis ?

Un roman captivant qui force l’admiration et le respect !

Caroline Grimm, Vue sur mère, Paris, Éditions Héloïse d’Ormesson, 240 pages. Parution : 11 avril 2019. Prix : 18,00 €.

Caroline Grimm Vue sur mère
Crédit : Astrid di Crollalanza – Flammarion

Scénariste, comédienne et réalisatrice, Caroline Grimm est également l’auteur de Moi, Olympe de Gouges, adapté au théâtre avec succès, et de Churchill m’a menti, roman salué par la critique.

UN BAL MASQUÉ PRESQUE PARFAIT À L’OPÉRA DE RENNES

Un Bal masqué, de Giuseppe Verdi, mis en scène par Waut Koeken et dirigé par Pietro Mianiti sera représenté jusqu’au samedi 6 avril à l’opéra de Rennes. Retour enthousiaste sur la première représentation.

Un adage populaire nous enseigne que la perfection est rarement de ce monde, acceptons-en l’augure. Pourtant le dimanche 31 mars, avec la représentation du Bal masqué de Giuseppe Verdi à l’opéra de Rennes, nous avons presque atteint cet inaccessible idéal. Tout fut magique, féerique, et pendant trois heures et dix minutes nous avons été fascinés par la noble et triste histoire qui nous a été contée.

C’est la tragique réalité de ce roi de Suède, très francophile, Gustave III, qui fut assassiné le 16 mars 1792, au cours d’un bal masqué qui eut lieu à l’opéra Royal de Stockholm. Le monarque avait eu la mauvaise idée d’accorder à tous les Suédois l’égalité. La noblesse lui fit payer comptant cette mesure trop inspirée de la Révolution française.

bal masqué verdi

En 1833, un musicien français, Daniel François Auber, créa un opéra, d’après un livret de Eugène Scribe, dont l’intrigue est basée sur ces événements, Giuseppe Verdi n’avait alors que vingt ans.

bal masqué verdi
Eugène Scribe est un dramaturge et librettiste français. Il est l’un des auteurs dramatiques les plus joués du XIXe siècle, en France comme dans le reste du monde. La célébrité dont il a joui de son vivant contraste singulièrement avec l’oubli total dans lequel son œuvre est tombée de nos jours.

Il faudra attendre l’année 1859, le 17 février, pour que Un Ballo in maschera soit donné au Teatro Apollo de Rome. Le livret du dramaturge italien, Antonio Somma s’inspire clairement des écrits de Scribe.

bal masqué verdi
Frontispice de la partition de l’opéra Un ballo in maschera de Giuseppe Verdi (1860).

Dès le lever de rideau, la première émotion est créée par la beauté du décor aux touches dorées et aux drapés cramoisis. Il est en parfaite adéquation avec l’esthétique du théâtre à l’italienne de Rennes. Il semble que, Waut Koeken, le metteur en scène, ait eu la préoccupation de placer un second théâtre sur scène. Le jeu va plus loin, puisque lors du premier tableau, sur le bureau du roi, un des objets de décoration est une représentation du décor du troisième acte, comme s’il voulait déjà nous annoncer l’évolution de l’intrigue.

bal masqué verdi

bal masqué verdi

En plus de cette mise en scène vivante et créative, la musique de Verdi fut magnifiquement servie par les membres de l’orchestre national des Pays de la Loire, placés sous la baguette de Pietro Mianiti. Des impressionnants tutti aux moments les plus intimistes, cette talentueuse formation a su se mettre au service des chanteurs et a offert un véritable écrin à l’histoire sans, à aucun moment, tenter de tirer à elle la couverture.

Les chanteurs, d’ailleurs parlons-en. Le ténor Stéfano Secco, en Gustave III emporte tous les suffrages, il est exactement ce que nous attendons, puissance vocale, présence scénique, il donne à Monica Zanettin, dans le rôle d’Amélia, son aimée, la répartie lors de dialogues amoureux qui nous entraîneront vers des sommets d’émotion.

bal masqué verdi

Deux personnages satellites du roi, mais pas du tout secondaires, se partagent également les faveurs du public. Hila Baggio donne au personnage du page Oscar un côté frondeur et insolent, tandis que Luca Grassi apporte au rôle de Renato Anckarström, le secrétaire du roi, une souffrance et une noirceur qui lui confèrent toute sa dimension tragique. Agostina Smimmero, interprète avec une belle autorité le rôle de Ulrica, la prophétesse. Elle est si souvent disposée à évoquer Satan qu’on en viendrait à soupçonner une ressemblance peu fortuite avec la mère de Gustave III, Louise Ulrique de Prusse, assoiffée de pouvoir, et qui finit en exil au château de Svartsjö. Un autre duo a attiré notre attention, celui formé par Sulkhan Jaiani et le Rennais Jean-Vincent Blot. Leurs splendides voix de basse créent un climat mortifère et haineux et lorsqu’ils ouvrent la bouche, c’est toute la scène qui est réduite au silence.

bal masqué verdiMême les rôles plus discrets sont dignes d’éloges. Pierrick Boisseau plante un marin des plus convaincants, Mikäel Weill, un juge dont on a envie de se moquer et Franck Estrade, malgré la fièvre, un serviteur des plus louables. Les chœurs d’Angers-Nantes opéra sont remarquables de présence et leur chef, Xavier Ribes a su leur donner cette couleur italienne, solaire et enthousiaste qui insuffle à la production de ce pays une personnalité si reconnaissable.

Les lumières composées avec soin par Nathalie Perrier ont une part non négligeable dans cette réussite technique. On passe de teintes orangées, roses, à des dorés chaleureux puis des bleus nocturnes et profonds, auxquels succèdent des lumières crues et intenses. C’est un vrai récital de nuances, orchestré avec talent.

bal masqué verdi

bal masqué verdi

Les amateurs de spectacle total trouveront également un motif d’admiration devant la qualité et la recherche des costumes de Luis F. Carvalho, réalisés par l’atelier de l’opéra national de Lorraine. Une splendeur ! Aux meilleurs moments c’est près de cinquante intervenants qui virevoltent sur le plateau dans leurs tenues élégantes et colorées, créant un décor vivant et pailleté qui nous laisse bouche bée.

bal masqué verdi

Dernier point sur lequel il convient de revenir, les décors. Conçus par les ateliers d’Angers Nantes opéra et les ateliers de la ville de Nancy, ils sont à la hauteur de ce qui a été précédemment décrit. Notre petit coup de cœur ira vers cette incroyable coupole d’opéra renversée qui sert de décor au dernier acte. C’est simplement magnifique. Renseignement pris, il semble que se soit une représentation de la coupole du teatro San Carlo de Naples.

bal masqué verdi

L’opéra, dans cette production, joue à plein son rôle d’enchanteur.

Crédit photo : Jean-Marie Jagu

Contrairement à ce que dit le site de l’opéra de Rennes, il semble rester quelques places ! Il suffit d’appeler l’opéra ou de s’y rendre directement.

Informations et distribution

UN BAL MASQUÉ
GIUSEPPE VERDI
Un ballo in maschera
Opéra en trois actes sur un livret d’Antonio Somma 1859
Spectacle chanté en italien, surtitré en français

AVRIL 2019
MARDI 2, 20h – JEUDI 4, 20h – SAMEDI 6, 18h (représentation proposée en audiodescription)

Mise en scène Waut Koeken
Décors et costumes Luis F. Carvalho

Lumières Nathalie Perrier

Chorégraphie Jean-Philippe Guilois

Orchestre National des Pays de Loire

Direction Musicale
Pietro Mianiti

Choeur d’Angers Nantes Opéra
(Direction Xavier Ribes)
Gustave III Stefano Secco
Amelia Monica Zanettin
Le comte Anckarström Luca Grassi
Oscar Hila Baggio
Ulrica Arvidson Agostina Smimmero
Le comte Ribbing Sulkhan Jaiani
Le comte Horn Jean-Vincent Blot
Christian Pierrick Boisseau
Coproduction Opéra National de Lorraine, Théâtres de la Ville de Luxembourg, Opera Zuid, Angers-Nantes Opéra

I AM, I AM, I AM, LA RÉSILIENCE DE MAGGIE O’FARRELL

À l’apogée de son talent, la romancière britannique Maggie O’Farrell publie un cri de vie : I am, I am, I am (éditions Belfond). Un livre d’une profonde humanité !

I am Maggie O'Farrell

Attention précision : ce livre n’est ni un roman, ni véritablement un essai, c’est avant tout un recueil de textes plumetés au fil des années, au fil de la vie, des rencontres, des joies comme des épreuves. Et c’est d’une justesse qui marque et qui en appelle à nos propres mémoires, que l’on soit femme ou homme, parce qu’universelle tout autant qu’intemporelle.  Et ce, au-delà des sujets abordés par l’auteure, qui ne manque ni d’à-propos, ni d’audace, ni de sensibilité, ni de talent.

À travers différents tableaux, Maggie O’Farrell revisite l’enfance, l’évolution du corps, les relations à la mère comme celles la liant à ses enfants. Dans des chapitres qui s’enchaînent et parfois se déchaînent, le corps comme l’esprit s’expriment tant dans ses attentes que dans ses joies comme dans ses peines. Rien n’est exclu : les émotions, les angoisses, la souffrance, la force de la maladie qui ronge et qui grignote, qui handicape tout espoir de guérison parfois. Et le corps nous apprend que l’on peut vivre avec, quoi qu’on en dise, parce que la force de vivre aboutit souvent à une forme de résolution sinon de sagesse.

De nombreuses phrases décrivent avec précision et subtilité toute l’énergie que l’on met dans l’amour de son, de ses enfant(s), malgré les affres de l’existence. Au-delà des afflictions qui touchent nos gosses, on les aime tels qu’ils sont parce que les sentiments sont plus forts. Et ce, malgré les peurs, le regard des autres…

La plume, telle une caméra, visite ainsi le cou, la colonne vertébrale, la tête, les poumons, le cerveau, le cœur… Ainsi, l’auteure donne la parole au corps qui exprime tous ses ressentis. C’est souvent étonnant, en tout cas c’est passionnant, ces photos (qui n’ont rien de clinique) dénotent d’une observation longue, patiente et très profonde.

Le chapitre consacré à la fille de la narratrice est une véritable leçon de tolérance et d’acceptation au-delà de toutes formes de jugement.

À l’issue de ce voyage intérieur, on peut imaginer que le lecteur, la lectrice ressortent sinon rassuré(s) sur le fonctionnement du « moi », plus informé(s) et surtout plus empathique(s) tant à son propre égard qu’à celui des autres.

Maggie O’Farrell, I am, I am, I am, traduit de l’Anglais (Ir) par Sarah Tardy, Paris, Éditions Belfond, 246 pages. Parution : mars 2019. Prix : 21,00 €.

Maggie O'farrell

Née en 1972 en Irlande du Nord, Maggie O’Farrell a grandi au pays de Galles et en Écosse. Après des études littéraires à Cambridge, elle devient journaliste. À la suite du succès de son premier roman, Quand tu es parti (Belfond, 2000 rééd. 2017 ; 10/18, 2003), elle abandonne sa carrière de rédactrice en chef des pages littéraires de The Independant on Sunday pour se consacrer à l’écriture. Tous ses romans sont parus chez Belfond et repris chez 10/18 : La maîtresse de mon amant (2003), La Distance entre nous — lauréate du prix Somerset Maugham (2005), L’Étrange disparition d’Esme Lennox (2008), Cette main qui a pris la mienne — prix Costa 2010 du meilleur roman (2011) —, En cas de forte chaleur (2014) — sélectionné pour les Costa Book Awards et finaliste des National Book Awards britanniques 2014 – et Assez de bleu dans le ciel (2017).

RENNES. SOLIDARITÉ PAR CAPILLARITÉ CHEZ STYLE ET CRÉATION

De mèche avec l’association Solid’hair, Style & création est un des deux salons de coiffures de Rennes qui collecte des dons de cheveux pour venir en aide aux personnes atteintes de cancer. Intrigué par la démarche, Unidivers envoie sur les lieux un journaliste-cobaye chevelu qui avait bien besoin de se rafraîchir la nuque… Retour en vidéo sur notre rencontre avec Fabrice, prothésiste capillaire.

Vidéo : Bastien Michel

Musique : Antoine, « Les Élucubrations d’Antoine », label Vogue, 1966.

ET

KAUNE, « What’s Going On », 2019, d’après Marvin Gaye

 

En bref

Créée en mars 2015, l’association Solid’hair est déjà venue en aide à plus de 400 personnes atteintes de cancer et en difficultés financières.

Elle suit l’exemple de Coupe d’éclat, en Belgique, qui, depuis sa fondation en 2008, a fait bénéficier plus de 5 000 personnes d’une aide financière en vue de l’acquisition d’une perruque.

Palliatif de la chute des cheveux qui accompagne les traitements de chimiothérapie, la perruque, en sauvegardant l’estime de soi du malade, a une valeur thérapeutique indirecte mais certaine. Actuellement, la prise en charge d’une prothèse capillaire par la Sécurité sociale est de 125 €. Mais il faut compter plus de 400 € pour l’acquisition d’une perruque de qualité, nous dit Fabrice, et un simple coup d’œil sur les sites dédiés suffit à voir que les prix grimpent rapidement autour des 600, 800, voire 1 000 €. L’objectif des associations Solid’hair et Coupe d’éclat est d’apporter une aide financière qui serve de complément aux personnes nécessiteuses.

SOLID HAIR STYLE ET CREATION RENNES PERRUQUES

SOLID HAIR STYLE ET CREATION RENNES PERRUQUES

Outre les personnes aidées directement, leur action semble porter ses fruits puisque Fabrice de Style et Création nous annonce que la prise en charge par la Sécu sera prochainement majorée pour certaines perruques.

