À l’occasion des Dimanche aux Champs libres, les Rennais sont nombreux à redécouvrir ou à découvrir l’endroit. Ce n’est pas sans surprise pour certains. « Je ne décolère pas, » peste un Rennais. « En visitant l’équipement culturel, j’ai découvert les luminaires. C’est beau, mais c’est cher. Je ne comprends pas pourquoi la ville met autant d’argent dans des lampes (environ 150 euros en magasin) à l’heure où l’on cherche à faire des économies (voir notre article ci-dessous). »
Renseignement pris, la boutique très chic, Formes nouvelles, est bel et bien l’aménageur des « Champs libres » de Christian de Portzamparc et de l’hôtel d’agglomération de Berger et Anziutti. L’information est confirmée noir sur blanc sur le site internet du vendeur. « C’est très bien pour le commerçant, » indique l’habitant. « En revanche, je ne suis pas certain que, pour le contribuable, ce soit une bonne chose, » ajoute-t-il.
La ville de Rennes a-t-elle eu une idée lumineuse en confiant son aménagement à Formes nouvelles ? Entre images de marque et économie, notre cœur balance forcément. Depuis 1972, Fole designer présente à Rennes les créations de Eames, Castiglioni, Laverne, Le Corbusier, Gae Aulenti… Désormais, les collections de Ron Arad, Jean Nouvel, Philippe Starck des frères Bouroullec et Campana sont venues compléter les collections d’origine sur un espace de 380m2, à deux pas du métro République.
Jean-Christophe Collet
L’Agence Locale de l’Énergie et du Climat du Pays de Rennes organise aujourd’hui, 5 mars 2012 une journée « l’éclairage dans les commerces » . Elle est montée dans le cadre du programme MDE ( Maîtrise de la Demande en Electricité (MDE) Commerces, en partenariat avec l’ADEME, la Région Bretagne, la CCI et la CMA.L’objectif européen et national de réduction par 4 des émissions de CO2 d’ici 2050 passe par des évolutions sociétales et technologiques importantes, quels que soient les secteurs d’activités. Au-delà de cet impératif, la question de la consommation d’électricité en Bretagne se pose comme un enjeu majeur.
Quarante-trois toiles inédites du peintre Henri Martin (1860-1943), récemment redécouvertes dans la capitale rennaise, seront vendues aux enchères à Rennes le 1er avril prochain. À Cahors, où il existe un Musée de l’artiste, on regarde cette vente de très près…
La ville de Cahors et le Musée Henri-Martin comptent acquérir tout ou partie des 43 toiles peintes entre 1892 et 1902. Mais tout ne serait pas gagné. « Nous avons appris cette possibilité assez récemment, a indiqué Jean-Marc Vayssouze, le maire de Cahors dans les colonnes de la Dépêche du Midi. «C’est vraiment une opportunité historique de légitimer nationalement notre musée , » a-t-il ajouté.
Appelant à une mobilisation générale de l’État, du conseil général du Lot, de la région Midi-Pyrénées et des Cadurciens, le maire tient à mettre toutes les chances de son côté. «Une réunion publique ouverte à tous se déroulera à l’hôtel de ville, salle… Henri-Martin, le 9 mars, à 18 heures. Ce sera l’occasion d’imaginer un tour de table et de réunir les bonnes volontés susceptibles de participer au financement.»
Le jour de la vente, l’Etat pourra exercer son droit de préemption pour le compte de la ville. S’il le souhaite, il pourra tout ou une partie de la collection, après la dernière enchère. « Mais je ne souhaite pas faire n’importe quoi, a précisé Jean-Marc Vayssouze. Nous sommes en période de crise et je me suis fixé une limite au-delà de laquelle il serait irresponsable d’aller.»
« Les tableaux forment un ensemble cohérent »
L’Etat déboursera-t-il une somme comprise entre 1,5 à 2 millions d’euros pour acheter les 43 peintures ? Sera-t-il soutenu par une souscription publique ? La ville de Cahors entend bien décrocher cette aide. Car cette acquisition conforterait dans le même temps son projet de rénovation de son Musée, évalué à cinq millions d’euros.
Les toiles datées entre 1892 et 1903 ont été retrouvées par les commissaires-priseurs rennais au cours d’un inventaire dans un appartement du centre de Rennes. Elles étaient pieusement conservées par les descendants du collectionneur et magistrat Paul Riff, décédé en 1929. Quatre des tableaux sont dédicacés, soit à Paul Riff lui-même, soit à son épouse ou à leur fille Pauline.
« Ces œuvres sont dans un état de conservation remarquable – a noté dans la Dépêche, Laurent Guillaut, conservateur en chef du Musée Henri Martin – Toutes les peintures sont intactes, nettoyées et même désoxydées. Je n’ai relevé aucune trace de déformation, ni de griffures. Les tableaux ont été encadrés par un ami d’Henri Martin. Ils sont vraiment dans un excellent état et forment un ensemble cohérent.»
Jean-Christophe Collet
Henri Martin, né à Toulouse et mort à Labastide-du-Vert (Lot) où il est enterré depuis 1943, était très en vogue sous la IIIe République (c’était l’époque de l’art pompier). Ses réalisations sont présentes dans de nombreux édifices publics, en particulier à Paris (palais de l’Élysée, Conseil d’État, Hôtel de Ville, Sorbonne, etc.). Il a également effectué des portraits de plusieurs personnalités de son époque : Anatole France, Emile Zola ou Sadi Carnot. La collection sera exposée à Paris du 12 au 24 mars, puis à Rennes du 28 au 31 mars
Ron Arad, Jean Nouvel, Philippe Starck des frères Bouroullec et Campan
La sénatrice UMP Chantal Jouanno, ex-ministre des Sports, vient de remettre son rapport à Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale. Elle dénonce le phénomène d’hypersexualisation des petites filles. Son intitulé parle de lui-même : Contre l’hypersexualisation, un nouveau combat pour l’égalité. Konrad Lorentz n’est pas loin…
Soutiens-gorge pigeonnants, mascara, liner, string bien en vue, des lolitas de 10 ans se déhanchent en minaudant pour séduire leur public… Phantasme de pédophile ? Non, concours de minimiss… Un récent phénomène de société voit une hypersexualisation galopante des jeunes filles prépubères. Concrètement, il s’agit d’une sexualisation des codes vestimentaires et des expressions corporelles et faciales ainsi que de goûts personnels allant jusqu’à la possession de sextoys ou la vision de films pornographiques.
Comment cette tendance s’explique-t-elle ? Comme toujours, c’est une conjugaison de phénomènes au service de la promotion d’une image de soi réduite à une apparence stéréotypée. Industrie de la mode, médias, téléréalité – tous s’en donnent à coeur joie pour briser le développement psychoaffectif de jeunes pousses. Comment ? A l’aide de miroirs aux alouettes et leur cortège d’argent facile et de sexualité misérable.
Résultat : une multiplication d’enfants qui peinent et peineront à se construire une identité intérieure viable et heureuse. Mais allons, réjouissons-nous pour la poignée de jeunes starlettes qui réussiront leur vie en se mariant avec un richissime héritier ou un prince demeuré. Potiche, par temps de crise, c’est plutôt cool.
Mesures radicales préconisées par Chantal Jouanno : interdiction des concours de minimiss aux mineurs au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant et de la dignité de la personne humaine », rédaction d’une « charte de l’enfant » afin « d’éclairer les pouvoirs publics et le juge dans la mise en œuvre de ces principes » et rétablissement de l’uniforme en primaire.
Les Victoires de la Musique, sous la baguette d’Alexandra Sublet, récompense lors d’une cérémonie longue, très longue les musiciens français de l’année. Cette année, Catherine Ringer et Hubert-Félix Thiéfaine, ont décroché la palme. Parmi les récompensés, Laurent Thessier qui fut jadis Rennais.
A défaut de voir un groupe rennais monté sur la plus haute marche du podium, les Bretons se consoleront avec la victoire de Laurent Thessier dans la catégorie DVD musical. Pour son film Les Saisons de passage (reportage sur la tournée de Mathieu Chédid), il a eu le droit au petit bisou de la présentatrice et les applaudissements de la salle.
Daurant son adolescence, Laurent Thessier arpentait les couloirs du lycée Jean-Macé de Rennes. Il ne passait pas inaperçu sous le préau de l’établissement rennais. Sa grande silhouette et son look déjà « branché » lui permettaient de gagner bien des suffrages…cette fois-ci féminin.
Monté à la capitale, Laurent Thessier est devenu journaliste, animateur de télévision et réalisateur français. On l’a beaucoup vu aux côtés de Thierry Ardisson sur Paris Première entre 1997 et 2004. Il fut également animateur du magazine musical Vlam (Vive la Musique) sur France 5.
Sous la casquette de réalisateur, il a tourné pour le Journal du cinéma sur Canal + et Plus vite que la musique sur M6. En 2004, il filme Zazie à Bollywood, un documentaire de cinquante-deux minutes. L’année suivante, Laurent Thessier signe le DVD de l’album De L’Aube à l’Aurore du chanteur Mathieu Chedid. Il tournera également les coulisses du spectacle L’Histoire d’un soldat rose de Louis Chedid dans un documentaire du même nom, diffusé sur France 5, en 2006. Le moins que l’on puisse dire, c’est que M lui porte chance…
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Laurent Thessier a signé The Conran Shop volume 2 (2001), une compilation de quinze titres electro pop pour Sir Terence Conran.
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L’auteur d’une vidéo s’est vu informer par YouTube que la bande-son qu’il utilisait était protégée par le droit d’auteur. Pourtant, il n’a fait que filmer une vidéo en pleine nature, où l’on pouvait entendre le chant des oiseaux.
Peut-on revendiquer des droits d’auteur sur des chants d’oiseaux ? La réponse est évidemment non, et pourtant c’est ce qu’a fait la société Rumblefish, spécialisée dans la vente de licences de bandes musicales. Sur Slashdot, Eeplox explique qu’il a l’habitude de publier sur YouTube des vidéos prises dans la nature, et qu’il n’y ajoute jamais de piste musicale. Mais lorsqu’il a publié sa dernière vidéo, YouTube l’a informé qu’il utilisait du contenu protégé par Rumblefish. Ce dernier est détecté automatiquement par les algorithmes Content ID de Google.
Plutôt que de bloquer les vidéos qui utilisent son contenu, Rumblefish propose aux utilisateurs de YouTube d’afficher des publicités. Tous les revenus générés par ces publicités lui sont alors reversés, après commissionnement de Google, pour payer la licence d’exploitation de la chanson. L’auteur de la vidéo ne touche rien. Sauf qu’en l’espèce, les seuls sons que l’on peut entendre sur la vidéo sont la voix de Eexplox et le chant des oiseaux qui l’entourent.
L’auteur de la vidéo a donc contesté les prétentions de Rumblefish, qui a été invité par YouTube à vérifier ses allégations. Ce qu’elle a fait. La société confirme détenir des droits sur la piste audio de la vidéo !
Sur les forums d’entraide de YouTube, un internaute très actif sur la plateforme de vidéos de Google assure que « c’est une erreur bien connue », et même qu’une « personne a dû déposer plus de 100 recours pour des sons d’oiseaux erronés ». Or, « pour je ne sais quelle raison, Google renâcle à corriger ça ce qui fait que des entreprises comme Rumblefish en profitent pour gagner frauduleusement de l’argent », ajoute-t-il, sans oublier d’ajouter que Google lui-même tire des revenus des publicités affichées. Il explique que les sociétés qui reçoivent des contestations par les internautes sont censées vérifier manuellement le contenu des vidéos sur lesquelles elles prétendent détenir des droits, mais que « Rumblefish est l’une des nombreuses sociétés qui confirment automatiquement le contenu », quel qu’il soit.
Juridiquement, le problème est que le système Content ID ne s’appuie pas sur le DMCA américain (l’équivalent de notre LCEN française), qui condamne le fait de prétendre à tort détenir des droits d’auteur sur une oeuvre signalée à un hébergeur. Google et Rumblefish agissent selon un contrat privé, du même type que celui qui avait permis le retrait de la chanson de MegaUpload à la demande d’Universal Music, quand bien même Universal n’avait aucun droit sur cette chanson.
Favoris de ces dernières semaines, Catherine Ringer et Hubert-Félix Thiéfaine n’ont pas fait mentir la rumeur. Ils ont glané davantage de suffrages que Nolwen Leroy, Zaz ou Camille et son splendide album Ilo Veyou ou, encore, Thomas Dutronc et le pimpant Julien Clerc. Des 27e Victoires de la musique à la hauteur de leur choix malgré une faible audience et une cérémonie qui tirait un peu en longueur.
On se réjouit de ce choix de personnalités tout à la fois originales et inscrites depuis des décennies dans le paysage sonore français. Ring’n’roll et Suppléments de mensonge sont à la fois des albums de maturité (maturité accouchée dans la douleur) et d’une puissance évocatrice à faire pâlir les jeunes poulains. Dans Ring’n’roll, la variation sur la 5e de Malher, intitulée du nom du compositeur néo-romantique, est éblouissante, fragile comme les plus beaux moments de la vie amoureuse. Avec Suppléments de mensonge, Thiéfaine semble faire une pause après une vie solitaire entourée de mystères passée dans un train qui déraille de loin en loin en direction de l’ailleurs.
En 2008 est apparu un bien curieux projet : l’idée d’un ordinateur minuscule, consommant très peu d’énergie, très abordable (entre 20 et 35 $ maximum) et capable d’utiliser des applications modernes. Si le projet a mis énormément de temps pour passer du stade du prototype à la production, laissant même parfois croire au Vaporware (typique d’un matériel ou d’un logiciel extrêmement prometteur, annoncé, toujours retardé et jamais sorti…) il n’en est rien : le Raspberry Pi est disponible sous peu pour 25 € !
Pour que vous compreniez bien de quoi on parle ici, il faut bien sûr que vous imaginiez que ce mini ordinateur n’a pas des performances comparables à un ordinateur de bureau valant 10 fois plus cher.
Mais ces capacités sont tout de même impressionnantes pour un tarif si peu élevé et une si petite taille.
Vous pouvez par exemple vous en servir comme MediaCenter, car le Raspberry Pi est capable de faire tourner des vidéos en Full HD en 1080p sans aucun problème :
Pour vous donner un point de comparaison, habituellement les ordinateurs capables de telles prouesses coûtent au moins 250/300 €.
