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CASTRO, QUARTIER ARC-EN-CIEL DE SAN FRANCISCO

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr

11th Day

san francisco

Quand on débarque du tram, on sait tout de suite qu’on est à Castro, le quartier Gay : la couleur arc-en-ciel est omniprésente. Drapeaux, voitures, vêtements, même les passages pour piétons…
Dans une large rue inondée de la lumière du matin et bordée de maisons néo-victoriennes aux bougainvilliers flamboyants, on découvre la célèbre « Maison bleue » chantée par Maxime Le Forestier à la fin des années soixante. Une plaque discrète, cadeau de l’Alliance Française, rappelle l’histoire du lieu. Juste en face, un coffee shop nous propose des « kouign amann baton (sic) ». Nous faisons le test. Les kouign de Frisco sont dans la pure tradition de Douarnenez. Miracle de la mondialisation…

san francisco
Retour vers le Golden Gate Park en passant devant quelques maisons de stars de la planète Pop des Sixties. On a entendu parler de l’Arbre de Janis Joplin et on veut le trouver. On n’en sait pas plus. La chanteuse a-t-elle chanté sous ses branches ou l’arbre a-t-il été planté en hommage après sa mort ? Seule indication, il se trouverait sur Hippie Hill près de l’entrée-est du parc. On rencontre un garçon en train de caresser le tronc poilu d’un palmier. Il a le look californien de 2018 : petites lunettes rondes, queue de cheval, barbe blonde naissante, chemisette, bermuda et New Balance aux pieds.

« We’re looking for Janis Joplin’s tree. Is that the one ?
On cherche l’arbre de Janis Joplin. Est-ce que c’est celui-là ?
-Je ne sais pas… mais j’aime cet arbre. Il a de longs poils blonds comme moi. C’est mon frère… » Et il me tend son joint avec un large sourire.
« On est en Californie ici. On partage tout. Même le meilleur. »
C’est finalement un jardinier qui nous indique l’emplacement du fameux arbre.
C’est une sorte de parasol végétal au bord d’un chemin qui fait le tour de la vaste prairie où avait lieu le concert de dimanche dernier. Une jeune guitariste, appuyée sur le tronc noueux essaie de placer les premiers accords de « Nobody knows you when you’re down and out » standard du blues chanté par Bessie Smith dans les années 20.

san francisco
Nous descendons le parc sur plusieurs kilomètres jusqu’à l’océan et l’immense plage sauvage et absolument déserte. Sur une des dernières maisons du boulevard nous trouvons le premier tag de San Francisco. Enfin ! Certainement l’oeuvre d’un Rennais en manque…

YAOUANK FESTIVAL. LE PROGRAMME DE LA 20E EDITION !

Le plus grand fest-noz de Bretagne est de retour pour la 20e fois ! La billetterie de Yaouank est lancée avec, dans sa valise, quelques nouveautés, mais aussi plusieurs retours de ses habitués, très attendus au parc des expositions le 17 novembre 2018.

YAOUANK 2018

Jean-Charles Guichen, Nâtah Big Band, Plantec, Carré Manchot 97… voici quelques-unes des têtes d’affiche qui composeront la 20e édition de Yaouank du 1er au 17 novembre. Toujours porté par l’association Skeudenn Bro Roazhon et toujours dans un but de faire découvrir la culture bretonne au plus grand nombre comme c’était déjà le but en 1999. « Une journée pour découvrir, une nuit pour la fête. C’était le slogan du festival lors de son lancement », se souvient Glenn Jegou, directeur artistique de Yaouank.

L’an dernier, le fest-noz final du parc des expositions avait réuni près de 8000 personnes. Pour cette édition, Jean-Charles Guichen reviendra accompagné par Dan Ar Braz et le Bagad Perros pour former un collectif Breizh An Ankou. « À chaque fois, c’est un nouveau challenge qu’on nous propose. Celui-ci réunit Dan Ar Braz et le bagad », décrit Jean-Charles Guichen qui jouera un concert inédit.

yaouank
De gauche à droite : Amélia Michel, Jean-Charles Guichen, Glenn Jegou et Lætitia Bizeul.

L’inédit, c’est d’ailleurs le fil rouge de ce festival malgré le retour de plusieurs visages connus. De nombreux groupes, comme Talskan par exemple, présenteront un nouvel album. « On verra beaucoup de surprises », promet Glenn Jegou. Qui dit 20e édition dit aussi nouveauté avec cette année l’arrivée des bals sauvages. « C’est une pratique qui est très populaire en ce moment. Nous étions obligés de nous placer dans cette mouvance », explique Glenn Jegou. Ces rassemblements ont pour but de pratiquer la danse traditionnelle sous toutes ses formes. Cette année, huit seront dispatchées un peu partout dans le centre de Rennes du 1er au 17 novembre. « Ce sont des endroits originaux où cette fois nous irons vers le public pour attirer plus de monde », décrit Glenn Jegou.

Glenn Jegou : « c’était très compliqué de choisir. Des groupes sont déjà prévus pour l’an prochain ».

Pour compléter la programmation, onze festoù-noz se dérouleront dans certains bars et certaines salles de Rennes. Parmi les participants : le Mod Koz, le Ty Anna, le Mondo Bizarro, Le Guibra, mais aussi le conservatoire, la maison de Saint-Cyr, l’espace Vau Gaillard à Bruz ou les salles de sport de l’espérance à Chavagne et de Domigné. Sans oublier les concerts du 2, 4, 6, 11, 13, 16 novembre… en attendant le grand bal du 17 novembre.

Yaouank
Les horaires du bal du 7 novembre

Enfin, afin d’être en conformité avec le mot « Yaouank » qui signifie jeune, le festival fait la part belle aux enfants. Tout d’abord en offrant la place aux moins de 18 ans, mais aussi en proposant aux plus jeunes un week-end fest-noz. Des stages de danses, de musique, des ateliers de broderie traditionnelle, sans oublier le bal des enfants à 15 h, le samedi 3 novembre à la ferme de la harpe à Rennes. La veille, un jeu de piste sera proposé dans toute la ville avec une rencontre des artistes avant un concert au Station Pub.

YAOUANK 2018
L’affiche a été à nouveau réalisée par Laurent Le Bot : « Il est avec nous depuis la 2e édition. Il y a vraiment une marque graphique Yaouank », félicite Glenn Jegou.

Malgré la « fragilité économique » comme le qualifie Glenn Jegou, de nombreux événements restent gratuits et les 3000 premiers billets seront vendus à 15 € au lieu de 20 €. De même, de nombreux événements seront gratuits comme la Jam Funk au Penny Lane qui propose une session mêlant jazz et musique traditionnelle bretonne.

Jean-Charles Guichen : « même de la scène c’est un spectacle visuel avec tous ces gens qui dansent »

Aucun événement inhabituel n’est prévu pour célébrer cette 20e édition. Néanmoins, un album compilation sortira le 17 novembre ; il regroupera les groupes qui auront participé à Yaouank depuis sa création en 1999. Tout en autoproduction. « C’est un clin d’œil à l’esprit du festival où de nombreux artistes passent par ce moyen de création d’albums », décrit Glenn Jegou. Les futurs spectateurs sont prévenus : « tout est possible et il y aura plein de surprises ! », conclut Glenn Jegou.

Yaouank Champs Libres

Trois coups de cœur à ne pas rater :

Outre Jean-Charles Guichen et Dan Ar Braz ainsi que Nâtah Big Band, d’autres groupes et duos méritent le détour le 17 novembre. Nous en avons sélectionné trois.

Iris a PaPaotred : Hall 5, 17 novembre. Voici un groupe porté par Iris Loric-Philippe, jeune chanteuse de 10 ans. Elle bénéficie du soutien de son père, Fanch Loric, accordéoniste du groupe et déjà venu à Yaouank notamment en 2013 avec Breizh Asturies. Lauréat du tremplin Groupe 2018 au Roue Waroch de Plescop, ce quintet résume bien la programmation de cette 20e édition : jeune et toujours dans les rudiments traditionnels.

Hashimoto/Ogawa : Hall 5, 17 novembre. Un duo original venant du Japon. Tombés amoureux de la Bretagne et de sa musique lors d’un voyage, ils sont désormais bien connus des festoù-noz de la région. La virtuosité japonaise entremêlée des sonorités bretonnes, résumant bien l’ouverture du festival et les mélanges des musiques traditionnels.

Diridollou/Berardy : Hall 9, 17 novembre. « J’ai un regret pour cette édition, c’est le manque de femmes », déplore Glenn Jegou. Et bien en voici deux pour un duo. Vous avez sans doute croisé Sterenn Diridollou et Marie Berardy dans un fest-noz dernièrement tant elles parcourent la Bretagne et enchaînent les dates depuis 2 ans. Complètement a capella, mais néanmoins très dansant, le jeune duo reprend des rythmes de gavottes, adaptés pour des danses traditionnelles. « Yaouank c’est très connu et c’est toujours un plaisir de venir chanter ici », a réagi Marie Berardy.

La 20e édition de Yaouank du 1er au 17 novembre 2018. Tarif : 20 € la place pour le parc des expositions le 17 novembre. 15 € pour les 3000 premiers. Gratuit pour les moins de 18 ans. Plus d’informations : yaouank.bzh/billetterie

SAM 17 – PARC EXPO : BREIZH AN ANKOU : J-C GUICHEN INVITE DAN AR BRAZ, DENEZ PRIGENT & BAGAD PERROS // NÂTAH BIG BAND // GWENFOL // CARRE MANCHOT 97 // HAMON MARTIN QUINTET // PLANTEC // KENDIRVI // DOUR-LE POTTIER QUINTET // NOON // KAÏFFA // LANDAT-MOISSON // LE GALL-CARRÉ/MOAL // LE BOUR-BODROS // VEILLON-RIOU // DIRIDOLLOU-BERARDY // OURAWEN // MODKOZMIK // WAR-SAV // LITTLE BIG NOZ ET L’INTER-COMMUNALE À DANSER // TALSKAN // DS BAND // BOUFFORT-PÉNARD // IRIS A PAPAOTRED // HASHIMOTO-OGAWA // KAJI // VALÂAR // LA MAFIA RUSTRE

VEND 2 & SAM 3 – KKR : YAOUANKIZ

SAM 3 – DOMAGNÉ : FEST-NOZ : FLEUVES // LANDAT – MOISSON QUINTET // LE NORMAND-PINC

DIM 4 – BRUZ : FEST-DEIZ : LE BIGOT-MORVAN // LEIZIG // LES GALLO DU BOËL // AR PAOUEZ

MAR 6 – LE TAMBOUR : CINÉ CONCERT : UN CANAL PAS BANAL

SAM 10 – CHAVAGNE : KIÑKOÑS // DRASK // HAUTBOIS-CHAUVIN …

MER 14 – 4 BIS : FEST-NOZ DU CONSERVATOIRE

VEND 16 – LES CHAMPS LIBRES : ANNIE EBREL – NOLÙEN LE BUHÉ – MARTHE VASSALLO

DU 1er au 16 YAOUANK BISTRO :

MOD KOZ : YOUL // BITRAAK // FEST-DEIZ // IRISH SESSION

THE STATION PUB : MATHIEU ET LOUISE HAMON INVITENT // TOÏ-TOÏ

TY ANNA : NOGUET – BAROU – CONQ // TRANSATLANTIKS // ARNAUD ROYER // VINCENDEAU-PICHARD // RUNIGO-GUICHARD // CEILI // TRAD DEJEUN // FEST-NOZ QUI TÂCHE

BAR’HIC : LUNCH-NOAZH // CASTOR & POLLUX

MONDO BIZARRO : DIGRESK // DUO [R/L]

LE GUIBRA : DUO TARARE

PENNY LANE : JAM SESSION FUNK BREIZH

ROAZHON : BALS SAUVAGES NOZ & DEIZ DANS LA VILLE …

SOUS LES BRANCHES DE L’UDALA, VIVRE SON HOMOSEXUALITE EN AFRIQUE DANS LES ANNEES 70

Sous branches de l’Udala de Chinelo Okparanta nous ramène en 1968. Le Nigeria et la jeune république du Biafra se déchirent, les conflits interethniques sont chaque jour plus meurtriers, la population sombre peu à peu dans le désespoir. Au cœur de cet océan de violence, la jeune Ijeoma tombe amoureuse d’Amina. La relation des deux adolescentes est rapidement découverte et tous, mères, pères, voisins, amis, se chargent de leur rappeler qu’aux yeux de Dieu et de la loi, leur amour est criminel.

CHINELO OKPARANTA SOUS LES BRANCHES DE L'UDALA

Même si l’on entend parler de cette homophobie récurrente dans nombre de pays depuis des lustres – l’acceptation et la tolérance d’amours autres que seules celles hétérosexuelles -, Chinedo Okparanta nous propose entre roman, étude de la société dont elle est issue et souvenirs personnels de son enfance, de son adolescence, de son entrée dans l’âge adulte, de nous plonger dans une Afrique post-coloniale en proie à ses déchirements interethniques. Le tableau – s’il est parfois apocalyptique compte tenu des massacres omniprésents, des tensions avivées sans cesse entre les peuples par des politiques corrompus, une pression permanente de l’Église qui ne cherche, à travers Dieu, qu’à contrôler les peuples, leurs us et coutumes, les mariages arrangés… -, une place du mâle toujours dominante, est aussi magnifiquement réalisé par les paysages, les musiques, les élans de générosité, la force des femmes auxquelles revient l’éducation, la culture, les soins à transmettre aux enfants. Et puis, il y a des phrases d’une poésie remarquable, une réflexion sur la tolérance et l’amour, parce qu’ici il est question d’amour. Juste gravement une question d’amour.

D’accord, la femme avait été créée pour l’homme. Mais en quoi cela excluait-il le fait qu’elle ait pu être aussi créée pour une autre femme ? De même que l’homme pour un autre homme ? Les possibilités étaient infinies, et chacune d’entre elles parfaitement viables.

Dans ce roman d’apprentissage, Ijeoma passe par de nombreuses étapes, la perte de son père, d’amis, l’attachement à sa mère et cette même distance qu’elle devra mettre vis-à-vis d’elle pour exister en tant qu’entité propre. Elle fera la dure expérience du rejet, de la peur, frôlera plusieurs fois la mort, la colère des autres, celle-là même qu’ils imputent à Dieu qui punit les pêcheurs… Mais elle découvre l’amour dans les bras des femmes, puisque telle est sa nature. A-t-elle réellement à se justifier ? Dans cette époque-là, malheureusement oui. Alors elle devra « se coucher » et accepter le pire avant de se lever, fière comme ces icônes qui nous marquent par leur force de caractère et leur volonté sans failles, pour prendre totalement son destin en main et vivre enfin. Vivre enfin ! Aimer enfin ! (on pense à la fable « Le chêne et le roseau », La Fontaine – Elle plie mais ne rompt pas)
Les choses ont-elle changé cinquante après ? Dans quelques pays du monde, des évolutions sont significatives mais dans la majorité des nations, il reste tant à faire…

sous les branches de l'udala

À la fin de ce roman très émouvant : note de l’auteure

« Le 7 janvier 2014, le président du Nigeria, Goodluck Jonathan, a signé une loi qui criminalise les relations entre personnes du même sexe, ainsi que le soutien apporté à ce genre de relations, rendant de tels actes passibles de peines de prison pouvant aller jusqu’à quatorze ans. Dans les Etats du Nord, la mort par lapidation est prévue. Ce roman est une tentative pour donner à la communauté LGBT marginalisée du Nigeria une voix plus puissante, et une place dans l’histoire de notre nation. D’après une enquête Win-Gallup International Global Index of Religiosity and Atheism, le Nigeria est le deuxième pays le plus religieux, immédiatement suivi par le Ghana. »

Sous les branches de l’Udala. Chinelo Okparanta. Éditions Belfond. 384 pages. Prix : 22,00 €. Parution : 23 septembre 2018.
Traduit de l’anglais (Nigeria) par Carine Chichereau. Couverture : © Atelier Dominique Toutain– Photo Chinelo Okparanta – © DR
www.chinelookparanta.com

Chinelo Okparanta
Chinelo Okparanta

Née en 1981 à Port Harcourt, au Nigeria, Chinelo Okparanta est arrivée à l’âge de dix ans aux Etats-Unis, où elle enseigne au sein de l’université renommée (West Lafayette, Princeton). Avec America, nouvelle finaliste du prestigieux Caine Prize de 2013 pour la littérature anglophone d’Afrique, ainsi que son recueil Le Bonheur comme l’eau (Editions Zoé, 2014), lauréat du Lambda Literary Award for Lesbian Fiction, Chinelo Okparanta s’impose comme l’une des figures majeures de cette jeune génération dont l’écriture inventive est à présent reconnue au niveau international. (source cp Belfond)

TOSEW. LES VETEMENTS BRODES DE LA RENNAISE MARIE PERRIGAULT

De la broderie sur vêtements ? Avec la marque TOSEW, la créatrice rennaise Marie Perrigault allie l’artisanat aux intemporels de la garde-robe féminine et masculine pour un look tendance (et personnalisé sur demande) aux multiples inspirations. Détricotage de la nouvelle marque bretonne à suivre. Tosew, du cousu main…

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Marie Perrigault, créatrice la marque TOSEW

La créatrice : Marie Perrigault

« J’ai choisi le graphisme comme formation, mais le design textile m’a toujours attiré. J’ai fait en sorte d’inclure la mode dans mon travail et mes recherches ». Après avoir obtenu son diplôme de graphiste à LISAA (L’Institut Supérieur des Arts Appliqués), Marie Perrigault se lance dans un service civique d’un an au sein de la radio C-Lab, un tout autre domaine qui enrichit son parcours et lui permet de travailler sur la viabilité de son projet TOSEW via les réseaux sociaux, particulièrement Instagram. « Les réseaux sociaux aident à se lancer sans que ce soit officiel. On a moins l’impression de se jeter dans le grand bain. Il s’agit juste de publier et attendre les réactions »

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Le concept : De la broderie sur vêtements

À l’occasion de son sujet de fin d’études, Marie Perrigault s’aventure dans un projet qui deviendra le point de départ de la marque TOSEW : une galerie d’artisanat d’art textile. « Nous devions travailler sur l’identité visuelle d’une boite – de n’importe quel domaine – et l’inscrire dans la réalité, avec la réalisation d’affiches par exemple. Dans l’une d’entre elles, j’avais envie d’intégrer de la broderie ».

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« Comme beaucoup, je pensais que la broderie était une discipline très difficile, mais cette idée me trottait dans la tête donc je me suis lancée. C’est très agréable et apaisant ». Avec l’obtention de son diplôme et de ce fait, l’approbation des professionnels qui consistaient alors le jury, il ne restait plus qu’à la future créatrice à peaufiner son projet. Même le nom de la marque était déjà trouvé… Court et facile à prononcer, la ressemblance phonétique avec le mot « tissu » dans la prononciation de la marque TOSEW (« coudre » en français) n’est pas une coïncidence.

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« L’action de broder s’apparente à celle de dessiner. Le fil remplace le crayon et le tissu, le papier »

Les inspirations : Pop culture et mythologie

Préférant les piles de livres à la facilité d’Internet, la créatrice attache beaucoup d’importance à effectuer ses recherches de la manière la plus traditionnelle et authentique qui soit : l’emprunt à la bibliothèque. « Je travaille beaucoup avec Instagram, mais j’essaie au maximum de me nettoyer la tête de toute cette abondance d’images ». Malgré son jeune âge et avec la tête sur les épaules, elle sait qu’être unique ou innovante à l’heure d’aujourd’hui relève de l’impossible et préfère passer des journées le nez plonger dans les bouquins, de peur de s’inspirer accidentellement d’une image vue ne serait-ce que quelques secondes sur un réseau social. « On a l’impression que ce n’est parfois pas le cas, mais inconsciemment des images vues la veille ou le matin peuvent marquer et donner une idée que l’on pense nouvelle ».

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Ouverte autant à la pop culture qu’à l’Histoire, Marie Perrigault se nourrit du cinéma, de la musique et de l’art – les nus bleus de Matisse sont par exemple revisités en tote bag. Aux tendances actuelles s’ajoute son intérêt particulier pour la mythologie grecque et romaine, ses premiers amours que l’on retrouve dans ses premières créations.

Des collaborations et un style épuré dans l’air du temps

« Je suis restée graphiste. Je ne coupe pas la matière, mais dessine seulement dessus »

Dans une esthétique qui reflète les tendances stylistiques du moment – un trait à la fois doux et minimaliste – Marie Perrigault apporte une touche créative à des basiques aux couleurs primaires. « Les tendances actuelles et mes goûts personnels m’ont orienté vers ce côté dépouillé où la ligne est très importante. De manière générale, je préfère la sobriété à la profusion d’informations, dégager l’essentiel du motif en un seul trait »

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Sweat Cleopatra

Un travail du contour qui prend sa source dans les tatouages figuratifs minimalistes en vogue actuellement et qui se confirme à chaque nouvelle collaboration. De multiples partenariats qui semblent d’ailleurs définir la dynamique de la marque. « La collaboration permet de faire de nouvelles rencontres, découvrir de nouveaux projets et trouver de nouvelles idées pour la suite ».

Que ce soit avec la graphiste Anais Ordas, la peintre Anton Hasler, la graphiste Sarah Bouchir ou la styliste-modéliste lingerie Lucile Lemière, chaque collection révèle un peu plus l’univers modesque et les envies de Marie Perrigault.

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Tote bag Hercule

Alors que la tote bag Hercule, le tee-shirt Apollo d’Or et le sweat Cleopatra s’inspirent de sa fascination pour la période antique et la mythologie, la collection FORM – en partenariat avec la graphiste Sarah Bouchir – dévoile un nouvel aspect de sa personnalité et de ses inspirations, la culture hip-hop. « Son univers graphique minimaliste nous a orienté vers un style streetwear. C’est un style, une culture et une manière de voir la vie qui me parle et que j’avais vraiment envie de développer ».

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Collection FORM, en collaboration avec la graphiste Sarah Bouchir

Les formes abstraites et primaires aux traits épais apposés sur les vêtements unis révèlent le travail graphique de Sarah Bouchir, mais également la diversité et la capacité d’adaptation de Marie Perrigault. Le prouve sa plus récente collaboration pour la collection capsule de lingerie 100 % française.

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Collection SKEUL , en collaboration avec la couturier lingerie Lucie Lemière

SKEUD a traversé l’esprit de la jeune créatrice comme l’idée de TOSEW. « La marque a soufflé sa première bougie cette année, je voulais la faire évoluer dans une direction différente ». Changement total pour la créatrice dont le milieu de la lingerie lui était totalement inconnu, de même pour les supports et la thématique. « Au-delà d’une simple commande, la conception de la collection SKEUD a été une véritable collaboration. J’avoue m’être lancé dans un projet assez complexe et Lucie m’a intégré au processus de fabrication dans sa globalité ». La culture hip-hop revient une nouvelle fois dans son champ de création, mais cette fois-ci sous la forme de phrases brodées sur les petites culottes blanches réalisées par Lucile Lemière.