Renseignez-vous sur la façon d’obtenir une aide financière en cliquant ici.

Modalités de don

Solid’hair a développé un réseau de plus de 1 000 salons de coiffure partenaires ou dépositaires.

Les coiffeurs dépositaires recueillent les mèches de cheveux coupées par vos soins pour les envoyer à l’association. La mèche doit faire au moins 25 cm sur toute la longueur.

SOLID HAIR STYLE ET CREATION RENNES PERRUQUES
Tuto par Élodie de Cut and Learn.

Chez les coiffeurs partenaires, on délimite et découpe les mèches à donner, puis on assure la coupe habituelle des cheveux. Les partenaires s’engagent à offrir une réduction sur la coupe. Chez Style & Création à Rennes, tous les donneurs bénéficient du tarif étudiant.

SOLID HAIR STYLE ET CREATION RENNES PERRUQUES

Une dernière modalité consiste à faire un don financier direct sur le site de l’association.

Et après ? Un processus capillotracté

Après le don, les mèches de cheveux sont envoyées à l’association Solid’hair. Elles sont triées par des bénévoles avant d’être vendues à des perruquiers. Ces derniers fabriquent les perruques, ou plutôt les font fabriquer, en grande majorité dans des usines en Asie, nous confie Fabrice, pour les revendre ensuite… à des prothésistes capillaires comme Fabrice ! C’est dire qu’en partant du particulier solidaire, les cheveux passent par l’implication associative pour finir dans un circuit commercial qui traite le don comme une matière première, du cheveu acheté au kilo et revendu à prix d’or, parfois à des personnes obligées de faire une demande d’aide financière à Solid’hair pour se le procurer.

SOLID HAIR STYLE ET CREATION RENNES PERRUQUES
L’ouroboros est un dessin ou un objet représentant un serpent ou un dragon qui se mord la queue. Il s’agit d’un mot de grec ancien, οὐροϐóρος, latinisé sous la forme uroborus qui signifie littéralement « qui se mord la queue ». Dans certaines civilisations anciennes, il est le symbole de l’infini.

C’est là que le bât blesse. L’absence de manufacture de perruques en France (due au coût de la main d’oeuvre par rapport au temps de travail) empêche les circuits courts de se développer. La rareté du cheveu européen en fait une marchandise de luxe… on ne sait pas trop ce que ça sent, mais en tout cas ça pue !

De plus, il n’est pas dit que les cheveux donnés servent un jour directement à des personnes ayant suivi une chimiothérapie. Même si Fabrice explique que les perruques en cheveux naturels sont prisées des jeunes filles atteintes de cancer et particulièrement affectées par la perte de leur chevelure, le prothésiste capillaire la déconseille aux malades. Le cheveu naturel doit être coiffé, contrairement au cheveu synthétique qui reprend forme après lavage. Or, le simple geste de lever le bras pour se coiffer devient vite une torture pour quelqu’un subissant un gonflement inflammatoire des ganglions. La vieille injonction selon laquelle il faut souffrir pour être beau, et plus encore pour être belle, a le cuir chevelu épais !

Conclusions perplexes en forme de point d’interrogation face aux enjeux du monde contemporain

Mais où vont donc finir vos cheveux ? La question reste complète, la réponse insondable, elle hante encore votre journaliste cobaye, faisant dresser sur sa tête ce qui lui reste de cheveux après un don moyen de 29 cm, châtain, plutôt fin, mi-gras, ça se conserve mieux apparemment.

Couronneront-ils le front d’une reine des nuits hollywoodiennes ne manquant pas de toupet ? Orneront-ils le sommet vacant d’un nouveau riche Brésilien aspirant à ne pas perdre le respect et l’admiration de ses subordonnés et partenaires d’affaires et à s’assurer ainsi que ses actions en bourse ne chuteront jamais aussi vite que ses propres cheveux ?

Il n’en demeure pas moins que, depuis 2015, plus de 400 personnes en France atteintes de cancer ont vu leur quotidien s’améliorer grâce aux aides versées par l’association Solid’hair

SOLID HAIR STYLE ET CREATION RENNES PERRUQUES
Page Facebook de Solid’hair.

Quelle ne fut pas notre surprise en nous rendant compte que faire don de ses cheveux suffit pour réaliser à quel point la société globalisée telle qu’on la connaît aujourd’hui complexifie la moindre des valeurs, y compris une des plus fondamentales, la solidarité.

Association Solid’hair

Site Web / Page Facebook

 

 

LE PREMIER HAMMAM LIBERTIN POUR SENIORS OUVRIRA EN BRETAGNE

Si la sexualité des seniors reste un tabou, il n’en reste pas moins que les + de 65 ans sont loin d’être inactifs dans ce domaine et c’est tant mieux. D’ailleurs une étude parue en 2015 dans le journal « Archives of Sexual Behavior » révèle que 54 % des hommes et 31 % des femmes britanniques de plus de 70 ans sont encore sexuellement actifs. Une sexualité épanouie est d’ailleurs assurément un gage de meilleure santé. C’est ainsi qu’un Breton donne un coup de pied dans la fourmilière des bien-pensants et s’apprête à ouvrir le premier hammam libertin pour seniors : une première mondiale !

Le sexe est une des neuf raisons qui plaident en faveur de la réincarnation. Les huit autres sont sans importance. (Henry Miller, 1891-1980

HAMMAM LIBERTIN BRETAGNE

En 2018, des entrepreneurs bretons voulaient ouvrir le plus grand hammam libertin à Lanester dans le Morbihan. Suite à divers problèmes administratifs, ceux-ci finirent par jeter l’éponge … Et voici qu’un nouvel audacieux envisage un projet encore plus grandiose : un hammam libertin pour seniors !

Pour le moment cet entrepreneur souhaite garder l’anonymat, mais la rédaction d’Unidivers a réussi à ce qu’il se confie : il nous a tracé les grandes lignes de cet ambitieux projet qu’il a mûri pendant plusieurs années avec la célèbre Américaine Joan Price, spécialiste de la sexualité des seniors et auteure de divers ouvrages sur le sujet. Il est d’ailleurs prévu qu’elle vienne régulièrement en Bretagne pour des conférences et naturellement répondre aux éventuelles, mais certainement nombreuses, questions des futurs clients de ce hammam nouvelle génération.

 Joan Price
« Notre sexualité et nos droits à la sexualité n’ont pas de date de péremption ».

Cet imposant complexe de six mille m2 est pensé pour les seniors dans ses moindres détails. Piscine, jacuzzi, hammam, sauna, chambres, alcôves, salles de massage, bar, restaurant, salles de repos sont prévus pour nos aînés. Mais pas que ! En effet, une équipe médicale hautement qualifiée sera présente et la salle sera équipée high tech en fonction de cette clientèle spécifique.

La santé des hôtes : un élément essentiel

On le sait tous : une activité physique régulière et une vie sexuelle épanouie sont des gages de longévité. Ce qu’on sait peut-être moins est que le sauna procure des bienfaits inattendus : selon une étude menée par une équipe de chercheurs finlandais en 2016, se rendre régulièrement au sauna pourrait réduire significativement le risque de développer la maladie d’Alzheimer.

SAUNA

On sait que la santé cardiovasculaire affecte également le cerveau, a commenté Jari Laukkanen, le principal auteur de l’étude.

Comment donc garder le secret médical tout en accompagnant nos anciens en toute sécurité dans ces activités ludiques ?

Chaque candidat libertin devra, au choix, signer une décharge et ne pas remplir de questionnaire de santé, soit au contraire (ce qui est tout de même plus prudent) remplir un questionnaire télétransmis à l’équipe médicale et ensuite porter un petit bijou de technologie à son poignet : un genre de tracker GPS avec toutes les informations nécessaires (mais en toute confidentialité). Ce tracker sera doté de multiples autres gadgets, bien pratiques, que nous allons vous détailler.

HAMMAM LIBERTIN BRETAGNE
Tracker révolutionnaire

Ce tracker nouvelle génération, à la fois waterproof et résistant à de très hautes températures, contiendra toutes les informations médicales, mais pas seulement : un bouton SOS avertira les secouristes en temps réel, en cas de malaise par exemple, le tracker contiendra également des informations sur le rythme cardiaque du porteur, un rappel par vibrations pour une éventuelle prise de médicaments (on le sait quand on s’amuse, on en oublie parfois l’essentiel…), un guide GPS en cas de perte d’orientation à l’intérieur du complexe (qui permet également de géolocaliser le porteur). Il est également possible (et ça c’est déjà plus fun), de décrire son/sa partenaire idéal(e) à l’entrée du complexe et de la/le géolocaliser : un excellent moyen de ne pas passer à côté d’une partie fine, surtout quand on a une vue défaillante.

HAMMAM LIBERTIN BRETAGNE

Des installations spécifiquement prévues pour les seniors

Au hammam libertin classique s’ajouteront des équipements spécifiques :

  • Afin de limiter les déplacements d’une clientèle parfois peu mobile, des tapis roulants sont prévus dans les couloirs.
  • des barres d’appui sont prévues partout dans le complexe. (il est bien évident que ce complexe pour seniors est prévu uniquement sur le rez-de-chaussée et accessible partout aux personnes à mobilité réduite); l’annexe pour les juniors étant prévue à l’étage.
  • des salles de massage (où du personnel qualifié attendra les hôtes s’ils le souhaitent, à moins qu’ils ne pratiquent des massages eux-mêmes).
  • un local médical totalement équipé high tech avec une équipe prête à intervenir à tout moment.
  • des panneaux en braille indiquant les emplacements des divers équipements.
  • des défibrillateurs dans chaque « coin câlins« .
  • des coins repos très conviviux avec des jeux de société (jeux de cartes notamment), du tricot, ordis, TV et lecteur DVD (tous les DVD seront à disposition gratuitement avec notamment tous les épisodes des Feux de l’amour et de Plus belle la vie).
  • Une salle de restaurant avec du personnel qui veillera au maintien de l’équilibre glycémique des clients et qui sera donc ouvert en continu. Cette salle sera convertible en salle de conférences.
  • Un distributeur de Viagra, sous contrôle médical, sera présent dans toutes les alcôves intimes pour pallier aux problèmes techniques inévitables avec l’âge, ainsi qu’une pompe prévue à cet effet (à usage unique bien entendu)

(Un autre équipement essentiel mais un peu plus funeste celui-ci : une morgue et une chapelle. Néanmoins quoi de plus beau que de mourir en plein orgasme ?).

L’annexe TTC (toutes tendances confondues) et TAC (tous âges confondus)

L’annexe au premier étage : un hammam libertin tout public, et ceci afin de recevoir les éventuels accompagnateurs des hôtes libertins du troisième âge. Notre entrepreneur audacieux espère ainsi favoriser les liens intergénérationnels : les petits-enfants pourront ainsi amener leurs grands-parents (et les ramener) tout en ayant eux-aussi un endroit pour se détendre et s’amuser. Le tracker GPS permettra, si nécessaire, de géolocaliser son ancêtre afin de lui indiquer qu’il est malheureusement l’heure de rentrer. Concluons avec la boutade de notre entrepeneur audacieux et coquin formulée avec le sourire malicieux de l’homme d’affaires : « c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ».

5 bonnes raisons d’aller au sauna

À lire : le libertinage en mode seniors ici.

CITÉ PIERRE LOUAIL, ARTISANAT D’ART EN PLEIN COEUR DE RENNES (JEMA 2019)

Dans le cadre des Journées européennes des Métiers d’Art du vendredi 5 au dimanche 7 avril 2019, nombre d’artisans ouvrent les portes de leur atelier au public. C’est le cas de la Cité Pierre Louaïl à Rennes, ancienne usine réhabilitée en cité d’artisanat d’art. Un lieu qui reste peu connu des Rennais alors qu’il est habité d’histoire et de savoir-faire d’exception.

Cette année les compagnons sont les invités d’honneur… Ils présenteront quelques chefs-d’œuvre, partageront leur savoir-faire, feront des démonstrations tout au long du week-end, pour le plus grand intérêt des visiteurs, toujours curieux de découvrir les métiers du patrimoine. Une forge sera mise en place à l’extérieur. Charpente, Charpente marine, Taille de pierre, Coutellerie, Forge, Sellerie harnachement, Serrurerie… Présentation.

Quel est ce bâtiment situé au 13 et 15 boulevard Franklin Roosevelt devant lequel passent chaque jour des milliers de Rennais ? Des bureaux ? Un hangar désaffecté ? Une pancarte triangulaire grise au-dessus de la porte est frappée du nom de « Cité Pierre Louaïl ».

rennes cite pierre louail

Ancienne usine fondée en 1928, la Cité Pierre Louaïl est dédiée depuis 1988 à l’artisanat d’art. La confection de landaus, poussettes et jouets a laissé la place à la restauration de sièges, la fabrication de céramiques, sculptures, et instruments de musique.

Dissimulés derrière une imposante architecture de béton et de métal, cinq artisans cohabitent dans ce lieu au rude charme industriel du début du XXe siècle. À l’occasion des Journées européennes des Métiers d’Art, la grande porte bleue du hangar est restée ouverte afin d’accueillir – autour d’une exposition, d’animations et de démonstrations – les visiteurs à visiter le lieu et apprécier l’importance de la fabrication artisanale.

De réputation internationale pour certains, les cinq artisans ont ouvert les portes de leur atelier où leur savoir-faire d’exception est mis à l’œuvre. L’occasion de pénétrer dans l’envers du décor de la fabrication et du processus de création d’un artisan.