Pas intéressé ? Un petit peu de jeu vous éclairera sur les capacités de cette petite bête :
Ajoutons en plus les possibilités du Raspberry Pi de pouvoir utiliser des émulateurs, et vous obtiendrez une toute petite console capable de vrais miracles.
Sa petite taille lui permettra d’être intégré à de nombreux objets, et son ouverture vers Linux lui offre une énorme flexibilité d’usage.
Que reprochez à la bête finalement ? Et bien rien du tout, si ce n’est que les stocks sont encore bien minces, et qu’il va falloir batailler ferme pour arriver à se procurer un Raspberry Pi.
Le Cherche-bonheur, sobriquet évocateur et ô combien prometteur pour un camping-car ! C’est à son bord que John et Ella entreprennent leur dernier périple. Tous deux en fin de parcours, ils bravent les oppositions familiales et médicales pour respirer leurs dernières bouffées d’oxygène et de liberté. L’histoire de ce récit, c’est celle du verre à moitié vide ou à moitié plein.
Le lecteur pourra ressentir cette histoire comme un hymne à la vie, une belle invitation à appliquer la sage maxime du carpe diem. Il plongera alors dans une épopée tragicocomique aux côtés de deux petits vieux qui se connaissent depuis tant d’années que même le silence est devenu une forme de communion entre eux. Plein de tendresse et joyeusement pimenté par un humour caustique, Le Cherche-bonheur a des accents évocateurs de voyage initiatique qui se termine en apothéose. Avec, en point d’orgue, une certaine conception du bonheur.
Il est également possible de percevoir dans ce livre le récit prémonitoire et sordide d’une déchéance physique (Ella) et mentale (John) dans sa plus terrible acception. Une scène de plusieurs pages nous submerge d’horreur tant la détresse y est palpable pour ces deux individus démunis, livrés à eux-mêmes et en prise avec l’ampleur des dégâts causés par la maladie. Dans ce cas, difficile de trouver une once d’optimisme et d’espoir au volant du Cherche-bonheur et c’est le cœur serré qu’on referme ce roman.
La vie, avant d’être une fin, est un long chemin. Et Le Cherche-bonheur en explore un qui vaut la peine de s’y attarder.
A conseiller si…
… la vieillesse et ses maux ne vous effrayent pas. Vous passerez un moment réjouissant et épique en compagnie de ce couple uni face à tant d’adversité.
… pour vous, au contraire, « vieillir » rime plus avec « mourir » que « sourire ». Ce n’est pas faux, tant il est vrai que l’issue de la vie est assez inéluctable, n’est-ce pas ? Mais Ella s’attache à vivre ses derniers instants avec une joie de vivre qui force l’admiration.
Extraits :
Une savoureuse remarque d’Ella sur la notion du mariage :
Nous avons toujours considéré notre couple comme une équipe. Aucun n’était plus important que l’autre. Je n’ai jamais été à la botte de John, à l’instar de certaines. Il voulait un sandwich ? Il n’avait qu’à lever ses fesses et aller se le préparer lui-même. De ce point de vue, nous étions à l’avant-garde. Il s’agit du mariage, pas d’une servitude sous contrat.
Vieillir ensemble, c’est aussi cela :
Que nous ne disions rien me va très bien. Parler romprait le charme. L’espace d’un instant, je suis si heureuse que je pourrai pleurer. Voilà exactement le genre de chose qui fait que j’aime tant voyager, et que j’ai désobéi à tout le monde. Nous deux réunis comme nous l’avons toujours été, sans rien dire, sans rien faire de particulier, simplement « en vacances ». Je sais bien que rien ne dure mais, quand on sait que le film va bientôt se terminer, on a parfois la possibilité de rembobiner et d’en prendre un peu sans que personne ne le remarque.
Traduction d’un article de Mike Loukides, vice-président de O’Reilly Media.
Nous avons entendu beaucoup de choses sur le « piratage » depuis quelques mois. Mais évidemment, il y a beaucoup de confusion, surtout sur ce que les pirates sont vraiment.
Les pirates ne sont pas de petits voleurs, piquant une vidéo ou deux chez un loueur de vidéo. Les pirates étaient (et sont) à l’affut du jackpot : des galions remplis d’or du Nouveau monde, des pétroliers que l’on peut détenir en échange d’une rançon de plusieurs millions de dollars. Si nous voulons parler sérieusement du piratage, ce n’est pas de gamins téléchargeant la chanson à la mode ou un épisode de série ou encore d’un développeur du tiers-monde téléchargeant en ebook un bouquin que j’ai écrit. Au pire, c’est du vol à l’étalage et je ne vais pas cautionner non plus ce type de vol, mais c’est un coût dans ce business et pas particulièrement énorme. Comme Tim O’Reilly l’a fait valoir, et comme les ventes d’O’Reilly l’indiquent, l’exposition supplémentaire que l’on gagne via le piratage fait plus que compenser les pertes de vente, surtout quand les ventes que l’on perd sont des ventes que l’on n’aurait jamais faites de toute façon. Les sites qui vendent de la musique copyrightée et qui ne reversent rien aux auteurs sont un plus sérieux problème, mais là encore, il y a un problème qui peut trouver une solution facile en rendant son travail plus largement et facilement accessible. Cela mettra les parasites hors du business.
Cela ne veut pas dire que le piratage n’est pas un problème. Mais c’est un problème différent que ce que la MPAA voudrait nous faire croire (NDT : La MPAA est l’association des majors du cinéma). […] Le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) qui a été largement utilisé pour supprimer parodie, avis non favorables, etc. a été une appropriation massive de la propriété intellectuelle, qui mérite pleinement le terme de « Piratage ». A O’Reilly, nous y avons échappé de peu il y a quelques années. « Head First Java » utilisait à chaque chapitre une image prise d’un vieux film dont le copyright avait expiré, plaçant ainsi le film dans le domaine public. Quelqu’un collecta beaucoup de ces films en DVD et inscrit les copyrights pour ces DVD. Par chance, nous l’avons découvert (et avons trouvé de nouvelles images) avant que le livre ne soit publié et nous sommes retrouvés avec une simple convocation au tribunal. Cela est aussi du piratage. C’est aussi le cas avec les brevets : l’un des exemples les plus douloureux est celui de Luma Labs qui prit la décision de retirer ses produits du marché, à cause d’une faiblesse d’un dépôt de brevet. Ils déterminèrent qu’ils auraient pu gagner au tribunal comme leur produit était basé sur quelque chose d’antérieur à 1885, mais qu’ils iraient certainement à la banqueroute avec les frais juridiques.
Le Stop Online Piracy Act (SOPA) et le Protect Intellectual Property Act (PIPA) doivent être compris à la lumière de cela : c’est encore une appropriation de la propriété intellectuelle. C’est une atteinte pour effrayer ceux qui veulent entrer en compétition avec les compagnies de médias établies, une atteinte pour affirmer un contrôle monopolistique sur la créativité. La capacité à prendre des domaines hors ligne, sans procédure régulière , […], n’est rien d’autre qu’une atteinte pour légitimer le piratage à grande échelle. Parce qu’il n’y a aucune procédure régulière (traduction du terme juridique « Due Process ») , un défendeur ne peut pas répondre tant qu’il n’est pas déjà hors du marché; et alors, c’est une question de savoir si le défendeur peut suivre Hollywood dans la capacité à payer les frais de justice. La « Justice » n’a plus de sens si on court après l’argent avant d’aller à la conclusion de son affaire.Regardons ce qui aurait pu se passer historiquement avec un tel régime du copyright. Beaucoup des pièces de Shakespeare sont basées sur d’anciens travaux. Beaucoup remontent aux « Chroniques de l’Angleterre, Écosse et Irlande » d’Holinshed et si vous lisez côte à côte Holinshed et Shakespeare, il y a plus d’une fois des échos entre les deux. Qu’est ce que Shakespeare aurait dû donner à la famille d’Holinshed ? L’auraient-ils contraint à être « hors circuit »? « Hamlet » est, semble-t-il basé sur un autre « Hamlet » antérieur et perdu, écrit par un contemporain de Shakespeare, Thomas Kyd. Avec les lois modernes sur la propriété intellectuelle, nous paierions des royalties à cet auteur inconnu et nous n’aurions pas ce chef d’oeuvre de Shakespeare.
Mais jusqu’à présent, l’emprunt n’était pas limité au seul théâtre. Les Mashups, attaqués par l’industrie du divertissement, sont une autre forme d’art. Ils ont été au centre de la créativité pendant des années. Les “Variations Goldberg” de Bach sont incorporées dans bon nombre de chansons populaires, comme par exemple “Cabbages and Beets drove me away from you” ou “Get closer to me, Baby”. Ainsi en est-il des sonates de Beethoven, particulièrement le second mouvement du l’opus 110 au piano (“Our cat had kittens” et “I’m a slob, you’re a slob”). Je pourrais lister des exemples pendant des pages. Les musicologistes passent des carrières entières à chercher ce genre de choses. […] Encore plus fondamentalement, il n’y a rien d’autre que la créativité qui ne repose pas sur le passé. Parfois les liens sont subtils et cachés. Parfois ils sont clairement visibles et nous ne les remarquons pas parce que nous avons déclaré que Bach et Beethoven sont de « grands compositeurs » et oublions la musique populaire actuelle. Notre notion postromantique que les vrais artistes créent leurs travaux est en partie à blâmer. Rien n’est plus éloigné de la vérité. Et ce n’est pas seulement l’art. Dans un des rares moments d’humilité, Isaac Newton dit « Si j’ai vu plus loin, c’est en me tenant sur l’épaule des géants. »
L’idée que la créativité peut appartenir à quelqu’un et que l’utilisation d’une idée d’autrui nécessite compensation, n’est rien d’autre qu’un vol de toute la créativité. Celui qui pourra payer le plus d’avocats gagnera. Quelqu’un sent-il des pirates dans cette salle? Je ne veux pas sacrifier cette génération de grands artistes sur l’autel d’Hollywood. Je ne veux pas voir les prochains Bach, Beethoven, Shakespeare mettre leur travail en ligne pour le voir ensuite pillé parce qu’ils n’ont pas payé une poignée d’exécutifs qui pensent qu’ils possèdent la créativité.
La constitution des Etats-Unis fournit une base légale pour les copyrights et les brevets, mais pour un but spécifique. C’est « pour promouvoir le progrès de la science et des arts utiles ». Nous sommes bien loin de cela maintenant avec le piratage des brevets et des droits d’auteurs : notre notion de propriété intellectuelle entrave maintenant la science et l’art.
Dans le livre 4, section 4 de la « cité de dieu » de Saint Augustin, Augustin dit la parabole du capitaine pirate qui est capturé et amené à Alexandre le Grand. L’empereur dit « Comment as-tu osé terroriser les mers ? » Le capitaine répond « comment avez-vous osé terroriser le monde entier. Parce que je n’ai qu’un bateau, je suis appelé Pirate. Parce que vous avez une grande flotte, vous êtes appelé empereur. » La différence entre le pirate et l’empereur est seulement une question d’échelle. Et c’est la position dans laquelle nous nous retrouvons maintenant : La MPAA et ses alliés ont inversé la discussion et nous parlons du mauvais sujet. Nous ne devrions pas parlé du piratage à petite échelle des films individuels (ce qui aidera probablement les ventes à long terme, comme nous l’avons observé dans le marché de l’édition). Nous devrions parler du piratage réel, de l’appropriation totale de la créativité par l’industrie des médias. C’est le piratage que nous devrions bannir.
Mike Loukides
NB : les éditions O’Reilly ne sont plus disponibles en Français depuis peu.
Annoncé avec le lancement de Free Mobile, il faudra attendre avril pour que l’iPhone 4S soit disponible. Le smartphone d’Apple devrait être proposé sur 24 ou 36 mois à respectivement 22,50 euros et 15 euros pour la version 8Go (1 euro à la commande), 29,99 euros ou 19,99 euros pour la version 16Go (1 euro à la commande), 32,99 euros ou 21,99 euros pour la version 32Go (49 euros à la commande), et 35,99 euros ou 23,99 euros pour la version 64Go (119 euros à la commande).
Dualiste ce film ? Manichéen ? Un peu oui. Beaucoup même. Mais finalement guère plus que le sont toujours nos jugements et opinions. Comme le furent, sans aucun doute, les « camps » qui s’affrontèrent alors (et qui étaient loin d’être seulement deux comme on le laisse penser aujourd’hui…). Tant de justifications à la bestiale violence qui s’abattit une fois de plus sur cette région du monde.
Certes, la réalisatrice a un point de vue. Ce qui est la moindre des choses. Surtout en pareille matière. Et elle s’y tient. Toutefois, si le traitement partiel peur relever d’un choix artistique, le traitement partial est des plus « officiels ». Il tient moins à une rigidité idéologique qu’à cette imprégnation par toute une génération de la « générosité humanitaire ». Certes, cette dernière n’est pas exempte d’inclinations idéologiques, mais elles se dissimulent. Elles se positionnent au-delà de toute critique, masquées par le haut mur moral de la défense aveugle de toutes les victimes… De toutes !
Et sur ce point précis, le film d’Angelina Jolie est aisément susceptible d’être « attaqué ». N’aurait-il pas été possible en 2h05 de film (et moult longueurs volontairement choquantes) de proposer un tant soit peu de réflexion ? Par exemple, sur la longue l’histoire de cette région ? Oui, il en est bien question à deux ou trois reprises. Le spectateur a le droit à quelques petites minutes d’un cours accéléré d’histoire serbe… À chaque fois, ils sont proférés par ceux qui durant tout le film sont présentés comme les SEULS bourreaux, les SEULS criminels, les SEULS monstres. En outre, montrés comme totalement incultes, comment la lecture de ces bestiaux pourraient-elle être historiquement crédible ? Qui plus est, les Serbes de Bosnie, puisqu’il s’agit bien d’eux, sont présentés dans ce film comme ayant été les SEULS soldats, la SEULE armée. Ne combattant QUE des civils désarmés, en dehors de quelques « résistants » (au nombre de cinq ou six… dans tout le film) !
Le début du film est révélateur de cette prise de position. L’histoire est débarrassée de l’Histoire… Tout se passe bien dans le meilleur des mondes (le miel, sans doute…). Jusqu’à ce que la violence explose, venue de nulle part. Et que commencent le carnage et les atrocités (le sang…). À partir de là, la réalisation d’Angelina Jolie poursuit un seul objectif : émouvoir sans éclairer.
