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Centrale biomasse et Dalkia, L’enquête publique débute le 13 février

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À deux pas de l’écomusée de la Bintinais, sur le site des Boedriers, Dalkia a le projet d’installer une centrale de cogénération biomasse. La construction sera-t-elle acceptée par les riverains ? L’enquête publique démarre le lundi 13 février 2012.

Unidivers a déjà évoqué à maintes reprises ce dossier, depuis plusieurs semaines. Ce n’est pas sans raison, car le programme rencontre l’hostilité farouche de deux associations, dont les Amis du patrimoine rennais. Communiqués dans la presse et manifestations lors du conseil municipal, ils mettent visiblement les moyens pour contrer ce programme. « On restera très vigilants, » assurait l’un des membres des Amis du patrimoine rennais, Robert Bézard, lors de la dernière assemblée générale de son association.

Issue des forêts ou encore de l’agriculture, la Biomasse représente un potentiel énergétique important et une alternative réaliste aux énergies fossiles. Elle compte déjà 94 installations dans toute l’Europe pour une puissance totale de 740 MW. À Rennes, la future usine est un projet classé par la protection de l’environnement. Pour en savoir plus, elle fait l’objet d’une enquête publique, sous l’égide de l’enquêtrice Catherine Latrompette. Plusieurs dates sont déjà fixées par la ville de Rennes.

Les dates de l’enquête publique : Lundi 13 février, de 9h à 12 heures ; mercredi 22 février de 14 h à 17 h; mercredi 29 février de 14 h à 17 h; mercredi 7 mars de 14 h à 17 heures et mercredi 14 mars de 14 h à 17 heures ?

Place Sainte-Anne > Pour soigner les maux, des petits mots d’amour…

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Samedi 11 février, jour de la Saint-Valentin, la place Sainte-Anne deviendra celle de l’amour. Elle sera animée par des crieurs à la gestuelle étudiée qui déclameront vos messages d’amour. La manifestation « E-criez votre amour » en est à sa troisième édition.

Les Rennais sont-ils des amoureux ? Ont-ils tendance à proclamer haut et fort leur passion ? « Plus de 300 messages avaient été recueillis en 2010 dans les bars et restaurants partenaires de notre opération, » expliquait Clotilde Guérineau, à l’origine du projet sur le site de la ville de Rennes. Deux ans après, les organisateurs franchiront allègrement le cap des 1000 petits mots d’amour ou d’amitié, profonds ou frivoles.

Pour cette troisième manifestation, le principe reste le même. Lues à haute voix au milieu de la place Sainte-Anne (voir ci-dessous), les déclarations seront proclamées – que dis-je, criées – aux passants par des « gueuleurs » d’amour. Juste auparavant, les messages auront été postés sur le site de l’association ou tout simplement déposés dans les cafés avoisinants la place Sainte-Anne.

Pour découvrir les petites et grandes annonces, rendez-vous ce samedi à 16 heures pour les moins frileux d’entre nous. Les autres pourront se consoler avec cet avant-goût écrit par Francis :  « L’amour c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. J’ai vu ça dans un film si je me souviens bien… Moi je suis tombé sur toi, mon chocolat doux/amer, qui a fait fondre mon cœur. »

JCC

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Le programme détaillé de samedi 
13h – 15h, passage des crieurs dans les restaurants et cafés suivants : à 13h, l’Atelier de l’Artiste, rue Saint-Louis ; 13 h, le café du Rallye, rue Rallier du Baty ; 13h30, Le Méditerranée, 22 rue du Chapitre ; 13h30, le Café Breton, rue Nantaise; 16h, rassemblement place Sainte-Anne pour une Grande Criée collective, avec les messages déposés dans les cafés et restaurants et aussi ceux déposés en ligne. Passage des crieurs dans les restaurants et cafés suivants : 18h30 : La Cour des Miracles, rue de Penhöet ; 18h45, Le Café laverie, rue de Robien ; 20h, La Bernique Hurlante, rue Saint-Malo ; 20h, le bateau ivre, 28 rue de la Visitation ; 21h30, la Cité d’Ys, rue Vasselot.

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Marin de Viry, Mémoires d’un snobé… par un prétentieux

Mémoires d’un snobé de Marin de Viry présente le double et incomparable avantage de se lire très vite pour le lecteur et, pour le critique, de pouvoir être évoqué, sans trop simplifier son insignifiance, en quelques lignes, en quelques mots même : ce roman, sous ses airs de fausse décontraction et d’autodérision, est d’une nullité prétentieuse évidente.

Prétention retournée, fausse si l’on veut, bien davantage snob que snobée, presque jamais drôle, qui se donne, dans le livre, par le biais des tracas germanopratins d’un pauvre type (de son propre aveu), critique littéraire catholique pour La Revue des Deux Mondes, Marius de Vizy, soumis à la plus infernale torture lorsqu’il s’agit de rencontrer Michel Houellebecq lors d’une soirée dans un restaurant (puis, bien sûr, en boîte, sous la direction du DJ Frédéric Beigbeder, personnage essentiel de notre roman) et ensuite, vers la fin du livre, d’assister, toujours en bonne c’est-à-dire en mauvaise compagnie de gandins et de pécores, au raout suivant la réception, par ce même Houellebecq, du Prix Goncourt.
D’autres aventures nous attendent, tout aussi peu inventives(1) pour paraître indignes d’un épisode de la série Scènes de ménage (voir par exemple le chapitre intitulé Son Miele est plus gros que mon Bosch) bien qu’elles puissent en revanche à merveille illustrer la sentence sous laquelle l’éditeur ramasse le texte de Marius de Vizy, manuscrit qui n’est qu’une « succession de vues partielles d’un paumé qui erre dans un chaos trop grand pour lui » (p. 105).
Cette phrase, comme je l’indiquais plus haut en évoquant une prétention retournée, fausse, est un indice de ce que Marin de Viry n’est pas parvenu à nous offrir : un véritable texte désespéré, fût-il drôle (et, je le répète, nous ne rions jamais, pas même jaune(2), puisque le désespoir, dans les Mémoires d’un snobé, est au moins aussi visible que la maigreur des moyens stylistiques(3) par lesquels notre auteur suggère, sous l’apparence artificielle d’un récit pour midinette aimant les rébus(4), une réalité plus sombre, d’entrée de jeu indiquée par la scène de l’enterrement d’un ami du narrateur, Jérôme, puis plus ou moins discrètement rappelée par toute une série d’indices catholiques si nous pouvons dire, minuscules piqûres qui permettent de comprendre que, Caroline ou pas, femme secrètement aimée et jamais prise ou si mal, Marius de Vizy est effrayé par « toute cette grandeur possible » qui, en effet, « est écrasante » (p. 176).
De même que le livre de Marin de Viry s’ouvre par un enterrement, il se ferme par un autre, sans que ces deux événements soient vraiment significatifs, sans que l’auteur en tire même quelque jugement sur l’insignifiance de son petit personnage de « bobo de droite » (p. 125).
Finalement, Marin de Viry est peut-être, à son propre endroit, le juge le plus intraitable qui, en évoquant Bernanos affirmant que « les crimes d’argent ont quelque chose d’abstrait » (p. 129), a une fois pour toutes soupesé justement son propre livre, dont le poids est nul, mais dont la nullité alourdit tout de même, paradoxalement, la balance invisible qui juge les écrivains ou plutôt ceux qui se croient de cette honorable confrérie. À quoi donc te sert, pauvre homme, d’ironiser sur la déveine d’un médiocre si c’est pour nous proposer un livre presque nul (le drame ontologique de l’auteur se niche sans doute dans ce petit mot, presque) qui n’hésite pourtant pas à faire des clins d’œil appuyés à toute une faune de paumés travaillant, de près ou de loin, dans l’univers impitoyable et vain de l’édition ?
Les mauvaises langues me susurreront à l’oreille que l’antienne est plus que vieillie de ces atermoiements dus à un reste de mauvaise conscience catholique dans l’esprit de ces mondains dilettantes, dont le dilettantisme semble avoir dévoré toute la substance, comme nous le voyons dans les plus récents livres de Michel Crépu, aimable patron de Marin de Viry qui semble s’être perdu entre plusieurs réceptions de diplomates, entre Venise et New York, en passant par New Delhli. On aimerait que Marin de Viry, avec moins de mauvaise conscience (ou d’une conscience qu’il feint plutôt d’avoir mauvaise), soit capable, comme le démon de Selby, de s’aventurer dans des eaux à peine troubles, une telle témérité, fut-elle drôle par sa prudence, aurait au moins quelque crânerie par laquelle Marin de Viry signifierait son fier Noli me tangere à la foule des parasites où il évolue comme un acarien sur une moquette (image reprise à l’auteur, cf. p. 190). Et même, lui qui admire l’alacrité d’Angelo Rinaldi, eût pu être méchant alors que, hormis une petite bassesse sur l’inoffensif Jean d’Ormesson, son livre n’est qu’une longue suite de courbettes (devant Houellebecq, Duteurtre 5), Beigbeder, Lambron(6)… Moix ? Non. Mais(7)…).
Les plus subtils, à moins qu’il ne s’agisse plutôt des plus naïfs de ces mêmes lecteurs, oseront croire qu’il y a, dans la minuscule bulle de savon soufflée par Marin de Viry, quelques reflets dont l’irisation n’est point complètement due à l’insouciante banalité d’un vague auteur pas même capable de porter crânement son maigre talent d’amuseur.