Cité Pierre Louaïl rennes

 

Dès l’entrée, une sculpture en fer du sculpteur contemporain sur métaux GIL accueille le visiteur. Une bonne entrée en matière qui ne s’arrête pas et se poursuit avec les nombreuses créations de Thierry Laudren (voir ici notre article). Arpentant les murs du couloir qui dessert chaque atelier, les sculptures fantastiques et absurdes de l’ébéniste-sculpteur accompagnent le visiteur au long de cette plongée dans l’univers de chaque artisan d’art.

Mais avant de pénétrer dans ce long couloir, une halte à l’extérieur était souhaitable. Une immersion dans l’atelier du tapissier-décorateur Bertrand Mainguené. Présent au sein du centre artisanal depuis 1991, son atelier est empreint de cette atmosphère des ateliers de restauration : effluves de meubles anciens et odeurs de sièges éventrés sur fond de tapisseries moirées.

Journées européennes des métiers d'art 2018 Cité Pierre Louaïl Rennes

Les sièges n’ont pour lui aucun secret. Qu’ils soient contemporains ou anciens, ses mains de tapissier-décorateur font des prouesses avec tous les tissus d’ameublement : restauration de sièges, revêtement mural et de « décors de fenêtres » (autrement dit, les rideaux et stores). Très à la mode dans les années 1985-1990, que ce soit le revêtement en lui-même ou la couche installée au préalable, les produits employés étaient souvent de mauvaise qualité, ce qui provoquait un vilain vieillissement sur la durée. Un travail parfait pour Bertrand Mainguené qui restaure aussi bien des biens publics que privés.

Journées européennes des métiers d'art Cité Louaïl Rennes

Un peu plus loin, l’atelier de Françoise Dufayard recèle une myriade de secrets de fabrication. Arrivée en 1988, lors de l’ouverture, cette céramiste est l’une des premières à avoir posé ses outils d’artisan à la Cité. Ses multiples voyages en Asie, de la Thaïlande jusqu’au Sri Lanka, et les céramiques traditionnelles orientales constituent une source d’inspiration inépuisable pour ses créations translucides aux couleurs chaudes.

Journées européennes des métiers d'art Cité Pierre Louaïl rennes

Elle expose depuis 18 ans à Londres où le public comprend davantage la différence entre arts et artisanat et semble davantage sensible aux créations artisanales que nos compatriotes français. À ce propos, la location récente au sein de la Cité Pierre Louaïl de deux ateliers par l’École européenne Supérieure des Arts de Bretagne (EESAB) suscite un évident mécontentement des artisans.

C’est le cas de Véronique Martin qui oeuvre ardemment à promouvoir des savoir-faire artisanaux pas assez reconnus. Spécialisée dans la fabrication d’objets, elle a emménagé à la Cité Pierre Louaïl il y a seulement 3 ans où elle dirige l’Atelier d’Art Martin.

Journées européennes des métiers d'art Cité Louaïl Rennes

Dernière arrivante, elle s’amuse à concocter « sa petite cuisine » dans cet atelier où s’entassent moules, peintures et autres outillages. Commandes publiques ou privées, elle travaille avec la symbolique du nombre d’or, utilisé par des centaines d’artistes pour l’aspect esthétique qu’il confère à une œuvre d’art. Omniprésent dans l’art, les plus grands ont fait appel à lui : Léonard de Vinci, Géricault ou, encore, Botticelli.

Ses sculptures sont réalisées en poudre de granit de différents coloris. Elle extirpe plus précisément ce qu’elle aime appeler « la perle », c’est-à-dire la matière où se trouve le plus de mica (une pierre miroitante).

Une fois revenu dans le hall, le visiteur découvre la sculpture de Thierry Laudren en cours de production : une petite fille qui joue à la corde à sauter attendait patiemment son créateur. La tronçonneuse est déjà passée élaguer le surplus de matière du tronc de bois qui va lui donner naissance. Les créations surréalistes de l’ébéniste-sculpteur hantent la Cité de Louaïl depuis 22 ans maintenant. Humains, bestiaire, affiche de films, nature… tout ce qui l’entoure est une source d’inspirations féconde.

Ne s’imposant aucune règle de création, ses meubles-sculptures sont perpétuellement en cours de fabrication selon le sculpteur Thierry Laudren. « C’est très fréquent que je prenne une œuvre terminée pour la modifier, et ce, jusqu’à ce qu’elle ne soit pas vendue. Je travaille sur une sculpture depuis 10 ans par exemple ». Bien que son cœur balance un peu plus du côté de la création artistique, Thierry Laudren est également restaurateur des monuments historiques spécialisé dans les pièces en bois sculptées anciennes.

Journées européennes des métiers d'art Cité Louaïl Rennes
La métamorphose du papillon, sculpture-meuble, Thierry Laudren

Une rétrospective serait la bienvenue et offrirait la possibilité de comprendre et d’admirer l’étendue de son travail : un monde peuplé de créatures fantastiques. La créature du cultissime Alien, le huitième passager (1979) inspire La métamorphose du papillon alors que le héros masqué Zorro change de sexe dans le meuble-sculpture Zorro est une femme

Journées européennes des métiers d'art Cité Louaïl Rennes
Zorro est une femme, sculpture-meuble, Thierry Laudren

Restauratrice de céramique, sculpteurs, fabricante de lampes, d’horloges, bijoutier-créateur, feutrière et coutelier… Au total, seize artisans d’art ont également répondu présents à l’invitation de la Cité Pierre Louaïl et ont présenté leur travail aux côtés de celui de Thierry Laudren. Une occasion d’élargir le champ de l’artisanat, de partager sa passion et sans doute de susciter de nouvelles vocations. Le thème de cette année n’était-il pas « Futurs en transmission » ?

Ah, voilà l’atelier de Gilles Pourtoy. Un luthier auquel nous avions consacré déjà un portrait (voir notre article). Évitez de lui rendre visite quand il est pris de boisson si vous ne souhaitez pas être mal reçu.

Docteur en pharmacie, rien ne menait Yoëlys vers le travail de la laine feutrée. Passionnée par la nature et le monde végétal, c’est cependant le moyen qu’elle a choisi pour matérialiser ce que la nature lui inspire. Formée par Sandrine Bihorel, artiste-feutrière de Bazouges-la-Pérouse connue mondialement, cette technique est encore très peu connue en France. Le mélange de couleurs dans ses bijoux et décorations d’intérieur avait de quoi séduire les enfants et les adultes.

Journées européennes des métiers d'art Cité Louaïl Rennes

Dans un tout autre registre, les couteaux de Pattrice, coutelier, forgeron et graveur, sont de petits bijoux d’exception. Maniant les techniques de l’artisanat depuis l’âge de 16 ans, il n’a jamais cessé de perfectionner son travail. Bijoutier-joaillier de formation, il rencontre la forge et le couteau lors d’un salon artisanal en 1999. Il apprend alors en autodidacte différentes techniques de forge : simple, en sandwich et en damas. Il ne s’arrête pas là et se lance dans l’apprentissage de la gravure sur métaux en 2011, au Conservatoire des Meilleurs Ouvriers de France à Saint-Étienne.

Trouvant des inspirations dans les motifs des cathédrales et de l’Art Nouveau, son intérêt pour la photographie d’insectes, de paysages maritimes et de fleurs diversifie sa palette d’influences.

Les Journées européennes des Métiers d’art sont une bonne occasion de découvrir la Cité Pierre Louaïl. Les artisans habituellement dans l’ombre de leur atelier en profitent pour partager leur passion et susciter l’intérêt que ces corps de métiers méritent. Mission accomplie.

« LA BRETAGNE EST UNE TERRE DE SON », KRAKZH, LE NOUVEAU LABEL DE THÉO MULLER

De retour à Rennes, Théo Muller, dj, producteur et programmateur de soirées lance Krakzh, un nouveau label et une résidence de soirées à l’Ubu. La première compilation digitale du label, Breizh Power Vol. 1, sort le 1er avril 2019. Après une première soirée Krakzh le 23 mars, Unidivers a pu rencontrer Théo Muller.

Théo Muller c Yves de Orestis
Crédit : Yves de Orestis

UNIDIVERS – Le public rennais vous connaît pour être un des fondateurs et animateurs de Midi Deux, un collectif de musique électronique très actif sur Rennes entre 2010 et 2017, mais aussi un label qui compte cinq sorties. L’annonce de ce nouveau label, Krakzh, signe-t-elle la fin de Midi Deux ?

THÉO MULLER – Non, nous continuerons à organiser des open airs et à écrire des articles pour notre blog. On attend une réponse de la mairie pour organiser un nouvel événement au parc de Villejean. Mais nous avons évolué, chacun a son métier maintenant. On était plus forts pour faire des soirées ou des open airs que pour le label en définitive. Même si on est super contents de chaque vinyle, il n’y avait pas de vision artistique globale, une identité, un son. C’était juste histoire de presser les vinyles de nos potes musiciens, qu’ils aient de la visibilité, ce qui a bien marché pour UVB 76 ou Signal ST, qui ont été pas mal joués.

Krakzh est plutôt une étape personnelle. Je voulais monter un label pour faire rapidement des sorties d’artistes, bretons en majorité, et de potes venus d’ailleurs. Cela s’accompagne d’une résidence à l’Ubu, trois dates de soirée pour le moment.

Théo Muller Krakzh
Crédit : Valentin Fontaine

UNIDIVERS – Dans votre parcours, vous avez aussi bien travaillé dans des labels que comme programmateur de clubs. Y a-t-il une volonté de votre part de ne pas dissocier production artistique et événementiel ?

THÉO MULLER – Je dirais que ça fait partie de moi. Je fais de la musique, mais j’ai aussi envie d’écouter celle des autres. J’ai bossé à la Machine du Moulin rouge où je faisais des programmations tous les weekends. Mais ce n’est plus ce que je veux faire. Je suis rentré à Rennes avant tout pour me consacrer à ma musique. J’organiserai des teufs de temps en temps, où je serais libre de faire ce que je veux, et avec plus d’écart entre les dates. J’espère un jour un festival. Je suis toujours à la recherche de projets, et la scène aura toujours besoin que ça vive.

Le mouvement des musiques électroniques est un peu redescendu depuis deux ans. Même s’il y a toujours un engouement pour les gros headliners, les petits souffrent pas mal. Les ventes de vinyles ne rapportent pas grand chose. Un article récent d’Olivier Pellerin dans Libération parle d’une fin de cycle. Donc il faut continuer de proposer des choses et d’avancer musicalement.

Krakzh est une façon de construire une nouvelle identité, de développer un son et de passer des bons moments avec les artistes que j’apprécie. Pour l’instant, le label n’a aucune prétention. Ce sera simplement des compilations tous les trois ou quatre mois. Si des morceaux marchent, tant mieux. Si des djs les jouent, tant mieux. Mais il n’y a pas de perspective globale. Pour l’instant, je ne pense pas presser de vinyles. Peut-être des fois des CDs ou des cassettes, mais ça restera modeste. Un label coûte cher. On l’a bien vu avec Midi Deux, à coup de 1500 € par sorties, si tu ne les rembourses pas…

UNIDIVERS – La résidence Krakzh à l’Ubu marque votre retour en Bretagne. Comment a vu le jour cette résidence ? Qu’est-ce qui vous a orienté vers celle salle ?

THÉO MULLER – J’ai joué aux Transmusicales en 2017, et je suis resté en bon contact avec Jean-Louis Brossard et Mathieu Gervais, qui sont aussi les programmateurs de l’Ubu. Je voulais arrêter mon job à la Machine du Moulin rouge et je les ai contactés l’été dernier pour les prévenir de mon retour à Rennes et de ma motivation. On s’est donné rendez-vous et on a commencé à bosser là-dessus. J’aime bien l’Ubu, son staff. L’Antipode MJC, c’est grand. Là je voulais quelque chose de plus intimiste. Et puis comme c’est l’ATM (Association des Trans Musicales) qui produit les soirées, je n’ai pas grand chose à gérer, c’est un avantage. Je suis content qu’ils me fassent confiance sur la programmation, j’ai pu proposer un plateau assez pointu à la première soirée, c’est cool que ça ait suivi.

UNIDIVERS – La première soirée Krakzh était présentée comme un hommage à Visions et Positive Education. Que devez-vous à ces festivals ?

festival visions, krakzh

Positive Education Festival Krakzh

THÉO MULLER – De bons temps de rave ! Et puis ils ont un vraiment un son. Au Positive Education, j’ai vraiment découvert une musique que je trouvais fraîche, nouvelle, qui me rapprochait plus du rock que j’écoutais avant. Et ce sont des festivals où il y a un pur public, un pur cadre et un son qui correspond à celui de la première soirée Krakzh, l’association entre rock et techno.

Nate et Jojo ont fait le closing de Visions lors de la dernière édition. Le batteur de Violent quand on aime, Théo, y a joué sous de nombreux alias, Constance Chlore, Succhiamo

festival Visions disques anonymes
Le festival Visions, organisé par les Disques anonymes, a lieu à Plougonvelin dans le Finistère, face à la rade de Brest et à la mer d’Iroise.

visions echap midi deux
Lors de l’édition 2018 du festival Visions, les collectifs Echap de Quimperlé et Midi Deux programmaient la scène du dôme.

Antoine est un fondateur du festival Positive Education. Un pur gars qui commence à produire des trucs vraiment bien et qui a vraiment un son à lui, qui est aussi celui du festival, celui des Fils de Jacob, de Jacques Satre, A Strange Wedding, toute une bande de producteurs qui produisent cette espèce de techno à 90-100 BPM (battements par minutes) qui est vraiment cool. Leur vinyles sont super jolis, ils font tout bien. Leur label c’est Worst Records.

UNIDIVERS – Sur l’affiche de la soirée, on distingue un système son, des danseurs, les mots « everybody welcome », « important », et les symboles de la paix et de l’amour. Mais aussi, « teuf », « techno », « rock », « bienfaitrice ». C’est une conception de la fête ?