« La collection SKEUD m’a demandé beaucoup de recherches sur l’histoire du hip-hop et du rap, mais c’est ce qui me plaît dans ce métier que je me suis créée. Passer quelques mois à chercher la signification de diverses thématiques et en sortir ce que pour moi est essentiel »

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Tee-shirts Elisa, Mathilde et Vanessa. Collaboration avec la graphiste Anaïs Ordas

Parallèlement à la conception de ses collections, la créatrice répond également aux commandes privées. Une idée de dessin ? Une envie de faire broder un de vos dessins ? « J’essaie de répondre fidèlement à la commande, avec ou sans adaptation du dessin. S’il échappe cependant un peu trop à mon style initial, comme du remplissage, je me réserve le droit de refuser – explique Marie Perrigault. Je revendique ce concept de personnalisation, le passage du dessin au crayon à la broderie. Le fil devient le crayon. Comme pour le tatouage, les personnes viennent avec leur dessin et d’autres ont seulement une idée »

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Son objectif pour la suite ?

Malgré l’enthousiasme avec lequel elle aborde ses précédentes collaborations, le temps est venu selon elle de se recentrer sur son travail. « À force d’enchaîner les projets et les nouvelles idées, d’idées, il y a un risque de se perdre. J’aimerais vraiment qu’on reconnaisse ma patte, la marque TOSEW – conclut-elle. Si on me propose des collaborations, j’accepterai avec plaisir. Si je dois penser à l’avenir, j’aimerais me concentrer sur d’éventuels pop-ups stores et proposer mon travail dans les boutiques, c’est peut-être le bon moment. Pourquoi pas participer à des salons et festivals comme c’était le cas au début. Au niveau de l’expérience, rencontrer et se conforter à des créateurs indépendants expérimentés forge »

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ECHOLOCATION, VOUS AVEZ DIT ECHOLOCALISATION ?

Quel est le point commun entre des mammifères tels que le dauphin ou les différentes espèces de chauve-souris et certains individus atteints de cécité ou même certains dispositifs de repérage? C’est la capacité d’émettre et/ ou d’analyser certains sons dont les ultrasons afin de déterminer des formes et donc de pouvoir se déplacer.

https://youtu.be/8f3Txe6mjag

Le terme écholocation a d’abord été utilisé par Griffin en 1944 pour décrire la capacité exceptionnelle des chauves-souris volant dans l’obscurité à naviguer et à localiser leurs proies à l’aide de sons. Des expériences du XVIIIème siècle de l’abbé Spallanzani avaient déjà montré que des chauves-souris rendues aveugles se déplaçaient sans difficulté dans le noir. L’écholocalisation a depuis été identifiée et largement étudiée pour d’autres animaux, y compris les dauphins et les baleines à dents.

En 1749, dans sa Lettre aux aveugles à l’usage de ceux qui voient, Denis Diderot décrit un aveugle de sa connaissance qui était capable de localiser des objets silencieux et estimer leur distance bien qu’à l’époque on ignorait que le son était impliqué. Diderot croyait que la proximité des objets provoquait des changements de pression sur la peau, ce qui a conduit au concept de «vision faciale»; les objets étaient censés être ressentis sur le visage.
Diderot utilisera cette capacité sensorielle inconnue pour porter une attaque bien dans ses propos sur la religion et la perception que nous en avons mais ceci sort de l’objet de ce débat.

Plus près de nous, Ulysse (1918) est un roman de l’écrivain irlandais James Joyce qui est considéré comme l’une des œuvres les plus importantes de la littérature moderne. Dans un chapitre, Bloom, héros central du roman et moderne Ulysse, se promène dans Dublin et croise sur son chemin un jeune aveugle :

« Un jeune aveugle se tenait sur la margelle avec sa fine canne. Pas de tram en vue. Veut-il passer-Veux-tu traverser? Demanda Bloom. Le jeune aveugle n’a pas répondu. Il fronça faiblement les sourcils et déplaça sa tête de façon incertaine. -Vous êtes dans la rue Dawson, dit Bloom,. Molesworth Street est en face. Voulez-vous traverser? Il n’y a rien sur le chemin. La canne s’éloigna en tremblant vers la gauche. L’œil de M. Bloom suivit sa ligne et revit la camionnette de la teinturerie- Il y a une camionnette là-bas, dit. Bloom, mais ça ne bouge pas. Voulez-vous aller à Molesworth Street? -Oui, répondit le jeune homme : South Frederick Street. – Venez, dit Bloom. Il toucha doucement le coude mince: puis il prit la la main pour le guider vers l’avant. Pauvre jeune homme! Comment diable savait-il que cette fourgonnette était là? Doit l’avoir senti.

 

Plus tard dans le roman, il est rapporté que ce jeune aveugle est accordeur de piano qui suppose une audition fine et entraînée. Une telle observation dans un roman extrêmement vaste est sans doute due à une expérience personnelle de l’auteur, fin observateur du monde par ailleurs.

 

Dans le cas des aveugles et à la différence des chauves-souris, il ne s’agit pas d’émission d’ultrasons mais de productions de sons tels des clics similaires à ceux existant dans les langues bochimans en Afrique australe ou chez certains aborigènes d’Australie et que tout un chacun utilise pour appeler son chien… L’analyse en retour de ces sons permet d’apprécier les formes extérieures et de se guider. Certains aveugles développent des compétences en écholocation à un niveau élevé : en 1954, il est rapporté le cas d’un jeune aveugle avec des capacités spatiales remarquables, capable d’éviter les obstacles en vélo en émettant des clics avec sa bouche et en écoutant leurs échos.

echolocation

En 2011, des scientifiques ont étudié deux aveugles qui utilisaient l’écholocation dans leur vie quotidienne lors de l’exploration de sites urbains, de randonnées en VTT ou même pour jouer au basketball. Très curieusement lorsqu’on étudie en imagerie fonctionnelle (IRM) le cerveau de ces personnes, en leur demandant de produire ces sons et de les analyser, ce sont surtout les aires cérébrales habituellement dédiées à la vision qui sont sollicitées mettant en évidence une capacité à « imager » le monde extérieur malgré le handicap et que cette capacité préexiste à un niveau profond et sans doute très ancien de l’évolution des espèces capables de vision. Il semble exister dans cette population une meilleure capacité à discerner les indices acoustiques que chez les voyants et que cela devrait être possible d’entrainer plus spécifiquement ces personnes pour améliorer leur vie quotidienne. A une époque ou l’on implante des électrodes cérébrales pour traiter certaines maladies neurologiques (épilepsie, maladie de Parkinson), on peut imaginer que de tels moyens couplés à des ressources informatiques permettraient de mieux « visualiser » le monde extérieur…

Griffin, D.R., 1944. Echolocation par des aveugles, des chauves-souris et des radars. Science 100, 589e590.

YAOUANK 2018, LE GRAND PROJET DE JEAN-CHARLES GUICHEN

Ce sont les noces de cristal entre Yaouank et Jean-Charles Guichen. Pour la 15e fois en 20 éditions, le Quimpérois est de retour avec son nouveau projet Breizh An Ankou. Il emmène sur « sa » scène le chanteur Denez Prigent, le guitariste Dan Ar Braz et le bagad de Perros.

JEAN-CHARLES GUICHEN
Jean-Charles Guichen devant la jaquette de son album Breizh An Ankou qu’il a peint lui-même

Lui et le festival sont inséparables. Jean-Charles Guichen est de retour à Yaouank pour la quinzième fois. Il y est passé en solo, en duo, avec son groupe qui l’a fait connaître, Ar Re Yaouank, avec sa troupe de musiciens… Cette fois-ci, il réunit des cadors de la musique bretonne pour jouer son album Breizh An Ankou, sorti en 2017 : Denez Prigent et Dan Ar Braz. Une voix mémorable et un guitariste d’exception dans les milieux des Fest-Noz. Parfumez le tout avec le bagad de Perros et vous obtiendrez un moment exceptionnel au hall 9 du parc des expositions samedi à 22 heures. En attendant, rencontre chez Jean-Charles Guichen auteur, compositeur, directeur artistique et peintre à ses (quelques) heures perdues.

Unidivers : Nous sommes à quelques jours du fest-noz. Parlez-nous un peu de ce que vous allez nous présenter sur scène et de ce projet Breizh An Ankou. 

Jean-Charles Guichen : Je suis très impatient, car c’est un gros projet. On voulait parler de la Bretagne et la mettre en musique et en image. J’ai tout composé et produit moi-même. Ainsi, j’ai mis absolument tout ce je souhaitais. Avec ce projet demandé par Glenn Jegou (le directeur du festival NDLR) j’ai ramené le chanteur Denez Prigent, le guitariste Dan Ar Braz et le bagad de Perros. J’ai aussi fait le décor. On va mettre une surprise scénique. Cela fait un an que je me prépare pour ce Yaouank.

Le concert de samedi va être exceptionnel, car ça n’a jamais été fait de réunir tout ce monde.

Après quinze passages à Yaouank avec Ar Re Yaouank, les frères Guichen et enfin seul, vous préférez jouer en solo ou en groupe ?

Toute expérience est bonne à prendre. Par exemple quand j’ai joué le solo de l’Ankou, seul, face à tout le public, c’est impressionnant. C’est un challenge d’être tout seul. Mais là ce groupe-ci c’est complètement différent, c’est le plus gros projet de ma vie. Mais après on ne sait jamais pour la suite.

Comment percevez-vous la musique bretonne aujourd’hui ?

Il y a une sacrée évolution. Avant la musique était très traditionnelle. Dans les années 80, il n’y avait pas forcément de festival à part Cléguérec à la fin des années 80. Aujourd’hui on donne l’envie à des jeunes devenir danser, mais aussi de jouer. La musique bretonne d’aujourd’hui se relie à plein de styles différents. Par exemple avec mon premier groupe Ar Re Yaouank on avait mis notre côté rock voir hard rock dans le traditionnel. On observe vraiment une alchimie entre les musiciens et les danseurs.

« Petit, je dessinais une grande scène avec la foule. Et aujourd’hui je le vis ».

Comment faire pour que la musique bretonne sorte de ce côté « petit comité » ?

À l’époque, on allait dans les facs pour la faire connaître. On faisait des fest-noz dans les universités. Mais c’est vrai que c’est un gros labeur. Maintenant, tout se fait au bouche-à-oreille et toutes les générations s’éclatent. Il y avait aussi des discothèques qui organisaient des fest-noz. Je me souviens d’un concert que j’avais fait au club 88.

« Cela fait un an que je me prépare pour ce Yaouank ».

Est-ce que ça continue toujours ces opérations promotions dans les milieux culturels ?

En 95 on avait eu un gros succès. Et aujourd’hui autour de Yaouank on y voit plein de fest-noz. Mais le fait que ce festival marche c’est notamment parce qu’il est en ville et non en campagne sans doute. Mais ce sont eux qui participent à la construction du festival. Glenn est fort là-dessus : il voit ce qui marche et ce qui va marcher pour le 17 novembre.

Après plus de vingt ans de carrières, quels conseils donneriez-vous aux groupes jouant à leur premier Yaouank ?

Profitez. Regardez à droite à gauche, profitez du festival pour faire des rencontres musicales avec d’autres artistes. Il faut savoir que plus jeune, j’étais très timide. C’était atroce la scène à mes débuts. Elle m’a permis d’enlever cette timidité, car on se force à y aller. On se guérit et aujourd’hui on est assoiffé de scène et de rencontres.

JEAN-CHARLES GUICHEN
Jean-Charles Guichen dans son studio avec ses peintures et ses guitares.

Pour la suite, vous vous voyez plus revenir à vos anciens groupes ou continuer à développer de nouveaux projets ?

J’ai déjà beaucoup de projets à l’avenir. Et comme il m’est impossible de faire les choses à moitié j’ai du boulot ! Entre mes activités de peintre, de compositeur, de directeur artistique, je ne m’ennuie pas. Je travaille également sur une bande dessinée, enfin bref, plein de projets. Mais ça ne sera pas pour revenir en arrière. C’est la scène qui donne envie de faire de la musique et j’aime bien les choses improbables.

SAN FRANSCICO. LE GOLDEN GATE BRIDGE ET LA BRESTOISE DU PRESIDIO

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

10th Day.

Les bus, à San Francisco, c’est le pied. Ils nous trimballent et nous brinquebalent dans tous les coins de la ville et des alentours. Les chauffeurs ont des gants de chantiers oranges, les amortisseurs sont morts et pour demander un arrêt, on tire sur un cordon jaune qui fait le tour du bus au-dessus des vitres. Les cyclistes qui prennent le bus mettent leur bicyclette sur un porte-vélo installé à l’avant du bus et à l’extérieur ! L’installation doit être rapide car le bus ne s’arrête pas longtemps !

san francisco

Ce matin c’est le 28 qui nous mène au Golden Gate Bridge. Temps de carte postale, affluence touristique maximale. Un Tour-bus débarque ses 50 voyageurs arrivés du matin de Nogent le Rotrou via Roissy. Le vacarme des voitures sur le tablier métallique du pont est assourdissant. On marche 200m et on fait demi-tour. Groggy.

san francisco

A  l’entrée du pont le drapeau américain flotte dans le vent. A mi-mât. Tous les drapeaux de la ville sont en berne aujourd’hui. Nous sommes le 11 Septembre, 17 ans après les attentats contre le World Trade Center.

san francisco

Au sud du pont s’étend un vaste parc, le Presidio, Tout en haut des falaises qui surplombent l’Océan Pacifique, le chemin de randonnée passe devant une série de bunkers ( « the batteries ») construits dans l’entre-deux-guerres et armés de gros canons de marine. Ils protégeaient la ville contre d’éventuels envahisseurs venus de l’Ouest. Après Pearl Harbor (décembre 1941) et l’entrée en guerre des Etats-Unis, des centaines d’artilleurs ont attendu ici l’assaut des Japonais. En vain. La version américaine du « Désert des Tartares » en quelque sorte.

san francisco

Le Presidio est moins connu que le Golden Gate Park. C’est un parc naturel, sauvage par endroits, et on y rencontre des coyotes en vadrouille. Aujourd’hui on y rencontre une fille à vélo. Elle cherche son chemin, comme nous. Elle monte toutes les côtes à pieds car elle a peur de dérailler. Elle mange gras pour se donner des forces (c’est facile à San Francisco…). Elle est française, comme nous, et a fait le chemin de Saint-Jacques, comme nous. Elle a rencontré Brigitte, la gentille illuminée de Decazeville, comme nous, mais elle arrive de Tahiti et pas nous… Ah si, j’oubliais… Elle est bretonne, comme nous, mais de Brest-même, et pas nous.

RENNES ET ANGERS NANTES OPERA PRESENTENT SAN GIOVANNI BATTISTA D’ALESSANDRO STRADELLA

L’opéra de Rennes et le Banquet céleste de Damien Guillon nous font découvrir San Giovanni Battista d’Alessandro Stradella. Pour un soir, le public a renoncé aux ors de l’opéra pour ceux de la cathédrale Saint Pierre de Rennes. Une œuvre religieuse comme ce Saint Jean-Baptiste de Stradella convenait bien à ces lieux qui lui offrent toute la dimension spirituelle souhaitée. Un Oratorio en deux parties sur un livret de 1675 de l’abbé Ansaldi.

san giovanni battista

Les ingrédients d’un succès mérité ont été rassemblés de façon éclatante. Qu’il s’agisse des musiciens, des chanteurs, de la mise en scène, des costumes ou des éclairages, tout a été porté au plus haut niveau et a contribué à offrir au public un spectacle véritablement éblouissant.

san giovanni battista

On est transporté, dès les premières notes, par le travail du metteur en scène, Vincent Tavernier. Dans une église, entièrement plongée dans l’obscurité, Jean-Baptiste et ses apôtres arrivent des dernières travées, chichement éclairés par de petites lanternes et progressent jusqu’à la scène. Cette pénombre crée une ambiance intimiste et établit un lien unique entre chaque auditeur et la musique.

san giovanni battista

Paul-Antoine Bénos Dijan, ouvre la marche de sa belle voix de contre ténor, et place, d’entrée de jeu, la barre très haut, c’est simplement magique ! La réplique lui sera donnée pendant près de deux heures par l’excellent Olivier Dejean, en Hérode rongé d’indécision et de doute comme par Gaia Petrone, en émouvante et vénéneuse  Hérodiade. Dans des rôles plus en retrait, Alicia Amo Prieto alias Salomé et Le conseiller, Artavazd Sarygsan, ne dénotent en rien et offrent une prestation exempte de reproches.

san giovanni battista alessandro stradella

S’il convient que le plumage soit à la hauteur du ramage, le costumier Erick-Plaza-Cochet est également digne d’éloges. Ses costumes étincelants, chargés d’or et de brocarts sont époustouflants. Hérode, semble un souverain oriental constellé de pierreries. Chaque tenue nous indique avec intelligence le statut des différents personnages et l’humilité apparente de la robe de saint Jean-Baptiste ne lui en confère pas moins une forme différente de majesté.

san giovanni battista alessandro stradella

L’étonnante structure a deux niveaux créée par Claire Niquet qui figure au centre de la scène aura elle aussi une importance symbolique de premier ordre. Si au cours du premier acte Hérode nous harangue de la partie supérieure, c’est au saint que reviendra cette place lors du second. Nous assistons, d’une certaine façon à l’inversion des symboles et la dimension spirituelle prend le pas sur la dimension charnelle.

san giovanni battista alessandro stradella

Tout ce travail est porté par une très belle musique, que l’ensemble « Le banquet céleste » et son chef Damien Guillon exécutent avec précision. Le contre-ténor rennais, dirige du clavecin le groupe qu’il a créé et les sonorités particulières de ces instruments anciens nous font voyager avec délice vers de lointains paysages. Pas de quoi vraiment s’étonner, puisqu’il avait été l’artisan d’un assez beau succès, porté sur disque, avec l’œuvre de Antonio Caldara, « Maddalena ai pie di cristo », donné à Rennes en octobre 2017.

san giovanni battista alessandro stradella

N’oublions pas pourtant le principal intéressé, Alessandro Stradella. Né à Bologne en juillet 1643, il meurt assassiné à Gènes le 23 février 1682. Assassiné… ? la vie pour le moins chaotique, et c’est le moins qu’on puisse dire, de ce personnage haut en couleur est sans nul doute l’explication de cette fin brutale. Impliqué dans de vilaines affaires d’escroqueries, d’enlèvements, de détournements de belles et jeunes élèves, il semble que les scrupules ne l’aient guère étouffé. Cela ne l’empêche pas dès l’âge de 20 ans, d’être un musicien reconnu et même tenu en haute estime.  On le considère comme le créateur de la forme musicale « concerto grosso », il écrira prés de 200 cantates, des oratorios, des opéras, des sonates, des symphonies, et malgré cela ne laissera pas dans l’histoire musicale une trace aussi importante que ses contemporains Arcangelo Corelli ou Antonio Vivaldi.

SAN GIOVANNI BATTISTA ALESSANDRO STRADELLA

La bonne nouvelle c’est que cette remarquable production de l’opéra de Rennes et d’Angers Nantes opéra partira dans les mois et années à venir en tournée, et le même plaisir que celui que nous avons ressenti sera proposé à d’autres publics. Alain Surrans, directeur d’Angers Nantes opéra, et Matthieu Rietzler , qui vient de prendre ses fonctions en tant que directeur de l’opéra de Rennes, avaient légitimement quelques motifs de se réjouir.

SAN GIOVANNI BATTISTA ALESSANDRO STRADELLA

Au-delà du succès artistique que ne manquera pas de recevoir cette coproduction, elle a été l’occasion de mettre en place de façon très pratique, les synergies qui permettront dans l’avenir une fructueuse collaboration entre ces deux maisons. Voir fonctionner en parfaite entente, les techniciens d’horizons différents a été sur un autre plan, un réel motif de satisfaction et d’espoir pour l’avenir.

SAN GIOVANNI BATTISTA ALESSANDRO STRADELLA

A la sortie de la cathédrale bien des yeux brillaient d’étonnement et d’admiration, et particulièrement ceux des élèves de la section musicale du lycée l’Assomption, venus nombreux, dans le cadre de l’action culturelle menée par l’opéra de Rennes, sous la houlette de leur professeur, assister à une soirée qui restera gravée dans les mémoires.

SAN GIOVANNI BATTISTA ALESSANDRO STRADELLA

ERWAN KERAVEC, « BLIND, PRESQUE L’INVERSE D’UN SPECTACLE »

Dans le cadre du Festival du TNB (Théâtre National de Bretagne), le spectacle Blind d’Erwan Keravec est donné au Triangle de Rennes du 15 au 17 novembre 2018. Présentation en aveugle avec son créateur…

Unidivers : Erwan Keravec, vous êtes sonneur de cornemuse et créateur de spectacles. Avant de revenir sur votre identité artistique, commençons par parler de Blind, un spectacle musical au dispositif étonnant et original suggéré par le titre. Pouvez-vous nous décrire ce à quoi doit s’attendre le spectateur en entrant dans la salle ?

Erwan Keravec: Blind est une pièce pour public les yeux bandés. Durant tout le spectacle, les spectateurs ont un bandeau sur les yeux. Autour d’eux, il y a quatre musiciens en mouvement. L’intention était d’isoler les personnes et de leur suggérer, par la musique, différentes choses, qui s’avèrent très personnelles parce que la musique est elle-même abstraite, de telle sorte que chacun puisse faire un voyage qui lui est propre, avoir sa propre lecture de cette pièce qui n’est pas forcément celle que j’ai voulu y mettre.

blind erwan keravec

Unidivers : Dans le teasing du spectacle, on peut entendre la phrase « je pense qu’il y a autant d’images que de spectateurs », assumez-vous cette idée ?

Erwan Keravec : Cette phrase est issue d’un recueil des réactions à la sortie de la pièce. C’est là qu’on s’est vraiment rendu compte que chaque auditeur avait une lecture vraiment très diverse, et éloignée de ce qu’on avait imaginé. Je voulais vraiment que les gens soient isolés. Même s’ils arrivent en groupe, quand ils rentrent ils rentrent un par un. On les guide à l’aveugle, dès le début de la pièce ils ne sont plus dans un groupe mais seul. Ils arrivent dans un espace qu’ils ne connaissent pas, ils sont livrés à nous. Et ce que ça produit, c’est que chacun interprète le spectacle avec sa propre histoire, ses propres références. On a eu des témoignages vraiment contradictoires sur une même scène. Je pense à une discussion après une représentation où deux personnes me parlaient d’une même scène. La première disait qu’elle avait l’impression d’être sous l’eau, entre l’armée russe et l’armée américaine qui s’envoyaient des missiles. La deuxième avait l’impression de faire un voyage féérique. Pour la même scène. Elle voyait des chevaux, des princesses, des fées, à l’endroit où l’autre voyait deux armées.

Erwan Keravec
Erwan Keravec (photo : Pascal Perennec)

Unidivers : Cette ambivalence de lecture est liée au fait d’être rendu aveugle ?

Erwan Keravec : Oui, mais aussi au fait d’être livré. Blind, c’est presque l’inverse d’un spectacle habituel, dans lequel on rentre dans une salle et des personnes au plateau se livrent à nous, nous livrent quelque chose. Blind c’est l’inverse, le public ne voit pas ce que font les performers, et c’est lui qui se livre à nous. Les spectateurs nous font confiance depuis le départ jusqu’au moment où on leur enlève leur bandeau.

Unidivers : Quand et comment le projet a-t-il vu le jour ? 