Pire, alors que l’exposition d’une interrogation historique n’est pas le moteur d’Au pays du sang et du miel, pourquoi sa fin s’opère-t-elle par le défilé d’un texte qui expose LA position officielle relative à ces terribles événements ? Le procédé est aux antipodes des critères scientifiques d’élaboration des événements passés et de l’honnêteté intellectuelle.
Les défenseurs du film avanceront que son moteur repose sur la tragédie humaine. La tragédie de l’amour qui ne vainc pas la mort, qui – comme les corps et les âmes – est broyé sous le poids des convictions et des conformismes… D’accord, mais pourquoi installer cette tragédie dans ce complexe contexte historique qui fait toujours l’objet d’interprétations divergentes ? En outre, cette tragédie amoureuse n’est pas donnée et saisie comme telle, mais comme un support à « autre chose », à un autre « propos »… C’est le pathos qui l’emporte. Définitivement.
Encore que, même cette dimension affective peine à fonctionner. Angelina Jolie devrait pourtant avoir l’expérience des machines hollywoodiennes « à faire de l’émotion » parfaitement huilée. Ici, le scénario, la mise en scène, la direction des acteurs – tout est tellement mu par le « ressentiment », par la volonté de « dénoncer les coupables » (comme si c’était la première fois!) que pas une larmichette ne vient à l’oeil du spectateur… Dans la salle, aucun sanglot, ni mouchoir qu’on essaie de sortir discrètement… Rien, même lors des scènes les plus singulièrement émouvantes… L’unilatéralisme de l’oeuvre a enrayé même les mécanismes émotionnels et compassionnels…
Dommage, l’idée de départ (quoi que guère originale) aurait pu, dans le contexte choisi, être la source d’un éclairage singulier. L’ambiguïté des sentiments de deux personnages qui se sont choisis avant d’être séparés par un antagonisme identitaire fournissait des champs à explorer. À explorer en mettant en parallèle avec les « tenants et aboutissants » collectifs, personnels et politiques de cette guerre. C’est là qu’un regard aurait nécessaire.
Thierry
Au pays du sang et du miel Angelina Jolie, 22 février 2012 (2h 05min) avec Zana Marjanovic, Goran Kostic, Vanessa Glodjo
Un jour d’hiver, trois hommes, quarante ans, quittent un cimetière quelque part en Europe. Durant l’enterrement, le maître de cérémonie a prononcé quelques mots malheureux, provoquant la colère de l’un d’eux. Tristes, dépités, les trois amis décident de rester ensemble et d’oublier leur douleur à coups de boissons alcoolisées.
Cette scène ne vous rappelle rien. Elle ouvre Husbands (1970), le film de John Cassavetes, aujourd’hui adapté par Théâtre national de Bretagne et signé Ivo van Hove. « Né en 1958, ce metteur en scène flamand jouit d’une grosse réputation, » rapporte le Journal Le Monde, dans une de ses dernières éditions. Il est invité dans le cadre de « Prospero », un programme européen de coopération entre six théâtres. Il ira ainsi à Berlin, Lisbonne, Liège, Modène et Tempere, mais aussi à Amsterdam, où il dirige le Toneelgroep.
Après l’adaptation remarquée d’Opening Night (encore un film de Cassavetes), Ivo étonne par sa mise en scène. Écoutons encore Le Monde : « Les spectateurs voient un très grand espace, avec un mur qui fait écran, au fond. Sur cet écran apparaît l’allée d’un cimetière, en noir et blanc, un jour d’hiver. Trois silhouettes d’hommes, d’abord réduites à des points, s’avancent et grossissent, jusqu’au moment où elles envahissent l’écran. Alors, les trois hommes entrent sur scène, en chair et en os. »
Pour classique qu’il soit, ce procédé ouvre un « chemin actif entre le cinéma et le théâtre. Il se poursuivra, d’ailleurs, avec un autre procédé classique, qui consiste à filmer les comédiens, en direct et en vidéo. » Pour le spectateur, cela représente une gymnastique visuelle, poursuit le Journal. « Quand tout se passe bien, cette gymnastique s’oublie. Quand l’ennui s’installe, elle pointe la faiblesse de la mise en scène : une modernité technique chic qui emballe le propos, mais ne le sert pas. » Bon, on ne nous y reprendra plus. On ne lira plus Le Monde avant d’aller au spectacle, à Rennes. Ou on n’ira plus au TNB avant de lire le Monde. Allez, le choix est large. Malgré les apparences.
Husbands John Cassavetes. Mise en scène : Ivo van Hove. Théâtre national de Bretagne, 1, rue Saint-Hélier, Rennes. 02-99-31-12-31. De 10 € à 25 €. A 20 heures, jusqu’au 3 mars. Durée : 2 heures. En néerlandais surtitré.
« Parce que, comme le dit l’un, « la mort est la vie ». Parce qu’il faut en passer par là, et qu’il ne sert à rien de vouloir le nier, indique Le Monde. C’est pourtant ce que fait Ivo van Hove : virtuose, élégante et bien élevée, sa mise en scène transforme la douleur en gymnastique de la douleur. Qu’Husbands soit remarquablement joué n’y change rien. Il manque un sentiment du deuil qu’on ne saurait, comme à Rennes, enrober sous cellophane. Il s’appelle le chagrin.
Vous en rêviez, P&G l’a fait… Procter & Gamble célèbre la journée de la femme avec un superbe coffret cadeau ! Grâce à ce colis que l’entreprise vous propose de gagner aujourd’hui via des blogs partenaires, vous deviendrez la femme idéale telle que P&G la conçoit. Des dizaines de femmes ont déjà participé à ces concours pour gagner un merveilleux colis. Jugez sur pièce…
Des plumeaux Swiffer parce que la femme, c’est bien connu, a une folle passion pour le ménage, de la lessive Ariel parce que la femme, c’est bien connu, adore laver les caleçons sales de sa petite famille, un rasoir parce que la femme, c’est bien connu doit avoir les jambes lisses pour plaire à son homme (et un plumeau dans la main, nue sous son tablier), des serviettes Always parce que la femme, c’est bien connu, se pâme de bonheur devant un sachet de serviettes hygiéniques…
.Si Monsieur Unidivers s’avisait de m’offrir ce colis, il se le prendrait dans la tête illico. Mais là vraiment, je suis écroulée de rire devant l’énormité de ce superbe cadeau spécial journée de la femme. Et si c’est du second degré, on voit mal le message sous-jacent. On parie combien que ce sont des hommes qui ont constitué le colis ?
Infos pratiques (contraignantes mais non-sexistes) : Vous pouvez jouer chez 9 bloggeuses : Parentes-testeurs, Croque Madame, La Mite Orange, Lucky Sophie, Maman@home, Maman travaille, Mes doudoux et compagnie, Virginie B, Untibébé. Attention : il ne sera pas possible de déposer plusieurs candidatures sur les différents blogs. Vous devez choisir un blog, adaptez votre participation au ton et au style de ce blog, et vous y tenir (chaque participation sera vérifiée)…
Clin d’oeil au ciné-concert Desperado par les Bikini Machine, création du festival Travelling Mexico 2011, qui est programmé le 11 mars au prochain au French Film Festival de Cork.
Bikini Machine et son univers jubilatoire mêlant rock, pop yé-yé et électro, dégaine ses guitares et s’affronte au film Desperado de Roberto Rodriguez ! Chaleur et poussière dans des rues inquiétantes, bar mexicain et sueur froide, sombreros, tueurs sans pitié, femme fatale… Quand le cinéma décalé de Roberto Rodriguez rencontre la culture série B, underground et sixties des Bikini Machine, le résultat est explosif !
Cette programmation rentre dans le cadre du 30e anniversaire du jumelage Cork/Rennes. Mais, les rennais pourront apprécier ce ciné-concert le 30 mars prochain à la Cité, à 20h30 !
Une histoire tragique, celle de deux frères qui font face à la mort de leur père. L’un a été aimé et l’autre injustement délaissé par le père qui ne lui laisse rien. Le favori, celui qui en a le moins besoin et qui est le plus désintéressé par l’argent, hérite de tout.
Si vous êtes aujourd’hui à Paris du côté de Beaubourg, ne manquez pas la sortie de Ce qu’il restera de nous au MK2 Beaubourg. Après Au moins j’aurai laissé un beau cadavre réalisé en 2011, Vincent Macaigne revient avec un petit bijou, un bel héritage autour duquel se disputent deux frères dans une logorrhée violente d’un réalisme époustouflant.
La subtilité qu’a Macaigne pour établir des scènes de graves dans un équilibre de folie et de drôlerie est rare. L’hystérie des mots se combine dans une partition parfaite avec l’hystérie des situations. Restera dans les annales une scène folle en plein parc où une femme et un homme se déchirent et déchirent tout ce qu’il restait de solide. Seul bémol : la technique n’est pas à la hauteur de l’ensemble.
Ce qu’il restera de nous de Vincent Macaigne, France , 2011, avec Thibault Lacroix (Thibault) ; Anthony Paliotti (Anthony) ; Laure Calamy (Laure) durée : 0h40mn Sortie : 29 février 2012 au MK2 BEAUBOURG. Les séances du week-end : 15:35 et 18:45
Au milieu du XIXe siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage d Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard : il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l a recueilli. Il a perdu l usage de la langue française et oublié son nom. Que s est-il passé pendant ces dix-sept années ? C est l énigme à laquelle se heurte Octave de Vallombrun, l homme providentiel qui recueille à Sydney celui qu on surnomme désormais le « sauvage blanc ».
Quel livre agréable à lire, une langue élégante se combinant à un style fougueux et chantant ! Un premier roman au style maitrisé qui raconte la vie d’un marin sur une île et son combat pour survivre dans ce milieu hostile. Robinson Crusoë n’est pas loin. Du moins en apparence.
Le héros de cette œuvre est bien différent de son illustre prédécesseur. Narcisse, puisque c’est son nom, est un jeune homme qui voyage depuis sa prime jeunesse. C’est le début de sa carrière et sa singulière évolution que raconte ces pages. Elles illustrent comment l’imprudence, la folie et une certaine soif d’aventure ont causé la perte de notre jeune homme. Un apprentissage de la solitude et de la survie est désormais le calice à boire jusqu’à la lie.
L’histoire est inspirée d’une histoire vraie. D’où certains passages particulièrement percutants. Qui plus est l’auteur a une jolie façon d’émailler son récit d’une dose bien équilibrée de considérations psychologiques.
Un ouvrage inspiré, à la fois une aventure et une réflexion sur l’identité et la différence. Un apprentissage de la vie sur papier.
Encore un concours de littérature, vous direz-vous… Mais à Unidivers, on a une petite affection pour celui qui vient d’être lancé par des étudiants de Sciences Po Rennes sur le thème « Bordel ». On aime la tolérance… Et il y a des maisons pour cela, disait notre bon Claudel…
Réunis au sein de l’association L’Encre des Rives depuis 2011, huit étudiants de Sciences Po Rennes organisent un concours de littérature un peu particulier… Ils invitent les Rennais et les autres à disserter de long en large sur le « bordel », en précisant tout de go : « Tous les genres littéraires sont acceptés. »
« Un bordel organisé sous la forme d’un poème, d’une nouvelle… »
« Pour nous démarquer des autres concours littéraires, nous avons estimé qu’il était important d’encourager l’écriture chez des publics qui en sont relativement éloignés, » ajoute Léo Fourn, le plus sérieusement du monde. « Ainsi, nous travaillons en partenariat avec plusieurs associations, principalement à Rennes, en relation avec des personnes résidant en milieu hospitalier, en maisons de retraite et plus généralement avec des personnes marginalisées. »
Ce concours est ouvert au public jusqu’au 31 mars. « La longueur du texte ne doit pas dépasser 15 000 signes, soit environ 5 pages,» note-t-il. « Un jury statuera à la fin du concours pour choisir les textes qui seront publiés dans un recueil, édité en partenariat avec les éditions Goater. »
Bordel de m…il va falloir que je m’y mettre pour envoyer quelques mots. Je dirai même mieux : P… de Bordel de M…, je n’ai plus de crayons. Vous trouverez plus d’informations sur ce concours sur ce lupanar, pardon, sur ce site.
Qui lit encore Roger Vercel ? De son vrai nom Roger Crétin (cela ne s’invente pas…), il fut un auteur connu et reconnu dans les années d’avant-guerre et d’après-guerre. Son talent fut même salué par un Prix Goncourt, en 1934, pour son roman Capitaine Conan, adapté avec succès par le cinéaste Bertrand Tavernier. Aujourd’hui, l’écrivain sort de l’ombre par la plus mauvaise porte : il est accusé par la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes d’être un collaborateur.
Toute la presse nationale et locale en parle dans ses colonnes. Roger Vercel est un collabo de la pire des espèces, un voyou qui mérite le pilori, la corde et le gibet. On n’est d’ailleurs pas loin de le penser, en lisant l’un de ses éditos dénichés par la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes. Publié le 16 octobre 1940, à la Une du quotidien Ouest Eclair (devenu Ouest France à la Libération), il souscrivait ouvertement à une élimination de « l’emprise juive » dans le domaine de la littérature.
Pour de tels propos, ladite Fédération a officiellement demandé que soient débaptisés deux collèges de Dinan et du Mans, portant le nom de Roger Vercel (1894-1957). « Nous avons adressé le 20 février une lettre officielle aux présidents des conseils généraux de la Sarthe et des Côtes d’Amor, aux maires du Mans et de Dinan, aux inspections d’Académie et à la direction des collèges, a indiqué à l’AFP son secrétaire général, Robert Créance, confirmant une information de France Bleu Maine. « Il est scandaleux, a ajouté Henry Lelièvre, le représentant de la FNDIRP dans la Sarthe, que des établissements de l’Education nationale portent le nom de ce type car enfin l’antisémitisme est un délit en France. »
Interrogé par nos soins, Jacques Georgel, ancien professeur à la Faculté de Droit de Rennes et par là même occasion son biographe, parait surpris par tout ce ramdam… « Je suis naturellement au courant des difficultés qu’il a rencontrées à la sortie de la Guerre. Collaborateur, lui, je ne le crois pas. Cela ne correspond pas du tout à l’image que j’ai de lui. Dans les colonnes d’Ouest-Eclair, il s’est toujours gardé de traiter de problèmes qui n’étaient pas liés à l’occupant. «
Traduit devant la justice à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Roger Vercel a été « blanchi en 1946. Croyez-moi à l’époque on frappait beaucoup plus dur qu’aujourd’hui. » Comme le professeur, la famille dont Simone et Jeanne (ses deux filles) a toujours démenti avec véhémence le passé collaborationniste de leur père. « Il n’est pas celui que l’on croit, » a précisé l’une d’elles dans les colonnes du journal Ouest-France, en début de semaine passée.