Théo Muller Valentin Fontaine Krakzh #1
Krakzh #1. Crédit : Théo Muller et Valentin Fontaine

THÉO MULLER – Les soirées de la résidence auront chacune un thème. Là c’était rock techno, la prochaine sera acid, espace, galactico-machin. À chaque fois, je fais des collages en rapport avec la soirée et Valentin Fontaine fait le graphisme par-dessus. Pour la prochaine soirée Krakzh, c’est un peu electronica, acid. Je voulais faire quelque chose sur les jeunes anciens, parce que Mondkopf et Voiron font du son depuis plus de dix ans et qu’ils ont toujours exploré.

krakzh, théo muller
Krakzh #2. Crédit : Théo Muller et Valentin Fontaine

UNIDIVERS – Revenons au label. Pourquoi ce nom, Krakzh ?

THÉO MULLER – C’est pour tracks, craquement, craque surdoué, crackheads, et le zh pour la Bretagne.

UNIDIVERS – D’autres labels vous inspirent dans votre démarche ?

THÉO MULLER – Des petits labels comme Vastechose, de Bruxelles, monté par Lostsoundbytes, qui fait d’ailleurs un morceau pour la première compilation Krakzh. Ou encore 99 cts de Miley Serious, des labels portés sur le DIY (Do It Yourself).

UNIDIVERS – Quelle identité musicale souhaitez-vous donner à Krakzh ?

THÉO MULLER – Je cherche des sons corrosifs, qui grattent. Quelque chose de viscéral, de raw. Que ce soit acid, techno, UK, ambient. Sur la compilation, il y a 12 morceaux :  Knappy kaisernappy, Le Bagad de MontreuilAntoineRubbish T.C, Dj ConséquencesLostsoundbytesIan TocorSinaPAPCarltonFull Quantic Pass et moi-même.

UNIDIVERS – Avez-vous déjà prévu d’autres sorties ?

THÉO MULLER – Je referai une compilation en septembre. Si des gens veulent m’envoyer des démos je les écouterai, et il y a aussi des potes qui vont m’envoyer des morceaux. Je me lancerai peut-être dans un projet d’EP après cette compilation.

https://www.youtube.com/watch?v=rmxG1e1ymds

UNIDIVERS – Vous êtes aussi producteur, avec deux EP à votre actif déjà. Des sorties à venir ?

THÉO MULLER – Je vais sortir des morceaux à droite à gauche, et j’ai un projet d’EP pour octobre, sur un autre label. Je suis rentré à Rennes pour avancer là-dessus, il faut que j’explore, que je gratte dans d’autres directions.

UNIDIVERS – Votre première compilation sort le 1er avril. Elle est intitulée Breizh Power Vol. 1. Selon vous, y aurait-il un pouvoir des musiques électroniques en Bretagne ?

THÉO MULLER – Oui, et il est grand même ! Quand tu vois les mouvements free party, les festivals électro, les Transmusicales, Astropolis. On est une terre de son en Bretagne. Breizh Power, ça me faisait marrer, c’est un truc d’Astropolis aussi, Breizh Power !

Label Krakzh Breizh Power Vol.1

La compilation Breizh Power Vol. 1 sera disponible à l’écoute et à l’achat le lundi 1er avril 2019.

ACTUS BD, LES SORTIES D’AVRIL

Avril est le mois de l’éclosion des fleurs et des jeunes éditeurs. Unidivers a donc choisi ce mois-ci de privilégier les maisons d’édition moins connues mais tout aussi talentueuses et passionnées. Une exception de taille pour commencer.

TITEUF ACTUS BD

Vous n’allez pas pouvoir passer à côté. Des piles de livres vont être posées chez vos libraires préférés : Titeuf est de retour avec son seizième opus, bucolique et campagnard puisque l’album porte comme titre Petite poésie des saisons (Glénat) avec une couverture qui répand un air de printemps. Un album annoncé comme « spécial » dans lequel l’adolescent à la mèche rebelle, dessiné par Zep, va suivre les saisons pour ponctuer les journées de bêtises appropriées ! Un incontournable même avant sa parution.

ACTUS BD CASSANDRA DARKE

Derrière ce mastodonte, les autres maisons d’édition vont devoir lutter. C’est ce qu’essaie de faire Denoël Graphic avec deux BD aux couvertures insolites. Cassandra Darke d’abord de Posy Simmons, autrice du magnifique Gemma Bovary, nous emmène dans le Londres contemporain, avec une héroïne trop riche, à l’aube de sa vie, et qui va devoir se confronter à un cadavre laissé dans sa cave. Comme toujours, la dessinatrice hésite entre roman et bande dessinée, pour notre plus grand bonheur. Suite logique à cette parution, l’éditeur publie So British un titre qui résume tout. Le travail de Posy Simmons est rassemblé dans cette monographie qui rend hommage à l’autrice, qui a longuement collaboré au Guardian, et qui est célèbre au Royaume Uni depuis les années 70.

ACTUS BD FRIDA KAHLO

Unidivers aime dénicher des pépites chez des éditeurs moins connus. Alors pourquoi ne pas aller voir du côté de Presque Lune Éditions, maison rennaise, qui publie une biographie de Frida Kahlo. Inspirée par l’intensité de la compagne de Diego Rivera et de ses tableaux les plus célèbres, l’artiste espagnole María Hesse livre dans cette BD une œuvre singulière sous forme d’articles, de lettres, de dessins très colorés qui illustrent magnifiquement les fragments de la vie de l’icône mexicaine.

ACTUS BD JE NE TE CONNAIS PAS

Poursuivons chez un éditeur moins connu, même s’il a publié Joe Sacco. Rackham sort Je ne te connais pas de Cristina Portolano. Abîmée par une longue relation sentimentale, une jeune femme décide de renouer avec sa sexualité et de faire de nouvelles rencontres. Une réflexion totalement en phase avec les mouvements féministes actuels et leur légitime revendication d’émancipation.

ACTUS BD TRUE STORIES

Çà et Là poursuit sa quête de trésors chez les auteurs étrangers avec l’attendu True Stories de Derf Backderf. Une anthologie du dessinateur de Cleveland, constituée de 200 strips publiés pendant près d’un quart de siècle, entre 1990 et 2014, dans les journaux gratuits de la ville de Cleveland, puis dans 140 journaux du pays. Un dessin caustique qui nous fait rencontrer des illuminés en tous genre, pris sur le vif dans la rue ou dans des magasins, des scène du quotidien qui font mouche. « True Stories, c’est l’Amérique profonde, dérangée, saturée de malbouffe, foutraque ».

ACTUS BD Chongrui Nie

Autre éditeur méritant l’attention, Steinkis qui poursuit sa programmation originale et exigeante avec Au loin une montagne …..  de Chongrui Nie. Chine 1966 : l’auteur issu d’une famille de lettrés est directement visé par la Révolution culturelle : il ne fera pas l’école d’arts dont il rêvait, mais sera envoyé dans une usine d’armement de la province de Shanxi. Saisi par la beauté de cette région montagneuse et par la sincérité des paysans, Chongrui Nie dessine tout, tout le temps, paysages, statues de temples, scènes de vie, machine-outils. Son crayon décrit avec virtuosité les dérives de la Révolution culturelle, l’industrialisation à outrance, l’exploitation sauvage des ressources.

ACTUS BD TIANANMEN 1989

Restons en Chine avec, chez Delcourt, TianAnMen 1989 nos espoirs brisés. De cette année 1989, on retient surtout la photo de l’étudiant solitaire face à un char sur la place TienAnMen. Le 4 juin, Deng Xiaoping envoie l’armée massacrer les étudiants rassemblés pacifiquement. Zhang Lun était en charge de l’intendance et du service d’ordre. Il livre pour la première fois son témoignage sur cet épisode crucial de l’histoire mondiale. Un ouvrage au texte didactique et précis.

ACTUS BD GUSTAVE COURBET

Chez Mosquito, notons la parution de Gustave Courbet : une biographie, un titre ambitieux pour un album signé d’André Houot qui s’attaque ici à la faconde et la personnalité immense du précurseur des impressionnistes à la faveur du bicentenaire de sa naissance.

ACTUS BD PSYCHOTIQUE

La Boîte à Bulles nous propose un ouvrage au thème difficile, avec Psychotique, BD dans laquelle Sylvain Dorange dessine des épisodes de la vie de Jacques Mathis, homme mégalomane coincé dans un corps étriqué. Son enfance, passée dans une petite bourgade lugubre de Lorraine, s’est arrêtée à 14 ans, l’année où il fait sa première vraie crise. Et puis les femmes, l’adolescence, le théâtre, la littérature ont eu raison de ses doutes. « Une histoire pour que ses proches le comprennent mieux, mais pas seulement… » nous dit l’éditeur.

ACTUS BD NICOLIN

Pour terminer laissons nous séduire par un album plus joyeux, mais à ne pas mettre entre toutes les mains, de chez Fluide Glacial, éditeur notamment du Gai Luron et qui n’hésite pas souvent à flirter avec l’érotisme et le « bon goût ». Un titre qui laisse songeur pour le deuxième opus de Nicolin, Mes années les plus Hard et dont la couverture laisse deviner le contenu. Une manière de faire mentir le dicton selon lequel « en avril on ne se découvre pas d’un fil ».

Au mois prochain.

ACTUS LITTÉRAIRES AVRIL

Sorties littéraires d’avril. Heure d’hiver, heure d’été, c’est toujours le bon moment pour lire ! En avril, vous trouverez ces quelques nouveautés chez votre libraire.

Quoi de mieux que de partir dans l’avenir pour mettre en évidence les dérives actuelles de notre société ? Avec Transparence (Gallimard, 25 avril 2019), Marc Dugain nous propose un roman d’anticipation. En 2060, la présidente d’une société du numérique basée en Islande est accusée d’avoir orchestré son propre assassinat. Sa société était sur le point de commercialiser le programme Endless, qui propose de transplanter une âme dans une enveloppe corporelle artificielle afin d’atteindre l’immortalité. Alors que la planète pourrait disparaître sous les effets du réchauffement climatique, la start up peut-elle sauver l’humanité ?

Marie Charvet L'âme du violon

Une passion, un objet relient les quatre personnages du premier roman de Marie Charvet. De 1630 à nos jours, en passant par l’entre-deux-guerres, de la Lombardie aux gratte-ciels de New York, vers Paris ou la Camargue, Marie Charvet lie quatre destins pour révéler l’âme d’un violon unique qui changera à jamais la destinée de Giuseppe, Lazlo, Lucie et Charles. L’Âme du violon (Grasset, 4 avril 2019) est un roman choral, musical, où chacun dévoile ses ambitions, ses déceptions, nous promenant dans différentes époques et cultures.

East Village Blues Chantal Thomas

East Village Blues (Seuil, 18 avril 2019) est davantage un récit romanesque qu’un roman. Chantal Thomas nous fait découvrir ce quartier de New York, East Village où elle séjourna en 1970 et qu’elle retrouve aujourd’hui, le temps d’un été. Ce lieu d’immigration et de bohème où l’on rencontrait de célèbres artistes a bien changé. Mais Chantal Thomas, excellente conteuse, associée au photographe Allen S. Weiss, nous rappelle avec brio ce temps révolu qui garde un goût de liberté absolue.

Laird Hunt La Route de nuit

Commençons la revue de la littérature étrangère avec un grand romancier américain. Laird Hunt revient sur La Route de nuit (Actes Sud, avril 2019, traduit par Anne-Laure Tissut) pour un oppressant huis clos autour d’une journée particulière en août 1930 en Indiana. Ce jour-là, la foule se presse pour assister au lynchage de trois jeunes Noirs. Deux femmes remarquables, impatientes de fuir les secrets qu’elles ont laissés derrière elles, traversent une Amérique déchirée par la peur et la haine.

DIMA WANNOUS Ceux qui ont peur

Parce que les romans syriens sont assez rares, j’ai choisi de vous présenter Ceux qui ont peur (Gallimard, 18 avril 2019, traduit par François Zabbal). Souleyma et Nassim se sont rencontrés avant la guerre. Lui est désormais exilé en Europe alors que Souleyma reste seule dans une ville secouée par la violence. Dans cette histoire d’amour et de souffrance, la jeune romancière Dima Wannous dévoile les engrenages de l’angoisse et les blessures d’un peuple. De ce roman terrifiant, résonnent les voix d’une jeunesse brisée.

Sonja Delzongle Cataractes

Depuis le succès de Dust (Denoël, 2015), Sonja Delzongle poursuit sa route dans le monde du thriller, avec ou sans sa profileuse Hannah Baxter. Cataractes (Denoël, 11 avril 2019) nous emmène dans les Balkans. Jan Kosta, enfant rescapé lors d’un terrible glissement de terrain dans le village de Zavoï, est devenu quarante ans plus tard hydrogéologue. Un de ses amis ingénieur fait appel à lui à la suite d’événements étranges constatés dans le village de son enfance. La folie semble s’être de nouveau emparée de Zavoï et seul Jan peut comprendre et arrêter le drame imminent.

Chris Brookmyre Sombre avec moi

Chris Brookmyre, auteur écossais, propose avec Sombre avec moi (Métailié, 4 avril 2019, traduit par Céline Schwaller) un thriller psychologique intense. Diana Jager, chirurgienne douée et respectée, connue sous le nom de Scalpelgirl quand elle dénonce le sexisme du milieu hospitalier dans son blog, s’est réfugiée à Inverness, dans le nord de l’Écosse, pour échapper aux menaces. Là, elle rencontre l’amour en la personne de Peter. Six mois plus tard, on retrouve la voiture de Peter au fond des Chutes de la Veuve. La sœur du disparu engage Jack Parlabane, un journaliste à la réputation sulfureuse, pour mener l’enquête. Les voix des trois personnages vous entraînent au fil des chapitres dans un suspense très addictif.