Erwan Keravec : Blind a été créé il y a trois ans au Quartz à Brest. À l’époque j’y étais artiste associé, donc on a eu le temps de le développer. Au départ, je venais juste avec cette idée : avoir la possibilité de jouer pour un public qui ne voit pas la façon dont on produit les sons. Et essayer, surtout, de casser l’idée du groupe. Comment faire pour m’adresser à un groupe mais que chacun ait l’impression que ce n’est destiné qu’à lui, qu’il oublie le fait d’être en groupe. C’était ce que je voulais au départ. Après, on a cherché le moyen de le produire. Être associé à une maison comme le Quartz est un gros avantage. Il y a un soutien technique, j’ai pu tester plusieurs idées et, surtout, j’ai eu du temps pour travailler avec les musiciens que j’avais invités.

Unidivers : Et comment est née cette idée de dispositif ? Que cherchiez-vous à créer ou à provoquer chez le spectateur ?

blind erwan keravec

Erwan Keravec : On est globalement dans une société de l’image. Le premier sens qui est touché, c’est la vue. Quand on va à un concert, et qu’on voit un instrumentiste, qu’on le voit faire le mouvement qui va produire le son, d’une certaine manière, à la lecture, on sait déjà ce qu’on va entendre. Donc, l’ouïe passe après la vue même quand on a affaire à de la musique. Et le fait d’occulter la vue fait que, tout d’un coup, le son, ou les sons, si on les complexifie, redeviennent simplement ce qu’ils sont. Ils produisent leurs émotions immédiates.

Unidivers : Le mot spectacle vient du latin spctare, qui veut dire regarder. Par ailleurs, selon le sociologue Jean-Gabriel Tarde, dans L’Opinion et la foule (1901), appartenir à un public se définit par « la pensée des regards d’autrui ». Dans la mesure où, dans Blind, les spectateurs ont les yeux bandés, est-ce encore un spectacle ? Vous cherchez à interroger l’expérience de spectateur ?

Erwan Keravec : Tellement de nouvelles propositions nous ont éloignés de cette référence latine, avec des mises en situation du public différentes. Blind en est une. Il y a eu les concerts pour haut-parleur de Pierre Schaeffer ou Pierre Henry, qui utilisaient déjà l’ouïe pour seul médium. Blind est une forme spectaculaire. Il y a plus que la musique. On se déplace beaucoup. Le mouvement est énormément convoqué aussi. C’est peut-être plus un spectacle qu’un concert. La forme spectaculaire s’exprime de façon très diverse, et pas seulement de façon frontale, au plateau et avec la vue comme premier sens.

erwan keravec

Unidivers : Et est-ce que ce dispositif change quelque chose pour les artistes qui réalisent la performance ? Est-ce que cela ne réivente pas, en un sens, la position de l’artiste interprète ?

Erwan Keravec : Déjà la performance n’est pas incarnée dans le sens visuel. Les gens ne nous voient pas produire la musique, l’implication physique est donc différente. De plus, dans Blind, on suit une trame qui nous définit dans des rôles à différents moments de la pièce, mais qui, par contre, ne définit pas la musique qu’on joue. Avec les interprètes qui ont co-monté le spectacle avec moi, on réinvente à chaque fois en improvisant à partir de cette trame. On est donc, nous aussi, dans une situation d’extrême vigilance. Ce qui est écrit, c’est la position dans l’espace, les nuances de jeu et le rôle de chacun à chaque moment. Mais la musique n’est pas écrite, je ne leur ai pas livré une partition unique.

Unidivers : Vous êtes accompagnés pour ce spectacle d’un ensemble hétéroclite : vous-mêmes à la cornemuse, un batteur percussionniste, une contrebasse et un saxophone, ainsi que quelqu’un à la réalisation électronique, à quoi doit s’attendre le spectateur sur le plan musical ?

Erwan Keravec : C’est une musique abstraite. Tout est orienté pour que chacun puisse se faire sa propre histoire, sa propre relation, son propre voyage. On n’en oriente jamais la lecture, on ne cite aucune référence musicale historique. D’ailleurs, on ne joue quasiment jamais tous ensemble. On est toujours dans des situations de plan. Tout est fait pour que la personne ressente quelque chose d’intime et d’orientée vers elle-même. 

blind erwan keravec

Unidivers : Dans ce spectacle, comme dans le reste de votre pratique, vous intégrez la cornemuse, instrument traditionnel, à des pratiques relevant davantage du contemporain ou de l’avant-garde. La cornemuse transcrit d’ailleurs parfaitement certaines sonorités chuintantes, grinçantes ou lancinantes caractéristiques des musiques d’avant-garde, coïncidence selon vous ?

Erwan Keravec : La cornemuse a été très peu utilisée par la musique contemporaine ou expérimentale, alors qu’effectivement elle a parfaitement sa place dans ces esthétiques. Elle offre une palette sonore riche permettant des modes de jeux qui rejoignent les recherches de ces musiques. Il y a eu des expériences aux États-Unis dans les années 1970-1980, aujourd’hui il y en a beaucoup moins. Je trouve curieux que les compositeurs, ou encore les musiciens de free jazz, ne s’emparent pas plus régulièrement de cet instrument. 

Unidivers : Dans cette habitude que vous avez de vouloir réinventer l’usage de cet instrument traditionnel, y a-t-il une volonté de votre part de suggérer l’actualité d’un héritage, ou son intemporalité ?

Erwan Keravec : Je me suis intéressé à l’usage de la cornemuse en dehors de son champ traditionnel, mais il n’y a pas de rejet de ma part, je continue à adorer cette musique. J’étais curieux de voir ce qui était possible : est-ce que cet instrument très marqué culturellement pouvait véhiculer autre chose que sa culture d’origine ? Mais même dans ce que je fais aujourd’hui, je ne me considère pas exclu de la musique traditionnelle parce qu’il y a au moins deux façons d’envisager la tradition. Soit on la considère comme un héritage patrimonial de répertoire, soit on considère la musique traditionnelle comme un héritage général. J’ai appris à jouer d’un instrument par la musique traditionnelle, j’ai reçu ces pratiques comme un héritage, mais pour autant ça ne m’empêche pas de me servir de cet héritage pour me placer ailleurs. Donc d’une certaine manière je me considère toujours dans la filiation de la musique traditionnelle. Pour moi, la musique traditionnelle n’est pas une pratique ancienne, elle appartient au vivant et c’est le vivant qui décide quelle est la tradition aujourd’hui. Et, somme toute, ce sera à des générations futures de la continuer ou pas, il n’y a rien de figé.

Six représentations de Blind se dérouleront au Triangle du 15 au 17 novembre 2018 

TARIF UNIQUE pour tous les spectacles 11 € (billet à acheter à la billetterie du TNB)

Retrouvez tout l’univers d’Erwan Keravec sur son site

YAOUANK 2018, LES BALS SAUVAGES FONT DANSER RENNES

En guise d’échauffement avant le grand fest-noz Yaouank de samedi 17 novembre 2018, les bals sauvages se sont installés partout dans Rennes. Lundi, en fin de journée, place de la République, la compagnie de danse bretonne Astour, est venue interrompre le métro-boulot-dodo des Rennais par quelques pas en plein centre-ville.

Ils étaient au Parlement, aux champs Libres, place de la mairie, place des Glayeulles place de la République ou place Hoche. À chaque fois le même procédé : des musiciens et des danseurs. Beaucoup de danseurs. Pourtant, une heure auparavant, la place semblait naturelle. Rapidement les bals sauvages vont s’installer.

BAL SAUVAGE
Ils ont commencé à dix, ils ont fini à plus de cinquante danseurs.

À 18h15, place de la République, l’agitation de fin de journée est classique. Les Rennais rentrent chez eux, vont en terrasse ou courir. Dans cette foule se mêlent piétons, cyclistes, mendiants, gens pressés… Dans ce train quotidien, la compagnie Astour va intervenir. Quatre musiciens avec des accordéons, des bombardes, une cornemuse, des flûtes, des guitares et des danseurs. Lorsque la musique se lance, ils ne sont qu’une dizaine. Leur défi, attirer le plus de monde possible pour faire découvrir la danse bretonne au plus grand nombre : « On veut capter les gens à la sortie du travail », explique Florence Fabre membre de la compagnie Astour.

BAL SAUVAGE
Se couper un instant du train-train quotidien, le temps d’une danse.

Florence prend un chapeau contenant quelques danses bretonnes célèbres. « Il y en a plus de 600 ! », indique Guy Chevalier un des musiciens. Certaines sont plus simples que d’autres. Le début de chaque mouvement est un peu chaotique. Ça se bouscule, ça se rentre les uns dans les autres, mais les plus expérimentés parviennent à relever les quelques chutes et à expliquer les pas. Certains ont même laissé leur chien, leur place sur le trottoir et leur canette de bière pour se mêler à la foule. « C’est une musique qui rassemble. Peut-être une des musiques rassemblant le plus », s’enthousiasme Florence à la vue de tous ces danseurs.

Guy Chevalier, musicien : « La scène, se sont les gens »

Ce bal sauvage est loin d’être récent. « C’est un rappel de l’ancien temps quand il n’y avait ni télévision ni téléphone portable. Les gens se rassemblaient autour des musiciens et dansaient », explique Guy. « Il n’y a pas de sono, pas d’image sur un écran. On replace ça comme à l’époque », décrit Mathieu Serrault, organisateur des bals sauvages pour Yaouank. « Normalement on ne fait pas de publicité. Tout est fait à l’impromptu pour en faire un moment très festif. Aujourd’hui on en voit de plus en plus partout ».

BAL SAUVAGE
« Je connais près de 1000 airs bretons », avance Guy Chevailer (au fond).

Yaouank et son association Skeudenn Bro Rohazon ont saisi l’occasion du regain des bals sauvages pour ouvrir la culture bretonne au plus grand nombre et en faire une belle vitrine pour son fest-noz final. Tandis que l’association tentait de rameuter un maximum de danseurs parmi les passants les plus curieux, Glenn Jegou, directeur du festival, distribuait les derniers tracts pour ramener les spectateurs à la soirée de samedi.

Parmi ce public, Linda et Évelyne, profite du chapeau pour y glisser quelques pièces. « Non non ce n’est pas la peine ! J’apprécie beaucoup, mais ce n’est pas le but ! », répond Florence. « Nous sommes simplement là pour faire découvrir la danse ». Un peu interloquées, les deux spectatrices retournent dans le public sans lâcher du regard les danseurs. « Je viens de Belgique. C’est magnifique à voir. Je ne connaissais pas tout cela », commente Évelyne.

Bal Sauvage
Il y avait également beaucoup de monde au Parlement samedi après-midi.

Une dernière pause, un dernier tirage au sort et un dernier morceau avant que chacun ne retourne à ses occupations. La parenthèse musicale a fonctionné, la vitrine pour la danse bretonne et le fest-noz Yaouank de samedi aussi.

LE FESTIVAL DE MONTEREY 50 ANS PLUS TARD

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

https://www.youtube.com/watch?v=uZot7BBzgog

9th Day.

Pour aller à Monterey, c’est simple. Plein sud, l’océan Pacifique à droite, le Continent à gauche. Highway 1 jusqu’à L.A. si on veut !

On a pris un bus touristique, histoire de jouer les veaux. Effectivement on est des veaux aujourd’hui. On somnole dans le bus. Les falaises vertigineuses défilent sur fond musical de supermarché. On descend du bus au bout d’une heure : arrêt programmé pour aller acheter une barquette de fraises sur un parking. Et on remonte. Champs de fraises à perte de vue sur des dizaines de kilomètres et nuées d’ouvriers agricoles mexicains à la cueillette. Pas une seule touffe de mauvaise herbe à l’horizon. Monsanto règne en maître ici. Fruits splendides, photogéniques mais absolument sans aucun goût. La malbouffe américaine à l’état pur. Et on descend toujours.

Arrêt à la cafetaria du Golf de Pebble Beach. La journée de golf est ici à 470 dollars, nous précise le chauffeur du bus. C’est ici, sur le parking, sortant de l’arrière d’une luxueuse Ford Mustang que nous voyons les deux premières femmes voilées de notre séjour. Riches saoudiennes certainement. Les maris partent pour le green en voiturette. Les deux femmes, dont on ne voit que les yeux, se prennent en photo au volant d’une autre voiturette aux armes du Golf (since 1887). Elles rigolent. Elles ont un volant entre les mains. C’est 1 dollar la photo. La voiturette ne bouge pas. Elle n’a pas de moteur.

Monterey : Petite ville balnéaire où personne ne se baigne. Un aquarium géant, une rue de boutiques de fringues et de mauvais restaurants. Mais Monterey, premier festival pop de l’Histoire il y a tout juste 50 ans. C’est pour cela que nous sommes là, à la poursuite des fantômes. Cela se passait entre le 16 et le 18 juin 1967 sur les County Fairgrounds (Champ de foire), malheureusement distants de 5km…

Monterey : Janis Joplin est définitivement lancée grâce à une interprétation inoubliable de « Ball’ n’ Chain », les Who cassent leurs guitares sur scène, Jimmy Hendrix brûle la sienne et Ravi Shankar, pendant plus de 4 heures tient en haleine le public, littéralement envoûté par le sitar du maître.

Nous attendons le bus qui nous ramène à San Francisco. On écoute en boucle Canned Heat, lui aussi à Monterey en 1967. Devant nous une grande affiche annonce le prochain Festival de Jazz de Monterey pour la fin du mois. Je crois bien que c’est le 60ie ! Dommage, on sera partis !

La vedette du festival cette année se nomme Norah Jones.

La fille de Ravi Shankar.

monterey

MOIS DE L’ESS, RENDEZ-VOUS A L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

Dans le cadre de la 11e édition du « Mois de l’ESS », les 2èmes Rencontres de l’Économie Sociale et Solidaire de Rennes ont eu lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre 2018 aux Ateliers du Vent. Entre ateliers, débats, concert et marché des créateurs, les visiteurs ont pu découvrir ce qu’était l’ESS grâce à des professionnels bretons venus de champ d’activités professionnelles différents. Compte-rendu de la journée du samedi.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

« L’Économie Sociale et Solidaire, on en entend beaucoup parler, mais on ne sait pas toujours ce que c’est » . Qu’il s’agit de l’acronyme ESS ou de l’Économie Sociale et Solidaire, le sujet semble de plus en plus sur les lèvres depuis quelques années, mais « difficile de se faire une idée concrète de ce qu’elle représente à notre échelle » s’interroge Valérie qui a décidé de consacrer un an de sa vie à une action de mission civique.

En tout cas, étant donné la foule qui s’est pressée le week-end du 10 novembre 2018 aux Ateliers du Vent, la phrase d’accroche du programme pour les 2èmes Rencontres de l’ESS de Rennes a visiblement séduit plus d’un Rennais.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Toutes les générations se sont rassemblées autour de cet événement destiné à faire connaître et promouvoir ces entreprises bretonnes qui « ont à cœur que leur travail ne soit plus seulement au service de l’économie, mais également du social ». Parallèlement aux rencontres et débats du rez-de-chaussée, le premier étage accueillait les ateliers, les partenaires et un petit marché de créateurs.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Entre les pluies torrentielles et les éclaircis soudains, un chaleur irradiait des Ateliers du Vent et illuminait le ciel mitigé de Rennes. Une ambiance pleine d’entrain partagée autant par la les professionnels que les visiteurs.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Rencontres avec ceux qui font l’ESS

Les sièges vides de l’« espace de coopération » ont rapidement été remplis pour la première rencontre à l’ordre du jour : « l’ESS bouge à Rennes ». Un constat qui confirme l’engouement pour l’événement. Cinq représentants de cette nouvelle vague économique – l‘ESAT Hors les murs de Betton, La Grenouille à grande bouche, Au P’tit Blosneur, Ti Grains et le collectif Agriculteur de la Prévalaye – ont discuté de leurs projets innovants et de leur intégration à l’échelle territoriale. Les visiteurs ont ainsi eu un bel aperçu (même s’il reste minime comparé à l’éventail complet) de ce qu’était l’ESS à Rennes.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

L’ESAT Hors les murs de Betton accompagne les personnes en situation d’handicap dans leur quotidien et leur insertion dans la vie professionnelle. A été projeté le projet réalisé en collaboration avec l’artiste Frédérique ODYE et cinq femmes de l’ESAT Hors le murs de Betton de l’ADAPT autour de l’handicap visible et invisible.

« C’est leur création et ce qu’elles veulent faire savoir sur l’handicap »

Un court-métrage émouvant qui laisse la parole à cinq femmes autour d’un projet qu’elles ont su pleinement saisir.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Pour les propriétaires de l’épicerie 100 % vrac et équitable Ti Grains, « il est essentiel de s’intégrer au niveau local, d’où la localisation actuelle de la boutique au quartie des Gayeulles et non dans le centre – ville ». Privilégiant le zéro déchets, Ti Grains a été fondé afin de donner envie de se retrouver autour du produit. Le P’tit Blosneur fait quand à lui appel aux compétences diverses des habitants du quartier du Blosne afin de développer sa conciergerie solidaire, de l’entraide de quartier à prix libre (avec un minimum de 3 €) « Nous nous arrêtons là où commence le travail d’un professionnel ».

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Dans un tout autre domaine, le collectif Agriculturel de la Prévalaye est venu parler de La Basse Cour, projet lié au territoire préservé et agricole situé à proximité directe de la ville. En réponse à l’appel à projet lancé pour la valorisation de cette parcelle de terre, le collectif est en lice pour devenir les futurs voisins de La Ferme Permagraines et du Jardin de mille pains.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Dans une démarche sociale et solidaire, où la question de l’homme et de l’environnement est au cœur du développement, le collectif s’implante dans le territoire en impliquant les citoyens dans la dynamique du lieu. « La Basse Cour sera un restaurant qui se fournira dans le jardin d’à côté – ce qui privilégie le circuit ultra-court, mais ce sera également un bar guinguette le soir et une programmation culturelle le week-end ».

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Chacun leur tour, les intervenants ont répondu à l’ultime question : l’Économie Sociale et Solidaire en quelques mots ? « Des projets collectifs afin de créer et développer un lien social » ; « entreprendre et agir autrement pour un monde plus propre » ;« Montrer un visage plus positif de l’économie » ; « Travailler avec l’idée d’une communauté, créer un autre rapport aux institutions ».

Ateliers faire soi-même ou comment mettre la main à la patte !

Entre les ateliers culinaires (fabriquer son four solaire, faire son premier Buddha Bowl), les ateliers de loisirs créatifs (fabriquer son calendrier de l’Aven réutilisable (période oblige) et ceux de jardinage (faire son jardin aromatique insolite), les propositions étaient toutes plus intéressantes les unes que les autres. Rapidement pris d’assauts – l’énergie des animateurs enthousiastes à l’idée de partager un savoir-faire y est sans pour quelque chose – Unidivers a rejoint les amoureux de la nature le temps de l’atelier jardinage insolite.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Gaël Lorin, chargé de mission développement durable et bénévole chez les Incroyables comestibles, a initié les participant.e.s au jardinage de plantes aromatiques en ajoutant une touche d’insolite. Bottes de pluie d’enfants, casseroles en cuivre ou pot en terre cuite, les participants ont choisi à tour de rôle une plante aromatique (oseille, curry, coriandre…) et un contenant avant d’écouter les conseils avisés de Gaël sur la manière de rempoter une plante et son entretien, selon la famille et le contenant sélectionné.

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

Un atelier convivial où l’entraide entre participants était de mise. Une belle image de ce qu’est l’économie sociale et solidaire…

Les 2emes rencontres de l'economie sociale et solidaire rennes 2018

L’Économie Sociale et Solidaire dans Rennes Métropole en chiffre :

2000 entreprises
25 000 salariés
13 % de l’emploi
Des chiffres en hausse constante notamment grâce à la mise en place de jeunes sociétés dans le domaine de l’Économie Sociale et Solidaire.

Programme du Mois de l’ESS en Ille-et-Vilaine

SAN FRANCISCO, THE OPERA IN THE PARK

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

8th Day.

hobo

Le haut du Haight est célèbre pour son hangar transformé en caverne d’Ali Baba des collectionneurs de CD et desVinyls. Ca s’appelle « Amoeba Music » et c’est gigantesque. On trouve des raretés à des prix tranquilles.

san francisco opera

En face, un hobo (vagabond ) et son chien font la manche. C’est un mendiant qui a de l’humour (voir dessin), il n’accepte que les billets. Il faut dire quand même que le premier billet ici est celui de 1dollar. On passe devant la coquette maison victorienne de Janis Joplin sur Lyon St et on débouche sur le « Panhandle », le manche de la poêle, jardin tout en longueur, jadis célèbre pour ses cavalcades de hippies et désormais parcouru par des ribambelles de cyclistes et de skates ou de rollers. Les plats sont rares à San Francisco et comme ici c’est en légère pente descendante, on en profite.

san francisco opera

Le Golden Gate Park est à deux pas de Haight St. On traverse Stanyan St. et on y est. Cinq km de long jusqu’à l’Océan Pacifique et des dizaines de milliers d’arbres, d’arbustes, de plantes. Un grand panneau à l’entrée du parc – pas de grille ici bien entendu – annonce l’événement : « The Opera in the Park ». On est tout de suite dans le bain. Cela se passe dans la grande prairie au pied de Hippie Hill., haut-lieu des festivals improvisés où les stars pop se mêlaient aux inconnus du Hippyland dans des bœufs sans fin… Aujourd’hui, la pop a laissé place aux grands airs d’Opéra. La foule est tout aussi nombreuse et tout aussi bon enfant. On mange, on boit, on discute, on s’amuse en famille et… on écoute Carmen qui n’en finit pas de mourir, accompagnée par l’Orchestre Symphonique de la ville au grand complet. A côté de nous, un musicien sans complexe accompagne discrètement la chanteuse de son tambourin à clochettes. Personne ne s’en offusque. Un jeune papa change son bébé pendant que la maman somnole. Un cycliste passe devant nous en zigzagant entre les spectateurs. On est passé à Dom Juan. Deuxième et dernier Acte. Les portes de l’enfer vont s’ouvrir pour accueillir le grand séducteur. Le baryton a du courage. Le vent du Pacifique s’engouffre dans les grands cèdres qui surplombent la scène. La mort est à l’honneur sous le soleil de Californie.

san francisco opera

COUNTER CULTURE A SAN FRANSISCO, ETRE HIPPIE DANS HAIGHT-ASHBURY

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

7th day.