Juan Asensio

Mémoires d’un snobé, Ed. PGR, 12 janvier 2012, 205 pages, 18€

Notes
(1) Le chapitre intitulé Un crime abstrait est toutefois assez drôle dans sa parodie du langage de l’entreprise (rappelons que Marin de Viry est consultant en stratégie) et sa description d’un futur (déjà présent) où un logiciel invente un roman sous la supervision, de plus en plus relâchée, d’un écrivain qui n’est même plus auteur.
(2) Quelques exemples de l’humour de Marius de Vizy, à moins qu’il ne s’agisse de celui de Marin de Viry : « La carte de crédit est à Frédéric [Beigbeder bien sûr] adulte ce que le camion de pompier devait être à Frédéric enfant » (p. 33). « Madame, à nous deux nous rendons une sorte d’hommage à Bret Easton Ellis, car vous poinçonnez frénétiquement mes Berlutti avec vos stilettos Drisoni » (p. 77). « Mais au stade où on en est de la foultitude il n’y a que Chabal qui pourrait arriver jusqu’au buffet » (p. 84), etc.
(3) Si encore nous pouvions prétendre que le livre de Marin de Viry est d’une plume irréprochable, d’une vraie audace stylistique voire, tout simplement, d’une belle tenue d’écriture, mais il faut, sur ce point aussi qui est la structure essentielle de toute œuvre, vite déchanter devant cette accumulation simpliste d’énumérations sous la forme a), b), c), etc. (cf. pp. 68, 74-5, 114…), de lourdeurs aussi comiques que grossières (« C’est surtout ce volet que j’aimerais développer dans ce récit », p. 17), de vagues retranscriptions de conversations, dont le résultat le moins navrant est « Ah ha ha ha qu’est-ce qu’on est cons quand même. Aïe Ouille Aïe, oui, nous sommes des merdes parfois traversées d’un rire méchant », p. 65). Enfin, citons ce dernier passage, où l’ironie fonctionne à vide, elle qui applique des catégories sémantiques pour le moins inadaptées à des faits d’une banalité absolue : « Oooooh, Jésus Marie Joseph, ça sent la soirée de merde prélude à un crash nerveux et même spirituel, je sens venir une crise dont je sortirai définitivement vaincu… Le début d’une errance sans but… Je crains comme une absence de Moïse… J’ai besoin d’un Moïse en jupons, je n’y renoncerai pas comme ça, salope d’existence ! » (p. 135).
(4) Certains s’amuseront peut-être à imaginer quel personnage peut bien se cacher derrière David Spoken (cf. p. 178), l’agent littéraire invisible et patron du site L’Anneau qui a décidé de prendre en charge la carrière fumeuse de Marius de Vizy. Du reste, l’auteur donne tellement peu d’épaisseur à son personnage, comme à tous les autres (l’éthéré le plus pur étant celui avec lequel Marin de Viry a façonné sa belle brune, Caroline), qu’il équivaut à un ectoplasme.
(5) Lequel n’a pas manqué d’écrire dans Marianne (16 janvier 2012) tout le bien qu’il pensait du livre de Marin de Viry.
(6) Lequel n’a pas manqué de dire et faire dire tout le bien qu’il pensait du livre de Marin de Viry (sur France Inter, émission de Colombe Schneck intitulée Les Liaisons heureuses du 21 janvier à 15 heures).
(7) Lequel n’a pas manqué d’écrire tout le bien qu’il pensait du livre de Marin de Viry (dans le Figaro Littéraire du 2 février 2012).

Le Figaro encense l’ouvrage du politologue rennais

Les politologues rennais trouvent grâce aux yeux des quotidiens nationaux. Erik Neveu, professeur de Sciences politiques, a eu le droit à une belle critique du Figaro pour son dernier ouvrage, Les mots de la communication politique, édité aux Presses universitaires du Mirail.

Les étudiants de l’IEP et de la faculté de Droit connaissent très bien Erik Neveu. Les plus anciens se souviennent de son écharpe rouge et les plus jeunes de son petit côté fabusien intello. Mais passons sur ces considérations esthetico-politiques pour évoquer son dernier ouvrage : Les mots de la communication politique. En parfait politologue, il a décortiqué le vocabulaire des candidats, des experts, des chercheurs…qui utilisent leur propre langage. « Ce recueil, indique le critique du Figaro, peut paraître simpliste de prime abord, or, non seulement il décrit remarquablement bien des termes souvent entendus et restitue le contexte de leur création, mais il va plus loin avec un véritable souci pédagogique. »

La force tranquille et la barbe de Nixon

L’ouvrage est un aussi un bel outil de décryptage qui explique bien l’enjeu des batailles en politique. Mots des candidats qui incarnent « la force tranquille », affirment que « Tout devient possible ». Mots des experts qui vont tester un slogan et mijoter un pseudo-événement qui attire les journalistes. Le docte ouvrage ne se contente heureusement pas de recenser. « Il passe en revue les mots de la communication politique, et les placent dans le contexte où ils ont été créés, » ajoute le Figaro. « Exemple, dont on entend beaucoup parler, avec Éléments de langage: banalisée lors du mouvement social de 2010 sur les retraites, l’expression pourrait se traduire en «cadrage», plus simplement encore en «accorder ses violons». » 

Ce n’est pas tout. « Le dictionnaire décrypte des termes (Storytelling, Spin-doctors, Stratégie de saturation, Coup médiatique, Médiacentrisme, Éloquence, Méthode SVM, c’est-à-dire «soyez vous-même»), mais parle aussi des inventeurs de concept et évoque des moments politicomédiatiques forts comme la Barbe de Nixon (le fait qu’il ait été mal rasé et pas maquillé lors d’un débat télévisé aurait contribué à sa défaite face à Kennedy)… » Une centaine de mots, de concepts et de noms sont expliqués pour les étudiants, les spécialistes…


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Les mots de la communication politique, Erik Neveu. Presses universitaires du Mirail (Toulouse), 128 p., 10 €
Erik Neveu, né le 28 août 1952, est professeur de Sciences politiques à l’IEP de Rennes. Il est l’auteur, entre autres, de Sociologie des mouvements sociaux, Sociologie du journalisme. Il effectue des recherches sur les mouvements sociaux.