Qui croire ? Lors de la session du conseil général, le président Claudy Lebreton est revenu sur la polémique. « Il faut faire un travail d’analyse et ne pas jeter d’anathème, » a-t-il indiqué (sources Le Télégramme). Il y a la famille et la réputation d’un écrivain derrière. Nous allons faire appel à un comité d’historiens. On ne jugera pas sur un article, mais sur une attitude éventuelle de Roger Vercel. Dans ses romans, il n’y a rien de condamnable en lien avec l’antisémitisme. Et quand le collège a été ainsi nommé, sous René Pléven, son contemporain, il n’y avait pas eu de problème. »
Roger Vercel est né le 8 janvier 1894 au Mans et mort à Dinan le 26 février 1957. Il est l’auteur de romans, de biographies, d’essais et de nouvelles. On saluera Capitaine Conan, L’été Indien, Du Guesclin…Lors de la Première Guerre mondiale, le jeune officier prit part aux batailles de l’Yser, de Champagne, de la Somme. Dans ses ouvrages, il est inspiré par ses souvenirs de guerre et par le monde de la mer. Il a décroché le prix Goncourt en 1934 pour Capitaine Conan.
Le Conseil constitutionnel a retoqué mardi la loi pénalisant la négation du génocide arménien en 1915 . Une loi qui était à l’origine d’une brouille entre Paris et Ankara. Le raisonnement du Conseil s’inscrit dans l’analyse qu’Unidivers en avait fait dans un précédent article paru au mois de décembre.
C’est au nom de la liberté d’expression que les Sages ont censuré la loi Boyer sanctionnant d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la contestation ou la minimisation du génocide arménien de 1915. Le Conseil constitutionnel précise que cette décision ne remet pas en cause la loi de 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien, ni la loi Gayssot de 1990, qui réprime la négation de la Shoah en s’appuyant sur le droit international de l’après Seconde guerre mondiale ou l’existence de jugements de condamnation pour négationnisme.
Cet ouvrage est un chef-d’œuvre de la littérature. Texte fondateur du roman japonais, Le Dit du Genji ou Genji monogatari a été écrit par une femme au début du XIe siècle. Il raconte la vie du prince Genji dans la société de la cour impériale et apporte un éclairage exceptionnel sur la culture japonaise : poésie, musique et peinture accompagnent le Genji en politique et en amour tout au long de sa vie mouvementée. L’œuvre retrace les mille et une intrigue politico-amoureuses de la cour de Heian dans une grande farandole d’histoires mêlant sensualité et raffinement, récit et merveilleux, satire et comédie, légendes et réalité. Si le personnage principal est bien un homme (Genji), ce sont bien les femmes qui orchestrent les rouages de l’aventure qui se déroule tout au long de l’ouvrage. Un livre fabuleux avec une forme abrasive et délicate. Une invitation à vivre un moment rare et merveilleux. Tutoyer la grâce, toucher la volupté et se perdre dans le cœur des passions. Plus qu’un livre, un trésor, une sorte de Graal de la littérature japonaise.
Le Dit du Genji de Murasaki-shikibu illustré par la peinture traditionnelle japonaise, Murasaki-Shikibu (Auteur), Estelle Leggeri-Bauer (Auteur), René Sieffert (Préface)
Diane de Selliers, éditeur (11 septembre 2008), 1260 pages, 150€
Après le demi-fiasco de Tintin, on aurait pu croire Steven Spielberg sur la pente descendante… pensant plus aux effets spéciaux qu’à conter de belles histoires. Et le voilà qui sort un film surprenant axé sur un héros animal : un cheval !
Mais que le lecteur se rassure tout de suite : le héros n’acquière pas la parole.C’est juste un cheval, dans toute sa splendeur, à la manière du Bucéphale de l’Etalon Noir (1979). Toute l’histoire est centrée sur le cheval et sa vie tumultueuse et non sur un héros humain. Car Joey, ce jeune étalon né dans les highlands, va connaître de nombreux propriétaires. Voilà la toile de fond de plus de 2h00 de drame.
Drame, car le Cheval de guerre est loin d’être gai : un cheval arraché à sa mère qui souffre à labourer un champ stérile et… Non, n’en disons pas plus, préservons le suspens. On dira seulement que Spielberg emmène le spectateur en France dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale. S’il semblait à l’aise (pardonnez l’expression) avec les combats d’“ll faut sauver le soldat Ryan, il choisit ici un autre point de vue, moins immersif et exubérant. Une remarquable scène de la charge à cheval est ainsi moins spectaculaire qu’émouvante et angoissante. Et c’est bien dans l’émotion que Spielberg donne le meilleur de lui-même plutôt que dans la froideur des effets spéciaux (trop) bien calibrés.
De l’émotion, le spectateur en ressent tout au long des épreuves que doit surmonter ce cheval qui mériterait presque un oscar pour la qualité de sa prestation (peut-être sont-ils plusieurs derrière ce rôle…). Entre amitié, complicité, malice, souffrance – son regard et ses postures montrent combien un animal peut transmettre d’émotion. Il y a un peu du Spielberg d’E.T. ou d’Amistad dans ce film. En outre, Spielberg compense largement son couplet sur l’héroïsme par de belles scènes sur les horreurs de la guerre et la solidarité que peuvent ressentir les ennemis d’un jour.
D’un point de vue technique, la musique sait se faire oublier tout en se rendant indispensable. Quant à la photo, elle est bien adaptée malgré un bémol sur l’excès déployé par la scène finale. A noter la présence d’Emily Watson (Breaking the Waves), David Thewlis (Harry Potter) et de Niels Arestrup (Un Prophète).
Du grand Spielberg, donc, pour un mélodrame qui risque de ne pas rencontrer de succès en France où ce genre est systématiquement descendu par les critiques* sous le prétexte qu’il fait appel à des ressorts que l’on appelle “humains” – la sensibilité, la compassion. C’est justement parce que ce genre tombe trop souvent dans des clichés qu’il est difficile à rendre et qu’il faut d’autant plus saluer une réussite. Les passionnés de chevaux apprécieront. Même si le film fait mal. Ou peut être aussi pour cela. Il serait dommage qu’ils soient les seuls à le regarder.
[stextbox id= »info » color= »000099″ bgcolor= »990000″]22 février 2012 (2h 27min) . Réalisé Steven Spielberg. Avec Jeremy Irvine, Emily Watson, Peter Mullan[/stextbox]
Comme les lecteurs d’Unidivers le savent, David aime fouiner et découvrir ce qui se fait dans le presse, quand bien même ce secteur serait sinistré (il donne pourtant des naissances de façon régulière). Voici donc le dernier né et pas le moins réussi.
Paprika est un nouveau magazine qui traite de voyage et de gastronomie. S’évader, découvrir et flatter ses papilles. Vous aurez compris le concept : un traitement touristique d’une destination à travers une déclinaison gastronomique. Bref, cela cause cuisine, mais aussi produits, restaurants, inclus… plans secrets, mais aussi, entourage nécessaire : de culture et de traditions culinaires. L’objectif est de faire découvrir des secrets (hush hush !) au plus blasé des connaisseurs afin de réveiller son désir. Cela fonctionne assez bien. Mais combien de temps durera un mécanisme aussi… évident, voire évidant ?
Un nouveau-née de bonne qualité. En attendant la suite…
Véritable révélation de ces dernières années (Django D’Or Révélation 2006, Victoire du Jazz 2008), Géraldine Laurent est une musicienne de haut vol. Elle fascine par son jeu incessant entre mémoire vive du jazz (Rollins, Dolphy, Mingus…) et urgence de l’instant avec une force d’improvisation remarquable. En 2010, l’altiste publie son 2e album en Quartet, « Around Gigi », hommage à Gigi Gryce, saxophoniste et compositrice trop méconnue, qui accompagna pourtant de grands noms du jazz. Un choix qui ne manque pas de confirmer une personnalité forte et créative, et qui vaudra à Géraldine Laurent le Prix du Disque Français de l’Année de l’Académie du Jazz. Retrouvez-là le dimanche 4 mars 2012, 17h à L’Aire Libre / Saint-Jacques-de-la-Lande.
A Rennes, les fans de jazz vont ont avoir de quoi nourrir leur bip sous toutes ses formes ! Mais uniquement sous des formes féminines. Dans les dames invités, le festival Jazz à tous les étages peut se targuer de la présence de Shimrit Shoshan. Cette pianiste israélienne issue du nouveau courant jazz new yorkais est une compositrice et interprète talentueuse. A ne pas manquer.
Alors que l’on parle de la Syrie et des ses milliers de rebelles tués, des difficiles élections sénégalaises de la crise Iranienne, l’annulation du Nouvel An au Tibet (voir notre article) n’a que peu été relayée par les médias. Quant au Mali, la grave crise politique et humanitaire qu’il traverse n’a l’air d’émouvoir personne…
Le Mali est un grand pays par la superficie. Peuplé de 15 millions d’habitants, il est situé entre la Mauritanie, l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal. Une crise au Mali peut donc avoir de larges répercussions sur tous les pays frontaliers.
Au nord du Mali, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MLNA) s’oppose par les armes au régime du président Amadou Toumani Touré (ATT). La région nord du Mali se sent laissée pour compte dans ce pays vaste et à la faible densité. La conflit a dégénéré en véritable guérilla militaire entre touaregs et armée régulière. Ce conflit a poussé la population du nord du pays à trouver refuge dans les pays frontaliers dans des conditions des plus précaires. Ce sont ainsi plus de 10 000 réfugiés qui se retrouvent au Burkina Fasso. Au total, on estime à 50 000 les réfugiés touchés par ce conflit, chaque camp rejetant sur l’autre les exactions commises.
47 morts étaient recensés au mois de janvier, 100 autres il y a 5 jours et les informations ont encore du mal à filtrer. Les pays voisins et, notamment le président burkinabé Blaise Campaoré, tentent de faire médiation.
Médiation difficile. Car, à travers ce conflit, c’est aussi l’identité touarègue qui est en question dans un pays dont les frontières ont été tracées de manière arbitraire à la sortie du colonialisme. Qui plus est, dans cette situation chaotique, une poignée de terroristes d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) en profite pour organiser pillages et kidnapping. La région est ainsi l’une des moins sures du monde avec la Somalie. C’est pourquoi on attend sans trop d’espoir des images de ce conflit. Conflit où d’ailleurs les Français ne sont pas accueillis bras ouverts dans les négociations.
Au demeurant, l’intervention d’une force d’interposition et d’ONG devient cruciale. Elle seule peut permettre aux populations de survivre et aux discussions de reprendre avec tous les intervenants. Elle ne se fera pas sans la mobilisation de l’« opinion publique » par l’intermédiaire des médias. Espérons qu’il ne faudra pas attendre un point de non-retour, comme en Somalie, pour que les Occidentaux se mobilisent.
Les habitants de Klampis Ireng unissent leurs forces pour chercher Semar: bien leur en prend, car ce dernier est habilement caché ! Le lecteur de La quête de Semar rassemble lui aussi toute son énergie pour s’imprégner de ce récit, des codes du théâtre d’ombres, des noms indonésiens, de la culture javanaise, et de ce Semar qui, en personnage exigeant, impose plusieurs relectures avant de se laisser capturer.
Résumé
Semar, personnage mythique et mythologique javanais, valet et conseiller des chevaliers Pandawa, a disparu. Sans sa rassurante présence et ses conseils avisés, c’est la défaite assurée. Le peuple tout entier s’embarque dans une quête d’un autre genre, à la recherche d’un personnage qui ne se cache pourtant pas bien loin.
Un livre exigeant et lumineux, à l’image de la culture indonésienne.
Avec La Quête de Semar, on est loin du rouleau compresseur de la culture occidentale et de son prêt-à-penser. On lit ce conte philosophique comme on assisterait à une cérémonie du thé imprégné de sa culture européenne : sous la beauté et la délicatesse de l’apparat, le message semble abscons, obscur, hermétique.
Car dans la culture asiatique, chacun fournit sa part d’effort et parcourt un bout de chemin pour aller à la rencontre de l’autre, faute de quoi l’étincelle ne jaillit pas. S’embarquer dans le récit de Sindhunata, c’est prendre un aller simple pour une destination inconnue, faire confiance à l’auteur et accepter de se perdre dans un univers improbable. À cette seule condition se révélera la substantifique moelle de ce merveilleux récit.
Semar est un personnage traditionnel du théâtre d’ombres javanais, subtilité qui n’échappera pas au lecteur. Sous ses yeux, les lettres s’envolent et forment des marionnettes qui racontent une histoire. L’écriture, étonnamment visuelle, ne s’appréhende pas par la raison cartésienne. Les mots font appel à une palette hétéroclite d’émotions et de sensations qui forment un tableau insolite ; le lecteur s’abandonne pourtant avec délice dans sa contemplation, passés les premiers écueils. À la faveur d’une lecture affranchie des habitudes et exigences littéraires, Semar se laisse approcher et apprivoiser. On devine qu’il incarne tout à la foi la connaissance de soi, la compréhension du monde, la beauté de la nature, l’idée du Bien et du Mal… Trouver Semar, c’est trouver la source du bonheur en soi, à l’exclusion des biens matériels de ce monde.
Dans ce livre bilingue français-indonésien, illustré de superbes dessins de marionnettes, se cache un trésor de la spiritualité javanaise, multiidentitaire, à l’image de cette société façonnée par des siècles de mélange et d’intégration de cultures de tous horizons.
À conseiller si…
… ce voyage, qui s’assimile à un trek, chargé d’un sac à dos lourd et chaussé de souliers neufs, dans des paysages merveilleux, vous tente : ce récit est une véritable découverte, une lecture très personnelle dont vous seul pourrez savoir ce que vous en rapporterez.
Extraits :
Tant que Semar veille, la vie est idyllique dans le village de Klampis Ireng.
Le village savait protéger les montagnes, garder les rizières et les champs environnants, verts et fertiles, disait-on. Tout ce qui était planté poussait, tout ce qui était à vendre l’était à bon marché. Les gens affluaient, on ne cessait d’aller et venir. Sans relâche on louait Klampis Ireng. Buffles, vaches, poulets, canards, oies allaient en toute liberté, avant de rentrer le soir dans leurs enclos, sans quiconque pour les surveiller. Les animaux cherchaient seuls leur nourriture. Libres et repus, ils ne craignaient pas d’être volés.