Ce matin on a rendez-vous avec l’Histoire du mouvement hippie : Haight St et Ashbury. Depuis Downtown où nous logeons ça fait une sacrée trotte à pieds. Les montagnes russes de San Francisco n’ont pas volé leur réputation… Passage obligé devant les « Painted Ladies », 5 maisons victoriennes en bois rescapées du tremblement de terre de 1906,  avec ses promeneurs de chiens professionnels dans Alamo Square.

haight ashbury

Et c’est enfin le carrefour Haight-Ashbury, épicentre du séisme de la « Counter Culture » des sixties. LE Haight ! Etrange impression. Les trottoirs sont bondés de monde. On ferme les yeux. Et tout de suite arrivent les images floues en Super 8 tournées ici par des amateurs. Une joyeuse troupe colorée de hippies descend Ashbury. Elle arrive du no 710, quartier général du Grateful Dead, ou du 122 Lyon St, l’appart de Janis Joplin de la grande époque, celle de « Big Brother ». On chante, on raconte des blagues, les enfants descendent la rue en courant, on salue gaiement le copain qui filme. Tout le monde sourit, les filles sont toutes belles et blondes. Pas un seul noir… L’acide et l’alcool dans toutes les poches, ou presque…

hippie

Et puis on a rouvert les yeux et on a remonté le Haight, vers Golden Gate Park. Des touristes par centaines, beaucoup de français : Fin du Tour en bus des parcs nationaux avec une journée – pas plus – pour aller voir le Pont et les hippies avant de reprendre l’avion pour Roissy. Des hippies, bien sûr, il n’y en a plus, après un demi-siècle. Même les fantômes se sont enfuis. Le Haight aujourd’hui est une sorte de mélange de Lourdes et du Mont-Saint-Michel. Le commerce tourne à plein régime. Verroterie, parfumerie, vêtements, posters, CD… Style hippie garanti et bien sûr made in RPC. Quelques hippies de carte postale ( et d’époque!) se laissent photographier et vous demandent une pièce après.

hipster

On ne peut pas rater la maison où vécut Jimmy Hendrix en 1967. Elle est peinte en rouge sang et la figure sympa du guitariste est peinte sur le pignon. C’est bien ici qu’il a habité ! Et les badauds se précipitent dans le magasin du rez – de – chaussée pour acheter les meilleurs parfums d’Arabie… Devant la porte une splendide Porsche 911 rouge est stationnée. Je parierais bien que c’est celle du patron du magasin.

CES GARCONS-LA, ECOUTEZ L’HISTOIRE DE RADIO ELVIS

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Les garçons de Radio Elvis reviennent ! En 2016, le premier album de Radio Elvis, Les conquêtes, paraissait sur Le Label (PIAS). Après plus de 250 concerts, le trio parisien sort aujourd’hui son 2e opus intitulé Ces garçons-là. Un album aux thématiques plus intimes, dont la chanson titre renvoie à l’« histoire » des membres du groupe.

L’histoire de Radio Elvis est assez mouvementée. Son fondateur, le chanteur Pierre Guénard, a commencé la musique en tant qu’artiste de slam à Parthenay dans son Poitou natal, faisant même des premières parties de Grand Corps Malade. C’est en 2009, après son déménagement à Paris, qu’il commence à écrire ses premiers textes sous le nom de Radio Elvis. Mais après un départ en solo sous ce même nom, il s’associe au batteur et claviériste Colin Russeil, ancien camarade de lycée, avec lequel il pose les premières bases de son groupe en 2013. La même année voit la sortie de leur premier EP  Juste avant la ruée, suivi en 2015 d’un autre intitulé Les moissons pour lequel ils ont été rejoints par Manu Ralambo, bassiste et claviériste. Une fois le groupe au complet, ils enregistrent leur premier album Les conquêtes, qui leur vaut un grand succès et leur permet même, en 2017, de remporter une Victoire de la musique dans la catégorie « album révélation ». Aujourd’hui, ils nous dévoilent Ces garçons-là, enregistré au Manoir de Léon dans les Landes et réalisé par Pierrick Devin.

Musicalement, le premier album se rapportait à des influences qui se situait, dans une certaine tradition de la chanson française. Dans Ces garçons-là, elles reflètent essentiellement l’influence de groupes anglo-saxons associés au rock et à la pop. L’instrumentation de 23 minutes, marquée notamment par les riffs et les accords énergiques du guitariste Manu Ralambo, témoigne de cette influence et rappelle certaines chansons de Police et aussi des Talking Heads. De même, sur de nombreuses chansons de cet album, la vocalité désenchantée voire désespérée de Pierre Guénard s’apparente à celle de chanteurs comme Robert Smith du groupe The Cure. Dans 23 minutes, les refrains sont également ponctués par ses brefs hurlements qui évoquent ceux de Joe Strummer des Clash, entre autres dans London’s Calling. De façon plus manifeste, la chanson Fini, fini, fini intègre des accents résolument « new wave », notamment à travers la rythmique « uptempo » de Colin Russeil à la batterie, assurant également un riff efficace au clavier et soutenu à la guitare par Manu Ralambo.

RADIO ELVIS, CES GARCONS LA
Photo: Fanny Latour-Lambert

Si ces références punk et « new wave » sont manifestes dans ces chansons, la musique de Radio Elvis paraît également s’inspirer d’autres esthétiques musicales, dont certaines sont voisines. Selon Pierre Guénard, la musique du groupe reflète également l’influence de groupes rock comme les Arctic Monkeys. C’est palpable notamment dans la chanson Selon l’inclinaison, dont le motif introductif et la rythmique assurés par Manu Ralambo et Colin Russeil, peuvent évoquer ceux de Do I Wanna Know ? des Arctic Monkeys. Mais parallèlement à cette énergie rock qui traverse leur album, le style de Radio Elvis réutilise certains éléments présents dans la pop française contemporaine. Leurs instrumentations présentent en outre des rythmiques et des sonorités synthétiques qu’ils avaient déjà commencés à exploiter sur le premier album. Dans cet opus, elles s’insèrent de façon harmonieuse mais non moins expressive, entre autres dans La sueur et le sang ou Ce qui nous fume, ceci sans pour autant prendre une place prédominante dans l’espace sonore. On remarque également une certaine dimension orchestrale sur certaines chansons, présente notamment à travers les sections de cordes intervenant dans Prières perdues et Ces garçons-là. En un sens, leur association à cet idiome pop rock peut rappeler celle présente dans certains morceaux des Rolling Stones tels qu’ As Tears Goes By et Angie (1973).

La voix de Pierre Guénard, toujours aussi lyrique et mélodieuse, permet également de relier l’esthétique du groupe à la tradition de la chanson française. Sur de nombreuses chansons de cet album, elle traduit clairement des sentiments aussi mêlés, que l’agitation, le désespoir ou le désenchantement. Mais l’artiste semble également exprimer une certaine sensualité, qui va de pair avec la thématique amoureuse présente dans cet album. Dans Bouquet d’immortelles, par exemple, sa vocalité est plus délicate et presque chuchotée, explorant également un phrasé et un registre grave qui le rapproche de chanteurs comme Alain Bashung. Hormis cette chanson, c’est peut-être Nocturama qui concentre le plus la sensualité précédemment évoquée, décrite dans ses paroles. Elle y est notamment suggérée par la montée progressive de l’intensité, tandis que ses basses synthétiques sombres et ses lents accords de piano retranscrivent de façon pertinente l’atmosphère nocturne que désigne le titre. On notera également le jeu entrecoupé du batteur qui simule les battements d’un coeur. Ces éléments permettent ainsi de la considérer comme l’une des plus fortes de l’album.

RADIO ELVIS, CES GARCONS LA
Photo: Fanny Latour-Lambert

Dans ces chansons, la portée poétique des textes, tous écrits par Pierre Guénard, est tangible et cet aspect lui permet de mieux sublimer leurs sujets. De plus, alors que Les conquêtes était davantage centré sur des thématiques liés au voyage et à l’évasion, les chansons de Ces garçons-là sont essentiellement construites des thèmes intimes. A tel point qu’elles sont mêmes décrites comme un écho à leur histoire personnelle. Mais à certains égards, les expériences de vie qu’ils décrivent dans ces chansons apparaissent comme étant également les nôtres. Ainsi, 23 minutes, la chanson ouvrant l’album, présente d’emblée un dynamisme qui traduit une urgence et une rage de vivre qui, même contenues, anime tout adolescent. Dans cette même vision, la deuxième chanson, Tout ce qui nous fume, aborde de façon romantique la fuite du temps et de la jeunesse qui guettent nos existences. Quant à la chanson New York, au goût doux amer, elle fait entendre des motifs de piano à la fois répétitifs et dynamiques qui pourraient renvoyer au paradoxe des grandes villes : la tension entre une ville en mouvement constant et le sentiment de solitude qui assaille régulièrement les citadins.Toutefois, les paroles de Pierre Guénard, dans L’éclaireur, retranscrivent également l’émerveillement. Cette, chanson fut écrite lors d’un séjour sur les côtes bretonnes et sa thématique aquatique fait presque écho aux sujets de l’album Les conquêtes.

Cet album bénéficie également d’une conclusion magistrale à travers sa chanson titre, Ces garçons-là, la première à avoir été dévoilée cet été. Le texte de ce titre s’avère d’une réelle pertinence, tant il traite avec justesse le mal être de l’adolescence et la transition parfois difficile vers l’âge adulte. Il est très probable que l’auditeur pourra se retrouver dans les descriptions de ces tranches de vies éprouvantes. A l’écoute de cette chanson, l’oscillation de l’harmonie entre majeur et mineur peut être interprétée dans ce sens comme traduisant le ressenti ambivalent du personnage par rapport à ce passé douloureux. Avec toutes ses composantes, l’instrumentation de cette chanson peut être décrite comme exprimant dans la première partie, une esthétique de l’ ambivalence (en particulier lors de l’intro) puis de l’urgence dans la deuxième partie. Le changement brusque d’atmosphères instrumentales entre les deux parties de la chanson semble aussi refléter les souvenirs du personnage à des moments décisifs de son adolescence « ordinaire », caractérisée par ses traumatismes mais débouchant également sur un début d’indépendance.

Au final, l’album Ces garçons-là s’avère captivant et confirme que les esthétiques actuelles du rock français, dont Radio Elvis contribue au développement, restent des expressions parmi les plus efficaces pour poétiser les sentiments et les moments décisifs qui jalonnent nos vies. Il en ressort des chansons à la spontanéité rafraîchissante et s’accordant aux exigences du live. Le trio devrait prochainement les livrer au public lors de leur tournée. On attend d’éventuelles dates bretonnes avec impatience…

RADIO ELVIS, CES GARCONS LA
Photo: Fanny Latour-Lambert/ Artwork: Yannick Levaillant

L’album de Radio Elvis « Ces garçons-là », sorti sur Le Label (PIAS), est disponible dès aujourd’hui dans les bacs et sur les plateformes d’écoute. Les prochaines dates de leur tournée, débutant ce jour à Paris, seront bientôt dévoilées par le groupe sur leur page Facebook : https://www.facebook.com/radioelvis/

CHRISTOPHE BOLTANSKI, GUETTEUR MELANCOLIQUE D’UNE MERE DESESPEREE

Dans La Cache (prix Femina 2015), le primo romancier Christophe Boltanski, par ailleurs journaliste et grand reporter à Libération et à L’Obs, nous faisait découvrir le terreau familial où il avait grandi. Nous y faisions la connaissance de Myriam, « Grand-Maman », femme autoritaire et claudicante, frappée de poliomyélite, Etienne le médecin, son mélancolique époux, Jean-Elie, Anne et Luc, oncle, tante et père de l’écrivain. Pas ou peu de traces maternelles en revanche. Le Guetteur, deuxième opus de Christophe Boltanski, est, lui, tout entier et exclusivement dévolu à la figure de sa mère, Françoise L., comme un second tome venant achever le livre initial.

BOLTANSKI LE GUETTEUR

Le Guetteur tient son titre d’un poème d’Apollinaire que Françoise L. avait noté sur la page de garde d’un manuscrit de roman trouvé après sa mort par ses enfants dans la confusion des dossiers d’un appartement en désordre. Plus exactement un brouillon de roman, commencé par cette femme grande lectrice de la « gallimardienne » et fameuse Série noire. Elle avait intitulé son ébauche de roman La nuit du guetteur, ouvert avec ces mots d’Apollinaire placé en exergue:

Et toi mon cœur pourquoi bats-tu ? Comme un guetteur mélancolique….

Christophe Boltanski connaissait bien peu ou bien mal sa propre mère, une femme affaiblie par la maladie dans ses toutes dernières années d’existence, vivant recluse, noyée dans un persistant nuage tabagique, dormant sur un matelas posé à même le sol d’un appartement devenu capharnaüm, une femme qui s’était volontairement « retirée du monde. Emmurée. Cadenassée. Elle l’avait probablement toujours été : femme discrète, sur le qui-vive, mère aimante à sa manière, mais fermée à l’enfant que j’avais été » avoue le romancier.

Il va vouloir retrouver la figure de cette femme restée pour lui un mystère : « J’aurais pu l’interroger, lui arracher des confidences. Pendant longtemps je n’ai pas osé. Elle se tenait sur ses gardes. Tout ce qu’elle pouvait dire risquait de se retourner contre elle. Ce passé demeurait enfoui à l’intérieur de son corps, pareil à une masse qui à la fois l’écrasait et lui donnait une assise. Sans ce poids mort, elle aurait perdu l’équilibre ».

En remontant dans les années 50 et 60, témoignages à l’appui du psychiatre de sa mère, d’un détective privé qui travailla pour elle, et d’un père délibérément discret sur son épouse, Christophe découvre, en scrupuleux et rigoureux journaliste qu’il ne cesse d’être, la vie d’une femme aussi révoltée que secrète, partisane engagée du côté du FLN sous le pseudonyme de Sophie, abritant chez elle des Algériens militants de l’Indépendance, comme celui-là qui se cache avec elle en ce fameux soir d’octobre 61 où la police française commet au cœur de la capitale un véritable pogrom « devant des badauds, sous leur nez ». Ou comme ce haut responsable du FLN activement recherché, un certain « Le Noir », nom masqué de Madjoub Benzerfa, qui se cachait chez « Sophie » et « utilisait son deux-pièces comme un bureau. Quelques mois. Jusqu’à son arrestation par la police ». Voilà qui fut sans doute « le fait le plus marquant, le plus romanesque de son existence », mais dont elle ne voudra plus jamais parler, même un demi-siècle après. Son mari, père de Christophe, était lui-même peu bavard sur le sujet, effrayé rétrospectivement par le danger auquel elle s’était alors exposée. Une réticence que partageaient bien d’autres compagnons de route de Françoise.

Plus tard, beaucoup plus tard, la révolte toujours chevillée au corps, dans cet étrange et permanent « besoin désespéré d’imprudence » note Christian, elle s’engagera dans des actions solidaires et caritatives dans « une kyrielles d’associations à but politiques ou humanitaires », le « DAL », « AC ! », « Ras l’Front » et tutti quanti.
Au fil des années, Françoise s’enfermera dans une mélancolie qui ne l’aura jamais quittée et ne fera que croître, dans un isolement social et psychologique accentué par le cancer qui la ronge, et un délire de persécution proche de la folie qui la poussera même, dans son extravagance, à engager un détective pour guetter un voisin intrusif, pur effet d’une imagination sans bornes et hallucinée.

Mais ici, dans ce très émouvant récit, c’est son fils Christophe lui-même qui est le guetteur, celui qui cherche et enquête, détective de sa propre histoire familiale, romancier dessinant la figure d’une poignante et mystérieuse héroïne, sa propre mère, digne des romans noirs que cette femme se plaisait à lire ou imaginer, ces livres qui visent

moins à résoudre une énigme qu’à montrer la noirceur de la société.

Le Guetteur par Christophe Boltanski. Editions Stock. collection La Bleue. 288 pages. 22 août 2018. 19 €.

Christophe Bolanski sera à Rennes le 21 novembre 2018.

le guetteur mélancolique

«O mon cœur j’ai connu la triste et belle joie
D’être trahi d’amour et de l’aimer encore
O mon cœur mon orgueil je sais je suis le roi
Le roi que n’aime point la belle aux cheveux d’or

Rien n’a dit ma douleur à la belle qui dort
Pour moi je me sens fort mais j’ai pitié de toi
O mon cœur étonné triste jusqu’à la mort
J’ai promené ma rage en les soirs blancs et froids

Je suis un roi qui n’est pas sûr d’avoir du pain
Sans pleurer j’ai vu fuir mes rêves en déroute
Mes rêves aux yeux doux au visage poupin

Pour consoler ma gloire un vent a dit Écoute
Élève-toi toujours Ils te montrent la route
Les squelettes de doigts terminant les sapins»

(in Stavelot, 1899).

PHILIPPE LANÇON LE LAMBEAU, UN RÉCIT SANS PAROLES

Blessé très grièvement lors de l’attentat de Charlie le 7 janvier 2015, le journaliste Philippe Lançon nous donne, avec Le Lambeau, le lent récit d’une reconstruction physique et morale. Salutaire et éclairant. Prix Femina 2018 et prix des Prix 2018.

LE LAMBEAU

C’est une lecture parfois éprouvante, qui s’immisce au compte-gouttes, comme une perfusion, qui fait souffrir, mais aussi soulage. Luz et Catherine Meurisse, plusieurs mois après l’attentat du 7 janvier à Charlie, avaient pris le crayon pour dessiner leur tentative d’éradiquer leurs souvenirs. Philippe Lançon, journaliste à Libération et à Charlie, a attendu trois ans pour écrire sur cette brisure définitive. Présent dans la salle de rédaction, il a été frappé au visage par une balle qui l’a laissé pour mort et qui lui a ôté tout le bas du visage. C’est une « paire de jambes noires » dont il se souvient, allongé sur le sol, et le crâne fracassé de Bernard Maris : « je ne pouvais déjà plus tout à fait comprendre celui que j’avais été, mais je ne le savais pas. Je l’écoutais parler et je pensais : mais qu’est-ce qu’il dit ? ».

LE LAMBEAU

Un autre homme : c’est bien de cette renaissance, qu’il s’agit tout au long de ces 500 pages qui ne vous lâchent pas et font assister le lecteur à la difficulté extrême de passer d’hier à demain. Pour renaître, il faut raconter la vie d’avant, et dans la première partie du livre, le journaliste décrit avec précision la veille de l’attentat, la dernière nuit, le dernier matin, derniers, car il s’agit bien d’une mort qui survient à 11h25, « peut être 11H28 ». Tout est décrit avec minutie et une précision qui agissent comme un exorcisme, une manière de rendre réel ce qui apparaît comme un mauvais rêve. Comme un journaliste d’investigation, soucieux de rapporter les faits au plus juste, Philippe Lançon redevient reporteur, car « écrire sur mon propre cas était la meilleure façon de le comprendre, de l’assimiler, mais aussi de penser autre chose – car celui qui écrivait n’était plus, pour quelques minutes, pour une heure, le patient sur lequel il écrivait : il était reporteur et chroniqueur d’une reconstruction ».

Philippe Lançon
Philippe Lançon

La reconstruction de trois années (toujours pas achevée), on va la suivre pas à pas, presque jour par jour, une reconstruction physique agrégée, accolée à la reconstruction morale et intellectuelle. Reconstituer une mâchoire avec le péroné, c’est redonner vie à la parole. Redonner forme à son visage, c’est rétablir le lien avec les autres. Reconstruire son corps c’est reconstruire sa pensée et Philippe Lançon décrit avec minutie, sans complaisance et sans larmoiement, ce long cheminement qui lui permettra, au bout de longs mois, de surmonter ces angoisses pour retrouver la rue ou retourner dans son appartement. Dans cette progression, où l’environnement médical constitue un « ailleurs », un monde en suspension entre l’avant et l’après, le journaliste va être accompagné par des personnes hors du commun comme Chloé, « sa » chirurgienne avec qui vont se tisser des liens particuliers. Il explique alors cette situation de dépendance vis-à-vis d’un corps médical dont les compétences détiennent le sort de votre vie. Véritable reportage en immersion, on découvre les attentions du personnel hospitalier, leurs difficultés, leurs états d’âme : « la première apparition dont je me souviens, Émilie, était une petite infirmière brune de vingt et un ans. (…). Allongé dans mon lit et respirant comme je pouvais, je l’ai regardé faire en me demandant si ma vie pouvait dépendre de quelqu’un d’aussi têtu, et plus encore, d’aussi jeune ». Derrière les portes voisines se cachent aussi d’autres souffrances comme celles de Ludo, une autre « gueule cassée » qui un jour s’éteindra laissant la trace de deux pieds entrevus dans une porte entrebâillée.

Philippe Lançon

Avec pudeur et justesse, il décrit comment sa propre personne interfère désormais dans la vie des autres, de ceux qu’ils l’aiment et dont il se sent responsable de modifier leur vie. Son frère, qui l’accompagnera dès les premières minutes et dont la silhouette apparaît en creux et avec discrétion. Ses parents qui feront face, remettant en cause parfois leurs convictions profondes. Son amour Gabriella, un amour mis à rude épreuve dans le choc entre une vie qui poursuit sa route « normale » et une vie entre parenthèses. Les policiers, en permanence à sa porte, qui vont l’accompagner au musée dans un retour à la vie sous la forme d’un retour à la beauté des peintures de Velásquez, à qui il va adresser une lettre collective de remerciements.

Les livres et les souvenirs littéraires se mêlent aussi à cette convalescence. Philippe Lançon descend presque quotidiennement dans « le monde d’en bas », celui du bloc opératoire, avec parfois « un livre planqué sous le drap » comme les « Lettres à Milena » de Kafka ou « La Recherche du Temps Perdu » de Proust. Les souvenirs littéraires ressurgissent ainsi au fil des circonstances et des moments de réflexion. Juste avant de sombrer dans le voile inconnu de l’anesthésie.

Philippe Lançon, sans fausse pudeur, sans apitoiement personnel, se met à nu d’abord pour lui même, pour s’aider à revivre. Avec ses mots, il nous emmène dans le domaine de l’introspection, nous invite à réfléchir sur notre condition humaine. Quand le corps ne fait qu’un avec la pensée. Quand « la copine », le pied à perfusion, vous sert de béquille, à votre corps. Et à votre âme.

Le Lambeau de Philippe Lançon. Éditions Gallimard. 510 pages, 21 €. ISBN : 978 2 07 268907 9

JANIS JOPLIN NE CHANTERA PLUS AU COFFEE GALLERY (BACK TO THE BAY 6)

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Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

Sixth Day.
baie san franscisco
Le tour en bateau de l’île d’Alcatraz prend un quart d’heure et c’est bien suffisant pour nous. Avec sa citerne et ses bâtiments délabrés, la prison-musée est vraiment sinistre vue de la mer. Le Golden Gate Bridge disparaît aujourd’hui dans le brouillard. Les cornes de brume éclatent au loin. Heureusement, les lions de mer sont là pour nous accueillir à notre retour au Pier 39. Une centaine de bêtes qui se dorent au soleil sur les pontons et se chamaillent sans cesse pour le plus grand bonheur des photographes en quête de selfies originaux. Je suppose que l’office du tourisme de San Francisco doit leur fournir chaque jour une tonne de maquereaux pour qu’ils restent là… Prison dorée, donc, pour ces gros mammifères marins malodorants.

Non loin de là, sur Telegraph Hill, il y a la Coit Tower. Une espèce de grand machin en béton, haut de 66m et qui a l’allure d’une lance à incendie pointant, toute raide, vers le ciel. C’est Lillie Hitchcock Coit qui a financé son érection en 1933 en l’honneur des pompiers qu’elle adorait. Veuve de banquier et sacrément excentrique comme on le voit. Du haut de la tour, vue imprenable sur Alcatraz. On oublie que les prisonniers avaient eux-aussi une vue imprenable sur la Coit Tower. Un vrai supplice, on n’en doute pas.