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Véronique Ovaldé > Des vies d’oiseaux > A embrasser en vol

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C’est en effet une vie d’oiseau que subit Vida… Elle a pourtant eu une « chance folle » de se marier très au-dessus de sa condition, de pouvoir quitter son village natal perdu au fond d’une pampa pauvre et violente, de quitter sa famille vraiment lourde à porter. Son mari est un homme influent, beau et très riche. Ils habitent une maison de rêve sur la colline des gens aisés, face à la baie et elle mène une existence facile, oisive.

Mais voilà, même si cela est bien agréable de ne pas avoir à se soucier des contraintes matérielles, Vida se sent comme encagée, enfermée dans la voie qu’elle a pourtant choisie elle-même. Un oiseau en cage… même si celle-ci est dorée.

Sa fille l’a bien senti, qui a quitté le nid familial à sa majorité et s’est envolée on ne sait où… Elle est partie avec le bel Adolfo, un homme trouble et inquiétant que sa mère regrette tant de lui avoir présenté. La mère voudrait retrouver sa fille, lui parler…

Quand les Izarra s’aperçoivent que quelqu’un est entré chez eux, sans y avoir cependant rien volé, le mari de Vida veut absolument contacter la police. C’est le lieutenant Taïbo qui se chargera de cette enquête de routine.

Vida et Taïbo se rendent vite compte qu’ils viennent du même village. Et en discutant avec lui, Vida prend enfin conscience du vide de sa vie, et de son enfermement intérieur, aussi bien que physique dans cette belle maison dont elle ne peut ouvrir aucune fenêtre à cause de la climatisation. Elle réalise qu’elle se sent mal, pas à sa place dans ce monde, un peu potiche en face de ce mari séduisant qui ne se soucie que de son apparence extérieure et la montre à ses amis, auxquels elle n’a strictement rien à dire. L’irruption de cet homme taciturne, de ce lieutenant un peu atypique dans sa vie la déstabilise et elle sent monter en elle les souvenirs d’enfance. La nature au milieu de laquelle elle a vécu, mais aussi la pauvreté, la violence.

Elle va parcourir à l’envers, accompagnée de Taïbo et dans le but de rechercher sa fille, le chemin franchi il y a des années pour atterrir sur la colline aux dollars. Elle va retourner aux sources, comprenant qu’elle s’est elle-même enfermée dans la cage, se coupant les ailes en choisissant un mode de vie qui ne lui convient pas, malgré l’argent et le confort.

Paloma, sa fille, bien que toute jeune semble l’avoir compris, qui avec son ami squatte les maisons inhabitées des gens riches, volant son confort mais n’acceptant pas de s’y soumettre, refusant de se laisser enfermer dans la vie toute tracée qui l’attend. Les deux jeunes gens se jouent du monde clinquant de l’argent et du pouvoir et s’amusent à en renverser les habitudes. Ainsi ils cambriolent une bijouterie pour ne rien y voler, mais juste flanquer un bazar terrible en intervertissant les bijoux, en mélangeant tout…

De ce pays qui pourrait se situer en Amérique du Sud, nous découvrons les odeurs, les bruits, les cris aussi. Nous parcourons tour à tour les beaux quartiers et les coins sordides et dangereux. L’auteur a un réel talent pour nous immerger totalement dans un monde que nous ne connaissons pas et dont nous ne faisons qu’entreapercevoir certaines facettes. C’est un monde sauvage et rude, mais aussi beau et chaleureux. À l’image de ces femmes qui se cherchent, et fuient pour finalement trouver leur voie, le chemin qui leur correspond le mieux.

Un roman remarquable

Le style oscille entre poésie et réalisme dans un monde un peu fantastique, hors du temps. Remarquable ces portraits de femmes, mères et filles unies mais n’arrivant pas à se parler, ces hommes et ces femmes déracinés, presque étrangers à eux-mêmes, fourvoyés ou engloutis qu’ils sont par leur quotidien. Le lecteur est plongé dans un monde tout à la fois idyllique et noir, une terre aussi accueillante qu’elle peut être néfaste. Mention spécial pour le personnage du lieutenant Taïbo, délicat et rêveur, mais aussi enquêteur pugnace et patient. Chacun des personnages cultive son ambivalence, porte son destin parfois comme une charge, avant d’enfin se laisser porter et – peut-être – de commencer à vivre réellement.

Alix Bayart

Travelling Bruxelles > Ouverture réussie pour un programme qui a la frite !

Bruxelles/Brussel était à l’honneur, mardi soir, lors de la soirée d’ouverture de Travelling (voir notre article de présentation) organisé au Liberté (discours et libations) et Gaumont (projections). Après les discours d’usage, le représentant de la Belgique a salué le public à l’aide d’un vocabulaire franc-maçonnique. Il a touché son petit monde par son expérience intime de Bruxelles et… Paris.

Au Gaumont à 21h, les invités n’ont pas eu à s’acquitter du couteux tarif pratiqué par cet établissement en temps normal. La séance a débuté par par une présentation du programme par les organisateurs et des invités présents du festival tels que Jaco van Dormael (le père de Toto le héros). Puis vint la projection en file indienne de 6 courts-métrages :

Je suis votre voisin de Karine de Villers (1990). Cette ethnologue de formation introduit son premier court-métrage personnel et de la soirée. Le comique belge était parfaitement au rendez-vous dans ce quartier populaire de Bruxelles : mélange de dérision loufoque, d’humanité et simplicité touchantes, d’espoirs caressés et brisés. Si le rire était bien au rendez-vous (le néologisme de ‘gloutoncratie’ est savoureux), le choix de personnages uniquement caricaturaux met à mal l’exigence de neutralité ou pluralité de l’ethnologue. Une posture de la réalisatrice qui nous semble quelque peu bancale. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la réalisation date de 1990.

Saida a enlevé le Manneken Pis d’Alfred Machin (1913). Bien sympathique ! Une possible source d’inspiration féline pour L’impossible Monsieur Bébé d’Howard Hawks (1945)…

Mille et une films (1989) d’André Delvaux. Ce titre résonne bien à Rennes, en particulier aux oreilles de Gilles Padovani, même si – convenons-en – cette dernière réalisation de Delvaux est d’un intérêt relatif (malgré la présence de la sublime Louise Brooks). On aurait tout de même souhaité des applaudissements (d’estime) plus nourris pour cet immortel du cinéma qu’est Delvaux.

Chromophobia de Raoul Servais (1965). Une technique réussie et un style efficace pour un contenu antimilitariste quelque peu vieilli. Claude Piéplu aurait aimé cette Révolution des oeillets.

 E pericoloso sporgesi de Jaco Van Dormael (1984). Un beau déroulé schizophrénique personnel et social nourri de références (on pense à Camus et Ce matin maman est morte, le verre qui occupe l’enfant dans la fin de Stalker, Les roses blanches, voire des touches de Cronenberg).

Walking on the Wild Side de Dominique Abel et Fiona Gordon (2000). Le couple burlesque aux corps parlants, enfants spirituels de Tati et Keaton, rayonne comme une berlue nostalgique sans jamais verser dans le réactionnaire.

Retour au Liberté ensuite où les vins proposés étaient loin d’être à la hauteur de la précédente nourriture visuelle. Heureusement, bières et frites sont réunies toute la semaine pour réjouir les babines des festivaliers et de tous les Rennais qui affectionnent nos cousins vallons et… flamands.