La salle de bal Anna Hope

Si vous l’aviez raté, c’est le moment de lire en version poche, La Salle de bal (Folio, 4 avril 2019, traduit par Élodie Leplat), le très beau roman sur l’eugénisme de l’Anglaise Anna Hope. En 1911, Ella Fay est internée à l’asile de Sharston, dans le Yorkshire, pour avoir brisé une vitre de la filature où elle travaillait depuis l’enfance. Elle y rencontrera l’amour de sa vie dans la salle de bal du docteur Fuller, médecin aux grandes idées pour réduire la population des « agités ». Anna Hope transforme à nouveau une réalité historique méconnue en un roman subtil et puissant.

Valérie Perrin Changer l'eau des fleurs

Pour les amateurs de romans qui mettent en musique le bonheur des choses simples, Valérie Perrin vous propose de Changer l’eau des fleurs (Le livre de poche, 24 avril 2019). Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Dans sa loge, beaucoup viennent se confier. Dans cet univers où le tragique et le cocasse s’entremêlent, nous découvrirons ce qui a conduit Violette dans ce lieu original.

Bonnes lectures en avril !

sorties littéraires avril

RENNES. JETS D’ENCRE RÉUNIT LES MÉDIAS JEUNES BRETONS AU CRIJ

Créer un média dans son collège, son lycée ou même indépendamment n’est pas affaire aisée. Mercredi 27 mars, l’association Jets d’encre (réseau Bretagne) proposait au CRIJ (Rennes) sa troisième rencontre régionale pour les élèves et les enseignants. Au programme de la journée : des ateliers pour créer ou gérer son journal, mais aussi un topo sur les droits de la presse jeune.

Jets d'encre
« Cette presse, c’est avant tout une prise de parole citoyenne », explique l’association.

S’il faut soigner une chose dans votre papier, c’est l’accroche.

Grégory du CLEMI (Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information) et Aziliz de l’association Jets d’encre apportent leurs conseils à une douzaine de jeunes têtes curieuses entre 11 et 20 ans. Leur présence est due à leur contribution dans le journal du collège ou lycée. Certains étudiants étaient également au rendez-vous. Tous font partie des 75 participants à la troisième rencontre régionale des journalistes jeunes, organisée au CRIJ. (Centre régional d’information jeunesse) « C’est l’occasion de rappeler que même à 13 ou 14 ans, tous les avis comptent », insiste Elouen Le Gallo, coordinateur de l’événement.

Jets d'encre
Grégory explique comment captiver l’auditeur en webradio.

Défendre la presse d’initiative jeune et la liberté d’expression, c’est ce que revendique l’association Jets d’encre. Quelques dizaines de journaux étaient représentés lors de cette journée. Parmi eux les Rennais de Noctambule, les Pacéens de La Gazette de Dolto, les Lanestériens de la Gazette-Saucisse ou encore les Ploërmelais du Petit Salliaud. Chaque groupe a disposé son journal dans le mini-kiosque à l’entrée. Après un premier accueil, chacun est dirigé vers les ateliers de son choix, en lien avec la gestion d’un média : la création, l’angle et le genre d’un article, les droits, la webradio… chacun en rapport avec leurs premières expériences.

Gwen Hamdi, directeur adjoint du CRIJ lors du discours d’accueil : « Prenez la parole avant qu’on vous la donne »

Jets d'encre
Elouen Le Gallo ouvre la journée devant environ 75 personnes.

À chacun son atelier

Même les accompagnateurs, enseignants et documentalistes, ont leur propre atelier. Il n’est en effet pas simple de gérer les départs, les retours des élèves. « C’est dur de renouveler les effectifs. Ils s’inscrivent souvent par bande de trois ou quatre. Il suffit qu’il y en ait un qui décide de partir et le reste suivra. Ce qui est normal au collège », témoigne Hervine Stücker documentaliste du collège Thalassa à Erquy et encadrante du magazine Thalassa News, récompensé par plusieurs prix nationaux. Cette journée va leur permettre de mieux gérer leur groupe sans pour autant « faire de l’ombre à l’expression des élèves », explique Elouen. « Quand les enseignants sont trop derrière, c’est un cours. Nous, on veut vraiment défendre la liberté d’expression ».

Jets d'encre
Comparer et discuter des journaux des autres afin de progresser, c’était aussi ça l’objectif de la journée.

Cette revendication est martelée toute la journée aux jeunes rédacteurs. « Aujourd’hui le directeur de publication n’est plus obligatoirement majeur. Il peut le devenir à partir de 16 ans. Ce qui signifie que gérer un journal est une des rares responsabilités que l’on vous accorde. Alors, profitez-en ! », clame Romane Le Mayer, secrétaire du réseau Bretagne de l’association Jets d’encre. Les journalistes en herbe pourront repartir avec un kit pour fabriquer son journal, ainsi qu’une multitude d’informations et de conseils accumulés tout au long de la journée. Avant peut-être un prix au concours Kaleïdoscoop des médias jeunes ?

Petite galerie des différents journaux présents lors de cette journée :

 

Jets d'encre Jets d'encre Jets d'encre Jets d'encre Jets d'encre Jets d'encre

Site de l’association Jets d’encre.

BD, TROPIQUE DE LA VIOLENCE MAGNIFIQUE ADAPTATION DU ROMAN MULTIPRIMÉ

Gaël Henry signe une belle adaptation BD du magnifique roman à succès, Tropique de la violence, qui dessinait un portrait explosif de la société de Mayotte. Un pays où il ne fait pas bon être jeune, sans amour et sans futur.

 

TROPIQUE DE LA VIOLENCE

« Mayotte, cent-unième département français. Mer et cocotiers de carte postale, mais taux de chômage et de criminalité record …. ». Le décor est planté sans concession, sans fard. c’était le point de départ du roman, aux treize prix littéraires, de Natacha Appanah qui avait marqué les esprits lors de sa parution en 2016. Le texte de l’écrivaine était violent, agressif comme peut l’être la vie dans cet archipel oublié de la Métropole. L’adaptation en BD était d’autant plus attendue que l’image risquait d’alourdir ce que les mots dans leur force et leur singularité avaient su particulièrement traduire: le désespoir, la violence extrême, le racisme, la pauvreté, l’homophobie et tant d’autres mots et maux.

Tropique de la violence Nathacha Appanah

Gaël Henry, après un séjour de reconnaissance sur place va réussir ce difficile pari en reprenant à son compte le principe du roman choral et donner la parole à trois personnages et un chien. Il restreint le nombre de personnages du roman pour resserrer l’histoire et en faire une confrontation à quatre. Marie a recueilli un enfant migrant et va l’élever, mère célibataire, jusqu’à sa mort accidentelle. Moïse est cet enfant, au regard vert et noir, comme une malédiction d’un Djinn. Sans histoire personnelle, il va se retrouver seul face au monde et sans recours. Bruce est le diable, jeune chef violent de Gaza « le plus grand bidonville de Mayotte » ou « un dépotoir à ciel ouvert ». Il va enrôler Moïse, le transformer en Mo La Cicatrice, et à ses dépens, en tueur. Bosco, le chien venu tout droit de l’auteur du roman L’enfant et la Rivière, sera la part d’enfance heureuse conservée dans un coin de la mémoire de Moïse.

J’ai quinze ans, je m’appelle Moïse et je suis né de l’autre côté de l’eau.

 

TROPIQUE DE LA VIOLENCE

Comme une tragédie grecque, tout est en place pour un drame deviné et anticipé. Le sort de chacun semble placé sous le signe du destin ou de la malédiction d’un lieu quand l’amour semble ne pas avoir trouvé sa place. Peut on aimer et être aimé quand la force et le coup de poing sont les lois de la rue ? Peut on rire quand la drogue et l’alcool imprègnent les visages des adolescents ?

TROPIQUE DE LA VIOLENCE

Pour répondre à ses questions, Gaël Henry a su trouver le dessin juste, tout en convulsions un peu à la manière de Pierre-Henry Gomont, les épais traits noirs traçant des puissantes arabesques qui traduisent la lourdeur d’une atmosphère étouffante. Il n’en rajoute pas dans l’horreur, s’arrêtant à la porte des drames en sachant suggérer le paroxysme de situations brutales et convulsives. Il s’attarde dans les rues du bidonville et délaisse les plages et cocotiers de rêve. Le soleil ne donne pas le bonheur et ce n’est qu’à son coucher, dans de belles pages poétiques, que Moïse reprend momentanément pied, comprenant la réalité de son histoire et de celle de sa mère, venue le déposer ici dans un monde supposé meilleur. Mais le jour va renaître. Et ses horreurs aussi.
Pour accentuer la proximité entre les quatre protagonistes, l’auteur leur invente des fantômes, les soudant entre eux de manière encore plus forte et indépendante de la chronologie. Le fantôme de Bosco, le chien assassiné, devient une formidable force humaine, décuplant le courage de Moïse, dans une pleine page de toute beauté annonciatrice d’une fin inéluctable.

On sort de cette BD, comme après la lecture du roman : bouleversé. Et on se souvient alors de cette phrase de Natacha Appanah :

Mais c’est la France, ici, quand même…

En douterait-on?

Tropique de la violence de Gaël Henry d’après le roman de Nathacha Appanah. Éditions Sarbacane. 160 pages. 23,50 €. ISBN: 978 2 37731 189 7.

Le dessinateur

Gaël Henry est diplômé de lʼAcadémie de Tournai en section BD. Depuis, il a voyagé un peu partout à travers le monde. Il vit et travaille à Lille. Tropique de la violence est sa troisième BD chez Sarbacane.

L’auteure

Nathacha Appanah est Mauricienne. Elle descend d’une famille d’engagés indiens de la fin du XIXe siècle, les Pathareddy-Appanah.
Tropique de la violence, son septième roman, a reçu de nombreux prix, dont le prestigieux Prix Anna-de-Noailles de l’Académie française 2017 ou encore le Prix roman France Télévisions 2017.

MAYOTTE
Photo : 13 Production

KAZ MAYOTTE, L’ENFANCE EN DANGER

DOCUMENTAIRE
Magazine Inédit Jeudi 28 mars 2019 à 20.55

Réalisatrice Laurence Generet
Production 13 Productions, avec la participation de France Télévisions et Bis Repetita
Durée : 52 min
Année 2018

Qu’ils soient Français ou d’ailleurs, à Mayotte, certains enfants sont des laissés pour compte, des oubliés de la République. Ce film témoigne des cataclysmes intimes que vivent ces enfants, d’un avenir impossible sur le territoire. Un témoignage très fort sur l’urgence à prendre la réelle mesure de la situation et sur l’ampleur du défi, afin de donner à ces enfants, les moyens de pouvoir vivre dignement.

ILLUSTRATEURS À RENNES, L’UNIVERS POP ET LOUFOQUE DE GUILLAUME DENAUD

Rennes regorge d’illustrateurs et illustratrices aux univers multiples. Unidivers vous présente une série de portraits avec, aujourd’hui, l’illustrateur de Dans les dents : Guillaume Denaud. Graphiste depuis plusieurs années, il a fait de l’illustration son activité principale depuis quelques semaines seulement ! Dans un univers résolument enfantin et absurde, les éléments de la réalité croisent des créatures fantastiques. Rencontre.

Illustrateur rennes Dans les dents

Unidivers : Commençons par une petite présentation. Comment Guillaume Denaud en est-il venu à l’illustration ?

Guillaume Denaud : Après une licence professionnelle (métiers de l’édition/graphisme/multimédia) à l’Université Rennes 2 en 2009, j’ai débuté en tant que graphiste pour la marque Little Marc Jacobs, prêt-à-porter de luxe enfant (de 2011 à 2015) et pour l’entreprise C.W.F (Children Worldwide Fashion), en Vendée. Je suis resté cinq ans là-bas avant de travailler pour la marque Bonobo (Groupe Beaumanoir), du prêt-à-porter adulte, à Saint-Malo.

Illustrateur rennes

Parallèlement à cette activité de graphisme pour le prêt-à-porter, j’ai petit à petit développé mon univers Dans les dents, avec des illustrations personnelles. Je vendais des affiches, des cartes et je répondais à des commandes pour des affiches ou autres supports de communication. Comme mon travail a pris de l’ampleur les deux dernières années, j’ai décidé de me mettre à mon compte, il y a seulement un mois.

Illustrateur rennes

Unidivers : « Dans les dents », drôle de nom pour un graphiste-illustrateur. Pourquoi avoir choisi ce nom ?

Guillaume Denaud : Le nom complet était « Les petits traits dans les dents » au début. L’univers de l’enfance a toujours été présent dans mon travail et il y a pas mal de détails dans mes dessins d’où les petits traits. « Dans les dents » est une expression assez drôle que j’employais enfant. Le nom était trop long donc j’ai fini par garder « Dans les dents », il n’y a pas plus de signification. Le nom correspondait à l’univers que je proposais et le côté punchline me plaisait, « paf ! dans les dents ». (rires)

Illustrateur rennes

Unidivers : Vos illustrations fourmillent d’informations et de détails dessinés aux petits traits. Votre style oscille entre un univers très architectural et un autre plus portraitiste (inspiré de célébrités, des personnages personnalisés ou fictifs…). Comment s’est forgé votre style ?