Plus loin, en descendant vers Chinatown, on emprunte Grant Avenue. Premier vrai rendez-vous avec le blues.

janis joplin

Au 1339, c’est le Coffee Gallery. Enfin, c’était. Aujourd’hui ça s’appelle « Maggie McGarry’s » et la patronne a l’accent irlandais. C’est dans ce bar que Janis Joplin chantait le folk-blues et faisait passer le chapeau. Elle avait 20 ans et était au bord du gouffre. Une fresque  « mural ») orne le mur du fond. Janis y apparaît en majesté entourée de musiciens inconnus peints avec des couleurs hideuses. Au bar, des hipsters élégants sirotent leur Guiness. « Grant is a posh street », une rue chic… La patronne est assise derrière sa caisse, les yeux dans le vague. C’est la troisième fois que « West Memphis » passe. La patronne doit aimer Lucinda Williams. Elle passe ses mains dans ses longs cheveux châtains, comme ceux de Janis.

QU’EST-CE QU’ELLE A MA FAMILLE ? MARC-OLIVIER FOGIEL RELANCE LE DEBAT SUR LA GPA

À l’origine contre la gestation pour autrui, le journaliste et animateur Marc-Olivier Fogiel est revenu sur sa décision après la naissance de ses deux filles par ce procédé. Il raconte son histoire dans son livre, Qu’est ce qu’elle a ma famille, paru le 3 octobre. Il est aussi allé à la rencontre de nombreuses personnes pour rassembler des témoignages.

MARC-OLIVIER FOGIEL
Marc-Olivier Fogiel relance le débat sur la GPA

« Le père, c’est celui qui aime. » Marcel Pagnol, in Fanny.

Avant tout, après la lecture de ce livre « témoignage (S) », il est important de laisser retomber l’émotion, les émotions qu’il suscite, les émotions qu’il réveille… Qu’est-ce qu’elle a ma famille ? C’est d’abord et surtout un livre sur l’Amour. L’Amour d’hommes et de femmes, d’hommes et d’hommes, de femmes et de femmes, qui s’aiment, qui sont unis et qui – dans une démarche on ne peut plus classique au fond-, nourrissent un désir réfléchi de fonder une famille pour donner du sens à leur existence, mais également – et c’est là tout l’intérêt des phrases construites par l’auteur -, aimer des enfants, les entourer, les accompagner, les rassurer, œuvrer à leur autonomie pour en faire des êtres épanouis libres, au sein d’un foyer parental et plus tard dans leur vie d’adulte.

Marc Olivier Fogiel GPA

Même si le schéma sort quelque peu de ceux classiques connus depuis des siècles, il répond non sans évidence à une évolution de la société. Hors les clichés du people, journaliste, animateur-producteur, chef d’entreprise qui a réussi dans le monde des médias, Marc-Olivier Fogiel – qui utilise sa notoriété à bon escient -, s’inscrit comme un homme, un citoyen, un PAPA qui raconte son « besoin » de parentalité profondément ancré dans sa personnalité, dans son cœur, dans ses tripes depuis longtemps pour donner une descendance à son histoire personnelle, pour donner du sens à son couple, pour devenir un être humain « abouti ». Avec une immense pudeur, des mots pesés, une réflexion puissante, il expose le parcours d’un couple, formé avec son mari, François Roelants, qui s’engage dans le projet d’avoir un ou plusieurs enfants.

Mais voilà, quand on est un couple gay dans la société française, il y a peu ou pas de solutions hormis une hypothétique adoption pour avoir des enfants. Un peu plus facile pour des femmes, chacun le comprendra (on pourrait illustrer le propos par la chanson connue de JJ Goldman : Elle a fait un bébé toute seule). Et aujourd’hui, la PMA (procréation médicale assistée). Évidemment, impossible pour un homme, pour des hommes hormis passer par la bonne copine et accepter une coparentalité. (mais dans le livre on en découvre toutes ses limites)

Marc Olivier Fogiel GPA GMA

Alors… pourquoi pas la GPA « éthique » (gestation pour autrui), pensent Marc-Olivier et François ? Puisqu’il n’est pas possible de faire autrement alors que nous voulons des enfants biologiquement, génétiquement « à nous », c’est cette solution qui apparaît la plus idoine aux deux hommes, pour former leur famille. Deux papas, deux enfants. L’auteur nous entraîne dès lors dans un chemin qui n’est pas des plus simples tant sur le plan éthique, qu’administratif sinon juridique. Mais à force de pugnacité, de volonté, en 2011, Michelle, la femme porteuse des ovocytes procurés par Jane et fécondés par les spermatozoïdes des deux hommes (séparément), donne naissance à Mila, la première petite fille. En 2013, la même Team donnera naissance à Lily, la demi-sœur de Mila. Si Mila est la fille biologique de Marc-Olivier, Lily est celle biologique de François. Éthique !

Quand on a que l’amour, pour vivre nos promesses, sans nulle autre richesse que d’y croire toujours… Quand on a que l’amour…

Justement, cette « maternité-paternité » s’appelle GPA éthique. Pourquoi ? Parce que la donneuse d’ovocytes n’est pas la porteuse du bébé, parce que la porteuse n’est pas la donneuse. Parce que la femme qui a porté les embryons abandonne dès la naissance tout lien avec le nourrisson et le remet aux « parents intentionnels », tel est le terme employé. Parce les sommes déboursées par les futurs parents servent à défrayer la personne donneuse, la personne qui porte le bébé pendant neuf mois (eh oui pendant cette période de gestation elle ne travaille pas, donc c’est une compensation), à assumer les frais médicaux et d’accompagnement et surtout les émoluments juridiques pour assurer une bonne gestion du dossier.

Alors ? La GPA est-elle finalement réservée à des bobos qui ont largement les moyens de « se payer » un enfant sous le pseudo GPA éthique en Amérique du Nord, en Inde ou ailleurs ? Pas nécessairement comme le souligne avec force Marc-Olivier Fogiel dans son livre même s’il reconnaît avec honnêteté que cela représente un véritable sacrifice financier pour des quidams. Mais il lutte contre les « bien-pensants » qui dénoncent avec des arguments de plus en plus éculés une marchandisation des corps, des ventres à louer et les exergues qui annoncent des témoignages de couples approchés en illustration de ses propos ne manquent pas de sel sinon de venin. Le tout sourcé en bon journaliste fait souvent froid dans le dos. Et peut même déclencher quelque moment d’indignation voire de colère.

Sans jamais aucun angélisme, l’auteur nous narre aussi les parcours des autres, des anonymes, des femmes, des hommes, des couples hétéros, homos qui ont eu recours à la
GPA éthique. Et ce n’est en rien une sinécure ; c’est même souvent un combat. Il faut vraiment les vouloir et les aimer déjà ces gosses pour s’engager dans un tel processus. Et le pire est souvent à venir dès lors qu’ils sont nés, les nourrissons, parce démarre alors juridique plus complexe que censé. (Ainsi en prenant la décision d’une GPA éthique, un couple peut prendre le chemin d’une famille heureuse et enfin constituée comme aboutir à des désillusions, des souffrances, un enfer, un couple qui bat de l’aile…)

Si le droit américain finalement s’avère assez souple, mais très cadré, le droit français fait figure d’un archaïsme déroutant avec une pléiade de jurisprudences épouvantables au nom du « droit des enfants ». Et pourtant… L’auteur sait – avec méthode et pédagogie – expliquer pourquoi le juridique verrouille autant les choses ; il y a des questions éthiques qu’il n’élude jamais ; il y a des questions d’encadrement qu’il ne réfute pas. (Même si souvent on se demande où est passée toute forme d’entendement quand on se frotte à des articles de lois ancestraux, à des juristes cacochymes ou incompétents, quand on se trouve face à des murs de conservatisme, à des diktats politico-religieux). Et puis… Il y a la question du regard des autres, de cette fange de la société qui ne cesse de décrier la GPA (comme ce fut le cas de la PMA, du mariage pour tous ou encore de l’avortement en son temps).

Mais Fogiel choisit le chemin de la réflexion pour nous expliquer, pour tenter de comprendre les réticences et les questions. Il ne condamne pas les autres (il était lui-même autrefois dubitatif quant à la GPA), il ne cherche pas non plus à convaincre, il demande seulement le droit de laisser une famille vivre dans le bonheur (parents et enfants, homos ou hétéros). Et il a raison. Au terme du livre, touchant de part en part, sans jamais aucune complaisance, sans jamais d’outrance, des larmes de joie coulent sur nos joues quand Mila et Lily s’expriment et parlent de leurs deux papas. Ce n’est pas un tableau angélique de leur situation « un peu différente », ce sont juste des paroles d’enfants. Naturellement.

Qu’est-ce qu’elle a ma famille ?, Marc-Olivier Fogiel, Éditions Grasset – 245 pages Parution : octobre 2018.

Couverture : © François Roelants Bestimage – Photo auteur Marc-Olivier FOGIEL © Eléphant & CiePrix : 19,00 € – www.grasset.fr

Lire un extrait ici.

MARIA VITTORIA, FEMME COURAGE DANS L’ITALIE DES ANNEES 20

Avec Elise Valmorbida embarquement immédiat pour l’Italie. Attention ! Pas l’Italie d’aujourd’hui, mais celle des années 1920 quand la montée du fascisme s’annonce, quand le Ducce pointe le bout de son nez et s’apprête à croquer le pays et à l’entraîner vers le pire.

MARIA VITTORIA ELISE VALMORBIDA

Dans un petit village des Dolomites vit Maria, jeune femme belle et discrète. Son père, qui semble posséder toute autorité, la destine à son futur époux, le séduisant Achille, qui va s’avérer beaucoup moins tendre qu’elle pouvait naïvement le supposer. Ensemble, il fonde un foyer, ouvre une épicerie dans un village de Vénétie.

MARIA VITTORIA ELISE VALMORBIDA
Terrasse du Caffè Svizzero à Chiavenna, dans l’Italie des années 20.

Les années passent, au fil des naissances de plusieurs enfants et des fausses-couches courantes à l’époque. Maria travaille dur à l’épicerie tout comme elle travaillait dur aux champs quand elle était encore sous la coupe du père. Maria aime Achille plus que tout même si celle-ci prend régulièrement des coups. C’est qu’il a la main leste, le bougre. Mais c’est sûrement qu’elle l’a mérité, ainsi que le souffle la Vierge quand elle prie avec une piété désarmante.

BENITO MUSSOLINI
Benito Mussolini

Tout pourrait aller au mieux dans ce « meilleur » des mondes sans la guerre qui ronge le pays et la présence des fascistes qui font régner la terreur. Achille, ancien militant, est dénoncé. Il est emmené, il disparaît. Maria doit faire face au quotidien avec ses quatre enfants ; elle ne cessera de se battre pour survivre et garder la tête haute. Elle apprendra bien vite combien on doit faire de sacrifices pour sauver sa peau et celle de ses gosses, qui grandissent dans cette ambiance insécure permanente. Mais elle peut compter sur l’aide de Primo, son aîné, fidèle parmi les fidèles.

Libération de Rome
Libération de Rome

À la fin de la guerre et le retour d’Achille, ils recouvriront un peu de quiétude et meilleure fortune. Ils rêvent tous de partir pour l’Australie, goûter des jours meilleurs… Pourront-ils voir enfin leur projet se concrétiser ? Ce serait sans compter sur leur fille, Amélia, qui tombe amoureuse d’un jeune homme atteint de la tuberculose. Comment une jeune femme peut décider d’aimer sans le consentement de sa famille. Les femmes ne décident pas, elles obéissent, c’est tout. Et même la Vierge le répète dans les prières…

Avec Maria Vittoria, Elise Valmorbida livre un sublime portrait de femme et nous offre à voir un visage authentique d’une Italie méconnue. Une saga poignante, en cours de traduction dans sept pays qui n’est pas sans rappeler Suite française d’Irène Némirovsky ou encore La bicyclette bleue de Régine Deforges.

Un roman profondément émouvant sur la vie d’une femme en temps de guerre, un nouvel Autant en emporte le vent.
Pop Sugar

 

Maria Vittoria un roman d’Elise Valmorbida. Éditions Préludes. 448 pages. 15,90 €. Parution : septembre 2018. Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Claire Desserrey.

Couverture : © Stricking Pictorialist – Photo Elise Valmorbida – © Ceza Singer.

Lire un extrait ici.

D’origine italienne, Elise Valmorbida a grandi en Australie avant de tomber amoureuse de Londres. Auteure de nombreux essais et romans, elle donne des cours de creative writing et dirige une entreprise de consultants en communication. Maria Vittoria est son premier roman publié en France.

LEURS ENFANTS APRÈS EUX OU ETRE ADOLESCENT EN 90

Leurs enfants après eux ? Raconter la vie quotidienne de banals adolescents dans l’Est de la France au cours des années quatre-vingt-dix ne semble pas un sujet palpitant. Pourtant Nicolas Mathieu, avec une remarquable économie de moyens, insuffle à ce roman choral une formidable énergie de vie. Prix Goncourt 2018.

Dans sa BD « Lulu femme nue », Étienne Davodeau racontait l’histoire d’une femme qui voulait s’échapper de son quotidien et de son foyer pour quelques jours. Dans son roman « Les Lisières »,  Olivier Adam scrutait les vies pavillonnaires au bord des cités. Dans ses livres, Silvia Avalonne, décrit la vie dans les grands immeubles italiens au bord des usines. Tous ont en commun de parler de ces « gens de peu », de ces vies qui ne font pas la une des journaux, mais qui ressemblent de si près à la nôtre. Avec Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu dans son deuxième roman, s’attache lui aussi à suivre, pendant quatre étés, des adolescents en mal de vivre, en recherche de repères dans une région touchée par la crise qui a aboli les valeurs et les repères. C’est dans une vallée de l’Est de la France, proche du Luxembourg, que vivent Anthony, Stephanie, Hacine ou Vanessa. C’est entre des zones pavillonnaires, des ZUP, des ZAC, des ZEP que ces adolescents de 14 ans en 1992 vont grandir, découvrir l’amour, l’argent, le sexe, le cloisonnement social.

Anthony est amoureux de Stéphanie, qui couche avec Simon. Simon qui couche aussi avec la copine de Steph. Et Anthony veut se venger de Hacine qui a volé la moto de son père. On pourrait raconter ainsi ce roman, mais on se tromperait. Et ce serait profondément injuste. Car au-delà de ces faits, Nicolas Mathieu avec un rare talent de conteur, dit l’histoire du quotidien d’une génération, celle des ados des années 90, mais aussi celle de leurs parents avec leur « horizon de gagne-petit, d’hébétés perpétuels. (…) Ses vieux se prenaient pour des seigneurs, mais n’étaient que les piètres régisseurs d’un règne qui s’organisait ailleurs ».

Dans ce roman choral, avec une fluidité exceptionnelle, et un style sans emphase, l’écrivain de Nancy nous transporte dans des vies qui n’ont pas besoin d’évènements exceptionnels pour être suivies. Et puis il y’a des lieux, des immeubles, des maisons achetées à coups de crédit qui procurent sentiment de possession et de réussite, des bars et ses habitués. Et aussi des moments comme un enterrement qui réunit presque toute la commune, des fêtes d’association et leurs discours d’élus.

Un « Madame Bovary » du XX siècle, où la fête du club nautique remplace le marché aux bestiaux, mais où le regard, à la manière d’une caméra scrute l’ambiance, les êtres et les comportements.

Avec l’évocation du Picon bière, d’un débardeur Snoopy, des blagues de Toto, c’est un univers entier qui apparaît, celui du déclassement social, de la carence affective. Les mots sont justes, les dialogues au cordeau comme saisis par la bande d’un magnétophone.

Cela pourrait être glauque et ennuyeux, mais la vitalité de ces adolescents, leur naïveté, leur désir de caresser une hanche, de vivre une existence éloignée de celle de leurs parents, insufflent une envie d’exister, une envie irréfragable de poursuivre la lecture. L’illustration de couverture témoigne de ce besoin de jouir sous une chaleur estivale étouffante, toujours à l’orée des orages, entre la moiteur paralysante et l’éclair lumineux. Tout est réel, à hauteur d’hommes et on se surprend avec l’auteur à se demander pourquoi la vie de famille bascule le jour où l’adolescent demande à ce que l’on frappe à la porte de sa chambre avant de rentrer.

Nicolas Mathieu

Avec une économie de moyens, Nicolas Mathieu, dont le premier roman Aux animaux la guerre avait séduit la critique, nous fait découvrir les prémices de la mondialisation, cette hiérarchie sociale où « le mérite ne s’opposait pas finalement aux lois de la naissance et du sang, comme l’avaient rêvé des juristes, des penseurs, les diables de 89, ou les hussards noirs de la République ». La politique est donc là, en filigrane, omniprésente, témoin de son terrible échec, incapable de faire bouger les lignes, engoncée dans des principes qui font que, la plupart du temps, ces jeunes, malgré le mirage de la Coupe du Monde 98, ne parviendront pas à s’extraire de la médiocrité dont ils ont conscience.

Le roman qui se termine en 98 et son fameux I will survive, raconte des vies d’hier, mais aussi aujourd’hui. Un superbe livre de l’entre-deux : entre deux générations, entre deux catégories sociales, entre deux lieux. Entre le lecteur et un écrivain magnifique.

LEURS ENFANTS APRES EUX
C’est le deuxième roman de Nicolas Mathieu

Leurs enfants après eux le deuxième roman de Nicolas Mathieu. Éditions Actes Sud. Août 2018. 425 pages. 21,80 €. ISBN : 9782330108717. La Feuille d’or de la ville de Nancy, prix des Médias France Bleu-France 3-L’Est Républicain.

AVEC LE SILLON VALERIE MANTEAU DONNE LA VOIX AUX JOURNALISTES OPPRIMES

Avec Calme et tranquille (Le Tripode, 2016) Valérie Manteau revenait sur l’attentat de Charlie Hebdo, sur cette équipe de journalistes dont elle faisait partie. Mêlant drame personnel et collectif, humour et désespérance, elle parlait déjà d’Istanbul et de son amant turc. Elle reprend la trame avec Le Sillon. Prix Renaudot 2018.

LE SILLON MANTEAU

Installée sur la rive asiatique d’Istanbul, la narratrice enquête sur l’assassinat en janvier 2007 de Hrant Dink, journaliste d’origine arménienne de la revue Agos (Le sillon en français) par un jeune nationaliste turc. Tout comme l’assassinat du journaliste et réalisateur Naji Derf en décembre 2015, ces affaires sont beaucoup moins connues que l’attentat de Charlie Hebdo. L’auteur tient ici à rappeler que l’horreur frappe aussi ailleurs et dans une plus grande indifférence.

HRANT DINK LE SILLON

« Charismatique et infatigable promoteur de la paix », « porte-parole le plus emblématique et le plus exposé de la cause arménienne », Hrant Dink était favorable à une entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Après le scandale Sahiba Gökçen (Dink avait écrit dans Agos que cette icône nationale, fille adoptive d’Atatürk, était une rescapée du génocide arménien), il fut définitivement déclaré ennemi public suite à l’interprétation d’un article paru dans sa revue sur l’identité arménienne. Accusé de vouloir nettoyer le sang arménien du « poison turc », il fut sous le joug de l’article 301 du Code pénal punissant l’insulte à l’identité turque.

HRANT DINK

Hrant a ouvert la boîte de Pandore. Il n’était pas comme les autres Arméniens qui avaient vécu toutes ces années sans oser parler. Lui ne voulait plus être du peuple des insectes qui se cachent, de ceux qui ne veulent pas savoir.

Valérie Manteau cite aussi bon nombre d’intellectuels accusés au titre de cet article 301. Elif Shafak, Ohran Pamuk (Prix Nobel de Littérature en 2006), Perihan Magden, Pinar Selek, Necmiye Alpay, Eren Kekin, s’attardant bien évidemment sur Asli Erdogan, accusée de participation à une entreprise terroriste. Dix ans après l’assassinat de Hrant Dink, Asli Erdogan parvient à attirer une attention internationale.

La caisse de résonance de notre époque, des manifestations mondiales des slogans #JeSuis du village planétaire, des réseaux sociaux, des pétitions en ligne donnent sa pleine mesure. Et le fait bien sûr qu’elle soit une femme, très belle, qu’elle porte le même nom que le président, qu’elle prêche un humanisme sans détour et sans agressivité, en fait l’icône de mouvements à la limite de l’idolâtrie.

La narratrice est arrivée à Istanbul en 2013, année de la révolte sur la place Taksim contre la vente à des promoteurs du parc de Gezi, vente validée par le chef du gouvernement, Recep Tayyip Erdogan. Elle en repartira en 2017, deux ans après la rupture du processus de paix au Kurdistan. Dans une auto fiction où elle déambule tant dans les rues d’Istanbul que dans son for intérieur, avec la naïveté d’une étrangère parlant juste quelques mots de turc, la narratrice décrit la jeunesse démotivée, l’insécurité grandissante, la peur des stambouliotes, mais aussi la beauté de cette ville.

ISTAMBULDans un superbe mélange des genres, elle rompt la difficulté d’un documentaire avec l’effleurement romanesque de son amour contrarié pour un homme turc. Elle nous fait partager son coup de cœur pour cette ville, son empathie pour ses habitants qui la touchent et dont elle veut porter la voix.

De ce récit émane un émerveillement pour Istanbul contrastant avec le climat d’intranquillité de ses habitants. Avec ce roman, Valérie Manteau donne une réalité aux voix des morts et des opprimés qui hantent la tête de sa narratrice, qui n’est autre que son alter ego.

Le sillon de Valérie Manteau paru aux Éditions Le Tripode le 30 août 2018, 272 pages. 17 Euros, ISBN : 9 782 370 551 672.

VALERIE MANTEAU

Valérie Manteau, née en 1985 est une écrivain, éditrice et journaliste française. Elle a participé au journal Charlie Hebdo jusqu’en 2013. Elle vit entre Marseille., Paris et Istanbul.

SOIREE EN HOMMAGE A P.O.L. AU TNB DE RENNES LE 13 NOVEMBRE

L’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens, est mort le 2 janvier 2018 dans un accident de voiture. Avec plusieurs des artistes associés proches du fondateur des éditions P.O.L., le TNB et Les Champs Libres souhaitent lui rendre hommage. P.O.L a publié des textes marquants signés Marguerite Duras, Emmanuel Carrère, Marie Darrieussecq ou Martin Winckler notamment. Rendez-vous le mardi 13 novembre à partir de 19h au Cinéma TNB.

Lycéen, Paul Otchakovsky-Laurens rêve de cinéma. Mais il entre comme lecteur chez Christian Bourgois, avant de travailler chez Flammarion, dont il est  parti pour Hachette, qu’il a quitté pour créer la maison qui porte ses initiales, P.O.L., en 1983. L’édition a fini par le ramener au cinéma : ce parcours, il le retrace dans son deuxième film, Éditeur. Ce long-métrage offre une occasion de revenir sur la trajectoire de l’homme qui a publié Georges Perec, Marguerite Duras, Emmanuel Carrère, Marie Darrieussecq, Valérie Mréjen, Martin Winckler, Leslie Kaplan, Olivier Cadiot parmi beaucoup d’autres, constituant un catalogue de plus de 200 auteurs.