Au cimetière, le perroquet a perdu le Nord…

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Depuis quelques jours, un perroquet a élu domicile au cimetière du Nord à Rennes. L’oiseau au plumage vert surprend les promeneurs. Mais de là à réveiller les morts…

Jeudi 9 février, en fin d’après-midi, Jean se promène dans une allée de la nécropole rennaise. Comme à son habitude, il est dans ses pensées, mais soudain un bruit étrange. « J’ai entendu un cri d’oiseau », raconte-t-il. « J’ai levé les yeux au ciel et vu… un perroquet tout vert. » Surpris, il tente de s’en approcher pour le photographier (notre photo). « Il nichait au-dessus d’une chapelle mortuaire. J’ai pris un cliché avec mon téléphone portable. Puis il s’est envolé vers une plus petite tombe. »

Retournant sur ses pas, le visiteur se rend au service « accueil » du cimetière. « Nous sommes au courant, » lui dit-on. « Nous avons téléphoné à la fourrière animale, mais elle n’est pas encore venue. » Abandonné ou échappé de sa cage, l’oiseau finira-t-il dans les filets des agents municipaux ? Trouvera-t-il refuge ailleurs ? Interrogé par nos soins, Jean  espère une autre issue pour l’animal. « Il faut peut-être le laisser tranquille quitte à lui donner à manger de temps à autre. Il égaierait nos morts par sa présence. » Il n’a rien, en tout cas, d’un oiseau de mauvais augure…

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Les animaux errants ou abandonnés sont emmenés à la fourrière animale. Après 8 jours de garde, ils sont confiés à un refuge, une association de protection animale ou euthanasiés. Les animaux non tatoués le seront d’office. Les frais de fourrière sont à la charge de leur propriétaire – information service de fourrière.

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Le site du musée Guimet mue en cette année du Dragon

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Le site du musée Guimet se rénove. C’est une version plus moderne et plus ambitieuse qui est proposée à l’internaute. Comme le savent nos fidèles, ce musée est l’un de nos préférés à Paris. Unidivers aura l’occasion d’y revenir. En attendant, le nouveau et remarquable site internet dresse une porte d’entrée réussie.

La plateforme www.guimet.fr fait peau neuve et poursuit son évolution avec l’air du temps. Il s’agit de la seconde refonte depuis sa création, réalisée grâce au mécénat de Nomura.

Le projet de refonte est né de la volonté d’offrir aux internautes davantage de clarté et d’informations sur le musée. Divisés en plusieurs niveaux de lecture apparents dès la page d’accueil, les contenus ont été réactualisés et complétés. Ergonomie et graphisme simplifiés, navigation restructurée, médias diversifiés.

De fait, les nouveaux template et graphisme permettent une lecture plus agréable. La programmation est soulignée pour permettre à chacun de découvrir et de choisir l’activité qui correspond à ses attentes. Disponible dans un premier temps en français, le site sera traduit prochainement en quatre langues étrangères (anglais, chinois, japonais et coréen).

À l’ère du digital, le musée Guimet est dynamique et volontairement interactif. Les internautes pourront partager sur les réseaux sociaux les pages et contenus du site qui les intéressent. Déjà inscrit sur Facebook et Twitter, le musée va étendre progressivement sa présence sur d’autres plateformes.

Le blog et le magazine numérique ajoutent un autre point de vue sur la vie du musée, au plus près de son actualité. En outre, des minisites d’exposition viendront régulièrement compléter cette structure générale.

David Norgeot

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L’identité numérique du musée Guimet
La politique internet et digitale du musée Guimet contribue à sa mission de partage des savoirs relatifs aux arts et civilisations asiatiques souhaité par son fondateur, Emile Guimet. L’enrichissement du nouveau site internet guimet.fr et son prolongement futur au travers des nouveaux supports numériques permettent de diffuser le plus largement possible les connaissances auprès d’un public diversifié. Les outils numériques sont conçus pour favoriser et inciter à la visite et à la découverte du musée. Le paradis asiatique est ici.

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Mémento n°8, La morale, l’éthique, le bien-agir ?

Chaque mois, des responsables de culte religieux du Grand Ouest répondent à un sujet général ou d’actualités. En fonction du sujet, un élu répond à la même question. Unidivers livre tous les témoignages in extenso.

Répondent le père Jean-Michel Amouriaux (catholique romain), le pasteur Olivier Putz (protestant), le père Jean Roberti (orthodoxe), l’imam Mohamed Loueslati (musulman) et le Dr. Sokkhaing Saur (bouddhiste).

Au mois de mars, le mémento n°9 demandera : « C’est quoi, pour vous, la prière et les rites ? »


Unidivers > Mémento n°8 : C'est quoi, pour vous… par unidivers

Offres illimitées des FAI > Que de restrictions !

Depuis que Free a sorti la sienne, tous les opérateurs de téléphonie mobile proposent désormais une offre « illimitée ». Mais attention, car derrière ce terme se cachent des réalités bien différentes comme le révèle avec raison un article de l’observatoire (réellement) indépendant UFC-Que Choisir. Pour avoir une idée précise des restrictions d’usage en vigueur, le site a épluché les conditions générales appliquées par la plupart des opérateurs et passé au peigne fin leurs fiches tarifaires. Résultat : beaucoup de mauvaises surprises qui nous poussent à mettre en demeure les opérateurs concernés de modifier leurs contrats sous peine de poursuites.

Depuis l’arrivée en fanfare de Free, le 10 janvier dernier, c’est le grand chambardement sur le marché de la téléphonie mobile. Les uns après les autres, tous les opérateurs ou presque ont lancé leur propre offre « illimitée », sans engagement ni téléphone subventionné, incluant au moins appels et SMS en illimité ainsi qu’un accès à l’Internet mobile. Le tout pour une vingtaine d’euros par mois.

Du vrai « illimité » sans restriction ? Pas tout à fait. Certes, depuis quelque temps, des progrès ont été réalisés, notamment en ce qui concerne l’accès à Internet. Plusieurs opérateurs ont en effet abandonné le terme « illimité » pour communiquer plus clairement sur la quantité de données maximum que les abonnés peuvent échanger ainsi que sur les usages autorisés ou non. En revanche, pour ce qui est des appels et des SMS, la transparence n’est pas encore de mise. Tous les opérateurs assortissent leur offre de limites que l’on découvre en lisant les notes de bas de page ou en se plongeant dans les fiches d’information standardisées (FIS). De telles restrictions sont compréhensibles si elles ont pour but de contrecarrer les usages frauduleux de certains clients (du type revente de minutes ou usage « babyphone ») ou bien lorsque l’opérateur donne accès à des services dont il ne maîtrise pas la tarification (SMS et MMS surtaxés notamment). Mais encore faut-il que ces limites soient clairement indiquées. Or, il n’est pas rare que les opérateurs se contentent d’imposer un usage « en bon père de famille », « raisonnable » ou « non abusif ». Autant d’expressions très vagues qui ne permettent pas à l’abonné de faire la distinction entre les usages autorisés et ceux qui ne le sont pas.

De l’illimité limité à 14 heures

Autre impératif : que les usages autorisés soient suffisamment larges pour ne pas que l’abonné soit trompé par le terme « illimité ». Le fait de limiter à 99 le nombre de correspondants différents dans le mois, soit à peine plus de 3 par jour, peut paraître insuffisant à certains utilisateurs. Sur cet aspect, certains opérateurs dépassent carrément les bornes. C’est le cas notamment de La Poste Mobile qui plafonne à 200 heures par mois ses appels « illimités », et surtout de Numericable qui précise au milieu de ses conditions générales de vente (CGV) que les appels illimités de son offre de téléphonie mobile sont limités à 500 % de l’usage moyen d’un abonné pour les communications et à 200 % de ce même indice pour les SMS soit, d’après nos calculs, 14 heures d’appels et 591 SMS par mois. On est très loin de l’illimité !