Guillaume Denaud : Quand j’ai commencé à dessiner, j’adorais réaliser des villes imaginaires, avec pour seul outil un stylo noir ou un crayon de bois. Il s’agissait d’un dessin très détaillé. Avec mon travail dans le prêt-à-porter enfant, un nouvel univers s’est ajouté au précédent : avec plus d’animaux, de couleurs, une ambiance plus fun et décalée. J’aime autant l’univers enfantin qu’architectural, donc la question a été de savoir comment réunir les deux. C’est peut-être par le biais du détail que j’ai réussi à associer les deux. J’adore passer du temps à dessiner et le détail dans mes illustrations vient certainement de là. J’imagine rarement le dessin dans sa globalité, il se construit au fur et à mesure, des détails ou des éléments se rajoutent par-ci par-là selon où le crayon me porte.

Illustrateur rennes

C’est le plaisir du dessin qui me dirige vers le détail

Unidivers : La couleur est importante également dans vos illustrations, elle est vive et punchy. C’est votre expérience dans la mode enfant qui vous a orienté dans cette direction graphique ?

Guillaume Denaud : Les couleurs vives sont venues en travaillant dans ce milieu en effet. Cette expérience n’a pu que jouer sur l’évolution de mon approche du dessin.

Illustrateur rennes

Unidivers : Les cahiers de coloriage ancrent votre univers un peu plus dans l’enfance également…

Guillaume Denaud : Au début je le pensais, mais j’essaie plutôt de créer des passerelles entre ces deux états. Quand je réalise une affiche par exemple, je veux qu’elle plaise autant à l’enfant qu’à l’adulte. Certains dessins touchent évidemment plus les petits que d’autres, mais la limite n’est pas figée. Bien que les cahiers de coloriage ciblaient d’abord les enfants, les adultes les achètent également. Il n’y a pas que les plus jeunes qui aiment colorier. Je trouve justement intéressant de pouvoir échanger là-dessus et constater que la frontière entre l’univers de l’enfant et celui de l’adulte est parfois mince.

Colorier détend. Comme les dessins ont beaucoup de détails, les adultes y sont sensibles

Moi-même j’adore colorier. Quand je réalise des illustrations, j’adore l’étape de la coloration. On retrouve ce rapport à l’enfance même en moi, ce qui transparaît dans l’univers que j’ai créé.

Illustrateur rennes

Unidivers : Jeux-vidéos, Amy Winehouse, David Bowie… La culture pop semble influencer vos dessins. Pouvez-vous nous parler de vos inspirations ?

Guillaume Denaud : Je suis né en 1985 donc toute cette culture des années 90 ne peut que m’imprégner. J’aime bien représenter des chanteurs qui ne sont pas forcément de ma génération et des univers qui ont marqué mon parcours afin de les plonger dans le mien. Ce décalage est intéressant à travailler.

La revue d’architecture avant-gardiste britannique Archigram* m’a beaucoup inspiré quand je l’ai découvert. Il s’agit d’architectures totalement imaginaires et utopiques avec un univers très science-fiction et fantastique, on retrouve aisément cette référence dans les villes que je crée.

Je peux également citer l’univers d’Hayao Miyazaki des studios Ghibli et l’auteur français de bande dessinée Moebius (connu aussi sous le pseudonyme de Gir et sous son nom Jean Giraud).

Illustrateur rennes

Unidivers : Vous avez notamment réalisé des affiches pour l’Antipode MJC (2017), le TNB (2018) et plus récemment pour le festival littéraire Jardins d’hiver aux Champs-Libres (du 1er au 3 février 2019). Comment transposez-vous votre style à une manifestation culturelle ?

Guillaume Denaud : Tout dépend du client et du contact. Le client peut me contacter après avoir vu une affiche ou un dessin qui lui plaisait, ça peut être une base de départ pour travailler. Je pars du principe que si l’on me contacte, mon univers leur plaît, je l’adapte alors au contexte et à la demande. Généralement, j’arrive à garder cette liberté d’univers graphique sans trop m’en éloigner.

Illustrateur rennes

Unidivers : Quelle ligne directrice avez-vous choisie pour l’identité du festival littéraire Jardins d’hiver ?

Guillaume Denaud : Proposer une plongée dans cet univers, encore une fois, fantastique. Tout ce qui touche à la littérature relève d’univers imaginaires. Elle permet une liberté presque illimitée en termes d’image.

Pour parler concrètement, on devait retrouver la végétation qui rappelle justement le jardin d’hiver. J’avais aussi cette idée de balade littéraire. Vu que le festival se déroule en plein centre-ville de Rennes (Les Champs Libres), je voulais représenter un univers urbain avec toute cette jungle qui investit la ville. Comme si l’on pénétrait dans un monde imaginaire au cœur de la ville.

Illustrateur rennes

Unidivers : De nouveaux projets se concrétisent ou des envies pour la suite ?

Guillaume Denaud : Je suis actuellement sur un projet avec la marque Katimini, marque de prêt-à-porter enfant. Une première collaboration avec la marque Repetto s’est également concrétisée. Pour le coup, c’est tout nouveau. La marque vient d’un univers très classique et la demande consiste à sortir de cette image à travers une illustration qui sera utilisée sur un sac et un tee-shirt, il me semble. Le mois de mai annonce le Brunch des créateurs aussi.

Le fait que je sois à mon compte est encore nouveau donc j’ai envie de développer des projets plus artistiques, aller au-delà de l’illustration, pourquoi pas essayer la peinture. Il s’agit de projets que j’ai envie de réaliser depuis toujours, mais je n’ai pas encore trouvé le temps…

Unidivers : Une dernière question pour terminer : un illustrateur ou illustratrice que vous avez récemment découvert ?

Guillaume Denaud : J’ai récemment découvert le travail d’illustration de Stéphanie Unger que j’aime beaucoup !

Illustrateur rennes

Instagram / Facebook  / Site

* Revue avant-gardiste britannique publiée entre 1961 et 1974. Archigram est l’association des termes architecture et télégramme. Cette équipe d’architectes anglais s’est constituée, en 1963, afin d’envisager l’urbanisme sous l’angle de la recherche prospective. Au total, neuf numéros et demi sont parus. Formé de Warren Chalk, de Dennis Crompton, de Peter Cook, de David Greene, de Michael Webb, de Ron Herron et de Peter Taylor, le groupe publie en 1967 un livre, Archigram, Seven Beyond Architecture, où il expose ses intentions : dépasser les conceptions dominantes en matière d’architecture et de planification des villes. (source)

J’VEUX DU SOLEIL ! LES GILETS JAUNES VUS PAR FRANÇOIS RUFFIN

François Ruffin était présent au TNB à Rennes, samedi 23 mars, pour présenter son nouveau documentaire J’veux du soleil. Co-réalisé avec Gilles Perret sous la forme d’un road-trip sur les ronds-points de France, il traite du mouvement des Gilets jaunes qui depuis 4 mois secoue le pays. Les deux projections ont fait salle comble et furent suivies d’une rencontre avec le député de La France Insoumise. Sortie en salle le 3 avril.

j'veux du soleil RUfFIN PERRET

 

Avec leur humour et leur caméra, Gilles Perret et François Ruffin traversent le pays : à chaque rond-point en jaune, c’est comme un paquet-surprise qu’on ouvrirait. Qu’est-ce qui va en sortir ? […] Les deux compères nous offrent des tranches d’humanité, saisissent cet instant magique où des femmes et des hommes, d’habitude résignés, se dressent et se redressent, avec fierté, avec beauté, pour réclamer leur part de bonheur.

Trois ans après le succès de Merci Patron !, qui avait réuni en 2016 près de 300 000 spectateurs en salle et entraîné avec lui le mouvement Nuit Debout, François Ruffin, cette fois-ci en compagnie de Gilles Perret (La Sociale, L’insoumis, etc.), s’empare à nouveau de la caméra pour un film de lutte. Avec J’veux du soleil, espère-t-il donner un nouveau souffle au mouvement des Gilets jaunes (?) ou plus modestement rendre son visage à un mouvement défiguré par le traitement médiatique ?

Avant d’être un geste politique, cette œuvre est un acte de rencontre et de don de la parole, tourné et monté en quelques semaines seulement.

j'veux du soleil RUfFIN PERRET

Khaled, Marie, Carine…

En voiture avec le député de La France Insoumise, François Ruffin, sous l’œil de Gilles Perret. Les ronds-points se succèdent et les histoires se ressemblent, d’un bout à l’autre de la France dite « péri-urbaine » : « J’ai vu ma situation se dégrader année après année » ; « On n’avait plus de quoi nourrir nos enfants » ; « Avant cette pizza gratuite, je n’avais pas mangé depuis trois jours ». Les témoignages sont poignants et filmés de près. Ruffin ne se dit pas surpris par ce qu’il entend.

Ce qui a changé, selon lui, c’est la prise de conscience collective et le sursaut politique : « On est plein ici à être dans cette situation » ; « On n’a plus honte » ; « On veut juste vivre mieux ! ». Et il y a la magie des ronds-points, où tout arrive, à commencer par la Fraternité retrouvée (celle de la devise) : « On apprend à se connaître et ça fait du bien à tout le monde. » ; « En trois semaines, grâce aux Gilets jaunes, j’ai trouvé une nouvelle famille ».

gilets jaunes

 

J’veux du soleil braque ses phares sur ces Français. e. s que la nécessité a réunis dans la lutte. Des personnes dépossédées de tout, déconnectées les unes des autres et qui, aujourd’hui, reparlent, discutent, réfléchissent à comment rendre leur quotidien plus vivable. Ils se repolitisent et s’interrogent sur les fondements de notre système. Avec la sympathie qu’il a toujours affichée pour le mouvement, François Ruffin s’invite sur les ronds-points puis jusque dans les maisons de certains Gilets jaunes.

Comme dans un épisode de J’irai dormir chez vous, le film prend des atours de documentaire anthropologique. Dans leur appartement, certaines personnes se confient au-delà de toute attente, nullement impressionnées d’avoir un député et une caméra dans leur cuisine. Il faut dire qu’ils n’en sont pas à leur première épreuve, ces dernières semaines. Le film réussit le pari de montrer à la fois les difficultés dans lesquelles se trouvent ces personnes et l’espoir brûlant que constitue pour elles le mouvement Gilet jaune. Grâce à cette balance entre le rire et les larmes, le documentaire évite de tomber dans le misérabilisme ou la complaisance bien qu’il n’échappe pas à quelques écueils démagogiques.

« C’est pas une délinquance, c’est une reprise du pouvoir », une gilet jaune.

j'veux du soleil

Un road-trip dans la France moche

« Qu’est-ce que c’est moche ici ! » lâche François Ruffin au volant de sa Berlingo, en arrivant dans une zone industrielle près de Nîmes. De rond-point en zone commerciale, de pompe à essence en route nationale, le décor de J’veux du soleil ce ne sont pas les Champs-Elysées, ni la place de la République.

Traditionnellement pourtant, le road-trip fait la part belle au territoire, dont il magnifie la beauté. Ici, la morne apparence du territoire français n’est pas saluée, mais est utilisée comme un indice visuel de la misère sociale et culturelle environnante. Un pays qui, nous le rappelle un personnage du film, a troqué ses petits commerces villageois pour des conglomérats commerciaux, ses chemins de terre pour des pistes goudronnées, ses couleurs naturelles pour une image de papier glacé. Dans ce décor livide, seuls les visages et les accents changent. Mais comment vivre digne dans un décor aussi vidé d’Histoire et de sens ?

marcel gilets jaunes
Le portrait de Marcel le Gilet jaune. (Source : Objectif Gard)

« Oh ! Punaise ! Mais c’est quoi, ça ? C’est qui, ce type-là ? ». François Ruffin aperçoit, à l’approche d’un rond-point, l’immense portrait d’un inconnu en gilet jaune. Le dialogue qui s’ensuit avec les manifestants est le suivant :
« (Ruffin) – C’est qui ça ?
(Un homme en gilet jaune) – C’est un vieux monsieur qui s’appelle Marcel, Marcel Sanchez, un maçon à la retraite, d’origine espagnole. Il a 77 ans, et il passe ses après-midis ici.
– Mais alors, comment le peintre l’a choisi lui ?
– Eh bien, il a regardé son visage, il a vu qu’il contenait les douleurs, les fatigues de la vie. Regardez. Et puis aussi, dans sa moustache, dans son œil, comme une lumière, comme un sourire… »

Marcel est un de ces corps qui n’ont leur image nulle part : ni en vitrine, ni sur les panneaux de publicité, ni dans les cadres télévisuels… jusqu’à ce qu’ils se couvrent des gilets fluorescents qui leur assurent d’être remarqués. Pour Ruffin, le portrait de Marcel est comme un « totem » des gilets jaunes, une image symbolique, un miroir dans lequel chacun se reconnaît. C’est aussi la marque d’une fierté de classe retrouvée, avec son esthétique propre.

« Dans ce geste, dans votre tendresse pour ’Marcel’, je vois une révolte, une révolte esthétique : on ne lutte pas que pour des salaires, pour du pouvoir d’achat, mais aussi pour la beauté. La beauté on y a droit ! » F. Ruffin.

 

GILETS JAUNES

J’veux du soleil pourrait-il lui aussi devenir un film-totem, un emblème ? Par son choix de filmer des décors in-esthétiques, d’exposer des personnes qui n’entrent pas dans les canons de beauté conventionnels, le film finit par connaître sa propre grâce. Faite de corps abîmés, de mots d’argot, de zones délaissées, cette esthétique réhabilite l’image d’une classe qui est justement à la recherche d’une représentation, d’une identité visible.

Anti-médiatique

Ruffin et Perret cherchent à accomplir une déconstruction de l’image médiatique. Pour cela, ils construisent une imagerie à l’antipode de celle qu’utilisent les médias depuis le début du mouvement. Anti-spectaculaire. Anti-pyrotechnique. Ruffin et Perret cherchent le réel, le vivant. Les visages remplacent les masques à gaz. Les paroles remplacent le bruit des grenades ou même des slogans. Le documentaire délaisse presque toute image de manifestation urbaine pour ne se concentrer que sur les ronds-points et les personnes qui les habitent.