Je pense que je n’aurais jamais créé cette maison d’édition si Georges Perec n’était pas mort. Je l’avais en quelque sorte attiré chez Hachette et je ne me serais pas senti le droit de le laisser tomber en allant créer ma maison d’édition. Je n’ai pu prendre cette décision que parce qu’il venait de mourir Et je pense aussi que sa mort m’avait mis dans une position plus fragile chez Hachette.

p.o.l.
Poupée crée par Gisèle Vienne pour incarner P.O.L. dans son film Editeur © Norte Productions

Élève qui se dira rétrospectivement « rêveur » mais qu’on disait « paresseux« , Paul Otchakovsky-Laurens raconte avoir fait à l’Université d’Assas à Paris puis à la Sorbonne des études de droit, « ne sachant pas quoi faire« . Il devient docteur en droit, aime les analyses de textes juridiques mais fait un stage à 25 ans chez l’éditeur Christian Bourgois et plonge dans l’édition. Il continuera comme lecteur pour Bourgois durant son service militaire, et trouvera là une vocation :

Ce que j’aimais dans cette pratique de la lecture professionnelle, c’était la découverte. Etre le premier à lire quelque chose qui venait de quelqu’un, qui était très intime, très précieux pour cette personne. Je raconte souvent cette histoire : il y a eu Jean Frémon, qui a joué un rôle en me parlant littérature, mais aussi une émission de télévision que j’avais vue, alors que j’étais étudiant, de Pierre Dumayet. Jean Cayrol m’avait beaucoup impressionné. Je crois que c’est là que j’ai vraiment formalisé le désir de faire de l’édition, parce que Jean Cayrol avait dit le plaisir qu’il ressentait à ouvrir des manuscrits. Qu’il avait l’impression d’entrer chez les gens en lisant des manuscrits. Et c’est vrai, c’est une impression que j’ai tout le temps, moi aussi.

 

AU PROGRAMME

19h Projection de Éditeur, 2017 de Paul Otchakovsky-Laurens

20h30 Rencontre avec Valérie Mréjen, auteure ; Gisèle Vienne, chorégraphe ; Frédérique Berthet, auteure et universitaire

21h30 projection de Sablé-sur-Sarthe, Sarthe, 2009 de Paul Otchakovsky-Laurens

Cinéma du TNB

Tarif unique 5€

RENNES. LA VILAINE BAISSE, LES DECHETS APPARAISSENT

Habitants de Rennes, l’avez-vous remarqué ? En se penchant au-dessus d’un pont ou en longeant les rives : le niveau est bas. Très bas. En effet l’Ille et la Vilaine, les deux cours d’eau qui traversent la capitale bretonne, affichent une hauteur de quelques dizaines de centimètres seulement. Un niveau anormalement bas qui surprend nombre de passants. D’autant que ce phénomène a le mérite d’en révéler un autre : celui de la pollution des eaux. Et quelle pollution…

rivière rennes

Des bouteilles, des canettes, des sachets en plastique … mais aussi des caddies de supermarché, des vélos et même des panneaux de signalisation; c’est le triste spectacle qu’offre les fonds des rivières rennaises depuis qu’ils sont visibles. La baisse du niveau des eaux a fait remonter à nos yeux la réalité d’une abondante pollution aquatique.

déchet rennes rivière

Ce sont là plusieurs mois de pollution matérielle, en atteste l’état « épavique » que revêt certains de ces objets : des seaux engoncés dans la vase, des outils ou encore des chaises couverts de sédiments, etc… D’autres ne sont là que depuis plusieurs jours – nous avons aperçu un masque d’Halloween presque neuf – signe que le problème de la pollution des rivières ne date pas d’hier et ne sera pas réglé demain. Sans action franche d’éducation à l’environnement, de gestion des déchets ou de récupération des détritus, comment imaginer la résurrection de l’environnement aquatique de la ville ?

rennes vilaine pollution
D’autant que cette pollution visible (provisoirement) est doublée d’une autre, invisible celle-ci. Sur un document de l’Observatoire de l’eau en Bretagne, nous lisons en effet que « La dégradation de la qualité des eaux en Bretagne est liée principalement à des pollutions en azote, phosphore, pesticides et matières organiques. » Des altérations de qualité qui proviennent de la pollution diffuse (agriculture, eaux pluviales urbaines, assainissements individuels).  La tendance est largement à l’aggravation puisque 24% des eaux douces du département Ille-et-Vilaine étaient jugées dans un état « médiocre » voire « mauvais » en 2011, contre seulement 9% en 2006, toujours selon cet Observatoire. Bien qu’indécelable à l’œil nu, ce type de pollution est la plus dangereuse pour la biodiversité.

fleuve vilaine

« De grosses quantités de ces produits phytosanitaires sont utilisées par les agriculteurs,
mais aussi par les professionnels non agricoles (les horticulteurs, pépiniéristes, sociétés
d’entretien des espaces verts, les communes, la DDE, la SNCF) et par les particuliers
(jardiniers amateurs). » souligne l’association Eau et Rivières de Bretagne dans son document sur la pollution des eaux bretonnes.

Contrairement à l’ensemble de la France qui se sert principalement des nappes phréatiques, la Bretagne se sert de son réseau hydrographique très dense (rivière ou retenue artificielle) pour l’alimentation en eau potable de ses habitants. Une raison de plus pour prêter attention à la qualité de celui-ci…

poisson mort rennes

Cette baisse du niveau d’eau a été dictée par la région Bretagne pour effectuer des travaux d’aménagement sur la Plaine de Baud. Elle touche les biefs (tronçons) Moulin du Comte et Dupont des Loges. Le procédé sera d’une durée de 8 semaines maximum. Un prélèvement des déchets aquatiques par les services de la Région est prévu mi-novembre. Un geste qui semble être une nécessité à court-terme. Mais comment éviter que l’histoire ne se répète ?

ALELA DIANE EN CONCERT LE 8 NOVEMBRE A RENNES

L’actualité d’Alela Diane, musicienne et chanteuse américaine, a été marquée par deux évènements importants : son dernier album Cusp était sorti en février dernier sur son label AllPoints. Ce dernier vient également de rééditer The Pirate’s Gospel, son premier disque qui l’a révélé au grand public il y a maintenant 10 ans. Elle a débuté une tournée européenne qui fait escale le 8 novembre à l’Étage de Rennes.

La vie d’Alela Menig, plus connue sous le nom d’Alela Diane, a été bercée très tôt par la musique. Née en 1983 à Nevada City en Californie, elle reçut son éducation artistique par l’intermédiaire de ses parents, également musiciens. Sa mère, Miranda, est une artiste passionnée des musiques traditionnelles mexicaines et qui s’était auparavant illustrée dans le bluegrass. Son père, Tom, est également influencé par ce même style et a joué pendant un temps dans la même formation que son épouse, alors qu’Alela était encore enfant. Ils lui ont ainsi donné très tôt le goût des répertoires folk et c’est probablement forte de cette éducation musicale qu’elle a choisi d’orienter sa musique vers cette esthétique. Elle sortit tout d’abord en 2003 un premier album autoproduit, intitulé Forest Parade. Il fut suivi par la réalisation en 2004 de The Pirate’s Gospel, qui sortit 2 ans plus tard sous le label Holocene Music. Finalement édité en 2007 par Fargo Records, il lança la carrière d’Alela Diane, laquelle se poursuit actuellement avec succès.

ALELA DIANE, CUSP, RENNES

Après cinq autres albums, dont un EP en duo avec Alina Hardin, elle a sorti le 9 février dernier Cusp, à l’ambiance élégante et éthérée. Ce dernier semble marqué par un nouveau regard que porte Alela Diane sur le monde et dont l’origine remonterait à la naissance l’année passée de sa seconde fille. Elle a effectivement confié avoir frôlé la mort lors de l’accouchement. Ainsi, le titre Cusp renvoie à la condition humaine, qui serait toujours en proie au danger. C’est probablement la raison pour laquelle elle a composé la chanson Song For Sandy, à la mémoire de la chanteuse folk britannique Sandy Denny, décédée prématurément à 31 ans peu après la naissance de sa propre fille.

La première chose que l’on constate en écoutant Cusp, c’est que la voix d’Alela Diane semble avoir acquis une douceur supplémentaire, avec plus de subtilités dans la gestion de l’intensité qu’à ses débuts et qui rendent sa voix encore plus délicieuse. De plus, l’instrumentation est davantage polarisée sur les délicates parties de piano que sur le jeu de guitare dont l’artiste s’était fait jusque là la spécialité. Il faut dire que l’accident qu’elle a subi à l’ongle au début des sessions de cet album l’a amené à composer au piano, d’une manière très différente par rapport à ses albums précédents. On perçoit notamment cet aspect dès les premières notes et accords de Albatross, la première chanson de l’album qui traite de sa difficulté à s’éloigner de sa fille pendant ses tournées. Toutefois, elle n’a pas abandonné pour autant son jeu de guitare, présent sur certaines chansons de l’album. Ce même jeu structure ainsi des compositions comme The Threshold dans laquelle il semble adopter des rythmes en contretemps proches de ceux de la bossa nova brésilienne. Dans Never Easy, traitant des relations complexes d’Alela Diane avec sa mère, les accords plaqués de septièmes évoquent davantage le style de Neil Young, l’un des artistes de folk les plus renommés et qui constitue une influence majeure pour l’artiste. De même, ces chansons bénéficient d’arrangements élaborés, dont certains sont réalisés par Ryan Francesconi, avec lequel Alela Diane avait déjà collaboré en 2015 sur un album duo. Cette dimension folk et orchestrale, planante à certains égards et caractérisée par un contrepoint élaboré, la rapproche également d’artistes comme Nick Drake. Cette autre influence de la musicienne avait effectivement suivi une démarche similaire dans son album Five Leaves Left de 1969.

Le 26 octobre a été marqué par la sortie d’une nouvelle version de The Pirate’s Gospel, le premier album d’Alela Diane qui soit connu du grand public. Enregistré à l’origine dans le studio de son père puis sorti par la maison de disques Fargo Records, il est aujourd’hui réédité chez AllPoints et enrichi de 10 titres inédits. Parmi ces compositions, figure notamment Blackberry, caractérisée par une harmonie majeure et une instrumentation assez enjouée. Dans cet album, le timbre vocal d’Alela Diane semble davantage tendre vers une déclamation passionnée, qui évite cependant de s’emporter dans les débordements de passions. Sa voix y est ainsi plutôt éclatante et fait entendre par moments un vibrato délicat, contrastant avec la sonorité plus douce de son jeu à la guitare acoustique. Elle résonne ainsi de façon particulière et légèrement différente de la vocalité qu’elle exploite sur son dernier album. D’une manière générale, son jeu de guitare est fidèle aux principaux éléments des répertoires folks : pour une part des chansons, elle emploie un picking bien maîtrisé et dont les basses résonnent, ainsi que des arpèges presque hypnotiques.

ALELA DIANE, THE PIRATES GOSPEL, RENNES
Photo : Jacklyn Campanaro

En redécouvrant ce premier opus dans sa version augmentée, on constate également que l’interprétation d’Alela Diane est généralement passionnée, voire parfois tourmentée. Par moments, elle semble même prendre des aspects « fantomatiques », teneur qui est renforcée par la légère réverbération du son que l’on perçoit dans ces chansons. Cette esthétique musicale comporte aussi certains moments de mélancolie, dans une approche qui paraît parfois sombre, presque proche de celle de certaines chansons de Leonard Cohen. Ainsi, la première chanson Tired Feet est construite sur un jeu épuré de guitare en tonalité mineure et la mélodie vocale presque plaintive et répétitive d’Alela Diane. Mais d’autres chansons, au contraire, sont articulées sur des rythmes plus entraînants, comme par exemple dans la chanson titre, The Pirate’s Gospel. De même, la tendresse y est également présente à travers Oh ! My Mama, composition que l’artiste a dédiée à sa mère.

ALELA DIANE, THE PIRATES GOSPEL, RENNES
Photo : Jaclyn Campanaro

C’est dans ce double contexte et dans le cadre de sa tournée européenne automnale qu’Alela Diane donnera un concert sur la scène de l’Étage, le jeudi 8 novembre. Accompagnée d’un trio de musiciennes, elle nous fera le plaisir d’interpréter de nombreuses chansons issues de The Pirate’s Gospel qu’elle a retravaillé pour l’occasion avec son groupe, ainsi que quelques-unes de ses nouvelles chansons. En attendant sa venue à Rennes, il n’y a plus qu’à se replonger dans ses albums pour se laisser envoûter par sa musique et sa belle voix claire.

Alela Diane sera en concert à L’Étage de Rennes le 8 novembre 2018, dans le cadre de sa tournée européenne.

Une nouvelle édition Deluxe de son premier album « The Pirate’s Gospel » est parue le 26 octobre chez AllPoints. Son dernier opus « Cusp », sorti le 9 février 2018, est toujours disponible sur le même label.

LIRE ET MANIFESTER A SAN FRANCISCO

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

Fifth Day.

Nous ne sommes peut-être pas passés le bon jour, mais la librairie « City Lights Books » nous a semblé bien calme en ce samedi ensoleillé de fin d’été. Des pièces minuscules, encastrées les unes dans les autres, des escaliers en bois étroits et tortueux, des alcôves, des petits recoins sombres, des milliers et des milliers de livres et de revues. Lawrence Ferlinguetti, le créateur de la librairie la plus célèbre des Etats-Unis, lui a donné ce nom en hommage au film de Charles Chaplin « Les Lumières de la Ville » (1931). C’est ici que le coeur de la Beat Generation a battu dans les années cinquante et c’est ici aussi que Ferlinguetti s’est battu contre le conservatisme puritain notamment lors du célèbre procès qui a suivi la publication  de « Howl » d’Allan Ginsberg (1957). Farouche défenseur des droits de l’Homme et de la liberté sexuelle, pacifiste convaincu, militant anti-raciste, Ferlinguetti, poète, libraire et éditeur, (aujourd’hui âgé de 99 ans !) a été en quelque sorte le Maspero de la West Coast, le marxisme en moins. Ce matin, les clients sont des « boomers » à la soixantaine bien tassée, et ils parcourent paisiblement les rayons Vegan et Yoga. On s’est assis sur un petit banc, on a trouvé au rayon poésie un exemplaire de la fameuse collection « Pocket Poets » (un peu ce que fera Seghers plus tard ), et on a lu « Bomb » de Corso. L’esprit de la Beat Generation nous a paru alors bien, bien loin, à ce moment-là, dans cette petite librairie de province endormie… On est sorti, j’ai pris une photo dans Columbus Avenue et on est parti à pieds vers le sud.

city lights bookseller san fransisco

… Et on a retrouvé le Souffle de San Francisco. Des dizaines de milliers de personnes manifestaient pour la défense du climat : Sur plus de 5km, Market St envahie de pancartes, de banderoles, de sirènes, de chansons, de slogans au mégaphone. Des grand-mères, des enfants en poussette, des couples de tous âges, des handicapés en fauteuil, des chiens, des centaines d’étudiants de Berkeley, des chiens, des jongleurs, des pacifistes, des écolos, le parti socialiste californien (si,si !), le LGBT local en masse et… pas un seul policier en vue ! Une impression de force extraordinaire, une détermination farouche contre la politique de Trump, mais aussi et surtout, la bonne humeur et la fantaisie. Comme si la Beat Generation et le Flower Power se retrouvaient ensemble, dans la rue, cinquante ans après.

san fransisco

 

(AVANT)-PREMIERES SOLITUDES FILM DOCUMENTAIRE DE CLAIRE SIMON

Le TNB de Rennes a accueilli dimanche 28 octobre l’avant-première du documentaire Premières Solitudes. 26 ans après Recréations, il donne à Claire Simon l’opportunité de filmer une nouvelle fois la jeunesse. Sortie en salle le 14 novembre 2018.

claire simon documentaire

Il s’agit d’un portrait d’un âge de la vie : 16 /18 ans.
À cet âge-là, si on a de la chance on est au lycée, ici on est à Ivry et on discute entre les cours, même parfois pendant les cours.  Les jeunes gens dialoguent à deux ou à trois et ils découvrent leurs histoires respectives, celles dont ils héritent, de la famille, et ils parlent de leurs passions et de leurs solitudes.

Une fois n’est pas coutume, le nouveau documentaire de Claire Simon laisse la parole à la jeunesse. Après avoir tourné Récréations (1992) dans un cour d’école maternelle, 800 km de différence (2000) auprès d’adolescents et Le Concours (2016) sur le concours d’entrée à la Femis, la cinéaste nous plonge en décor lycéen, dans un établissement du 94, à Ivry-sur-Seine. Munie de sa caméra ainsi que de son expérience, elle pousse avec sensibilité la porte d’une classe de première littéraire spécialité cinéma.

À un âge où le regard de l’autre peut être un moteur autant qu’un frein décisif dans leurs parcours, l’idée du film est de créer (et de capter) le dialogue entre les membres d’une même classe. Tour à tour, ils vont exprimer leurs expériences de solitude en partageant avec un ou plusieurs de leurs camarades leurs situations familiales ou amoureuses. On découvre alors souvent des situations familiales difficiles, des relations parentales compliquées (voire tragiques), des divorces et le mal-être qui en résulte ; mais aussi de grands espoirs et de belles histoires.

claire simon documentaire

Le film apparaît comme une réponse à un besoin d’expression de ces lycéens, qui petit à petit se livrent entre eux les pensées et sentiments profonds qui les animent. Par ce travail d’expression et d’écoute, de confiance, ils se découvrent des ressemblances autant que des particularités, mais surtout apprennent à s’exprimer et à s’accepter. Le film à cet égard rend compte de la puissance de la parole autant que de la puissance de l’écoute. Un climat de bienveillance attentive se construit entre les protagonistes, qui va donner à la parole toute sa générosité, ainsi qu’au film sa matière première.

En cela on peut rendre hommage au travail de la cinéaste Claire Simon qui a encadré le groupe et conduit les échanges dans la plus grande discrétion. La caméra disparaît littéralement du film. Elle laisse toute place, face à elle, à la rencontre des duos ou des trios et à l’imprévisibilité de ce qui peut résulter de leurs échanges. Toute la sensibilité du film réside dans cet effacement de l’adulte et de la confiance placée en l’être humain, sans regard sur son âge. Claire Simon parle d’un film qui lui est arrivé « un peu par hasard » et de la chance qu’elle a eu de « tomber sur des personnes qui avaient vraiment envie de faire un film ».

Claire simon documentaire

L’effet s’en ressent dans le dialogue très nourri des protagonistes, qui suscite la curiosité du spectateur. Les histoires racontées sont parfois d’une grande dureté et certaines scènes révèlent des fragilités insoupçonnées. Citons à titre d’exemple l’effondrement d’Hugo, grand gaillard timide, lorsque sa camarade lui pose simplement la question « Et toi comment ça va à la maison ? ». Illustration du pouvoir de la parole et de l’écoute.

Surtout, la cinéaste nous propose un regard différent sur cette période charnière de l’adolescence, parfois dépréciée pour sa frivolité ou sa mollesse. En se gardant de commenter l’image, Simon va simplement chercher plus profondément ce qui se cache derrière le masque de la jeunesse ; masque qui n’est qu’une armure. Loin de la violence, du langage de rue et du désœuvrement social habituellement mis en valeur dans les réalisations sur la jeunesse des banlieues parisiennes, Premières solitudes nous présente au contraire un âge lycéen dans un tout autre rapport à la réalité : avec ses aspirations, ses passions, ses réflexions sur le monde et ses situations intimes délicates qu’il faut gérer souvent dans la solitude.

noir et blanc cinéaste

Une manière de briser le cliché de l’adolescent dans sa bulle, inconscient des réalités du monde. Il est ici, au contraire, totalement en prise avec le réel. Dans ce combat avec ses « premières solitudes », il rencontre la honte, le dépit, la colère, la tristesse, des sentiments bouleversants que le dialogue vient éclaircir. Finalement, c’est un film lumineux et sérieux que Claire Simon nous propose, fait de petites histoires, mais de grands sentiments.

premières solitudes claire simon

Titre – Premières solitudes
Réalisation – Claire Simon
Sortie le 14 novembre 2018

Festival de Berlin 2018

Titre international : Young Solitude

Avec : Anaïs, Catia, Clément, Elia, Lisa, Hugo, Judith, Manon, Mélodie, Tessa.

 

 

BEAR BONES LAY LOW, « LA MUSIQUE EST INTERMINABLE »

Il y a une petite histoire entre Bear Bones, Lay Low et Unidivers. Nous avions remarqué ce musicien l’été dernier lors de sa performance au festival Visions. Sa venue pour un concert à Rennes au mois d’octobre nous a décidés à rencontrer cet artiste tendance… cosmique. Invitation à modifier nos états de conscience.

Bear Bones Lay Low
Bear Bones, Lay Low durant le festival Visions (source : le chouette journal)

Bear Bones, Lay Low, nous allons débuter cet entretien par un retour dans le passé. Dimanche 5 août 2018. Troisième jour du festival Visions, organisé par les Disques Anonymes depuis trois ans à Plougonvelin, face au fort de Bertheaume, à l’extrémité de la rade de Brest. Un soleil généreux bronze les corps fatigués des festivaliers dénudés et enturbannés. Une fin d’après-midi passée dans la décontraction, étendus sur les marches d’un théâtre de verdure où les artistes se produisent sur scène avec la mer qui les surplombe et le fort qui les surveille. Moment de repos avant une transe inattendue.

Le public voit arriver, non pas sur scène, mais au milieu de la fosse, Ernesto Gonzalez, une longue chevelure noire, et des traits fins. Dans un grand calme, vous vous êtes dirigé vers un praticable où vos machines étaient dissimulées sous un drap noir. Vous avez commencé à les actionner, et on a été surpris par une introduction bruitiste qui tranchait radicalement avec la loterie disco proposée juste avant par Maison Acide. Malgré des regards interloqués, une curiosité, presque amusée par ce culot de la programmation, nous a fait rester écouter ces bruits machiniques. La révélation fut de taille.

Après une heure vingt de plongée dans votre univers, de danse tribale tout autour de vous dans la poussière de la fosse, votre concert s’est achevé par un câlin unanime dont vous étiez le centre, et par des rappels sans fin qui disaient combien, pour beaucoup, ce concert resterait un souvenir marquant. Et vous, comment vous en souvenez-vous ? C’était votre première rencontre avec le public breton ?

Bear Bones, Lay Low: non ce n’était pas la première fois que je jouais en Bretagne. J’ai aussi joué il y a deux ans au festival Le Lac, un festival génial qui a dû faire une ou deux éditions. J’ai déjà joué à Rennes, au Marquis de Sade, au Terminus. En fait à Visions c’était marrant parce qu’il y avait beaucoup d’amis. Mais je ne m’attendais pas à cette réaction des gens, c’était vraiment un des concerts les plus touchants pour moi, quelque chose qui ne m’arrive pas souvent… Je pense qu’il y avait quelque chose dans l’air, dans les astres, qui a vraiment fait que ça se passe comme ça.

U : Vous avez donc déjà joué en Bretagne, est-ce que pour vous le public breton a quelque chose de particulier ?