L’étude complète des conditions générales et des guides tarifaires (1) montre, enfin, que tous les opérateurs sans exception ont truffé leurs contrats de clauses abusives, cherchant ici à limiter leur responsabilité, là à renforcer les obligations de leurs abonnés ou à restreindre leurs droits à indemnisation. Certains opérateurs vont même jusqu’à s’octroyer le droit d’exiger une avance sur consommation en cas de dépassement du forfait ou à faire basculer en leur faveur les cas dans lesquels la résiliation du contrat est possible.

Vous trouverez ci-dessous l’analyse complète des offres de chaque opérateur. Seuls Numericable et SFR bénéficient d’un traitement à part. Si l’analyse de l’offre et les principales restrictions d’usage sont disponibles, nous ne sommes pas rentrés dans les détails des CGV de ces deux opérateurs. Dans le cas de Numericable, une action en suppression des clauses abusives est actuellement pendante en appel après la victoire de l’UFC-Que Choisir en 1re instance. Le câblo-opérateur avait été condamné le 15 septembre 2009 à supprimer 11 clauses de ses contrats ADSL. Pour ce qui est des séries Red (SFR), l’UFC-Que Choisir a obtenu le 26 novembre 2009 la condamnation de SFR pour ne pas avoir respecté le jugement du 30 septembre 2008, déclarant abusives 6 clauses contenues dans son contrat et ordonnant leur suppression dans un délai d’un mois. Après la condamnation en appel de SFR, certaines modifications apportées par l’opérateur ne nous satisfaisaient pas. Dès lors, l’UFC-Que Choisir va procéder à l’étude des dernières conditions contractuelles (celles de janvier 2012) et se réserve le droit d’agir à nouveau à l’encontre de SFR si elle l’estime nécessaire.

Au-delà de l’information délivrée aux consommateurs, l’UFC-Que Choisir a décidé de mettre en demeure les opérateurs de retirer de leurs contrats les clauses abusives et/ou de clarifier certains usages. Sans réponse positive de leur part, des procédures judiciaires seront engagées.

L’analyse général des appels
L’analyse général des SMS/MMS
B&You (Bouygues)

Coriolis
Free mobile

La Poste Mobile
Numericable
Prixtel
Red (SFR)
Sim+
Sosh (Orange)
Virgin Mobile
Zéro Forfait

Public Eye Awards > Prix de l’entreprise la plus irresponsable de l’année !

Cette année, la Déclaration de Berne, Greenpeace Suisse et le nobelisé Joseph E. Stiglitz se sont de nouveau mise à la recherche d’entreprises à travers le monde, qui, par amour du gain, méprisent les valeurs sociales et écologiques en agissant de manière totalement irresponsable. Le 27 janvier 2012, en marge du Forum économique mondial de Davos (WEF), la Déclaration de Berne et Greenpeace ont à nouveau remis les Public Eye Awards aux entreprises les plus irresponsables en matière de respect des droits humains et de l’environnement.

Le vote en ligne pour le prix du Public 2012 a été lancée le 5 janvier. Quelque 88000 personnes ont désigné l’entreprise la plus irresponsable de l’année.  L’entreprise Vale a emporté la palme.

Bien sûr, on ne peut qu’espérer que les griefs à l’encontre des entreprises nominées aient fait l’objet d’une enquête sérieuse. Quant au nombre de votants, ils dépassent bien ceux des festivals en tout genre ou… des échantillons soit-disant représentatifs des instituts de sondages ou, plutôt, d »instantanés’. On notera ce récent changement de sémantique certainement commandé par plusieurs années de loupés mémorables…

Selon DB et GS, les nominés et les raisons de leur présence sur la liste des entreprises irresponsables sont :
Et cliquez ici pour obtenir plus d’informations sur les résultats de 2012.

Public eye award, Vale, Samsung, entrerprise irresponsable
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Joseph Eugene Stiglitz est un économiste américain né le 9 février 1943 qui reçut le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2001 (pour un travail commun avec George Akerlof et Michael Spence). Il est un des fondateurs et un des représentants les plus connus du « nouveau keynésianisme ». Il a acquis sa notoriété populaire à la suite de ses violentes critiques envers le FMI et la Banque mondiale, émises peu après son départ de la Banque mondiale en 2000, alors qu’il y était économiste en chef.
Parmi les recherches les plus connues de Stiglitz figure la théorie du screening, qui vise à obtenir de l’information privée de la part d’un agent économique : cette théorie, avec les lemons d’Akerlof et l’effet signal de Spence, est à la base de l’économie de l’information et du nouveau keynésianisme. Il s’intéresse aussi à l’économie du développement.

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Vers un label porno chrétien ?

« Christian Porno », la nouvelle tendance 2012 au Brésil ? Selon une information du quotidien argentin La Voz en date du 13 janvier, des producteurs brésiliens auraient décidé de réaliser des films pornos chrétiens.

Loin du porno ‘classique’, les couples qui s’exhibent doivent suivre les enseignements de l’Église et se conformer aux pratiques sexuelles autorisées.

Ainsi, les acteurs doivent être mariés (selon le rite chrétien), les scènes ne doivent comprendre aucun acte dégradant et la langue employée dans un registre aimant.

L’objectif : comprendre le corps « comme un don divin » qui mérite d’être traité « bien ». « Les films érotiques seront produits pour l’éducation du peuple de Dieu ».

On notera que ces tentatives de montrer des pratiques sexuelles chrétiennes existent depuis longtemps (cf. les pratiques de prostitution sacré dans des courants chrétiens gnostiques de l’Antiquité tardive). Mais un tour nouveau est pris par l’étrange site évangéliste américain Sex in Chist qui réfléchit notamment aux bienfaits d’une pornographie chrétienne, mais aussi du Bondage in Christ…

Tancrède

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Pour information, la porneia désigne en grec quelque chose de l’ordre de la sexualité débridée et offensante. Dans la Bible, elle renvoie à l’adultère (Exode 20:14), l’inceste (Lévitique 18:6-18), la bestialité (Lévitique 18:23), l’homosexualité masculine avec pénétration (Lévitique 18:22), l’homosexualité féminine en général (Romains 1:26-27), la prostitution (Ezéchiel 16:41).

 

Vers un label porno chrétien ?

 

In purgatorio > Nostalgia napolitaine

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Noi dobbiamo sapere che siamo esistiti – nous devons savoir que nous avons existé. Le film s’inspire du culte du purgatoire à Naples. C’est une errance faite de rencontres, de lieux sacrés, d’histoires vécues, de témoignages et de rêves, une immersion dans le questionnement immanent au culte ; nous devons savoir que nous avons existé. L’âme du purgatoire est un habitant de ce monde. Le mort anonyme, qui paraît en rêve et erre ainsi parmi les vivants ; l’inconnu croisé dans la foule ; le regard du défunt immortalisé en photo. L’Autre. L’un des autres, chacun de nous. Je suis un habitant de ce monde. Je suis l’un des autres.

Toi qui entre ici abandonne toute espérance (Dante, La Divine Comédie, L’Enfer)

In purgatorio décrit des personnes à travers leurs émotions : ce qu’ils sont, rêvent, veulent.

L’ambiance est chantante grâce à ce langage si particulier des Napolitains. Le spectateur est touché autant par le cœur que par les oreilles. Une poésie se diffuse sans fin dans une l’atmosphère empesée par l’ombre sans main de la mafia.

La voie est ainsi onirique et semée d’embuches. Un coup, la promenade avance lentement ; un tour, on se perd entre deux mondes si distincts. Au détour se déroulent certains rites ancestraux, des pratiques de foi insolites, des fins de questions et des débuts de réponses existentielles. La désespérance se mêle à des espoirs fous.