Le film expose les racines du mouvement, racontées par les manifestants eux-mêmes. Les interviewés racontent leurs situations, les uns riant, les autres pleurant. S’enchaînent les récits de vies détruites par le travail, par le chômage, par la honte. Et toujours cet espoir que les Gilets jaunes puissent marquer le début d’un renouveau. Comme l’exprime une trentenaire dont la vie a été bouleversée par le mouvement : « Il y a une chance, une petite porte qui s’ouvre […] ; elle est pas grande, mais j’y vais, je fonce. […] C’est le soleil que je vois au bout ».

Toutefois, n’hésitant pas à tirer sur la corde sensible, le film devient par moment nauséeux dans sa volonté de toucher les cœurs. La mise en scène de certaines situations est à peine masquée. Comme la dernière séquence, sur la plage, où de belles phrases sont prononcées, mais qui semblent écrites, voire surjouées. La facilité de ces « beaux sentiments » pèse alors sur le reste du film.

Gilets jaunes

À juste titre, le spectateur pourra se questionner sur le caractère représentatif de cette poignée d’individus dont le documentaire recueille la parole. Une œuvre, même — et surtout — un film documentaire, est avant tout un discours et, donc, une man-œuvre. Est-elle ici d’ordre politique, à des fins de triomphe d’un mouvement ou même d’un seul homme, François Ruffin, qui n’hésite pas à se mettre symboliquement en concurrence avec Emmanuel Macron, largement décrié dans son film ?

fakir production

Toutefois le soutien de Ruffin pour les Gilets jaunes est depuis longtemps avéré et le film entre en cohérence avec le travail de « député-reporter » que l’Amiénois a toujours déclaré vouloir tenir. Comme souvent à l’Assemblée ou dans Fakir, il prend le parti des victimes du système capitaliste et dresse une virulente critique de la classe politique. D’aucuns parleront de démagogie et de récupération politique. Ruffin lui s’en défend : « Surtout, je ne voulais pas d’un film sur moi. Le sujet, c’est vraiment les gens. Ils se réveillent enfin, qu’est‑ce qui leur prend ? Je veux bien qu’on regarde à travers mes yeux, par‑dessus mon épaule, mais les héros, c’est eux ! ». Une chose est certaine, J’veux du soleil est un film de combat et s’affirme comme tel.

La tournée des avant-premières compte 57 dates et déjà plus de 10 000 spectateurs ont vu le film. Les prémices d’un succès en salles ? À découvrir dès le 3 avril 2019.

j'veux du soleil
François Ruffin à Rennes le 23 mars suite à la projection de J’veux du soleil au TNB.

j'veux du soleilj'veux du soleil RUfFIN PERRET

LES MAL-AIMÉS UN ROMAN HYPNOTIQUE DE JEAN-CHRISTOPHE TIXIER

2018 : la société française s’accorde sur l’obligation de protéger les enfants. Par définition, les enfants sont des êtres vulnérables, fragiles, même s’ils présentent souvent une capacité à l’adaptation et à la résilience ; c’est presque indéniable même si l’on sait combien les enfants maltraités trimballent leurs souffrances comme des cicatrices qui suppurent tout au long de leur vie d’adulte. Il y a les souffrances physiques mais pas que. On ne parle pas assez des souffrances psychologiques qui peuvent détruire tout autant que les coups, que les abus en tout genre.

TIXIER LES MAL AIMES

1901 : c’est en ce tout début du XXe siècle que Jean-Christophe Tixier place l’action de son roman. Dans un petit village retiré des Cévennes, les paysans vivent là, presque en vase clos, à l’ombre étrange et angoissante d’une maison, un bagne érigé là par la société de l’époque et avec la complicité de l’Église (la séparation de l’Église et de l’État n’est pas loin mais elle n’interviendra qu’en 1905). Dans cette ambiance, il y a les adultes et puis les gosses.

Et les petites filles, les petits garçons de l’époque n’avaient pas de réel statut ; ils servaient surtout à aider aux champs, à la ferme, dans les cuisines. Et écrire qu’ils étaient élevés à la dure n’est qu’un euphémisme. Ils s’élevaient souvent seuls, ils vivaient sinon ils crevaient… Et puis on en faisait tellement des marmots qu’en perdre un n’était pas nécessairement une épreuve pour des attelages (des couples) pour lesquels les sentiments passaient bien après tout, quand ils existaient. On travaillait, on travaillait, on travaillait, on mangeait mal, on se reproduisait comme des animaux et on mourait… Souvent dans la crainte omniprésente de la puissance de Dieu. (celui-là on ne l’avait jamais vu, mais on le redoutait et surtout, on ne remettait quasiment jamais son existence en doute tellement les prêtres, le clergé endormait et contrôlait le peuple)

Et les gosses… Très souvent ils étaient maltraités, battus, bafoués, violés. Les petites jeunes filles donnaient naissance à des gamins issus de l’inceste, des pulsions bestiales de leurs aînés. Et quand les gosses commettaient quelques écarts, menus larcins ou comportements jugés à la hâte comme inappropriés, on les enfermait au bagne (comme celui bâti sur la colline de ce village cévenol), ils servaient de main-d’oeuvre, crevaient de faim avant de sortir les pieds devant ; ils n’avaient pas plus de douze, treize ou quatorze ans et généralement ne manquaient à personne.

Dans ce roman, Les mal-aimés, l’auteur met en scène des jeunes gens, Étienne, Blanche, des gamins qui vivotent parmi des adultes durs, cruels et violents. Blanche est régulièrement violée et engrossée par son oncle quand Étienne est régulièrement roué de coup par Léon parce qu’il fait défaut à soigner correctement les chèvres. Les femmes, un peu plus sensibles – encore que -, ne peuvent intervenir sous menace de coups… Quant au médecin, ici Morluc, souvent lâche, ferme les yeux en visite chez les familles, il ferme les yeux parce que acheté par les prêtres. Mais le temps et les épreuves peuvent aussi punir les adultes pour leurs comportements déviants et criminels. Ils ne sont pas toujours châtiés, ils sont souvent ridiculisés parce que les gosses peuvent aussi de temps à autre se rebeller avec leurs petits moyens…

C’est un tableau marquant d’une époque – pas si lointaine au final -, que nous brosse avec justesse et remarquablement documenté l’auteur. C’est dur, il faut s’accrocher mais c’est nécessaire. Par le prisme du roman, on peut même imaginer qu’il adoucit le pire. Parce que le pire a existé, et on peut également penser qu’il existe encore ici et là, ici ou là, car la maltraitance n’a pas totalement disparu, par que les comportements pervers font aussi partie de la tragi-comédie humaine. Parce que le pouvoir que d’aucunes et d’aucuns exercent sur des êtres fragiles est d’une facilité affligeante. Parce que la violence est le signe évident de l’échec en termes d’éducation.
Et ces mal-aimés sont attachants ; on les aime dès le début de ce roman écrit au scalpel, à la trique ! Un incontournable de ce printemps…

Les mal-aimésJean-Christophe Tixier – Éditions Albin Michel – 330 pages. Parution : 27 février 2019. 19,50 €.

Couverture : Yolande de Kort / Arcangel Images – Photo auteur Jean-Christophe Tixier © DR.

 

jean-christophe tixier

Jean-Christophe Tixier est né en 1967. Créateur du salon polar de Pau « Un aller-retour dans le Noir », il est également un auteur jeunesse reconnu (une vingtaine de titres salués par la critique). Il vit actuellement entre Pau et Paris.

Rencontre dédicace en Bretagne à Penmarch, Finistère, du 8 au 10 juin :

Rencontre et dédicace dans le cadre du salon Goéland Masqué.

RENNES LES COLS VERTS. UNE FERME DANS LE QUARTIER DU BLOSNE

Retenu par le Budget participatif #3 de la Fabrique Citoyenne, le projet de ferme urbaine dans le quartier du Blosne prend forme et se réalisera vraisemblablement à la rentrée 2019. Responsable du projet, l’association Les Cols verts entend développer un espace d’agriculture à l’impact social et au mode participatif. Au cœur des thématiques de ce lieu : la transition alimentaire et l’agriculture urbaine.

« Après analyse de la qualité des sols, l’installation de la ferme de quartier Les Cols verts dans le quartier du Blosne a été validée », affiche le site des Cols verts, une association qui n’en est pas à son coup d’essai dans l’agriculture urbaine. Déjà présente sur des projets semblables à Montpellier, Albi, Valenciennes, ainsi qu’en Martinique et en Tunisie, elle espère implanter à Rennes de profondes racines. Son objectif ? La sensibilisation et la formation à la transition alimentaire, par le biais de l’agriculture urbaine ; dans un contexte écologique, économique et social qui appelle à de grandes transformations dans ces domaines. Premier projet en terres bretonnes : la ferme de quartier Les Cols verts au Blosne.

Schéma de la future ferme de quartier du Blosne. Les Cols verts.

Idéalement située à proximité d’un centre culturel, d’une école et d’une crèche, elle invitera les habitants de tous âges à partager des moments conviviaux autour d’ateliers, de formations, d’animations autour de la permaculture, de l’alimentation durable ou encore de la biodiversité

ferme de quartier Les Cols verts s’implantera derrière le centre culturel du Triangle, où près de 3000 m² d’espaces verts ont été alloués à l’association par la Ville de Rennes. Cet espace, actuellement public et occupé ponctuellement par des événements divers, serait désormais en partie occupé par les zones de cultures. Il resterait néanmoins globalement un lieu ouvert aux promeneurs, comme aux éventuels curieux qui voudraient visiter la ferme de quartier des Cols verts.

ferme blosne
Lieu d’implantation de la future ferme de quartier, derrière le Triangle.

Un espace pour se ressourcer, se rencontrer, s’instruire et se reconnecter avec la nature, à deux pas de l’effervescence de la ville.

Principalement dédiée aux habitants du Blosne, l’association construit son projet de ferme en coopération avec nombres d’acteurs du quartier, dans un esprit participatif. Les denrées produites au sein de la ferme des cols verts seront eux aussi redistribuées en priorité à des commerces de proximité situés dans le Blosne, à des prix se voulant profitables aux habitants du quartier. Une des volontés de l’association serait en effet de renforcer l’accessibilité alimentaire, en proposant un circuit d’alimentation aussi sain, local et économique que possible aux riverains.

Une « journée de lancement » de la ferme des cols verts est prévue en septembre 2019 afin de permettre aux Rennais de découvrir ce nouveau lieu.

Hélène Brethes, coordinatrice des Cols verts Rennes, est revenue en détail avec nous sur les contours du projet.

ferme urbaine cols verts
Hélène Brethes, Coordinatrice du projet de ferme de quartier, association Les Cols verts.

Unidivers — Qui sont les Cols verts ?

Hélène Brethes — Nous sommes une association qui a pour vocation de sensibiliser et d’informer sur l’agriculture urbaine et sur la transition alimentaire. Ici ce sont les Cols verts Rennes, mais nous dépendons d’un réseau national avec plusieurs antennes, à Montpellier, Albi, Valenciennes, en Martinique et même en Tunisie.

Unidivers —  Pourquoi ce projet ? À quoi sert une ferme urbaine ?

Hélène Brethes — Il y a des manières plus résilientes de consommer et de produire qui peuvent être mises en place, même à Rennes. On est dans une période où l’environnement souffre de notre système. Nous avons des manières de consommer souvent excessives. La Ferme urbaine, c’est un tiers-lieu alimentaire où l’on va pouvoir à la fois produire de manière durable, s’informer et se former sur différentes thématiques. Les fermes urbaines servent aussi à créer le lien entre la ville et la ruralité et à reconnecter les gens avec ce qu’ils mangent.
Et puis ça fait toujours du bien de mettre les mains dans la terre !

Unidivers — Quelle différence entre une « ferme urbaine » et un « jardin partagé » ?

Hélène Brethes — Ce n’est pas si évident de comprendre ce qu’est une ferme urbaine. C’est un lieu hybride…
Contrairement à celle d’un jardin partagé, notre production sera commercialisée. Nous réfléchissons donc à comment équilibrer économiquement notre production, tout en la distribuant de manière accessible aux habitants du Blosne. Sur le quartier il y a des AMAP, des groupements d’achats qui pourraient commercialiser nos produits, ainsi que des épiceries sociales, des associations de dons, etc. Donc l’idée c’est de réfléchir à comment est-ce qu’on pourrait coupler l’équilibre financier et l’accessibilité alimentaire.
L’autre différence avec un jardin partagé, c’est que nous aurons quelqu’un qui sera responsable du site et des cultures. Il y aura aussi des espaces de culture sans visée commerciale, où chacun pourra venir apprendre des choses, planter ou récupérer des aliments.

ferme quartier blosne
Une ferme urbaine des Cols verts, en Martinique.

Tout le monde mange, donc tout le monde a quelque chose à dire sur l’alimentation.

Unidivers — Comment vous implanterez-vous dans le quartier ?

Hélène Brethes —En fait, c’est un projet à l’initiative des Cols verts, mais porté par les habitants et les associations du quartier. La Ville de Rennes nous accompagne aussi beaucoup.

Puisque c’est un projet issu du budget participatif de la Ville de Rennes, nous avons voulu garder cet esprit de co-construction. On organise des ateliers avec tous les acteurs du quartier : les partenaires associatifs, les services de la ville, les habitants, les habitants-ambassadeurs, etc., pour discuter de tout. Chaque point a été discuté, du plus large au plus précis. Par exemple, des associations nous ont demandé des informations supplémentaires sur la transformation des produits, alors on a fait un atelier sur la question.