Bear Bones, Lay Low: particulier, je ne sais pas. J’aime bien la France en général, l’ambiance dans le milieu underground des musiques indépendantes. Les Français aiment faire la fête, bien accueillir, être détendus. Quant au public breton, je l’associe toujours à Thierry Tanguy. Je ne sais pas si vous connaissez ce personnage ? C’est un monsieur qui a déjà la cinquantaine et qui tient un magasin de disques et de tire-bouchons. Il était là avec sa distro à Visions. Il divise ses disques non pas en genres, mais plutôt selon des couleurs de vin : aigre, fruité, produits locaux… Ce type est trop drôle, il a un répertoire de blagues qu’il garde dans un carnet. Tout le monde le connaît dans cette scène. Je ne le connais que depuis deux ou trois ans, mais pour moi il incarne vraiment le public breton. Mais je n’ai pas été ici tant que ça et pour connaître quelque chose il faut vraiment y passer du temps. Tu peux avoir une première impression, mais elle peut être très fausse…

Le nom

U : Pour revenir à ce concert à Visions, quand on a compris qu’on allait prendre une claque, on est allés voir votre nom sur le line up : un nom en deux parties, séparé par une virgule, « Bear Bones, Lay Low », un nom qui nous a tout de suite interpelés, et qui continue de nous intriguer. Pouvez-vous nous expliquer ce nom et comment en êtes-vous venu à l’adopter en tant qu’artiste ?

Bear Bones, Lay Low: je ne sais pas vraiment comment il m’est venu. Je suis originaire du Venezuela et j’ai déménagé en Belgique quand j’avais quinze ans. Je ne savais pas parler français du tout. J’ai commencé à faire de la musique tout seul, à expérimenter, à aller à des concerts. Quand j’ai découvert la scène noise en Belgique, ça m’a changé la vie. Voir ces gens faire de la musique vraiment bizarre, qui agace, où qui provoque des réactions extrêmes, ça m’a vraiment inspiré, et ça m’a touché de voir qu’ils le faisaient avec leurs moyens. Je me suis dit que j’allais le faire aussi. J’ai enregistré plein de choses, et je me suis retrouvé avec plusieurs types de musique. J’ai compilé ça en différents genres, rock psyché, folk, noise ou bruit expérimental. Ensuite, j’ai cherché un nom. J’en avais trouvé pour mes autres projets et quand j’en ai cherché un pour l’expérimental, j’ai juste regardé par la fenêtre et ces deux noms me sont venus à l’esprit. Je ne savais rien de l’association libre et des techniques surréalistes, j’étais un gamin, j’avais seize ans. Mais je me suis toujours dit qu’il fallait faire les choses au feeling, sans trop conceptualiser. Et donc, Bear Bones, Lay Low. Au départ c’était un projet que je ne voulais pas trop développer, je voulais plutôt faire des morceaux de psyché, mais comme c’était le seul de mes projets que je pouvais faire tout seul, j’ai commencé à faire des concerts sous ce nom, depuis mes 17 ans, et je l’ai gardé. Finalement, tous mes projets ont fusionné.

U : Littéralement, cela signifie « Os d’ours, reste discret » ?

Bear Bones, Lay Low: oui c’est ça. « Os d’ours », c’est parce que j’ai toujours eu une espèce de fascination, non pas tellement pour le mysticisme ou la culture indienne, mais pour les os et les crânes. J’ai trouvé que Bear Bones sonnait bien. C’était aussi le moment où beaucoup de groupes portaient des noms d’animaux et ça a dû m’influencer. Et puis, « Lay Low », ça a toujours été pour moi une façon de vivre, rester discret. J’écoutais beaucoup Devendra Banhart à l’époque et il écrivait partout « lay low ». Avec le temps, quand je pense à ce nom, je me dis que c’était une association libre, quelque chose d’inscrit dans le moment et qui a fini par prendre un sens. C’est un peu l’idée que je me fais de mon son, j’ai envie qu’il soit puissant comme un ours, qu’il ramène vers un monde lié à la mort, aux ténèbres.

U : Le « Lay Low » nous évoquait l’underground.

Bear Bones, Lay Low: oui, mais c’est aussi l’idée d’être humble. C’est quelque chose qui a toujours été très important dans ma famille. Et même si parfois je suis grande gueule, cette idée reste fondamentale dans ma façon de vivre.

Bear Bones Lay Low

La scène expérimentale belge

U : Vous évoquiez votre rencontre avec la scène expérimentale belge, à laquelle vous participez depuis maintenant une dizaine d’années. Pouvez-vous nous parler de cette scène ? Comment vous y impliquez-vous ?

Bear Bones, Lay Low: j’ai découvert la scène expérimentale belge lors d’une soirée du label (K-RAA-K3), chez qui j’ai ensuite sorti deux albums, et dans lequel je me suis beaucoup impliqué. À l’époque, il y avait beaucoup de concerts noise. Beaucoup de groupes commençaient à mélanger la brutalité du noise avec des couleurs psychédéliques. C’était en 2005. Ce qui m’a beaucoup frappé dans cette scène, c’est que je faisais partie des plus jeunes. C’était plutôt un public de trentenaires. En Belgique, il y avait dans chaque grande ville des cliques assez fortes et très variées. Chaque scène et chaque artiste avait quelque chose de différent, à Gand, Anvers, Bruxelles, à Liège aussi, ou dans des petits villages comme Tirlemont. Il y avait quelque chose de très vivant à cette époque. Tout le monde allait au concert des uns et des autres. C’était une communauté répartie dans tout le pays et qui se retrouvait une fois par an dans le cadre du festival (K-RAA-K) 3, qui existe maintenant depuis une quinzaine d’années. C’était le moment pour découvrir toute la scène belge. Les choses ont beaucoup changé maintenant. Je ne suis plus le plus jeune, et ça m’a fait plaisir, quand j’ai eu entre 20 et 25 ans, de voir des gens de ma génération, commencer à aller à ce genre de concerts. Je pense que les réseaux sociaux ont beaucoup éveillé l’intérêt pour ces musiques. Surtout, ça m’a fait plaisir de voir qu’il y avait plus de filles. Avant, à part quelques exceptions, des musiciennes ou des organisatrices, il n’y avait que des mecs. Je voyais très rarement des filles à ces concerts, et encore moins des filles de ma génération. Maintenant, à Bruxelles en tout cas, dans les concerts de musique expérimentale, il y a beaucoup de monde, c’est plus mixte, et il y a plus de jeunes, c’est cool de voir que cette scène se rajeunit.

U : Est-ce que vous pensez apporter quelque chose de particulier, de personnel, à cette scène ?

Bear Bones, Lay Low: je ne sais pas, c’est surtout que ça fait longtemps que j’y participe, je suis sur beaucoup de projets, j’aime bien commencer des nouveaux groupes. C’est marrant parce qu’il y a des gens qui sont juste un peu plus jeunes que moi et qui me voient déjà comme un ancien parce que je suis là depuis tellement longtemps, parce que je connais tout le monde, les vieux, mais aussi les jeunes. Dernièrement j’ai beaucoup voyagé pour ma musique donc je suis un peu moins présent, alors qu’avant j’allais à tous les concerts et j’en organisais beaucoup aussi. En fin de compte, je suis juste quelqu’un qui est là depuis longtemps et qui est toujours en train de faire quelque chose, je ne me suis jamais posé la question d’arrêter.

U : Dans vos compositions, vous mêlez, grâce à des machines, la musique électronique à des sonorités des musiques traditionnelles du monde, d’Amérique latine notamment, mais aussi des sonorités orientales, comment expliquez-vous ce processus de création ?

Bear Bones, Lay Low: la scène expérimentale, que j’ai intégrée vers 2004-2005, était vraiment caractérisée par une ouverture et une connaissance de toutes sortes de musiques. Et ça m’a vraiment inspiré de voir la musique, non pas comme une question de genres, mais d’avoir une vue transversale ou horizontale des choses. Il y a, dans tout ce qu’on appelle les genres, quelque chose qui les relie. Et énormément d’artistes mêlent des influences différentes. Ma musique vient de cette idée. Personnellement, je ne cherche pas à faire des mélanges, c’est juste que j’écoute beaucoup de musiques, elles m’influencent toutes, et je sens que ma musique est un collage.  Je peux aimer des trucs cosmiques, et puis j’écoute ce disque africain, et ce truc de techno, du flow jazz, un côté hip-hop… Il s’agit juste d’avoir une vue horizontale. Je sais que parmi cette première génération de la musique noise, on partageait tous ça. C’était vraiment caractéristique de la scène belge, et je m’en suis imprégné. Ce ne sont pas des choix conscients que je fais. Vous parlez de sonorités latines, mais je n’ai jamais vraiment pensé à en incorporer dans ma musique. Quand j’étais gamin, au Venezuela, j’écoutais du rock. Je n’aimais pas du tout la salsa, le merengue ou le reggaeton, je ne savais pas danser. Mais à force d’écouter des musiques, tout à coup, je me retrouve à faire un morceau qui ressemble à du reggaeton. Je ne revendique rien, j’essaye de faire les choses le plus naturellement possible, et ça sort comme ça. Il y a quelques années je faisais plus du cosmique allemand, et encore avant du drone, de la guitare…

Bear Bones, Lay Low, producteur

U : Vous avez sorti des disques dans un nombre insolent de labels, quinze albums, une trentaine de releases, pas mal de cassettes, des mixtapes, vous faites l’artwork de vos vinyles, énormément de collaboration avec d’autres artistes, notamment sous la forme de splitvinyles. On peut qualifier votre pratique artistique d’hyperactive, qu’est-ce que cela traduit de votre vision de la musique ?

Bear Bones, Lay Low: c’est marrant, moi je me trouve toujours très lent ! J’ai appris la musique avec les autres. Je n’ai jamais pris de cours, j’ai appris par moi-même et surtout en jouant, en jouant avec les autres. Quand tu joues dans un ensemble, c’est un peu comme si tu trouvais ta place. Tu ne fais pas forcément quelque chose qui te met en avant, même si j’ai remarqué, étant jeune, que beaucoup sont motivés par ça. Moi, j’ai appris à trouver ma place en jouant. Pour moi, la musique c’est tellement interminable. Il y a toujours quelque chose à explorer. Des fois, tu penses avoir fait le tour de quelque chose. Mais non. C’est fou de penser ça, c’est impossible. Et pour moi, c’est toujours inspirant de continuer, je n’arrive pas à m’arrêter. C’est un puit sans fin. Tous les musiciens qui m’ont inspiré et que j’admire ont cette vision de la musique selon laquelle ce n’est pas quelque chose que tu fais en dilettante. Il arrive un moment où ce n’est plus un hobby, où ce n’est plus une question de se distraire, où c’est toi et la musique, où la musique devient une extension de ta vie. Et pour moi, c’est ça, ce moment-là. Je ne me demande pas où ça va m’amener. Maintenant, je tourne beaucoup, les gens s’intéressent à ce que je fais, mais je sais qu’il y a un moment où ça peut changer. Mais on s’en fout ! Si je ne peux pas gagner mon pain comme ça, je le gagne autrement, mais en tout cas je ferai de la musique.

 

U : On vous a découvert en concert, une expérience forte sur laquelle on va revenir, mais écouter vos productions, celles disponibles en écoute libre sur internet, ou vos vinyles, représente une expérience complètement différente, on imagine que vous concevez la production différemment de la performance live ?

Bear Bones, Lay Low: avant, la différence c’était que quand je conçois quelque chose pour jouer en concert c’est quelque chose que je peux faire physiquement. Maintenant, les choses commencent à fusionner, les prochaines sorties ressembleront plus à ce que je fais en concert. Mais quand je fais un album, je me dis carte blanche, je ne me mets pas de cadre, je fais les choses et ça finit par faire un ensemble. Je ne me limite pas aux instruments que je peux utiliser en concert. Dans mes albums je joue beaucoup de guitare, de basse, j’ai un petit violon, des percussions. Je m’éloigne du format que je joue en concert pour créer quelque chose qui va être un truc en soi, qui ne va pas forcément être représentatif de ce que je fais en concert, mais qui va être représentatif de moi. Pour moi les albums c’est quelque chose que tu laisses pour le temps, et les concerts c’est quelque chose que tu vis.

U : Justement, vous avez été invité à jouer à Rennes par Lost Dogs Entertainment, vous avez des contacts avec ce label rennais ?

Bear Bones, Lay Low: je ne connais pas beaucoup le label, mais je connais celui qui le gère, Bob. Il m’a proposé de sortir un vinyle. J’ai un peu regardé ce qu’il faisait, j’ai vu que leurs pochettes étaient pas mal. Mais quand je rencontre quelqu’un qui dit qu’il aime suffisamment ma musique pour sortir un vinyle, ça me fait plaisir, je me dis que c’est sans doute qu’on partage une même philosophie, et voilà, on va le faire. Je ferai quelque chose qui ressemble plus à ce que je fais en concert. Ce sera sans doute un splitavec Black Zone Myth Chant, un artiste rennais avec qui je suis bon ami. Max et moi on se connaît depuis très longtemps et enfin on va faire une collaboration, même si c’est chacun de son côté [du vinyle]. J’aimerais bien le faire en 45 RPM pour qu’on puisse changer la vitesse en l’écoutant et aussi pour avoir un son plus gros, une sortie un peu plus club peut-être. En ce moment je joue beaucoup dans ce genre d’environnement donc je prépare des sorties plus dancefloor.

Bear Bones Lay Low

Live mystique

U : Quand on vous a vu à Visions, vous aviez d’abord joué un bloc de 45 minutes, qui a progressivement porté le public dans une transe collective, un Burning Man plougonvelinois, avant de reprendre avec encore vingt minutes plus musclées encore. Comment construisez-vous vos concerts ? Quels instruments utilisez-vous ?

Bear Bones, Lay Low: j’utilise un sampler, trois synthétiseurs, un clavier qui contrôle tout, des cassettes, et des effets. Je prépare quelques bases à jouer, mais pour les enchaînements, c’est de l’improvisation. Parfois, je peux jouer une même base, donc les rythmes sont déjà programmés. Je joue une même base pendant une heure, en changeant le tempo. Mais l’improvisation est importante pour moi parce que ça m’implique, ça me force à être dedans et pas juste à jouer de façon automatique, ou stérile. J’aime beaucoup la pop, les choses très cadrées, j’ai un groupe de punk où on n’improvise pas, où on fait en sorte que ce soit le plus calé possible. Pour ce que je fais seul, c’est différent. Je commence toujours discrètement. J’aime bien les improvisations électroniques libres. Je reprends parfois quelques productions antérieures, mais je les transforme. À Visions, je me souviens que le dernier morceau que j’ai joué c’était un morceau un peu cumbia que j’avais sorti sur une compilation, mais je l’ai ralenti et c’est devenu autre chose. Quand tu connais déjà quelque chose, tu peux jongler avec. Comme je connais les sons, je peux vraiment nager dedans, les manipuler. Parfois ma créativité est limitée, mais j’essaie d’éviter de refaire les mêmes gestes, j’essaie de prendre des risques.

U : La dernière fois que nous vous avons vu, c’était sur le magnifique site du festival Visions. Ce soir, vous jouez dans le théâtre du Vieux Saint-Étienne, un lieu chargé d’histoire aussi, est-ce que c’est important pour vous de vous produire dans des lieux qui permettent une scénographie originale ?

Bear Bones, Lay Low: le lieu n’est pas forcément important. Je peux jouer dans ce genre d’endroits aussi bien que dans un bar. Je préfère pouvoir jouer dans de bonnes conditions, parce que dans les bars, il y a beaucoup de restrictions. Mais il y a une magie dans tous les endroits. En concert, j’aime bien que la lumière soit adaptée. À Visions, c’était incroyable parce qu’on avait la meilleure lumière, le soleil juste au-dessus de nous, qui nous brûlait. D’habitude, je préfère l’obscurité, je trouve que les gens s’y lâchent plus. Mais je ne recherche pas quelque chose de particulier, je veux juste vivre le truc. L’important pour moi, c’est de pouvoir être à l’aise et faire ce que j’aime, pour que tout le monde soit content.

Bear Bones Lay Low 

U : On a vu vos balances tout à l’heure, comme à Visions, vous serez installé dans la fosse pour le concert, est-ce que c’est quelque chose auquel vous tenez ?

Bear Bones, Lay Low: oui, ce sont des potes français qui m’ont appris ça, le Lyonnais Raymonde, ou encore (C_C) qui habite à Bruxelles actuellement. J’ai fait une petite tournée avec lui en juin dernier et il m’a vraiment appris à comprendre que jouer dans la fosse ce n’est pas seulement être proche des gens, c’est aussi une question pratique. Tu es là, tu écoutes la même chose que le public, pas besoin de faire des signes au technicien pour ajuster le retour, tout le monde est dans le même milieu. Au départ, c’est une question pratique, j’écoute mieux comme ça, et après ça crée tout le reste et ça rajoute, et après tu en viens à te demander pourquoi est-ce qu’il y a une scène, pourquoi ce rapport. Mais ce sont des questions de philosophie ça, pour moi, c’est un choix pratique.

U : La première partie de votre concert à Visions nous avait évoqué un long cri, une longue ascension sans jamais d’extase, éveillant une transe à la fois collective et personnelle chez les spectateurs. Vous-même vous semblez vivre un moment très intense et très personnel, est-ce que c’est ce que vous cherchez à transmettre au public ? Et est-ce que le public a une place dans cette transe que vous semblez vivre ?

Bear Bones, Lay Low: je suis en train d’apprendre, je ne sens pas que j’ai quelque chose à enseigner, je ne dis pas que j’ai trouvé une vérité. Quand je fais de la musique, j’apprends beaucoup de chose sur moi-même et sur le monde. Par exemple, quand j’ai appris à jouer avec des gens. Jouer dans un ensemble, c’est comme avoir une conversation. Pour qu’une conversation soit intéressante, pour qu’elle te remplisse, il faut que ce soit un échange. Tu dois aussi apprendre à te taire, et surtout à écouter. Écouter c’est quelque chose d’important, et ça m’a toujours frappé que, dans le monde, on écoute de moins en moins les gens, on n’écoute que soi-même. J’apprends ce genre de choses par la musique. Quand je joue, je me mets dans cet état de transe, dans une bulle très personnelle, et ça me fait plaisir que des gens arrivent à capter ça. Pour les disques, c’est une autre approche, mais pour les concerts, si je me sens en phase avec la musique que je joue, avec mes machines, et que je ressens une harmonie, les gens captent cette harmonie, la partagent, et je ressens ça aussi en retour, sans nécessairement le voir, ça se sent. C’est comme un cycle, et c’est ce qui fait qu’un concert me remplit et me donne du plaisir. Et ça me touche beaucoup quand des gens me disent qu’ils vivent des expériences pendant mes concerts, que ça leur rappelle des expériences mystiques, car ce sont des thématiques qui m’intéressent beaucoup, l’ésotérisme, le mysticisme, les états altérés, l’exploration mentale et sur lesquelles je suis encore en train d’apprendre.

Bear Bones Lay Low

Après une heure d’apprentissage partagé, de danse tribale collective, la foule, dont seul le mouvement synchrone des corps dans la danse permettait qu’elle tînt debout entre les murs étroits de la vieille église, a acclamé le chaman-orchestre qui l’avait entraîné à repousser aussi loin ses limites. Le set a été enregistré par C lab et sera diffusé le vendredi 26 octobre dans l’émission Électro Lab.

Pour en découvrir plus sur l’univers musical et visuel de Bear Bones, Lay Low, c’est ici.

Un entretien réalisé par Jean Gueguen et Elsa Mlodorzeniec (C-Lab)

LE MOMA DE SAN FRANCISCO PAR MICHEL HEFFE BACK TO THE BAY 4/9

Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

 

Fourth Day.

Pour aller au MOMA, en partant de notre hôtel, on passe par Tenderloin, le quartier mal-aimé de San Francisco. C’est ici la plus forte concentration de homeless de la ville, à deux pas du Hilton.

L’alcool et la drogue font des ravages et les gens se piquent sous les porches. Des filles de trente ans en paraissent soixante. Déclassement, déchéance et désespérance. Janis Joplin, lors de son premier séjour à San Francisco en 1963 a traîné par ici, petite dealeuse à la dérive, malade et amaigrie, alcoolique déjà, chantant pour une bière dans les anciens « speakeasy »* de Turk St.

tenderloin san fransisco

Le Moma est à un quart d’heure à pied de Tenderloin et il faut franchir Market St, principale artère de la ville qui marque la frontière entre le pays des collines au nord et le plat pays au sud.

On vient au Museum Of Modern Art de San Francisco pour notre chouchou de toujours : Sandy Calder, le génial créateur des mobiles. Et là, on est gâté… Le « Calder Room » peuplé de mobiles de toutes formes, mais… parfaitement immobiles. Normal. Il n’y a pas de vent, ni de courant d’air ici, et la clim n’a jamais rien fait bouger… C’est assez frustrant, finalement. Sur la terrasse, on découvre le « Grand Crinkly » rouge et jaune devant un immense mur de verdure. Il ne bouge pas, lui non plus. On est vraiment ému car il était installé dans les jardins de Madame de La Fayette à Rennes lors de l’exposition « L’univers d’Aimé Maeght » de 1979.

crinkly moma

Il faut écarter d’immenses rideaux rouges de plus de six mètres de hauteur, pour entrer dans l’exposition temporaire consacrée à René Magritte. Tout Magritte est là, y compris les variantes des tableaux , et elles sont nombreuses… Mais on a beau chercher, on ne trouve pas « Ceci n’est pas une pipe ». Etrange, quand même. Un peu plus loin, on se rattrape avec « Fontaine » de Marcel Duchamp, qui, comme chacun sait « n’est pas une fontaine »…

René Magritte Ceci n'est pas une pipe

* Speakeasy : Bar clandestin pendant la Prohibition (1920-1933)

BACK TO THE BAY OU SAN FRANCISCO PAR MICHEL HEFFE 3/9

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Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.

Third day.
2ème breakfast de la matinée avec un petit cousin français installé depuis 18 ans à San Francisco. On rigole bien en voyant arriver les pommes de terre, les œufs brouillés et les côtelettes à 9h du matin… Et c’est très bon. Vive le breakfast US !
Pierre est très occupé. Busy young man ! Marié à une jeune femme originaire de Hong Kong, il a deux enfants qui parlent chinois, français et bien sûr américain !
« Vous voulez voir quelque chose de typique à San Francisco ? »
Bien sûr qu’on veut !
C’est un bel hôtel, près d’Union Square, le centre du centre. Hôtel de France. Le drapeau tricolore et le Stars and Stripes flottent gaiement ensemble à l’entrée.
« le patron est français, d’Orléans, c’est un de mes clients et il a créé son hôtel il y a juste 50 ans. »
On franchit la porte d’entrée et là c’est le choc !
Tout, absolument tout est dédié à Jeanne d’Arc. Normal, le boss est natif d’Orléans. Pas un espace, où Jeanne, sous toutes les formes possibles et imaginables, ne soit présente ! Portraits, bustes en plâtre ou en bronze, statues grandeur nature, tableaux, tapis, fauteuils, abat-jours, verres, dessous de verre, tasses à café, assiettes, nappes, couvercles de toilettes… Chaque chambre à son thème : Les voix, Domrémy, la guerre contre les Anglois, Orléans, le procès et même le bûcher…
« Les Américains adorent, nous dit le jeune manager français, et ils en redemandent ! On va prochainement mettre une mosaïque consacrée à Jeanne d’Arc sur le trottoir devant la porte d’entrée. La mairie est d’accord. »
Janis of Port Arthur a-t-elle dormi dans cet hôtel ?
May be, may be not…

croissant usa

calamity jane

UN QUATUOR EN FEMMES MAJEURES, COLETTE ET LES SIENNES

Colette et les siennes : en 1914, Colette invita dans sa demeure parisienne trois amies à venir partager sa vie et briser sa solitude après le départ de son époux, Henry de Jouvenel, mobilisé sur le front des hostilités. Les quatre femmes, une romancière, une actrice, une danseuse et une journaliste ont alors formé une singulière communauté artistique et littéraire, une petite thébaïde où a soufflé un vent d’insolite et insolente liberté de vivre, de penser et d’aimer. Et la plume de Dominique Bona fait merveille pour capter tous les moments forts, heureux ou dramatiques, de cette magnifique et indéfectible amitié féminine.