Et ce voyage à l’intérieur de ces sentiments mêlés fait qu‘In purgatorio transcende le cadre d’une simple beauté. Le spectateur est projeté dans un monde où le système de valeurs est à la fois intime et étranger. Dans des zones irréelles et troublées. Où l’introspection devient guide.

Un film qui rend un hommage gracieux à la face visible et invisible de(s) monde(s).

A voir pour s’évader et rêver, et plus si affinités.

David Norgeot

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In purgatorio, Giovanni Cioni, 1 février 2012 (1h 09min)

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Abd el-Kader. Une présentation pour ceux qui comprennent…

Novembre 1832 : Abd el-Kader (Abdel Kader) est proclamé sultan et khalife (il se contentera de prendre le titre d’émir) par les tribus de la région d’Oran, pour mener la lutte contre les troupes françaises d’intervention en Algérie.
Décembre 1847 : Abd el-Kader offre sa reddition au duc d’Aumale et au général Juchault de Lamoricière, obtenant de ceux-ci la promesse qu’il sera libre d’aller s’établir au Proche-Orient avec sa famille.
Février 1848 : Chute de la monarchie de Juillet. Le gouvernement provisoire républicain refuse de ratifier les engagements d’Aumale et de Lamoricière : Abd el-Kader restera prisonnier.
Octobre 1852 : Le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte se rend en personne au château d’Amboise, où est retenu Abd el-Kader, afin d’annoncer à celui-ci sa mise en liberté.

 Dés 1850, l’émir Abd al-Qadir Ibn Muhy al-Din al-Hassani al-Jazaïri (1808-1883) entame la confection d’une sorte de « manifeste », sous forme de « notes brèves destinées à ceux qui comprennent, pour attirer l’attention sur des problèmes essentiels ». Ce document sera adressé, en 1855, à Joseph Reinaud, membre du conseil de la Société asiatique et donnera lieu, trois ans plus tard, à une traduction, due à l’orientaliste Gustave Dugat, sous l’appellation Rappel à l’intelligent, avis à l’ignorant : considérations philosophiques, religieuses, historiques… Ce n’est que plus tard que, dans un souci éditorial de concision sans doute, sera retenu l’intitulé de « Lettre aux Français », qui n’est pas forcément, à nos yeux, la meilleure appellation envisageable, singulièrement dans le contexte idéologique et politique contemporain, car il peut laisser à penser qu’il s’agit d’un texte où l’ancien chef de la résistance arabe à l’occupation française eût adressé, sous forme de « lettre ouverte », des remontrances partisanes à l’envahisseur – ce qui n’est en rien le cas, la pensée parfaitement irénique d’Abd el-Kader excluant toute forme de polémique agressive en même temps que tout souci politicien.

Le plan même de la « lettre » est énoncé par l’émir lui-même en préalable à son propos :

– une introduction exhortant « à l’examen direct des choses » et blâmant « l’adoption irréfléchie d’opinions toutes faites » ;
– un premier chapitre traitant « du mérite de la science et des savants », comportant notamment « une remarque générale qui traite de la supériorité de l’appréhension par l’esprit sur l’appréhension par les sens » et faisant état d’une répartition « des sciences en deux groupes : les sciences qui doivent être l’objet d’éloges, les sciences qui méritent le blâme » ;
– un second chapitre traitant « de l’authentification de la science juridique d’origine divine » et de ce qui touche à la prophétie ;
– un troisième chapitre parlant « du mérite de l’écriture » et exposant en conclusion « la nécessité que les gens éprouvent de composer et ce qui se rattache au travail de composition » ;
– une conclusion générale proposant « une répartition des hommes en différents groupes, conformément aux sciences qu’ils possèdent, aux connaissances qu’ils acquièrent et aux diverses croyances qu’ils professent ».

 Homme érudit, ardent soufi, Abd el-Kader s’est, tout au long de sa vie, consacré à la vie spirituelle, en même temps qu’il s’attacha, durant son séjour moyen-oriental, à éditer en arabe l’œuvre de son maître Mohyiddin Ibn-Arabi, auprès de qui on sait qu’il se fit ensevelir à Damas, avant que sa dépouille ne soit – pour des raisons de sinistre publicité politique – transférée à Alger, en 1966. La lecture de sa Lettre aux Français nous révèle un homme profondément musulman, mais témoignant également d’une intense curiosité en direction des facteurs d’évolution de l’univers qui l’entoure. Curiosité n’impliquant pas approbation inconditionnelle, Abd el-Kader perçoit bien les dérives possibles de ce monde en mutation, où l’Occident – et donc la France – joue, bien sûr, un rôle primordial. Et c’est pourquoi il s’attache, avec une extrême sagesse dans l’expression, à rappeler le primat de l’esprit. Sa pensée élevée, qui témoigne d’un profond détachement vis-à-vis de la stricte conjoncture, affirme l’universalité des œuvres spirituelles et des créations humaines.

Posant l’autonomie de la science vis-à-vis de la religion, il écrit, traitant de la législation divine, que :

« les prophètes ne sont pas venus pour discuter avec les philosophes ni pour faire disparaître la science de la médecine, celle des astres ou celle de la géométrie. Ils sont venus pour rappeler que ces sciences ne doivent pas contredire l’affirmation de l’unité de Dieu, pour soumettre tout ce que renferme le monde à la puissance et à la volonté de Dieu. […] Des cas de cette espèce ne contredisent en rien ce que les prophètes ont apporté. Après avoir vu le monde, les prophètes ont simplement cherché à savoir s’il avait été créé ou s’il existait ainsi depuis toujours. S’il leur apparaît à l’évidence qu’il a été créé, que sa forme se présente comme une sphère ou comme une surface plane, que les cieux et l’espace d’en bas comportent treize étages, ou plus, ou moins, peu importe. Car, pour eux, l’essentiel est de savoir qui a fait cela. Celui qui affirme : De telles connaissances scientifiques contredisent la religion […] pèche contre la religion ».

 Si, assurément, aujourd’hui comme au temps de Napoléon III, les Français ne peuvent que trouver avantage à consulter avec humilité et sympathie les « notes brèves » de l’émir Abd el-Kader, nous avons aussi la conviction que certains coreligionnaires de l’illustre soufi trouveraient profit à s’instruire et à (re)découvrir que leur confession, bien comprise, est source de sérénité et de paix.

Abd el-Kader – Lettre aux Français (Traduction de René Rizqallah Khawam), Editions Phébus, Paris, 2007 – 216 pages, 8,50 €

Une nouvelle sculpture pour la façade de la mairie de Rennes ?

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En août 1932, le mouvement indépendantiste breton fait sauter la sculpture de Jean Boucher, posée dans la niche de la façade de la mairie et symbolisant l’union de la Bretagne à la France. Quatre-vingts années plus tard, certains souhaiteraient la remplacer par une nouvelle.

Samedi dernier 4 février 2012, fin d’assemblée générale des Amis du Patrimoine rennais, un homme se lève. Cheveux blancs, le retraité a l’assurance des Bretons qui ont voyagé à travers le monde. Ton solennel à l’appui, il demande aux membres de l’APR de le soutenir dans son projet. « Je veux placer une nouvelle statue d’Anne de Bretagne dans l’alcôve de la mairie, » assène-t-il. « Elle serait ornée par les principaux symboles bretons. Un artiste cessonnais travaille d’ailleurs sur le sujet. »

L’idée est-elle si saugrenue ? Aisément, on peut imaginer un engagement très fort des bretonnants dès lors que notre chère Anne de Bretagne ne serait pas représentée à genoux devant le Roi de France… Mais qu’en est-il des Rennais ? « Cette niche est vide, » répond Robert Bézard, l’un des membres actifs de l’APR. « Ce vide ne fait-il pas partie justement de notre patrimoine ? Une question qui peut-être source infinie de questions. »

« Ce vide ne fait-il pas partie de notre patrimoine ? »

Dans la salle, un des participants est un peu gêné aux entournures. « Je peux difficilement me prononcer. Un de mes parents était parmi les dynamiteurs ! » On peut comprendre facilement sa réserve. Mais si d’aventure le projet était présenté devant la mairie de Rennes, le maire fera-il droit à la demande ? Là encore, la question reste sans réponse. N’empêche, sans vouloir commander les élus, un tel projet pourrait être porteur pour la ville….surtout après le fiasco des illuminations. Reste à savoir sous quelle forme ? Une oeuvre classique ou encore contemporaine ? That is the question ?