Après la réussite des Rencontres avec l’Algérie, qui se sont déroulés au mois d’octobre à Rennes, et à l’occasion de la Journée de la femme, les Amis de l’Algérie invitent à une balade autour des visages multiples de la femme, éternelle combattante, d’ici et de là-bas, d’une rive à l’autre, de Rennes à Sétif. Au programme : conférences, projections, musique, chant, chorégraphie, théâtre.
Samedi 10 mars, à 18h, Maison Internationale de Rennes, 7, quai Chateaubriand, Rennes. Contact et réservation : tél. 06 72 69 81 74, 02 23 46 36 02
Comment passe-t-on de l’état de nourrisson à celui d’adulte épanoui et civilisé ? Naturellement ? Ou grâce à l’éducation des parents ? Si c’est le cas, doivent-ils parler ou seulement sévir ? Existe-t-il une tendance à la délinquance que l’on pourrait dépister dès l’âge de trois ans ? Doit-on se contenter de sanctionner les délinquants ou chercher en outre à les éduquer ? S’appuyant sur l’oeuvre de Françoise Dolto, Grandir apporte des réponses essentielles à ce questionnement, et explique, dans un langage accessible à tous, le développement de l’enfant, les différentes étapes de sa construction psychique, et, surtout, le rôle déterminant qu’y jouent les parents. Grâce à son expérience de psychanalyste, et par des exemples concrets, Claude Halmos montre comment l’enfant ne peut, sans l’aide de ses parents, passer d’une étape à l’autre et comment leur rôle consiste précisément, à chaque âge, à parler et à mettre des limites.
Voilà un ouvrage passionnant consacré à l’éducation des enfants. Cela étant, ilreste assez ardu à lire (et pas très détendant le soir, il faut l’avouer). L’auteur s’interroge sur la possibilité de dépister dès les 3 ans de l’enfant une aptitude à la violence ; conséquemment, sur les comportements à adopter face à un enfant violent. Bien sûr, nombre de cas exposés ici sont extrêmes et ne concernent fort heureusement pas nos chers bambins, mais on y apprend tout de même beaucoup, bien que le débat entre les spécialistes médicaux et psychologues fasse toujours rage et que les réponses proposées par les politiques ou les services sociaux soient souvent bien divergentes…
Trois grands courants de pensée sont identifiés :
Dans le premier, tout est joué dès le départ et il semblerait que la génétique soit en grande partie responsable des tendances violentes des enfants (un petit bug à la conception). Une théorie qui dérange la rédaction d’Unidivers, car elle conduit certains parents à baisser les bras dans leurs méthodes d’éducation sous prétexte qu’« on n’y peut rien, il est comme ça ».
Le deuxième courant de pensée prône le fait que l’enfant deviendra naturellement un adulte civilisé, opérant la (bonne) part des choses entre le bien et le mal – d’une façon aussi simple qu’il apprend à marcher ou parler, Heu… on reste dubitatif… Et s’il tourne mal, on pourra ainsi dire que c’était « dans sa nature », comme inscrit dans ses gènes…
Un troisième courant de pensée a ensuite mis en avant la nécessité d’une éducation dans la contrainte : totalement répressive, elle met en avant le fait que l’enfant doit se soumettre à l’autorité de l’adulte ; et ce, sans explication ni discussion ni respiration de la conscience du petit. Pour Unidivers, l’anti-éducation par excellence…
Chacun de ces courants de pensée ayant ses failles, Claude Halmos, reprenant Françoise Dolto, assure que le rôle des parents est de servir de modèles et qu’ils peuvent jouer un vrai rôle dans l’éducation de leurs enfants (nous voilà rassurés !). Ainsi, on peut parler et mettre des limites, exercer une autorité et négocier, afin de mieux accompagner l’enfant tout au long de son évolution, en le respectant, mais en fixant cependant un cadre structuré.
Un ouvrage qui ne bouleverse en rien la question de l’éducation, mais qui l’accompagne d’une façon honorable.
Dans Berlin réunifiée, Kornelia Stumpf, cinquante-trois ans, fille d’un fervent communiste ex-employé de la Stasi, traverse dans les deux sens un Mur qui n’existe plus en proie à des nostalgies bancales et à des désirs désordonnés, entre sexe de la dernière chance et douteuses extases matérielles. Hommage grinçant et désabusé à une ville emblématique, un roman baroque et tragique en forme d’élégie qui, laminant les mythologies de la défunte RDA comme les illusions de l’Allemagne nouvelle, dresse l’impitoyable cartographie d’un monde gangrené par une mémoire désormais assujettie à une marchandisation décomplexée et vorace.
Une petite promenade dans Berlin pour cette histoire au fond assez morbide. On grince des dents devant cette farce corrosive et grinçante. Le tout se raconte par le truchement d’une écriture percutante et vive. Et aussi esthétique, car le spectateur se prendra à croire se balader à l’intérieur d’un joli tableau.
L’histoire est éprouvante bien qu’assez conventionnelle. Un personnage à la limite de l’agonie et de la désespérance. La ballade se fait aussi de façon géographique tant le lecteur est plongé au coeur d’une ville. A tous ceux qui désirent un endroit où se trouve transposée à l’écrit la réalité d’une escapade berlinoise. Et ce rendu n’est pas à la portée de n’importe qui.
Un joli rêve qui s’offre au spectateur. Ponctué de belles envolées lyriques.
Une sous-couche de comique s’installe quasi sournoisement de temps en temps.
Un roman déroutant non dénué d’intérêt. Mais qui ne parlera qu’à certains.
La plupart du temps, le film d’animation conserve une connotation enfantine. Même si le sujet traité touche davantage les adultes, on emmène les enfants au cinéma sans penser aux… grands enfants. A Zarafa, petits et adultes sont conviés. Pour regarder un joli film d’animation français, au dessin typique de la production hexagonale, et qui prend pour trame un conte africain. Au fond, le conte révèle la réalité de l’Afrique coloniale, une réalité dure, triste, brutale.
Tout commence par l’esclavage avec des villages brulés, des enfants emmenés loin de leur pays et embarqués dans des bateaux après avoir traversés la moitié du continent d’ouest en est. C’est là qu’un jeune orphelin, fait la rencontre d’une jeune fille, elle aussi esclave. Elle est aux mains d’un esclavagiste blanc qui ne se contente pas de cette activité lucrative, mais prend plaisir à massacrer la faune. C’est ainsi qu’il n’a aucun scrupule à tuer la mère d’un girafon, que le jeune garçon va tenter de protéger et qu’il appellera Zarafa. Et voilà notre héros condamné à fuir tout en protégeant la petite girafe qui se retrouve dans les mains d’un bédouin nommé Hassan. Arrivé à Alexandrie, assiégé par les Turcs, ils demandent naïvement la protection française… en offrant Zarafa comme cadeau.
On notera que la scène de la mort du girafon n’est pas sans rappeler celle de la mort de la mère de Bambi qui a traumatisé des millions d’enfants. La mise en scène n’a rien à voir et il n’y a pas de sang. Et pourtant le film recèle d’autres scènes violentes. Comme les mots du Roi de France, comparant le jeune héros noir à un singe de zoo ou traitant avec mépris les ambassadeurs d’Alexandrie (un des haut lieux de la pensée occidentale). Ainsi, cette histoire réelle qui se déroule il y a près de deux siècles (1827 exactement) se fait également l’écho de l’évolution de “l’éducation” de la société française vis-à-vis de la prétendue supériorité de l’homme blanc, une éducation qui a perduré jusqu’au milieu du XXe siècle et laisse encore des traces aujourd’hui.
Aussi ce conte original et tendre convient-il à toute la famille, en offrant aux petits comme aux grand s matière à réfléchir.
8 février 2012 (1h 18min). Réalisé par Rémi Bezançon, Jean-Christophe Lie. Avec Max Renaudin, Simon Abkarian, François-Xavier Demaison
Sous un baobab, un vieil homme raconte aux enfants qui l’entourent, une histoire : celle de l’amitié indéfectible entre Maki, un enfant de 10 ans, et Zarafa, une girafe orpheline, cadeau du Pacha d’Egypte au Roi de France Charles X.
Hassan, prince du désert, est chargé par le Pacha de conduire Zarafa jusqu’en France mais Maki, bien décidé à tout faire pour contrarier cette mission et ramener la girafe sur sa terre natale, va les suivre au péril de sa vie.
Au cours de ce long périple qui les mènera du Soudan à Paris, en passant par Alexandrie, Marseille et les Alpes enneigées, ils vont vivre mille péripéties et croiser la route de l’aéronaute Malaterre, des étranges vaches Mounh et Sounh et de la pirate Bouboulina…
Crise grecque ? En raison notamment d’attache familiale en Grèce, il a semblé à Pierre Coulmin que ce pays pouvait être examinée à la fois comme champ de mise en œuvre des médications de la conception ultra-libéraliste promue par certains en même temps que comme lieu central d’expérimentations pour des pratiques collectives de résistance et d’exploration de nouvelles voies. Unidivers publie ici l’étude qu’il en a tirée. Ce travail nourri nous a semblé digne d’intérêt et pénétré d’honnêteté intellectuelle, quel que puisse être le point de vue de chacun sur les questions soulevées.
Écrire sur l’immédiate crise grecque contemporaine (cf. le précédent article sur Unidivers) est une vraie gageure du fait d’un double mécanisme : celui du flot ininterrompu des articles de journaux et autres commentaires multipliés à l’infini dans la blogosphère, et celui du cours des évènements et des coups de théâtre qui se succèdent continûment dans la vie économique, politique et sociale de la Grèce et de l’Union européenne. Je me sens pourtant en devoir de tenter d’élucider les évènements d’un pays que je fréquente depuis une trentaine d’années. Cette longue fréquentation ne donne cependant ni lucidité, ni savoir, ni clef d’explication particulière. Mais pas moins cependant que n’en possèdent quelques correspondants ou envoyés spéciaux de grands journaux ; ce qui ne les empêche pas d’avoir, dès leur arrivée dans ce pays des a priori tranchés et définitifs.
Ma réflexion va s’appuyer sur des lectures et des témoignages. Ce qui pourrait ressembler à une revue bibliographique, mais sélective, tant il s’écrit des points de vue d’auteur qui, pour bon nombre, sont payés pour faire prévaloir la thèse des grands argentiers de la finance et des pouvoirs en place. Ce ne sont pas ceux-là que je mettrai en valeur. Commençons par un énoncé historico-économique des faits qui ont conduit à la crise financière de la Grèce.
Une crise financière généralisée en six actes.
Les krachs financiers et économiques répétés de ces quatre dernières années s’inscrivent dans la vague des déréglementations financières des années 1980, dues d’abord et notamment à l’abolition du Glass Steagall Act de 1933 qui obligeait à une stricte séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires pour éviter que les mécomptes liés aux risques pris par les banques d’affaires ne diffusent leurs effets dans toute l’économie. Le Glass Steagall Act a été aboli en 1999. Ces déréglementations financières se sont accentuées et elles ont conduit à une théâtralisation dramatique et désastreuse qui affecte le monde, l’Europe, la Grèce.
Premier acte : aux USA, en 2007 la crise immobilière liée au fait que des ménages américains dont les revenus stagnent sont dans l’incapacité de rembourser leurs prêts immobiliers accordés par des banques qui augmentent le taux de leurs demandes de remboursement en s’alignant sur les taux directeurs de la réserve fédérale qui passe de 1 % à 5 % entre 2004 et 2006 la chute des cours de l’immobilier fait que la valeur des habitations des accédants à la propriété est devenue inférieure à celle des crédits d’accession.
Deuxième acte : la crise qui touche le secteur des prêts hypothécaires à risque dite crise des subprimes se transforme, en septembre 2008, en grave crise bancaire, le bilan des banques se révélant alourdi de crédits immobiliers insolvables, ce qu’elles avaient déclenché par leur laxisme et leur appât du gain. La banque Léman Brothers chute, la panique gagne, les banques ne proposent plus de prêts ce qui met l’économie au bord de l’asphyxie.
Troisième acte : les États s’endettent massivement pour renflouer les banques et relancer l’économie, mais s’interdisent de les mettre sous contrôle public. Fin 2008, début 2009, la crise de la finance privée se transforme en crise sociale, avec un chômage qui grimpe fortement et un gonflement de la dette publique.
Quatrième acte : Après le sauvetage des banques par l’argent public, les Bourses retrouvent leur vitalité. Ce qui fait que les affaires reprennent, au profit, d’abord, des actionnaires de la finance mondiale – banques d’affaires, compagnies d’assurances, fonds de pension. Les banques reportent leurs avoirs du marché des actions vers celui des dettes publiques. Ce qui serait plus rentable si leurs taux d’intérêt montaient : c’est l’objectif de l’attaque spéculative sur la dette souveraine des pays du sud de l’Europe. Attaque précédée par les « avertissements » des agences de notation qui se comportent en poissons-pilotes des requins de la finance mondiale.
Cinquième acte : un cercle vicieux s’enclenche du fait que les États de l’Europe se refusent à stopper la spéculation financière par des lois adaptées et à faire acte de solidarité pour aider massivement les pays européens en difficulté, dont la Grèce. Ceux-ci doivent donc emprunter pour payer la dette, réduire leurs déficits pour emprunter, donc réduire les dépenses publiques, c’est-à-dire les salaires, les retraites, les prestations sociales pour diminuer les déficits, donc appauvrir les ménages qui consomment moins. Cette moindre consommation engendre la récession, donc la réduction des rentrées d’impôt. Ce qui incite les agences de notation à accentuer la dégradation des titres de la dette, ce qui fait grimper les taux de remboursement des emprunts.
Sixième acte : la chute en chaîne des pays européens touchés par la spéculation financière. Après un long temps d’hésitation, le (premier) plan d’aide à la Grèce d’avril 2010 est mis en œuvre par le FMI avec des prêts de 45 milliards d’euros, dont 15 par le FMI… La Grèce devra en contrepartie réduire de 5, voire de 6 points, un déficit budgétaire estimé à 14 % du produit intérieur brut. Une saignée violente, opérée prioritairement dans les budgets sociaux, mais déjà insuffisante aux yeux de Berlin…
L’absence de stratégie cohérente, coordonnée et solidaire caractérise la réaction des États, des institutions européennes et du FMI. Chacun relaie les mots d’ordre des marchés tout en jurant d’y résister. Rassurer les marchés est la seule maxime des gouvernements de Madrid à Lisbonne, à Dublin, à Athènes. Jusqu’au stade actuel de l’éviction des instances politiques par les troïkas financières. La finalité de l’Union européenne connaît une vraie rupture. Elle s’était fondée sur une promesse de solidarité territoriale entre pays du nord et pays du sud, entre grands pays industriels et petits pays plutôt agricoles. Elle est confrontée à la lutte pour la survie et apparaît comme un espace de réduction des salaires, des prestations sociales, livré aux poussées spéculatives internationales. L’objectif des pères fondateurs de l’Europe reposait sur l’espoir que l’union douanière puis monétaire entraînerait l’union politique et sociale. Cet objectif paraît durablement mis à mal. S’y substitue un impérium germanique de domination sur l’Europe.