COLETTE ET LES SIENNES BONA

Août 1914 : la guerre éclate, qui vide villes et campagnes de tous les hommes en capacité d’aller affronter l’ennemi. Madame de Jouvenel des Ursins, autrement dit Colette, romancière, journaliste, mais aussi danseuse de music-hall, reste seule dans sa demeure aux allures étranges de chalet alpin, au 57 de la rue Cortambert, à Passy, entre Trocadéro et Muette, dans le chic XVIe arrondissement de la capitale. Son mari d’alors, Henry de Jouvenel, rédacteur en chef du « Matin », n’est plus là bien sûr, parti au front lui aussi, comme tant d’autres, jeunes ou moins jeunes. Colette, qui déteste la solitude, offre son hospitalité à trois de ses meilleures amies, toutes, ou presque, quarantenaires comme elle, crânes et intrépides comme elle aussi : Marguerite Moreno, la comédienne, épouse du poète Marcel Schwob, la journaliste Annie de Pène, sa « sœur en confidences » et son « Annie d’enfance » dit-elle joliment, épouse d’un rugueux patron de presse, Gustave Téry, enfin Musidora, dite Musi, sa fille de cœur, très jeune femme et sculpturale actrice, adulée des surréalistes, rendue célèbre par ses suggestifs collants noirs qui affolent la gent masculine dans les films de vampires de Louis Feuillade.

COLETTE ET LES SIENNES
Colette (1873-1954)

La maison se fait gynécée ou « phalanstère », écrit Colette, très organisée au demeurant : Colette nettoie la maison, Marguerite lave le linge, Musi fait la cuisine et Annie le marché. Mais elles aiment avant tout à se retrouver pour parler art, musique, théâtre, cinéma, littérature, poésie, et amour bien sûr.

Entre les quatre femmes, il n’y a que douceur et câlineries […]. Elles chantent, elles dansent, elles écrivent.

et le quatuor, animé d’une totale et irrévérencieuse indépendance, opte pour une liberté et un mode de vie et de pensée d’un non-conformisme absolu qui va choquer à une époque et dans un milieu social corsetés. Nos quatre femmes, libres et souveraines, arborent audacieusement cheveux courts, vêtements sans contraintes, voire pantalons et chemises d’homme, se baignent nues quand elles s’échappent vers les rives marines et malouines de « Rozven », refuge breton de Colette, et mènent des vies amoureuses multiples avec amants ou maîtresses sans souci de l’état civil et du qu’en-dira-t-on.

COLETTE ET LES SIENNES
Colette, Annie de Pène (1871-1918), Marguerite Moreno (1871-1948), Musidora (1889-1957)

Toutes travaillent d’arrache-pied, car il faut bien survivre en ces difficiles temps de guerre, dans leur domaine propre, le music-hall, le théâtre, le cinéma, ou la presse. Et ces femmes de cœur et d’esprit ne manquent pas non plus de courage, physique et moral, quand il s’agit d’aller faire des reportages dans les tranchées, comme Annie de Pène, de se faire infirmière pour soigner les blessés de la guerre comme Marguerite Moreno, ou de retrouver clandestinement et au péril de sa vie, comme le fit Colette, les bras de son héros de mari, Henry de Jouvenel, qui se bat sur le front.

Un violent orage sur Paris, un jour de 1916, viendra à bout de la structure du chalet de Passy et éparpillera le quatuor. La petite bande continuera de se rencontrer malgré tout, après cette date et longtemps encore après la guerre, assidument et amoureusement, toujours dans le périmètre du XVIe arrondissement devenu « carte du Tendre ». Avec des fortunes diverses : la malheureuse Annie de Pène sera la victime en 1918 de la ravageuse grippe espagnole, Marguerite Moreno continuera sa carrière de comédienne, enfin reconnue, jusqu’à la veille de sa disparition en 1948, la « vamp » Musidora vieillira, hélas, « dans la dèche et l’oubli » et Colette achèvera sa vie au firmament de la gloire littéraire, avec des funérailles nationales à la clé que seuls ignoreront nos hiérarques de l’Église de France chez qui, on s’en doute, « l’ingénue libertine » n’avait jamais été en odeur de sainteté.

MUSIDORA

Ces vies mêlées, libres et insoumises, indéfectiblement fidèles les unes aux autres, ont été comme un hymne au bonheur et au plaisir qui célèbre la vie et dédaigne la mort. « D’ailleurs la mort ne m’intéresse pas, disait Colette, et surtout pas la mienne ».
Un très beau livre de la biographe et romancière Dominique Bona.

Lire un extrait ici.

Colette et les siennes, Dominique Bona. Éditions Grasset. Parution 1er mars 2017. 432 pages. 22 €.

 

 

AUX SOURCES DE L’UTOPIE NUMERIQUE OU L’AVENTURE LIBERTAIRE DES RESEAUX

Il est des acteurs de la Toile devenus célèbres, voire emblématiques, tels Bill Gates ou Steve Jobs. Et d’autres dont l’existence et le rôle sur le net sont restés méconnus. C’est typiquement le cas de Stewart Brand, que le livre de Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique, de la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence, dévoile au grand public.

L’utopie, ça réduit à la cuisson. C’est pourquoi, il en faut énormément au départ.
Gébé.

Stewart Brand n’est pas un inventeur du net mais un « passeur », aidé en cela par ses multiples compétences (biologiste, photographe, designer, vidéaste, journaliste, enseignant…) et qui a pu ainsi lancer plus aisément des ponts entre les chercheurs, les artistes, les sociologues, les ingénieurs, les managers.

AUX SOURCES DE L'UTOPIE NUMERIQUE

Formé, entre autres, à l’Université de Stanford (où il découvrira les liens entre cybernétique, théories de l’information et biologie), Stewart Brand fera aussi partie de cette jeunesse des années 50 et 60 qui vivra la Guerre froide puis le conflit vietnamien et les premières contestations étudiantes. Cette vague protestataire donnera naissance aux mouvements hippies et à une contre-culture animée par des communautés libres, que Fred Turner appelle « les nouveaux communalistes ». De cette contre-culture, à vrai dire plus artistique que politique, émergera l’idée d’une expérimentation d’une société en réseaux.

En 1966, Stewart Brand participera lui-même à l’organisation de rassemblements de collectivités marginales quelque peu « déjantées », comme le « Trips festival », où l’on verra se dessiner l’intérêt de ces groupes pour des outils technologiques de communication, dont beaucoup ont été conçus par et pour les militaires en pleine Guerre froide.

STEWART BRAND
Steward Brand né en 1938 en Illinois (USA)

Entre les années 60 et 90 Stewart Brand, sorte d’agent de liaison, formera ainsi « un réseau de personnes et de revues qui furent à l’initiative d’une série de rencontres entre les milieux bohêmes de San Francisco et la Silicon Valley, carrefour technologique naissant » (Dominique Cardon, préfacier de l’ouvrage).

WHOLE EARTH CATALOG

Stewart Brand publiera en 1968 le Whole Earth Catalog, propositions hétéroclites de matériels et d’objets bon marché, de livres, d’idées et de conseils, et parfait manuel du « do-it–yourself ». Le catalogue fournira « des outils d’accès et d’éducation pour que les lecteurs puissent trouver leur propre inspiration, former leur propre environnement et partager leurs aventures avec quiconque était intéressé pour le faire » (Stewart Brand). Une forme d’interactivité prendra ainsi corps et le succès du livre sera phénoménal avec un million d’exemplaires vendus. Steve Jobs, en juin 2005 à l’université de Stanford, comparera le Whole Earth Catalog au moteur de recherche Google : « Dans ma jeunesse, il y avait une publication incroyable intitulée Whole Earth Catalog, qui était une des bibles de ma génération… C’était un peu comme Google en format papier, 35 ans avant l’existence de Google. C’était une revue idéaliste débordant d’outils épatants et de notions géniales ».

WELL STEWART BRANT

En 1985, nouvelle étape : Stewart Brand fondera le WELLWhole Earth ‘lectronic Link »), outil interactif et système de téléconférence basé sur un ordinateur central à partir duquel on pouvait communiquer en ligne et en temps réel sur l’art, la santé, les affaires, les loisirs, la spiritualité, la musique, la politique, les logiciels…
Au même moment, c’est le monde économique qui prendra le virage de l’interactivité numérique: les grands groupes industriels, intéressés par les initiatives de Stewart Brand et la liberté de pensée et d’organisation qu’elles développent, voudront faire de ces outils d’échange sur la Toile des instruments susceptibles d’alimenter et d’enrichir les objectifs et l’idéal de l’économie libérale. Ils solliciteront les conseils du « pionnier » Stewart Brand lui-même qui se mettra à leur service. «Il s’agit d’aider les cadres d’entreprises à modéliser et gérer leur vie personnelle dans une économie post-fordienne» se justifiera-t-il.

GLOBAL BUSINESS NETWORK
best concept of global business

Dans ce but, Stewart Brand lancera en 1987 le Global Business Network qui mettra en contact les cadres de l’industrie avec des futurologues, des philosophes, des sociologues, des chercheurs en organisation et leur permettra de « redéfinir le mode d’organisation des grandes entreprises en libérant à certains de leurs salariés des marges d’autonomie et en les invitant à travailler de façon horizontale en s’ouvrant à des savoirs multiples et hétérogènes… [Ces séminaires] pour cadres dirigeants installent le culte du réseau, de la transversalité. Ils vont accompagner le tournant des méthodes de management qui clôt l’ère fordiste du capitalisme industriel.» (Dominique Cardon). Le magazine « Wired », créé en 1993, toujours avec l’aide de Stewart Brand, deviendra la bible des adeptes de cette nouvelle forme d’organisation économique.

WIRED STEWART BRANT

Au final, et paradoxalement, la contre-culture utopiste et libertaire des « communalistes » et autres hippies californiens, qui a tracé la voie d’une libre expression des individus en réseaux sur internet, a aussi «fait le lit d’un ensemble de thématiques libérales qui donnera corps aux politiques de dérégulation des années 90 […]. La contre-culture est ainsi devenue le plus formidable ressort de l’expansion du capitalisme digital. » (Dominique Cardon).
Ouvrage riche et instructif, à lire absolument pour qui veut mieux connaître la genèse des réseaux sur la Toile.

Aux sources de l’utopie numérique : De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d’influence par Fred Turner. Traduit de l’anglais par Laurent Vannini. 32 €. 432 pages. Décembre 2012.

ISBN 978-2-915825-10-7
EAN 9782915825107

Vous pouvez vous procurer le livre ici.

FRED TURNER

L’auteur : Fred Turner

Fred Turner, après avoir été journaliste à Boston pendant dix ans et enseigné au MIT ou à Harvard, est actuellement professeur et directeur des études au département des sciences de la communication de l’Université de Stanford.

ENTRETIEN VIDEO. LAURENT GOUNELLE VOUS PROMET LA LIBERTE

Avec son nouveau roman à suspense, Je te promets la liberté, Laurent Gounelle vous entraîne au cœur d’une histoire exaltante dans laquelle vous allez vous perdre et… vous retrouver. Les lecteurs de Laurent Gounelle sont invités au Café littéraire du Forum du Livre de Rennes pour acquérir son livre (pour ceux qui ne l’auront pas encore fait), échanger avec l’écrivain et obtenir une dédicace personnalisée. Rendez-vous le vendredi 7 décembre à 18h au Centre de la Visitation.

laurent gounelle liberté
Je te promets la liberté vous installe dans la peau d’une jeune femme qui n’est pas sûre d’elle… l’héroïne de cette histoire, Sybille Shirdoon, travaillait il y a cinquante ans à bord d’un bateau appelé le PygmaLyon. Son patron, Charles, lui laisse dix jours pour sauver son poste, le convaincre qu’elle a sa place en tant que directrice du bateau et obtenir des résultats financiers. Le soir même, votre conjoint vous laisse entendre que votre couple n’en a plus pour longtemps… Dans les deux cas, on vous reproche votre personnalité, mais qu’y pouvez-vous ? Le soir même, elle rencontre Rémy Marty, un ancien camarade de fac qui lui révèle qu’il est possible d’obtenir une autre personnalité par l’hypnose. Va-t-elle aller à la rencontre du grand maître d’une confrérie héritière d’un savoir ancestral ? La perspective est tentante…

Confrontée à l’échec, à la séparation, à la trahison, mais aussi au bonheur, à la joie, à l’amour,  Sybille Shirdoon s’embarque alors dans un chemin extraordinaire vers la découverte de soi et des autres.

– Quand vous découvrez les types de personnalités, vous comprenez de l’intérieur comment fonctionnent les personnes dotées de telle ou telle personnalité. Et comme inévitablement vous apprenez à les reconnaître, cette connaissance de leur fonctionnement vous donne un certain pouvoir. Si vous connaissiez les neuf types, votre pouvoir serait énorme, car vous disposeriez d’une cartographie complète de la psyché humaine. Beaucoup rêveraient de disposer d’un tel pouvoir… Ce n’est pas à mettre entre toutes les mains. (Je te promets la liberté, p. 138)

Un roman qui vous entraîne à la recherche des clés de votre épanouissement et de votre réussite. Doit-on réellement changer de personnalité pour mieux s’adapter aux autres ? Mais comment définissons-nous notre personnalité ? La réponse vous sera apportée le vendredi 7 décembre au Forum du Livre de Rennes par l’auteur de Le jour où j’ai appris à vivreL’homme qui voulait être heureuxEt tu trouveras le trésor qui dort en toiLes dieux voyagent toujours incognitoLe philosophe qui n’était pas sage. Par Laurent Gounelle.

Vous pouvez réserver gratuitement des sièges par mail à l’adresse suivante : contact@librairieforumdulivre.fr ou par téléphone (02 99 79 38 93) ou dans le magasin au niveau du retrait des commandes.

laurent gounelle

Les livres de Laurent Gounelle sont tous des best-sellers, traduits dans le monde entier.

Rencontres :

VANNES – Librairie Cheminant
Vendredi 9 novembre de 19h à 20h30
Librairie Cheminant – 9 Rue Joseph le Brix, 56000 Vannes

NANCY – Hôtel de ville, en partenariat avec la librairie Le Hall du livre
Mardi 20 novembre à 18h
Hôtel de ville de Nancy – Salle Mienville
Pour tout savoir sur la rencontre, rendez-vous sur la page Facebook de l’événement

STRASBOURG – Librairie Kléber
Mercredi 21 novembre de 16h à 19h
1 rue des Francs-Bourgeois
67000 Strasbourg

NANTES – Espace Culturel Leclerc
Vendredi 23 novembre de 17h30 à 19h
Espace Culturel Leclerc Paridis – 14 route de Paris, 44300 Nantes

LIMOGES – Opéra de Limoges
Lundi 26 novembre de 18h30 à 20h30
Opéra de Limoges – 48 rue Jean Jaurès, 87000 Limoges

MARSEILLE – Château de la Buzine
Mardi 4 décembre à 18h30
Château de la Buzine – 56 Traverse de la Buzine, 13011 Marseille
En partenariat avec l’association Parlez-moi d’un livre et la librairie Prado Paradis
Réservation directement auprès du Château de la Buzine en cliquant ici .

SAINT CYR SUR MER – Maison de la presse
Mercredi 5 décembre de 15h00 à 17h
La Presse du Centre – 6 rue de la République – 83270 Saint-Cyr-sur-Mer

TOULON – Théâtre Le Colbert
Mercredi 5 décembre à 18h30
Théâtre Le Colbert – 34, Rue Victor Clappier, 83000 Toulon
Organisé en partenariat avec la librairie Charlemagne
Participation : 5€ (6.20€ frais techniques compris pour la réservation en ligne)
Billetterie : http://librairiecharlemagne.billetterie.webgazelle.net/

RENNES – Forum du livre
Vendredi 7 décembre à 18h
11 Rue de la Visitation – 35000 Rennes

BREST – Librairie Dialogues
Mardi 11 décembre à 18h
Librairie Dialogues – Parvis Marie Paul Kermarec, 29200 Brest

QUIMPER – Librairie Ravy
Mercredi 12 décembre de 20h à 22h
Librairie Ravy – 10-12, Rue de la Providence, 29000 Quimper

LE MANS – Librairie Doucet
Vendredi 14 décembre à 17h30 à 19h
Librairie Doucet – 66, AV du Général de Gaulle, 72000 Le Mans

BORDEAUX – Librairie Mollat
Vendredi 21 décembre de 18h à 20h
Librairie Mollat – 15, rue Vital-Carles, 33000 Bordeaux

Communiqué publicitaire

MAYWAY MARQUE BRETONNE DE VETEMENTS ECORESPONSABLES

Aux oubliettes les démangeaisons et les tissus qui grattent avec MayWay, des créations made in Bretagne ! Depuis un an et demi, Morgane DENNIELOU propose du prêt-à-porter alliant la mode et le développement durable. Bienvenue dans l’univers doux et écoresponsable de la créatrice.

Morgane Dennielou
Morgane Dennielou, créatrice de MayWay

Rien ne prédestinait Morgane Dennielou au monde de la mode. Après 10 ans passés dans le milieu de la banque, elle choisit de prendre un virage à 360° et se tourne vers la création de vêtements. À l’origine de cette reconversion professionnelle, une seule raison : l’impact des tissus parfois nocifs sur les peaux sensibles.

mode ecoresponsable may way

Des vêtements pour lutter contre les agressions de la peau ?

« Depuis l’enfance, j’ai rencontré de nombreux problèmes de peau à tel point qu’un simple vêtement pouvait devenir inconfortable. Les coutures, les étiquettes et les formes pouvaient être insupportables. Ayant du mal à trouver des vêtements qui me correspondaient vraiment, j’ai décidé de les créer ». Au fil des salons qu’elle visite et des cours qu’elle prend, la marque MAYWAY se concrétise.

mode ecoresponsable may way

Dans un style décontracté, mais chic, Morgane Dennielou propose une marque de vêtements écoresponsables « avec des matières nobles et naturelles respectueuses de la peau et de l’environnement ». MAYWAY s’adresse particulièrement à toutes les personnes qui développent des problèmes de peau ou se sentent agressées par les tissus parfois rêches.

« Les créations Mayway apportent douceur, confort et bien-être à celles qui ont des peaux sensibles et exigeantes »

mode ecoresponsable may way

Pourquoi « MAYWAY » ?

Courte et simple à retenir, la signification de MAYWAY est remplie de poésie. Littéralement « le chemin de mai », la marque se veut synonyme de douceur, comme la brise printanière qui effleure la peau. « Je cherchais un nom de marque à consonance anglophone plutôt que française ». À l’image des vêtements qu’elle propose, MAYWAY symbolise le renouveau.

Seuls les connaisseurs remarqueront que le logo de la marque fait une subtile référence au point de couture qu’elle utilise dans la conception de ses modèles.

mode ecoresponsable may way

L’alliance de la mode et du développement durable

Depuis un an et demi maintenant, Morgane Dennielou a fait de sa priorité l’utilisation de tissus respectueux de l’environnement et des peaux sensibles pour un style homewear éthique, « décontracté, mais chic. MAYWAY est l’alliance du style et du confort ». Pour se faire, les créations ne sont volontairement pas près du corps afin de donner une aisance aux porteurs. Que ce soit les emmanchures kimono, les encolures, les coutures plates et l’absence d’étiquettes, tout est étudié pour un confort optimal et un minimum de démangeaison.

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Qu’il s’agisse de la combinaison noire, de la robe grise ou du jogging et du sweat de la même couleur, Morgane propose des basiques sans fioritures réalisés à partir de matières écologiques, biologiques, naturelles ou recyclées labellisées pour la plupart GOTS*. « Le but est vraiment de proposer des basiques intemporels afin que tout le monde s’y retrouve ».

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Cette marque haut de gamme reste dans un style intemporel autant dans la coupe que dans la couleur. « L’idée est de ne pas démultiplier les modèles, qu’ils restent simples pour une accessibilité budgétaire pour le plus grand nombre ! Plus une créatrice passe du temps sur un vêtement, plus le prix de ce dernier sera élevé ».

« Le souhait encore une fois est de rester dans le naturel donc il en va de même pour les couleurs. J’aimerais développer l’écru, car c’est la couleur naturelle du tissu ». Le tee-shirt blanc est d’ailleurs un de ses produits phares. Modèle qui a son pendant masculin. Un sweat et un pantalon devraient prochainement venir compléter la collection Homme.

mode ecoresponsable may way

Comme un subtil petit clin d’œil à la marinière, Morgane a développé l’an passé une tenue estivale rayée qu’elle compte bien renouveler l’été prochain au vu du succès qu’elle a rencontré. « La rayure représente l’image de la marque bretonne, mais pas seulement. C’est devenu au fil des collections un intemporel et classique. C’est bien entendu une référence à la marinière, mais sans réelle volonté de s’inspirer de la mode bretonne ».

mode ecoresponsable may way

Où trouver la marque MAYWAY ?

Sur le site MAYWAY, vêtements doux

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© Antoine Borzeix

Dans les magasins :

ÉCUME ET COTON : 23 Rue de l’Église, 22500 Paimpol
LE SHOWROOM ETIK : 21 Passage du Commerce, 79000 Niort
L’HABIT FAIT LE MOI : 20bis Rue de Siam, 29200 Brest
Comptoir Saint-Rémi : 58 rue Saint-Rémi 33000 Bordeaux

Sur diverses plates-formes Internet comme Dream’act, Dressing responsable ou From Breizh

Où les contacter ?

MAYWAY
Port de commerce
29200 Brest

07 82 80 28 33

contact@mayway.fr

MAYWAY BIO

* Référence mondiale sur l’évaluation des fibres biologiques, de la récolte de matières premières à la vente des vêtements. Elle intègre des critères sociaux et environnementaux, comme : Les intrants critiques comme les métaux lourds toxiques, formaldéhyde, solvants aromatiques, nanoparticules fonctionnelles, organismes génétiquement modifiés (OGM) et leurs enzymes sont totalement bannis / Les agents blanchissants doivent être à base d’oxygène (pas de chlore) / Les colorants azoïques libérant des composants aminés carcinogènes sont interdits / Les méthodes d’impression utilisant des solvants aromatiques et les méthodes d’impression plastisol utilisant des phtalates et PVC sont interdits / Les matériaux des emballages ne doivent pas contenir de PVC / Élimination du travail forcé / Abolition de travail des enfants / Suffisance des salaires / Horaires de travail décents.

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