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En juillet 1932, les nationalistes bretons décident de détruire le monument symbolisant l’union de la Bretagne à la France, du sculpteur Jean Boucher à Rennes. Vingt ans plus tôt, son inauguration fut l’occasion de la première manifestation du Parti nationaliste breton, dont les militants reprochaient à l’ouvrage de représenter la duchesse Anne de Bretagne à genoux devant le roi de France.

Le militant Célestin Lainé fabriqua une bombe dans sa chambre, avec une boîte de lait condensé remplie de nitroglycérine et un détonateur fourni par un débardeur de bois. Contrairement à la légende ce n’est pas Célestin Lainé, mais André Geffroy qui, le 7 août 1932 au matin plaça l’engin sur le monument situé au centre de la façade de la mairie de Rennes. La détonation eut lieu vers 4 heures du matin. Toutes les vitres furent cassées dans un rayon de cent mètres. Sources Wikipédia

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De l’assiette à l’art des vitraux, Alain Passard est un chef

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Même le journal Le Monde en parle dans ses colonnes… Jusqu’au  11 mars, l’office de tourisme de Rennes expose dans la chapelle Saint-Yves collages et vitraux, exprimant la virtuosité d’un grand chef, Alain Passard. Un évènement artistique en l’honneur du « gars » du pays au piano du restaurant L’Arpège.

Au Tire-Bouchon, restaurant traditionnel du centre-ville de Rennes, place du Calvaire, les cuisiniers connaissent parfaitement le grand restaurateur. « Il vient parfois manger chez nous, » indique le maître des lieux, Dary. « C’est un homme d’une gentillesse et d’une grande simplicité. Nous discutons souvent ensemble. »

Les maîtres verriers partagent avec le grand chef  l’art du feu

Partout où il passe, le Guerchais d’origine remporte tous les suffrages et séduit par sa bonhomie. À Rennes, il présente au public, pour la première fois, quatorze vitraux destinés à être posés dans les cuisines de l’un des potagers du chef. Lequel ? Mystère et boule de gomme. Mais chacun se plaît à imaginer que ces oeuvres-là décoreront peut-être le presbytère de son frère, curé jovial d’un pays d’écrivains et de bocage.

Mais passons sur les supputations pour converser de l’essentiel. Sous la charpente de l’office de tourisme, les deux maîtres verriers Anne Ellul et Helder Da Silva rendent hommage à la finesse d’un homme et à la légèreté de sa cuisine. Ils ont saisi sur le vif son art culinaire, mitonnant un condensé de transparence et de couleurs.

Résolument modernes, leurs oeuvres invitent assurément à la découverte gastronomique et artistique. Rien de tel que cette expo pour comprendre la beauté du geste du cuisinier et de l’artiste ou encore la correspondance entre cuisson de légumes et de l’émail. Mais par-delà ce rapprochement, le visiteur sera surpris par les gris et verts tendres des asperges, des cèpes et des sardines, les violets complémentaires des oignons et le ton chair des endives. Il comprendra ainsi mieux l’attrait du cuisinier à l’égard des légumes et de leurs couleurs naturelles.

Dommage en revanche que cet accrochage ne montre qu’une partie des vitraux… Mais on se consolera bien vite en salivant d’avance aux grands plats cuisinés rue de Varennes, à l’Arpège, en face du musée Rodin. Un autre artiste de la pureté.

Office du tourisme et des congrès de Rennes Métropole, chapelle Saint-Yves, 11, rue Saint-Yves, Rennes (35). Le lundi de 13 heures à 18 heures ; du mardi au samedi de 10 heures à 18 heures ; les dimanches et jours fériés, de 11 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures. Du vendredi 3 février au dimanche 11 mars.

Voici comment le Journal Le Monde évoque la cuisine d’Alain Passard : On ne parlait que de sa betterave en croûte de sel. Deux heures et demie de cuisson à four moyen, et voici la fameuse Beta romana, servie chaude encore, avec sa peau devenue légèrement croustillante. Jamais betterave de pleine terre n’avait connu un tel accommodement ! Les carottes aux grains de couscous, onctueuses et sucrées, enivrées des saveurs piquantes de la harissa, résistaient à l’astringence de l’huile d’argan. Même le modeste poireau de la Manche au beurre salé, serti d’éclats de truffes noires, réussissait à jouer les premiers rôles quand il n’était que figurant au théâtre culinaire. L’enthousiasme de Passard et de son équipe eut bientôt fait de désarmer le carnivore ordinaire.

 

De l’assiette à l’art des vitraux, Alain Passard est un chef

Opération immobilière du Pré Perché, L’eau remonte à la surface

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À Rennes, rue de Chicogné, la Vilaine remonte à la surface dans un chantier du Pré Perché où il est prévu une vaste opération immobilière (voir notre article de présentation de ce chantier imposé sans concertation). Pas de chance pour les opérateurs, de l’eau se répand dans la propriété voisine.

 

Mardi matin, dans le centre-ville, rue Thhiers, trois hommes, dossiers sous le bras, inspectent le jardin d’une propriété. Sous leurs yeux, de l’eau fait son apparition. De loin, difficile d’entendre leurs propos. Mais nul doute que l’heure est grave. « On les avait prévenus, » assure un riverain en colère. « On leur avait dit : attention, un bras de la Vilaine passe en dessous ! Ils ont répondu que c’étaient des lubies, qu’il n’y a pas d’eau dessous. »

Du bruit, de la poussière, des camions et maintenant de l’eau

Le chantier étant loin d’être achevé, l’homme reste perplexe. « On avait du bruit et de la poussière, désormais de l’eau et des camions. Cela fait beaucoup ! » ajoute le riverain. Une situation d’autant plus difficile à accepter que le collectif de riverains était assez hostile au projet immobilier tel que conçu par le Crédit Agricole. « Un tel programme dans un espace aussi réduit nous paraissait un peu démesuré, » précise-t-il.

Dans ce quartier du Pré-Perché, la banque prévoyait la construction d’une tour de 13 étages avec la bénédiction de la municipalité. Mais, devant la levée de boucliers des riverains conduite par Danielle Novello, l’ancienne chargée de communication d’Edmond Hervé, la ville a fait marche arrière. Finalement, le Crédit Agricole entend toujours construire 370 logements, soit près de 1000 personnes sur un espace d’un hectare ! Et ce sont au moins 300 places de stationnement en plus. A contrario, on notera la modération du groupe immobilier Lamotte qui a lancé un programme réussi de 35 logements dans une résidence de BBC qui valorise le confort et l’esprit d’exception. Chacun son style… et ses intérêts.

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Opération immobilière du Pré Perché : L’eau remonte à la surface

La passerelle Odorico enjambera le bras de la Vilaine

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La ville de Rennes a l’intention de désenclaver la « Petite Californie » avec cette nouvelle passerelle.

À deux pas de la maison Odorico (au n°7 de la rue Joseph Sauveur), la ville va construire une passerelle qui reliera le quartier dit de la Californie aux commerces de proximité de Saint-Hélier. L’ouvrage enjambera un bras de la Vilaine avec vue sur les Moulins de Rennes.