La situation déplorable de la Grèce
Et, dans ces conditions drastiques que devient le peuple grec ? Rappelons d’abord les mesures punitives qui sont prises :
Le nouveau plan d’austérité annoncé dimanche 2 mai 2010 est une véritable catastrophe pour la population grecque, les salariés du privé comme du public, les retraités et les privés d’emplois.
Gel des salaires et des retraites de la fonction publique pendant 5 ans ;
Suppression de 2 mois de salaires pour les fonctionnaires ;
Diminution de 8 % de leurs indemnités déjà amputées de 12 % par l’équivalent du précédent plan d’austérité du gouvernement dirigé par le PASOK ;
Le taux principal de la TVA qui, après être passé de 19 à 21 %, est porté à 23 % (les autres taux augmentent aussi (de 5 à 5.5 % et de 10 à 11 %)
Les taxes sur le carburant, l’alcool et le tabac augmentent pour la deuxième fois en un mois de 10 %
Les départs anticipés (liés à la pénibilité du travail) sont interdits avant l’âge de 60 ans ;
L’âge légal de départ à la retraite des femmes est porté de 60 à 65 ans d’ici 2013.
Pour les hommes, l’âge légal dépendra de l’espérance de vie ;
Il faudra 40 ans de travail (et non plus 37, hors études et chômage) pour avoir une retraite à taux plein ;
Cette retraite sera calculée, non plus en fonction du dernier salaire, mais selon le salaire moyen de la totalité des années travaillées (soit l’équivalent d’une baisse du montant net de la retraite de 45 à 60 %)
L’État réduira ses dépenses de fonctionnement (santé, éducation) d’1, 5 milliards d’euros.
Les investissements publics seront réduits aussi d’1,5 milliard d’euros.
Un nouveau salaire minimum pour les jeunes et les chômeurs longue durée est créé (soit l’équivalent du CPE rejeté en France par la jeunesse et les syndicats).
33 % de coupes sèches sur les salaires de la fonction publique et les retraites.
25 % liés à l’augmentation des impôts indirects (TVA, essence, alcools, économies annuelles escomptées).
8 % liés au plan de privatisation des entreprises publiques et 8 % liés à la réduction des allocations chômage et solidarité. 7 % liés aux réductions de subvention aux entreprises publiques. 6 % liés à la taxation sur les jeux.
À ce premier axe d’assainissement budgétaire s’en ajoute un deuxième qui prévoit une réforme du cadre des négociations salariales et de l’administration territoriale : 1030 municipalités réduites à 340, etc.
Sans compter les dernières mesures prévues, qu’un correspondant vivant en Grèce depuis quelque trois décennies décline ainsi :
les domaines où s’exercerait la perte de souveraineté nationale, en tout cas en Grèce, susceptible cependant de s’étendre à d’autres pays :
la gestion de l’eau
la gestion des côtes et en particulier la perspective de l’installation d’énormes parcs de pisciculture (très polluants)
la gestion des fonds marins : poches de gaz et de pétrole, minerais
la gestion des sous-sols
la gestion des paysages (installations de centrales ou d’énormes parcs d’énergie solaire)
l’exercice de l’impôt et le contrôle des ministères
la santé avec la privatisation de la plupart des hôpitaux publics
l’énergie et l’électricité (les télécommunications c’est déjà fait)
les retraites et les assurances santé
la gestion des hypothèques ! appelée à être prise en charge par le notariat ! et la justice ! déléguée à des particuliers avocats.
Parler d’un coup d’État par la haute finance ne semble pas exagéré.
Il faut voir les choses en face : l’affiliation de la plupart des dirigeants politiques ou gestionnaires européens et américains à des agences de notation et en particulier à Goldman Sachs ne peut être considéré comme un hasard, quand c’est la survie même de l’ensemble des valeurs et des institutions démocratiques qui est menacé dans l’immédiat
Mesures drastiques au point que le Guardian s’en offusque et trace le tableau hypothétique (et incomplet, car les choses sont allées s’aggravant depuis la parution de cet article) des résultats d’une telle pratique si elle survenait aux USA (cf. note n°3).
Comment la Grèce en est-elle arrivée à cette situation catastrophique ?
Les raisons de cette tragédie sont à rechercher dans deux, sinon trois directions. La première direction de recherche concerne la Grèce elle-même. La deuxième concerne les modes d’insertion de la Grèce dans l’Europe et les transformations des procédures de gestion des États par l’Europe. Examinons, avec attention, la situation de la Grèce.
La Grèce est une démocratie très jeune (35 ans). Ce phénomène est lié à quatre cents ans d’asservissement et de colonisation par l’Empire ottoman. La république est de formation récente (86 ans) et d’existence précaire, entachée de guerres civiles, de conflits mondiaux, de restaurations monarchiques et de coups d’État dictatoriaux (1967-74). Tout ceci explique la difficulté à instaurer une solide armature économique et sociale.
L’impact de l’histoire
Quatre siècles de domination étatique de l’Empire ottoman ont retardé la formation récente de l’État moderne et font que, encore aujourd’hui, la Grèce peut être considérée comme un « jeune état ». Les regroupements territoriaux qui ont conduit à l’état grec actuel se sont échelonnés de 1862 à 1947. Ce qui a forcément retentissements et conséquences sur la gestion administrative et le mode de gouvernance du territoire. À titre de rappel, il a suffi que l’Alsace et la Lorraine soient rattachées à l’Allemagne de 1871 à1918 pour qu’aujourd’hui encore le système de séparation de l’église et de l’état ne s’applique pas à ces territoires pour la raison que les lois de 1905-1906 ont été votées dans un moment où l’Alsace était rattachée à l’Allemagne. Il est vraisemblable que cette coalescence en chapelet du territoire grec a généré une kyrielle de particularités, surtout si l’on se souvient que la Grèce est très insulaire puisqu’elle compte 169 îles habitées : ce qui ajoute à la diversité du territoire et ce qui contribue à expliquer les difficultés de l’État à être reconnu comme légitime et aussi ses difficultés financières endémiques, car l’appareil régalien de l’état s’est mis en place tardivement et de manière disparate.
Les niveaux de vie, les dispositifs de régulation, les politiques d’investissement s’en sont trouvés très retardés. Aujourd’hui la Grèce juxtapose modernité et archaïsmes. Elle cohabite avec la modernité et la mondialisation par internet, par son système de communications, par le tourisme et par sa flotte marchande. (Elle est la première du monde, avec quelque 3150 navires pour 156 millions de tonnes de ports en lourd, en 2010. Mais les armateurs grecs ne sont constitutionnellement pas soumis à l’impôt). Mais dans beaucoup de domaines, elle accumule les retards (en matière de protection sociale, de système de sécurité sociale et de santé hospitalière, d’éducation, de système de retraites et de services aux personnes âgées, de sécurité, de collecte des impôts, de contrôle raisonné de l’immigration aux frontières et de gestion des flux migratoires, de politique environnementale, de gestion de l’espace : il n’y a pas de cadastre). Faut-il pour autant parler d’archaïsme et considérer que la seule norme à adopter en Europe est celle des pays de la première révolution industrielle, notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France… Ou insister sur la richesse que crée la diversité des histoires, des cultures et des situations géographiques des pays appelés à former l’Europe ? Et insister aussi sur le fait que la recherche assidue de nouveaux pays partenaires par les États fondateurs reposait sur l’idée que l’Europe devait associer des pays industriels producteurs et des pays non industriels, consommateurs des produits industriels des premiers, de manière à fonder un imperium économique tressé de solidarités et d’échanges entre les uns et les autres.
L’histoire récente de la Grèce produit des séquelles dans le fonctionnement actuel de l’état et de la société qui se distingue par une économie souterraine qui pourrait représenter de 20 à 35 % du PIB (75milliards €!), avec des pratiques largement répandues de paiements en liquide, de façon à minimiser les traces comptables.
Il en suit une évasion fiscale minorant d’environ 15 % les ressources de l’État (35milliards €, soit l’équivalent du déficit annoncé pour 2009), sans parler des privilèges fiscaux exorbitants en faveur de l’Église orthodoxe, première propriétaire du foncier et des armateurs grecs que la volatilité d’installation des pavillons de complaisance pousse au chantage sur le privilège fiscal, faute de quoi, ils quitteraient le pays. Sans évoquer les niches fiscales qui foisonnent. Ce qui explique que le taux de fiscalisation est scandaleusement inégalitaire.
C’est aussi une société et une économie modelée par la famille : les ménages grecs sont, à plus de 80 %, propriétaires de leur maison. Maison qui peut accueillir jusqu’à trois générations. De même les entreprises sont souvent familiales : 30 % des emplois sont formés de travailleurs indépendants (professions libérales, artisans, commerçants, agriculteurs qui, à eux seuls, représentent 11 % de la structure de l’emploi). Les entreprises de moins de 10 salariés représentent 95 % de l’emploi.
C’est encore un pays profondément rural. Certes, l’agglomération d’Athènes réunit plus du tiers de la population du pays qui compte quelque 10 700 000 habitants. Mais il suffit de penser aux énormes embouteillages qui accompagnent chaque élection (puisque les Grecs majoritairement vont voter dans le pays de leur famille) ou aux mêmes embouteillages du proto mayo, quand les Grecs vont cueillir à la campagne les premiers bouquets du printemps, pour comprendre l’attachement fort des Grecs à la campagne et à la nature.
C’est enfin un pays obsédé par le risque de guerre d’invasion : La Grèce se place en tête des pays d’Europe avec un niveau de dépenses militaires qui représente 4 % de son PIB (France 2,4 %), avec un service militaire qui reste le plus long d’Europe. Tout cela pour rester dans la course aux armements impulsée par la Turquie. Propension guerrière et obsidionale encouragée par le couple dominant de l’Union européenne qui contrôle les importations grecques, mais autorise les achats d’armement, notamment lorsqu’ils proviennent des industries guerrières de France et d’Allemagne.
Mais tout cela ne saurait suffire à expliquer la situation dramatique dans laquelle se trouve la Grèce au sein de l’Europe même si cela contribue à expliquer l’état de faiblesse et de pauvreté relative de la Grèce.
L’économie
Pauvreté qui ne date pas d’hier… Dès la signature du traité d’adhésion à l’Europe, le 28 mai 1979 confirmée par l’entrée de la Grèce dans la CEE, le 1er janvier 1981, il est évident pour tous que la Grèce est un pays pauvre dont le PIB par habitant est inférieur de 50 % à la moyenne européenne. C’est pourquoi, et aussi pour saluer le retour de la Grèce à la démocratie, les conditions d’adhésion lui ont été particulièrement adaptées : une période de transition de cinq à sept ans, selon les produits lui avait été accordée pour son adaptation économique, ce qui n’avait pas retardé l’accès immédiat aux fonds structurels européens. La Grèce en bénéficiera largement avec une moyenne de subventions de quatre milliards d’euros par an dans les vingt années qui suivent.
Chacun sait sans doute qu’après avoir échoué une première fois à sa demande d’entrée dans l’euro, la Grèce est finalement admise du fait de manœuvres bancaires frauduleuses. Il est en effet aujourd’hui établi que la grande banque d’affaires américaine Goldman Sachs, par des montages financiers complexes et la fabrication de produits dérivés ad hoc, a permis aux autorités grecques de minorer fictivement le déficit public de plusieurs milliards d’euros(4).
Malgré tout, pour passer l’examen de l’euro, la Grèce s’était soumise à un régime économique et financier draconien marqué de privatisations, de compression des dépenses, de durcissement de la politique monétaire. Alors que, en 1990, l’inflation et le déficit public galopaient avec un taux de 20 % pour l’une et de 16 % pour l’autre, les « critères de convergence » nécessaires pour entrer dans l’euro sont atteints, sauf la dette publique qui dépasse 100 % du PIB. Puisque le déficit public se creuse, la Grèce encourt de la commission européenne une première « Procédure pour déficit excessif (PDE)» qui la met sous tutelle budgétaire. La politique de rigueur engagée par Caramanlis réduit « officiellement » le déficit sous la limite des 3 % en 2007. Pour Benjamin Coriat et Christophe Lantenois (article cité) « LaCommission mettra fin à sa procédure contre déficit excessif en mai 2007. Ce point vaut d’être rappelé avec force.Car il signifie qu’en Grèce (comme ailleurs dans la zone euro), à l’entrée de la crise financière qui va semer le chaos dans le monde, la Grèce (comme la zone euro) est dans une situation de dette publique et de déficit budgétaire jugée parfaitement saine, au regard même des très stricts critères du Pacte de Stabilité et de Croissance. Il faut en effet rappeler qu’en 2007 aucun pays de la zone euro ne connaît de PDE ! (En 2010, après que la tornade financière fut passée par là, tous les pays de la zone euro y compris l’Allemagne seront placés sous PDE) ».
Il est incontestable que, dans un premier temps, l’adhésion à la CEE a été hautement profitable à la Grèce qui a connu une belle croissance dans la décennie 2000, car du fait de son entrée dans l’euro, elle pouvait recourir à l’emprunt international à des taux très bas. Mais, au fil des années la valorisation constante de l’euro va se révéler pénalisante pour l’économie grecque qui voit s’accroître ses déséquilibres structurels.