Unidivers — Où se situera la ferme urbaine ?

Hélène Brethes — Derrière la halle du Triangle, à proximité du métro, se trouve un espace vert de 2900 m². On va s’installer là. Dans nos réflexions, très rapidement, implanter une ferme urbaine dans le quartier du Blosne s’est avéré pertinent parce qu’il y a un maillage associatif énorme dans ce quartier. Ça bouge énormément, surtout sur les questions d’alimentation. Et puis c’est un quartier où il reste des espaces verts.
La ville de Rennes nous met à disposition cet espace-là. Nous sommes conscients que c’est un espace qui est déjà fréquenté, qui a ses usagers. On ne va pas venir fermer le lieu et faire notre loi sur les horaires. Il y aura une zone, près du centre social, qui va devenir un espace convivial complètement accessible, tandis que les espaces de culture vont être plus en contrebas.

En plus on est à côté de l’Écomusée, ce qui pourrait s’avérer intéressant !

Une ferme urbaine des Cols Verts. Culture en bac.

Unidivers — Que trouvera-t-on dans cette ferme ?

Hélène Brethes — Nous avons récemment reçu les résultats des études de sol qui ont été faites par un laboratoire. Ils ne sont pas très bons, donc on va faire de la culture en bac plutôt que de la culture en pleine terre. On va aussi avoir des espaces un peu expérimentaux et travailler sur la dépollution.

Dans un premier temps, on va essayer de faire pousser des légumes de grande consommation. De saison, bien sûr, même si on ambitionne d’avoir une serre par la suite. On imagine aussi expérimenter des produits qui ne vont pas nécessairement pousser en Bretagne, car sur le quartier beaucoup de communautés sont issues de pays étrangers (Maghreb, Turquie, Europe de l’Est…).
Dans un deuxième temps, si on peut présenter des légumes de race ancienne et participer à leur préservation, ce serait super ; mais on s’axe sur de l’alimentation du quotidien et de qualité.
Après, revient souvent la question des animaux… On a validé les poules. Il y aura des poules !

ferme urbaine rennes
Le jardin des Mille Pas, situé à la Prévalaye à Rennes.

Unidivers — Techniquement, comment y parviendrez-vous ?

Hélène Brethes — On est accompagnés par le jardin des Mille pas et par des bénévoles qui sont maraîchers-permaculteurs et nous permettent de savoir quel type d’associations de légumes on peut imaginer. Ils vont, eux, pouvoir nous dire ce qu’on peut espérer produire.
Même si on a un petit espace, l’idée, c’est de produire en quantité pour participer activement à l’alimentation du quartier. On attend les résultats des devis pour savoir combien de bacs on va avoir…

Unidivers — Quand le lieu ouvrira-t-il ?

Hélène Brethes — Un temps fort va être organisé. Un moment festif, une sorte de journée de lancement. Ce sera vraisemblablement le dimanche 15 septembre. Tous les habitants du Blosne et de Rennes seront conviés à venir. Il va y avoir des animations, des ateliers pratiques pour les petits et les grands sur nos thématiques clés, ainsi qu’une présentation du projet. L’idée c’est surtout de faire un temps convivial pour réunir les gens.
Ce sera également l’occasion d’organiser un vote pour définir le nom que portera le lieu !

ferme urbaine
Ferme urbaine à Valenciennes. Les Cols verts.

Unidivers — Qui finance ce projet de ferme urbaine ?

Hélène Brethes — Actuellement, en France, il n’y a aucune ferme urbaine qui peut fonctionner en autonomie, même pas les plus productives. Parce qu’il y a un investissement très important à réaliser au départ du projet et parce que c’est un dispositif émergent.

Nous avons plusieurs types de financement. Des financements publics, puisque notre projet a été retenu pour faire partie du budget participatif de la Ville. Des financements privés, que l’on va chercher auprès des fondations. On cherche notamment des fonds pour financer les bacs de culture, qui coûtent cher. Des fonds propres, que l’on va créer grâce à nos animations, nos travaux de pédagogie et nos visites de la ferme.
En parallèle, les Cols verts Rennes ont une activité qui s’appelle L’Entreprise au naturel. C’est un service aux entreprises pour créer des espaces de nature ou de biodiversité sur leurs lieux de travail. C’est un service d’accompagnement à la réalisation et de formation, que nous proposons tout au long de l’année. Si une entreprise achète nos services, elle soutient également l’entretien et le fonctionnement de la ferme de quartier puisqu’une partie de l’argent est directement reversée au fonctionnement de la ferme.

Unidivers — À qui cela profitera-t-il ?

Hélène Brethes — Principalement aux habitants du Blosne, parce qu’on ne veut pas les déconnecter de ce lieu-là. La ferme urbaine est un super outil pour parler de transition alimentaire, d’agriculture urbaine, pour reconnecter les gens à leur consommation ainsi qu’à des choses très simples. Je me répète, mais mettre les mains dans la terre, ça fait du bien à tout le monde.
Pour le volet animation on vise plus large. On a récemment fait une animation à l’École des Beaux-Arts. Ça pourrait aussi être dans les écoles de la ville.

cols verts rennes

Unidivers — Des écoles viendront visiter la ferme ?

Hélène Brethes — Oui. Nous travaillons déjà à faire des propositions d’animation pour les écoles sur les temps scolaires et périscolaires. Notre réflexion est de ne pas parachuter les gens directement dans un jardin, surtout les citadins, parce qu’ils n’en saisiront pas forcément tout le sens. On fait des animations en amont, avec les enfants, par exemple sur les aliments et leurs origines. C’est un temps d’apprentissage, et après, on vient sur le jardin.

Unidivers — Avez-vous des modèles ?

Hélène Brethes — Oui. En France on n’est pas mauvais. À Montreuil, en région parisienne, il y a plusieurs fermes urbaines. La ferme urbaine étant un modèle hybride par nature, on va aussi bien s’inspirer d’autres fermes urbaines que de producteurs ruraux ou de fermes permaculturelles… À Rennes on a la chance d’avoir déjà deux super projets : Perma G’Rennes et la ferme des Mille Pas, qui sont des fermes périurbaines qui allient production et animation.

On a de la chance à Rennes parce qu’on a des gens très compétents à la Ville qui travaillent sur ces questions d’agriculture urbaine. Pour y avoir bossé et avoir vu d’autres villes, Rennes est vraiment bien placée sur ces thématiques, comme Montpellier par exemple. Il y a des moyens d’avancer avec des structures comme la nôtre, Perma G’Rennes, les Mille pas, et d’autres. En soi, nous avons plein d’idées : faire une exposition au Blosne, ou un livre de recettes en mettant en avant des éléments de l’alimentation durable. Mais ce sont des choses qui se réfléchiront plutôt dans un second temps. Actuellement on est totalement dans le projet de ferme urbaine.

ferme urbaine rennes
Une « causerie », au P’tit Blosneur. Buffet zéro-déchet. 20 mars 2019. (facebook Les Cols verts)

Unidivers — Qu’est-ce qu’une « causerie » ?

Hélène Brethes — C’est un type d’événement que l’on met en place tous les deux mois. La première causerie a eu lieu en janvier, la seconde en mars. On propose aux habitants de Rennes et en particulier du Blosne de nous rejoindre pour un petit buffet zéro-déchet. Ça se passe au P’tit Blosneur, près de l’Hôpital Sud. C’est complètement ouvert, pas d’inscription. C’est un moment d’échange convivial où on se parle avec transparence. On représente le projet et son avancement, et puis on grignote du houmous, des trucs comme ça quoi.
La prochaine devrait avoir lieu le 15 mai.
Il y a d’autres rendez-vous comme les ateliers de co-construction et puis surtout la journée de lancement du 15 septembre où on va commencer à diffuser tout ça.

Unidivers — Qu’est-ce que vous inspire ce projet ?

Hélène Brethes — Je suis très contente de la tournure que prend le projet. Au départ, on avait un projet tourné uniquement vers l’agriculture urbaine. Là, on prend un tournant social et culturel important, avec une valorisation des savoirs. Tout le monde mange, donc tout le monde a quelque chose à dire sur l’alimentation.

ferme urbaine blosne

Unidivers — Merci à vous, Hélène Brethes…

Site web des Cols verts
Les Cols verts Rennes sur Facebook

LE MYSTÈRE PERMANENT DE KARL LAGERFELD

Laurent Allen-Caron avait déjà travaillé sur le mystère Karl Lagerfeld pour un épisode de l’émission Un jour, un destin, de Laurent Delahousse (« Être et paraître », France 2, 19 février 2017). Happé par le personnage, l’écrivain et journaliste publie aux éditions Fayard un livre de témoignages dont la parution a précédé de quelques semaines la disparition du génial géant de la mode. À la découverte d’un personnage éminemment romanesque : fascinant.

Laurent Allen-Caron Le Mystère LagerfeldQu’il fascine ou qu’il agace, le moins que l’on puisse écrire à l’endroit de Karl Lagerfeld, le Kaiser de la mode, c’est qu’il ne laisse pas indifférent – et c’est là probablement un des moindres hommages que l’on puisse rendre au maestro.

Karl Lagerfeld autoportrait
Autoportrait

Tout au long de sa vie, Karl Lagerfeld aura tout fait pour marquer les esprits, son ou ses époque(s), parce que ce personnage est finalement intemporel. Il aura traversé bien des saisons, bien des siècles, moquant les modes, les faisant pour mieux les défaire… et toujours mieux les réinventer. Il aura été et restera un visionnaire, pressentant les tendances comme aucun, ou parfois les créant lui-même à son image, toujours avec délicatesse et émotion. Lagerfeld n’était pas qu’un créateur de mode, c’était un « créateur » tout court, un dessinateur, un architecte, un décorateur et qui a su — comme Yves Saint Laurent — mettre la femme en valeur pendant plusieurs décades.

Croquis petite robe noire par Karl Lagerfeld

Petite robe noire Karl Lagerfeld
La petite robe noire (Little Black Dress) est selon Karl Lagerfeld « la base de la base du style ». Le couturier n’a eu de cesse de réinventer ce modèle conçu par Chanel dans les années 1920.

C’est probablement dans son enfance allemande (du côté de Hambourg) qu’il faut aller chercher une partie de son inspiration et de l’image qu’il a su créer… Élevé dans la rigueur par des parents nantis dans les années 30 et 40, il a rapidement acquis son sens de la musicalité comme cette passion pour le dessin, pour les arts, son acharnement et sa rigueur au travail quotidien, diurne comme nocturne. Car l’homme ne connaissait pas le repos. Il était sans cesse en quête du beau, de l’acte créatif, peaufinant sans cesse son ouvrage. Et force est de reconnaître qu’il ne s’est jamais économisé. Toute son énergie était consacrée à imaginer, à penser et toujours à accumuler des savoirs, des connaissances qu’il partageait avec son entourage.

Karl Lagerfeld

Être très pudique, Karl Lagerfeld parlait peu de lui, mais œuvrait pour les autres, pour ses créations, pour les femmes, pour les marques qu’il servait avec talent, régularité et urgence (Chanel, Chloé, Fendi, KL). Avec les années, avec le temps, dès son arrivée à Paris, en conquérant, il a su s’imposer et imposer sa patte, son génie, dans le milieu de la mode. En coureur de fond, il a gagé sur le temps et, refusant les one shot, il a gagné ses galons auprès des grands investisseurs. Besogneux, reconnu, il aura connu quelques déboires, mais surtout le succès, et ce jusqu’à la fin de sa vie, il y a quelques semaines.

Si Lagerfeld est devenu une marque, une icône, il a su rester aussi dans l’ombre des petits marquis mondains, dissimulé derrière ses lunettes noires et ses tenues qui relevaient de masques divers, identifiables, protégeant ainsi l’être profond qu’il était : un enfant resté un enfant, attaché à sa mère, à ses origines, aux gens qu’il aimait, aux grands écrivains qu’il vénérait… On peut même s’étonner que Karl Lagerfeld, l’autodidacte, n’ait pas écrit quelques romans baroques, peignant ce XVIIIe siècle qu’il vénérait tant. Peut-être simplement parce qu’il était avant tout le personnage de ses propres romans intérieurs.

C’est un portrait touchant, pudique et documenté que nous offre là Laurent Allen-Caron. Tout en nuances de gris comme l’était Lagerfeld, jamais blanc, jamais noir, comme nos âmes… C’est écrit un peu comme un roman dont le personnage est attachant, mystérieux, inquiétant parfois, mélancolique souvent. En tout cas touchant et fragile autant que distant et fort. C’est l’histoire d’un destin peu commun, singulier, qui suscite une certaine admiration, aux antipodes des requins de la mode qui ne rêvent que de gloire rapide et instantanée, que de bonnes feuilles dans les magazines people. Lagerfeld était au-delà de tout ce petit monde féroce et insipide : un homme de culture, un être profond et authentique… totalement attaché à Paris, Ville Lumière, la ville du rêve. Un grand ! Bel hommage rendu que ces quelque 300 pages à un véritable personnage de roman qui demeure une énigme. Le génie reste un mystère, le mystère Lagerfeld !

C’est sans flagornerie aucune, c’est sans vernis aucun. C’est délicat et raffiné. C’est authentique et captivant !

Laurent Allen-Caron, Le mystère Lagerfeld, Paris, Éditions Fayard, 280 pages.
Parution : 6 février 2019. Prix : 19,00 € 

Laurent Allen-Caron
Laurent Allen-Caron (Fayard)

Journaliste à France 2, Laurent Allen-Caron est l’auteur et le réalisateur d’une dizaine de documentaires pour l’émission de Laurent Delahousse, Un jour, un destin, dont celui consacré à Karl Lagerfeld, « Être et paraître ».