Dans ce contexte, la crise financière mondiale telle qu’elle se développe notamment après la chute de Léman Brothers en 2008 sera fatale aux précaires équilibres grecs. (Benjamin Coriat et Christophe Lantenois) (article cité). C’est « le quatrième acte » décrit au début de cet article. Et l’on peut s’interroger sur les raisons qui poussent les spéculateurs de la finance internationale. Ce n’est pas dû à l’importance des dettes publiques de la zone euro : celles du Japon, celle du Royaume uni et celles des USA sont plus importantes. Le fait que l’euro soit considéré comme une proie facile est lié aux erreurs de conception institutionnelle de la zone euro qui statuent que l’acquisition des titres de la dette publique est interdite à la banque centrale européenne. Ce qui fait de ces dettes publiques le terrain de jeu réservé aux banques privées. De plus les institutions, depuis le traité de Lisbonne interdisent la solidarité financière entre pays membres, comme elles interdisent à la banque centrale européenne d’acquérir des titres de la dette publique, livrant celle-ci aux marchés financiers, qui de ce fait les considèrent comme leur domaine réservé et leur terrain de manoeuvre privilégié {Benjamin Coriat et Christophe Lantenois (article cité)}. Les marchés financiers vont se servir des faiblesses institutionnelles de l’Europe en s’attaquant aux pays les plus fragiles. D’abord la Grèce, puis d’autres pays européens : le Portugal, l’Italie, l’Irlande… On peut faire l’hypothèse que d’autres pays suivront. Ainsi de l’Espagne, de la France et, à terme, par voie de conséquences, l’Allemagne dont 40 % des exportations se font à l’intérieur du marché européen. D’où le risque de voir l’Europe sinon voler en éclat, du moins s’orienter vers des gouvernances discriminantes qui conduiront à une Europe à plusieurs vitesses.
Union européenne et politiques de cohésion économique et sociale
Comment en est-on arrivés là ? Alors que la construction de l’Europe, dès son origine, était fondée sur une volonté de solidarité entre les pays du nord, « riches » et industriels et les pays du sud, « pauvres », plutôt agricoles et dépourvus d’industries. Cette volte-face mérite examen.
Prenons appui sur quelques textes officiels de l’Union européenne, notamment sur le Troisième rapport sur la cohésion économique et sociale: situation socio-économique de l’Union et impact des politiques européennes et nationales (février 2004, publié en mai 2007). Voici la présentation officielle des grands axes de la politique régionale :
« La politique régionale de l’Union européenne favorise la réduction des écarts structurels entre les régions de l’Union, le développement équilibré du territoire communautaire ainsi que la promotion d’une égalité des chances effective entre les personnes. Fondée sur les concepts de solidarité et de cohésion économique et sociale, elle se concrétise au travers de diverses interventions financières, notamment celles des Fonds structurels et du Fonds de cohésion. Pour la période 2007-2013, la politique régionale de l’Union européenne occupe le deuxième poste budgétaire de l’Union européenne avec une allocation de 348 milliards d’euros. En 1986, l’Acte unique européen a introduit l’objectif de cohésion économique et sociale. Le traité de Maastricht (1992) a finalement institutionnalisé cette politique dans le traité CE (articles 158 à 162). »
Était-ce volonté réelle de réduire les différences pour progressivement les supprimer ou simple souci d’atténuer les énormes écarts entre les plus pauvres et les plus riches de ces États de l’Europe ?
Le troisième rapport sur la cohésion économique et sociale de février 2004 insiste avec vigueur sur les considérables disparités économiques et sociales (mesurées en parité de pouvoir d’achat) de l’Union européenne à 25 : « En 2002, année la plus récente pour laquelle des données régionales sont disponibles, les niveaux de PIB par habitant au niveau régional étaient compris entre 189 % de la moyenne de l’UE à 25 dans les dix régions les plus prospères et 36 % dans les dix régions les moins prospères ».
Vaille que vaille, le système de solidarité régionale et ses apports financiers structurels en matière d’infra structures routières, portuaires et aéroportuaires, ferroviaires ont plus que significativement aidé les « pays du sud » de l’Europe à combler peu à peu leur retard par rapport à la moyenne européenne.
Mais, désormais, la politique de cohésion économique et sociale s’est radicalement modifiée au point de se transformer, sous la houlette vindicative des chefs d’état allemand et français, en politique d’ostracisme, de mépris et de dégradation. Les solidarités structurelles et régionales se sont transformées en dominations injurieuses et tatillonnes des pays les plus riches vis-à-vis des plus pauvres. Le changement d’attitude s’explique par la conjonction de deux phénomènes : le premier date de mars 2004, lorsque les instances européennes, dans leur course à la surpuissance de l’Europe ont fait, de manière inconsidérée, passer le nombre d’États européens de 17 à 25, avant même d’avoir revu les règles de gouvernance, d’avoir mis en œuvre les prémisses d’une politique étrangère commune, tout en maintenant le vote à l’unanimité dans les domaines tels que l’adhésion d’un nouvel état, la fiscalité, la modification des traités ou la mise en œuvre d’une nouvelle politique commune. Comme s’il apparaissait que, seule la montée en puissance économique de l’Europe importait, reprenant ainsi la stratégie d’origine du « Marché commun ».
Le deuxième phénomène est le coup d’arrêt du système de solidarité européenne qui s’est brutalement paralysé suite à la crise bancaire et financière de 2008. Mais il est inutile de revenir sur cette crise de 2008, analysée dès l’introduction. Il est par contre nécessaire d’examiner les transformations de la « doxa » économique au cours de ces trente dernières années. Pour traiter, de manière concise, de ces évolutions, je m’appuie sur l’article de Yann Richard,« l’espace politique « Firmes et géopolitiques » in L’espace politique(mis en ligne le 25 octobre 2011). Celui-ci pose que :
« L’approche des relations entre politique et économie a varié au fil du temps. Les auteurs classiques (Adam Smith) et néoclassiques (Walras), tout en donnant la primauté au marché, ont pu préconiser l’intervention de l’État dans certains secteurs ou circonstances. Au milieu du XXe siècle, et à la suite de la crise de 1929, le keynésianisme renverse la donne. En montrant que les marchés ne s’équilibrent pas automatiquement, il ouvre la voie d’une ère plus interventionniste. C’est en critiquant l’État Providence que le libéralisme contemporain revient en force, sous la plume de Milton Friedman qui publie en 1962 son très influent « Capitalism and Freedom« qui inspire les politiques de Margaret Thatcher et Ronald Reagan au début des années 1980, avant que ses idées ne se diffusent au sein des organisations internationales et des gouvernements de nombreux pays.
À l’issue de ce processus de privatisations et de déréglementations, les firmes multinationales s’imposent comme des acteurs majeurs. On peut se demander si, plus généralement, les acteurs économiques et financiers (agences de notations) ne sont pas devenus des acteurs politiques incontournables, tant ils sont capables, à travers des think tanks et autres groupes de pression, d’orienter les politiques structurelles. Ce rôle « post-manufacturier » est, pour partie, le résultat du « retrait de l’État », tel que Susan Strange a pu le théoriser dans les années 1990. Ce « retrait » s’est exprimé autant à l’intérieur des États dans le cadre d’un désengagement des pouvoirs centraux, que par l’action nouvelle d’acteurs transnationaux, comme les banques et fonds de pension dont les capacités financières se sont considérablement renforcées et qui modifient l’approche classique des relations internationales et de la géopolitique. »
Texte bref qui résume bien les évolutions géopolitiques des trente dernières années et qui analyse, d’évidence autant les conduites des grands commis de l’état et des politiciens des grandes puissances industrielles que celles de la technostructure et de la classe politique de l’Union européenne. Texte qui pose aussi avec justesse la question de savoir si « La crise actuelle va mettre un terme à cette montée en puissance et provoquer un “retour de l’État” ? Il est sans doute encore trop tôt pour l’affirmer, d’autant que l’influence libérale esquissée par l’école de Chicago est encore prégnante dans nombre d’institutions. Mais la logique prônant toujours moins d’État semble désormais remise en question. »
De toute évidence, cet éventuel « retour de l’état » qu’il concerne les nations ou l’Union européenne mettrait sans doute beaucoup de temps à devenir opératoire, si ce n’est pas pure utopie. Comme semblent en témoigner les derniers agissements des instances de décision européenne à propos de la crise grecque. Arnaud Zacharie, l’un des instigateurs du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers Monde (CADTM) et directeur du département recherche et programme au centre national de coopération au développement (CNCD) à Bruxelles est, sur cette question, péremptoire dans un article intitulé « Enrayer la spirale négative » paru dans « Imagine demain le monde“ de janvier février 2012, il affirme :
‘La proposition de l’Union européenne de faire appel, en novembre 2011, aux pays émergents du Sud pour financer le Fonds européen de stabilité financière (FESF) – proposition finalement poliment déclinée par les intéressés – est une nouvelle illustration de l’incapacité des pays européens à régler eux-mêmes leurs problèmes. Déjà en 2010, dans le contexte de la crise grecque, un pays dont l’économie ne représente pourtant qu’environ 3 % du poids économique de l’Europe, l’Union européenne avait sollicité le FMI. Ce dernier fait depuis lors partie, avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne, de la ‘troïka’ appelée au chevet des pays européens en crise, sommés d’opérer des cures d’austérité qui ne sont pas sans rappeler les programmes d’ajustements structurels imposés par le passé aux pays endéveloppement.’
L’auteur poursuit en pariant, a contrario, sur la capacité de l’Union européenne à régler ces problèmes, qu’il s’agisse d’enrayer la spéculation sur les dettes publiques, de réguler le système bancaire, de préparer l’avenir de l’Europe notamment en préparant la transition énergétique sans faire appel ni au FMI, ni aux pays émergents, que ce soit la Chine, la Russie ou le Brésil. Arnaud Zacharie affirme que l’échec de l’Union européenne est dû, d’abord à l’incapacité des États membres à développer des politiques coordonnées pour avancer dans cette voie.
La seule politique qui semble avoir les faveurs de l’ensemble des décideurs européens est celle qui consiste à couper drastiquement dans les dépenses pour rassurer les marchés. L’ennui est que ces marchés, pris au premier degré, sont mauvais conseillers. Certes, il est nécessaire de mener des politiques budgétaires rigoureuses et de réduire les déficits, mais des politiques d’austérité généralisée peuvent aboutir au résultat inverse : la baisse des dépenses publiques, si elle est trop importante et trop rapide, peut entraîner une chute de l’activité économique, une hausse du chômage et une baisse des recettes fiscales, ce qui aboutit in fine au creusement des déficits publics. C’est ce scénario de la déflation qui a été à l’œuvre lors de la Grande Dépression des années 1930, de la crise du Japon des années 1990 et des programmes d’ajustements structurels des années 1980 et 1990.
Certes, comme le rappellent à juste titre nombre d’observateurs, ce sont les crises qui ont fait avancer la construction européenne par le passé. Toutefois, ce n’est ni en attendant que les solutions viennent d’ailleurs ni en s’agenouillant devant les marchés que ces avancées ont été opérées. Il serait urgent que les décideurs européens s’en souviennent.
Il y a urgence en effet. Sans reprendre comme assurée l’hypothèse de Thierry de Montbrial qui affirme : ‘Depuis l’aube des temps modernes, les Européens, puis ceux qu’on a pris l’habitude d’appeler les Occidentaux, ont dirigé le monde. C’est probablement un cycle de cinq siècles qui s’achève.’, il est urgence cependant que soit adoptées des décisions politiques qui feront de l’Union européenne un monde de solidarité humaine plutôt qu’un conglomérat politique informe, simple courroie de transmission des spéculations fébriles des puissances financières.
Pierre Coulmin. Thaon. Aghia Paraskévi. Zemeno 2010-janvier 2012.
Géographe de l’espace vécu et de la géographie sociale(1), Pierre Coulmin fut enseignant en histoire-géographie, cheville ouvrière de la formation des milieux ruraux défavorisés de Basse-Normandie, avant de se consacrer à l’étude et à la mise en œuvre du développement local(2) puis, enfin, diriger une fédération nationale consacrée à l’aménagement et aux questions du logement dans les zones rurales de l’hexagone.
Notes
(1) Luttes pour la terre, la société paysanne en bocage normand. OCEP, Coutances. 1979
(2) La dynamique du développement local. Syros-Adels Paris 1986
(3) Par Mark Weisbrot. Économiste et codirecteur du Center for economy and policy research, un centre de recherches à Washington :
Imaginez que, au cours de l’année la plus noire de notre récente récession, le gouvernement des États-Unis ait décidé de réduire le déficit budgétaire de plus de 800milliards de dollars en taillant dansles dépenses publiques et en augmentant les impôts. Imaginez que, conséquence de ces mesures, la situation économique se soit détériorée, que le chômage ait crevé le plafond pour dépasser16 %.Imaginez maintenant que le président promette de récupérer 400 milliards de dollars de plus cette année, en économies, en hausses d’impôt supplémentaires. Comment croyez-vous que réagirait l’opinion publique ? Probablement comme elle le fait en Grèce aujourd’hui, manifestations de masse et émeutes comprises. Car c’est exactement ce qu’a fait le gouvernement grec.Les chiffres ci-dessus sont simplement proportionnels aux dimensions respectives des deux économies… Les Grecs sont d’autant plus en colère que le châtiment collectif dont ils sont victimes leur est infligé par des puissances étrangères – la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). Cela met en lumière ce qui est peut-être le problème le plus aigu, celui qu’incarnent des institutions supranationales, orientées à droite et échappant à tout contrôle. La Grèce n’en serait pas là si elle n’était pas membre d’une union monétaire. Si ses propresdirigeantsétaient assez idiots pour, de leur proprechef,pratiquer des coupes claires dans les dépenses publiques et augmenter les impôts en pleine récession, ils seraient remplacés. Puis un nouveau gouvernement ferait ce que la grande majorité des gouvernements de la planète a fait lors de la récession de 2009 : exactement le contraire. Ils mettraient en œuvre un plan de relance, ou ce que les économistes définissent comme une politique contracyclique.
Et si cela devait passer par une renégociation de la dette publique, alors c’est ce que ferait le pays. De toute façon c’est ce qui se produira, même sous la férule des autorités européennes, mais au préalable celles-ci soumettent la Grèce à des années de souffrances inutiles. Et elles profitent de la situation pour privatiser des actifs publics pour une bouchée de pain et restructurer l’économie et l’état grec à leur convenance.
Châtiment collectif
Un gouvernement grec démocratiquement responsable adopterait une ligne beaucoup plus dureface auxautorités européennes. Par exemple, il pourrait commencerparun moratoire sur le paiement des intérêts quise montent actuellement à 6,6 % du PIB. (C’estun fardeau terrible, et selon les prévisions du FMI,ildevrait représenter 8,6 %duPIB d’ici à2014.En comparaison, en dépit detout le tintamarre qui se fait à propos de la dette américaine, le taux d’intérêt net sur la dette publique étasunienne représente aujourd’hui 1,4 %de son PIB.) Cela dégagerait assez de fonds pour un programme sérieux de relance, tandis que le gouvernement négocierait une inévitable révisionde ladette à la baisse. Bien sûr, cela exaspérerait les autorités européennes – qui considèrent la situation du pointde vue de leurs grandes banques et des créanciers -, mais le gouvernement grec se trouverait au moins dans une position raisonnableavantd’ouvrir les négociations. À en juger par la toute dernière révision del’accordentre le FMI et Athènes, il semblerait que l’euro soit encore surévalué de 20à 34 % pour l’économie grecque. Ce qui écarte encore un peu plus la possibilité d’une reprise engendrée par une ‘dévaluation interne’ – qui consiste à rendre l’économie plus compétitive en maintenant le chômage à un niveau extrêmement élevé pour faire baisser les salaires. Mais le plus gros problème c’est que la politique budgétaire du pays ne va pas dans le bon sens. Et évidemment, Athènes ne peut faire jouer la politique monétaire, puisqu’elle est sous le contrôle de la BCE.
Les autorités européennes disposent de tout l’argent nécessaire pour financer un programme de relance en Grèce, tout en renflouant leurs banques si elles ne veulent pas les voir essuyer les pertes inévitables liées à leurs prêts. Rien ne justifie que l’on continue ainsi à infliger un châtiment sans fin au peuple grec.
(4) Selon l’article de Benjamin Coriat et Christophe Lantenois : ‘l’imbroglio grec…’ paru sur www.aterres.org
9 juillet 1864, un sac, une canne et un chapeau sont découverts sous le siège ensanglanté du compartiment d’un train anglais. Le propriétaire des objets, un postier, est découvert, gisant entre les voies. Scotland Yard est chargé de l’enquête et envoie ses meilleurs limiers. Ceux-ci vont devoir courir jusqu’à New York sur la piste d’un suspect allemand. Les témoins se succèdent et tentent de reconstituer les évènements face aux juges. Sur fond de rivalité entre l’Allemagne et l’Angleterre, l’accusé parviendra-t-il à se disculper ?
À l’époque, ce fait-divers fut grandement mis en avant par les médias, car c’était bel et bien le premier meurtre perpétré à l’intérieur d’un train. Le récit est aussi grisant que passionnant, il fourmille de détails, les personnages sont agréables à suivre et échangent des dialogues légers, mais de qualité. Produire une littérature aussi pédagogique est à la portée seulement des plus grands. Le va-et-vient entre documentaire historique et histoire policière confine à la perfection. Pour autant, ce livre n’est pas si simple d’accès malgré sa brillante combinaison de polar et d’histoire.
La littérature qui combine meurtre et ballade ferroviaire est bien représentée, notamment par Agatha Christie. Mais pour réaliser ce genre de monument, il faut un scénario soit très solide, soit très inventif et, encore mieux, les deux. Sans affirmer que l’inventivité de Kate Colquhoun fait jeu égal avec la grande reine du polar, on peut allégrement avancer que Le chapeau de M. Briggs en mérite un, un coup de chapeau bien sûr.
[stextbox id= »info » color= »996666″ bgcolor= »ff3333″]Kate Colquhoun, traduit de l’anglais par Christine Laferrière, Bougois, février 2012, 458 p,, 25€ [/stextbox]
Essential Killing, un film de Jerzy Skolimowski avec Vincent Gallo et Emmanuelle Seigner. Capturé par les forces américaines en Afghanistan, Muhammad est envoyé vers une prison secrète américaine située en Pologne. Lors d’un transfert, il réchappe d’un accident et se retrouve en fuite dans une forêt enneigée. Traqué par des soldats de l’ombre, Muhammad, Vincent Gallo, galope après sa survie. Une chasse à l’homme d’une heure trente. Une parole raréfiée dans une atmosphère de montagne glacée. L’ensemble est honorable, des qualités indéniables, mais des faiblesses à l’avenant.
À 73 ans, après l’intrigante dureté de Ferdydurke, en 1991, et de Quatre nuits avec Anna, en 2009, Jerzy Skolimovski poursuit avec Essential Killing un dépouillement de la trame narrative traitée à coup d’énergies sèches.
Les premières images alternent vue du ciel et relief escarpé des dunes crème d’Afghanistan. Trois soldats américains couverts par un hélicoptère recherchent un objet. Pris pour cible par un afghan aux traits christiques qui arrive à surmonter sa peur pour faire feu, ils sont déchiquetés par le tir de bazooka. Sonné par une roquette tirée depuis l’hélicoptère en réponse, le tueur est arrêté et conduit dans une base de l’armée américaine. Il est interrogé, mais ne peut répondre en raison de la surdité dans laquelle l’a plongé l’explosion de la roquette. Il est torturé.
Le choix d’aller au-delà d’une simple opposition entre armée américaine et taliban fondamaliste a le mérite d’éviter le cliché. Reste en filigrane une dénonciation de l’installation secrète d’une base de torture étasunienne en Pologne qui avait été révélée par Human Rights Watch en 2005.
Lors d’un transfert de nuit vers cette base polonaise, le présumé taliban s’échappe. Commence une quête de survie dans le jour tamisé d’une forêt enneigée. La traque de l’évadé filmé en caméra subjective est scandée et ménage quatre types de temps. Le temps des rencontres et des luttes. Les expériences intérieures (ponctués de flash-back – plus ou moins efficaces – où l’on entrevoit l’aimée afghane, laquelle a sans doute fait les frais d’un dommage collatéral). Des temps hallucinatoires (baies toxiques, oiseaux de mauvais augure, meute de chiens sauvages). Enfin, la subsistance : le sein nourricier d’une mère croisée sur un chemin ou quelques surgeons de vie dans une nature à la sève confinée par la glace.
Le spectateur comprend qu’il n’y aura pas de retour à Ithaque dans cette odyssée. Il est invité à faire corps avec celui qui va vers un ailleurs qui ne mène sans doute nulle part. Ou plutôt, vers une inévitable fin : disparition et dissolution ou résurrection et apothéose. Cet accompagnement lie l’attention du spectateur à la conscience en alerte du fuyard. Là sourd une dimension spirituelle dans le questionnement du réalisateur, une dimension phénoménologique dans la réalisation.
Dans une temporalité où des heures deviennent tout à la fois des minutes et des jours, les stades de cicatrisation de la blessure sur la joue droite de Vincent Gallo suggèrent que la seule temporalité qui vaille finalement est celle de la chair. De la chair et de sa souffrance.
Chaque geste entraîne sa conséquence, chaque inconséquence son risque vital, la régression à l’animalité devient loi. Vincent Gallo fuit pieds nus dans la neige, dans l’eau glacée, l’un de ses pieds est déchiré par un piège à loups. Raisonnablement, la traque n’aurait pas dû durer bien longtemps eu égard à l’état de faiblesse et d’infirmité du fuyard. La solution du réalisateur est de faire basculer le film dans une sorte de conte existentiel.
Les motifs tranchés narratifs se mettent au service d’un retour au naturel. Le naturel dépouillé de la survie humaine et de la nature cosmique. Le fuyard puise en lui des forces inconnues, restaure des sédiments animaliers enfouis dans son être : chaque insecte, oiseau et mammifère croisé renvoie à une dimension intérieure. La consommation de l’écorce d’un arbre et d’un poisson cru suggère une eucharistie animiste.
Hélas, la rencontre avec une femme muette interprétée par Emmanuelle Seigner affaiblit la tension dans la demi-heure finale. Illustration d’une philanthropie première qui survivrait dans un monde de brutes, la jeune montagnarde recueille et soigne l’homme traqué. L’actrice – tout à la fois maquillée, sourde et regardant un match à la télévision – laisse dubitatif. Qui plus est, après l’avoir recueillie et soignée la nuit (ou plus?), elle le congédie au matin, mais en le confiant à son cheval. Ce n’est donc pas l’option de la résurrection qui a été retenue par le réalisateur. Le fuyard exténué et affalé sur un étalon blanc largue le port pour sa dernière dérive. Jusqu’à la scène finale, métaphore initiatique éculée : le fuyard meurt au pied de l’étalon qui poursuit sa déambulation au sein de la nature…
Si dépouillement et énergies servent une mise en scène bien orchestrée, la cohérence d’ensemble souffre néanmoins de défauts techniques, notamment d’un montage à certains endroits maladroit. Reste une radicalité formelle, une mise en scène équarrie, le jusqu’au-boutisme d’un Vincent Gallo qui signe là une excellente performance physique d’acteur. Essential Killing est une toile au pinceau sec produite par la rencontre des obsessions, névroses et expériences-limites d’un réalisateur et d’un acteur. Si la partie émergée fonctionne bien, une certaine illisibilité grève ses profondeurs. Et l’illisibilité ne confine que rarement au mystère. On est loin de l’intensité évocatoire des tribulations de Stalker de Tarkovski ou de Dead Man de Jarmush – deux phares en matière de récits initiatiques sous forme de Nature Filming.
Some are born to sweet delights, some are born to endless nights…
Essential Killing, un film de Jerzy Skolimowski avec Vincent Gallo et Emmanuelle Seigner. Capturé par les forces américaines en Afghanistan, Muhammad est envoyé vers une prison secrète américaine située en Pologne. Lors d’un transfert, il réchappe d’un accident et se retrouve en fuite dans une forêt enneigée. Traqué par des soldats de l’ombre, Muhammad, Vincent Gallo, galope après sa survie. Une chasse à l’homme d’une heure trente. Une parole raréfiée dans une atmosphère de montagne glacée. L’ensemble est honorable, des qualités indéniables, mais des faiblesses à l’avenant.
À 73 ans, après l’intrigante dureté de Ferdydurke, en 1991, et de Quatre nuits avec Anna, en 2009, Jerzy Skolimovski poursuit avec Essential Killing un dépouillement de la trame narrative traitée à coup d’énergies sèches.
Les premières images alternent vue du ciel et relief escarpé des dunes crème d’Afghanistan. Trois soldats américains couverts par un hélicoptère recherchent un objet. Pris pour cible par un afghan aux traits christiques qui arrive à surmonter sa peur pour faire feu, ils sont déchiquetés par le tir de bazooka. Sonné par une roquette tirée depuis l’hélicoptère en réponse, le tueur est arrêté et conduit dans une base de l’armée américaine. Il est interrogé, mais ne peut répondre en raison de la surdité dans laquelle l’a plongé l’explosion de la roquette. Il est torturé.
Le choix d’aller au-delà d’une simple opposition entre armée américaine et taliban fondamaliste a le mérite d’éviter le cliché. Reste en filigrane une dénonciation de l’installation secrète d’une base de torture étasunienne en Pologne qui avait été révélée par Human Rights Watch en 2005.
Lors d’un transfert de nuit vers cette base polonaise, le présumé taliban s’échappe. Commence une quête de survie dans le jour tamisé d’une forêt enneigée. La traque de l’évadé filmé en caméra subjective est scandée et ménage quatre types de temps. Le temps des rencontres et des luttes. Les expériences intérieures (ponctués de flash-back – plus ou moins efficaces – où l’on entrevoit l’aimée afghane, laquelle a sans doute fait les frais d’un dommage collatéral). Des temps hallucinatoires (baies toxiques, oiseaux de mauvais augure, meute de chiens sauvages). Enfin, la subsistance : le sein nourricier d’une mère croisée sur un chemin ou quelques surgeons de vie dans une nature à la sève confinée par la glace.
Le spectateur comprend qu’il n’y aura pas de retour à Ithaque dans cette odyssée. Il est invité à faire corps avec celui qui va vers un ailleurs qui ne mène sans doute nulle part. Ou plutôt, vers une inévitable fin : disparition et dissolution ou résurrection et apothéose. Cet accompagnement lie l’attention du spectateur à la conscience en alerte du fuyard. Là sourd une dimension spirituelle dans le questionnement du réalisateur, une dimension phénoménologique dans la réalisation.
Dans une temporalité où des heures deviennent tout à la fois des minutes et des jours, les stades de cicatrisation de la blessure sur la joue droite de Vincent Gallo suggèrent que la seule temporalité qui vaille finalement est celle de la chair. De la chair et de sa souffrance.
Chaque geste entraîne sa conséquence, chaque inconséquence son risque vital, la régression à l’animalité devient loi. Vincent Gallo fuit pieds nus dans la neige, dans l’eau glacée, l’un de ses pieds est déchiré par un piège à loups. Raisonnablement, la traque n’aurait pas dû durer bien longtemps eu égard à l’état de faiblesse et d’infirmité du fuyard. La solution du réalisateur est de faire basculer le film dans une sorte de conte existentiel.
Les motifs tranchés narratifs se mettent au service d’un retour au naturel. Le naturel dépouillé de la survie humaine et de la nature cosmique. Le fuyard puise en lui des forces inconnues, restaure des sédiments animaliers enfouis dans son être : chaque insecte, oiseau et mammifère croisé renvoie à une dimension intérieure. La consommation de l’écorce d’un arbre et d’un poisson cru suggère une eucharistie animiste.
Hélas, la rencontre avec une femme muette interprétée par Emmanuelle Seigner affaiblit la tension dans la demi-heure finale. Illustration d’une philanthropie première qui survivrait dans un monde de brutes, la jeune montagnarde recueille et soigne l’homme traqué. L’actrice – tout à la fois maquillée, sourde et regardant un match à la télévision – laisse dubitatif. Qui plus est, après l’avoir recueillie et soignée la nuit (ou plus?), elle le congédie au matin, mais en le confiant à son cheval. Ce n’est donc pas l’option de la résurrection qui a été retenue par le réalisateur. Le fuyard exténué et affalé sur un étalon blanc largue le port pour sa dernière dérive. Jusqu’à la scène finale, métaphore initiatique éculée : le fuyard meurt au pied de l’étalon qui poursuit sa déambulation au sein de la nature…
Si dépouillement et énergies servent une mise en scène bien orchestrée, la cohérence d’ensemble souffre néanmoins de défauts techniques, notamment d’un montage à certains endroits maladroit. Reste une radicalité formelle, une mise en scène équarrie, le jusqu’au-boutisme d’un Vincent Gallo qui signe là une excellente performance physique d’acteur. Essential Killing est une toile au pinceau sec produite par la rencontre des obsessions, névroses et expériences-limites d’un réalisateur et d’un acteur. Si la partie émergée fonctionne bien, une certaine illisibilité grève ses profondeurs. Et l’illisibilité ne confine que rarement au mystère. On est loin de l’intensité évocatoire des tribulations de Stalker de Tarkovski ou de Dead Man de Jarmush – deux phares en matière de récits initiatiques sous forme de Nature Filming.
Some are born to sweet delights, some are born to endless nights…