Lors d’une promenade avec les riverains, il y a déjà quelques années, les élus avaient présenté leur projet de construction. À l’époque, pas d’incertitudes, la passerelle devait voir le jour à la fin de l’automne 2011. Finalement, elle ne sera que construite d’ici à la fin 2012. « Un an de retard, c’est beaucoup, » note un riverain. « Mais rien de grave, le petit pont est très attendu. »

À quelques encablures des Moulins Logeais, immense bâtiment de briques, l’ouvrage portera le nom d’Odorico, en référence à nos célèbres mosaïstes rennais du début du siècle dernier. Il reliera la rue Léon à la rue Alain Gerbault. « Nous en sommes très demandeurs, » précise un habitant, présent lors de l’assemblée générale des Amis du patrimoine rennais, samedi dernier. « La passerelle permettra de faciliter la tâche des habitants du quartier de la rue Dupont des Loges qui veulent se rendre à la gare, au Théâtre national de Bretagne ou dans les commerces de Saint-Hélier. »

« Un petit pont qui nous laissera pas de bois »

Long de 22m, d’un 1m de haut et de 2m50 de large, le petit pont doit être accessible aux piétons, mais aussi aux vélos et aux personnes à mobilité réduite. Accepté par les bâtiments de France, il sera agrémenté par une oeuvre en mosaïque sous l’égide de son concepteur. « La création devra évoquer ou s’inspirer du travail de la famille Odorico, en valorisant leur créativité, leur art du dessin, leur choix de matériaux et leur palette, » rapporte la municipalité dans la présentation de son projet. « Une consultation d’artistes est d’ailleurs prévue à cet effet. »

Après l’exposition des Champs Libres et la sortie d’un livre, la ville en fait beaucoup pour les Odorico. On ne peut que saluer leur initiative. En revanche quid du petit jardin et des bancs un temps envisagés à deux pas de la passerelle. Mais devant le risque de tapage nocturne, la ville a peut-être préféré battre en retraite…

 

La famille Odorico est arrivée à Rennes, en 1882 pour créer une entreprise de mosaïque. Isidore père (1845-1912) et son fils Isidore (1893-1945) ont marqué la vie architecturale rennaise par leurs décorations : la piscine Saint-Georges, la façade de l’immeuble de l’avenue Janvier, l’église Sainte-Thérèse, la pâtisserie Daniel… Pour expliquer leur parcours et leur histoire, des habitants du quartier Saint-Hélier désirent accompagner la construction de la passerelle par un petit topo explicatif.

 

La passerelle Odorico enjambera le bras de la Vilaine

Périphérie rennaise > des arbres sacrifiés au nom de la visibilité des enseignes

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Les enseignes ont besoin de publicité le long de nos périphériques et des grands axes. Elles ont besoin de visibilité. Ce n’est pas sans entraîner certaines pratiques antiécolos…

Sur les bords de la route, la Loi restreint les pancartes publicitaires. « Cela devient de plus en plus difficile d’exercer notre métier, » indique Patrick, publicitaire dans le Grand Ouest. « Heureusement, des maires sont beaucoup plus compréhensifs que d’autres. Ils édictent des réglementations beaucoup plus souples comme cela leur est permis. »

« On empoisonne des arbres »

Si les publicités fleurissent beaucoup moins dans notre Bretagne natale, les grandes enseignes trouvent des moyens parfois peu scrupuleux pour promouvoir leur marque. « Le long d’une deux fois deux voies dans la région rennaise, explique un juriste, un magasin d’ameublement était censé se cacher derrière de grands arbres. Tout était prévu par des aménageurs. Comme par enchantement, la végétation dépérit à vue d’œil depuis quelques semaines. Je n’accuse personne. Mais c’est quand même surprenant… »

Sous couvert de l’anonymat, le spécialiste du Droit dénonce une pratique qui serait de plus en plus courante : l’empoisonnement des plantes. Tout aussi problématique serait la position antivégétale de certains gérants. « À l’entrée des villes, des élus envisagent souvent des aménagements paysagers dans les zones d’activités économiques, ajoute un autre juriste. Mais bien souvent, ils sont obligés de faire marche arrière. Car devant les attitudes des chefs d’entreprises qui veulent de la visibilité, il est difficile de résister. » La bataille du développement durable est loin d’être gagnée.

Tony Kaye > Detachment > La pesanteur d’une louable ambition égarée

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Henry Barthes est professeur remplaçant. Il est assigné pendant trois semaines dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Lui qui s’efforce de toujours prendre ses distances va voir sa vie bouleversée par son passage dans cet établissement…

 Ce genre de film est difficile à critiquer. Il va faire la joie du public  – car plein de bons sentiments – et va se faire massacrer par la critique – en raison d’énormes défauts de  fond, de  propos et de forme.

Le public va trouver émouvante cette façon de sonder le cœur du milieu éducatif par l’intermédiaire de la vie d’un homme qui est au cœur du système. Il est en effet touchant d’observer ce héros vivre volontairement dans un monde qui sombre lentement mais sûrement. Ce versant est d’autant plus appréciable qu’Adrien Brody est au sommet de son art. Qui plus est, certains propos confinent à l’évocation poétique.

La critique va trouver, quant à elle, que le thème de l’éducation a déjà été abordé maintes fois – et mieux. Les citations de Camus et le nom de l’enseignant (Barthes) l’agaceront sans doute.

Public et critique tomberont cependant d’accord pour regretter l’amoncellement de clichés, un ensemble des plus fouillis et un manque criant de profondeur. Certains iront jusqu’à trouver que le manque d’épaisseur sociologique est au service d’un pathos démagogique.

David Norgeot

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Tony Kaye avec Adrien Brody, Marcia Gay Harden, James Caan, 1 février 2012 (1h 37min)

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Arlington Park de Rachel Cusk, Où nos rêves se sont-ils envolés ?

Rachel Cusk raconte vingt-quatre heures de la vie de quatre femmes d’Arlington Park, banlieue résidentielle d’Angleterre. Elles ont tout pour être heureuses : mari, enfants, maison, amis, etc. Le lecteur plonge dans les détails de leur quotidien, pénètre leurs maisons, les suit au supermarché ou pendant la préparation d’un dîner et, surtout, entre… dans leurs pensées.

Vite, les façades de ces jolies maisons de banlieue s’effritent. Et l’on se heurte à ces vies devenues artificielles qui se déroulent sans véritable heurt, mais sans que les gens en soient vraiment maîtres… S’ensuivent frustrations, jalousies, déceptions, rancœurs, etc. Chacune des quatre femmes dont parle Rachel Cusk a le sentiment d’être passée à côté de sa vie. Chacune tente à sa façon de se révolter, de résister à la banalité du quotidien, au passage du temps qui émousse le désir, flétrit la beauté, affadit l’amour et désabuse les êtres.

Ce livre fort et de grande qualité est susceptible de flanquer un sacré cafard…  Le lecteur éprouvera le côté pesant, étouffant, anesthésiant, de ces femmes – leurs doutes quant à leur mariage, leurs enfants, leurs espérances déçues, leurs rêves reniés… Du coup, le lecteur est immanquablement conduit à se retourner sur sa propre vie et, le cas échéant, à se secouer les puces pour ne pas ressembler à ces femmes aigries, malheureuses et désabusées…

 Alix Bayart

 

 Rachel Cusk,  Arlington Park, Editions de l’Olivier (23 août 2007), 291 pages, 21€
C’est notamment avec Emmanuelle Devos que commence en avril le tournage de La vie domestique, adapté d’Arlington Park de Rachel Cusk par Isabelle Czajka (D’amour et d’eau fraîche).

 

 

A la brasserie Kronenbourg > Les graffeurs distillent leurs talents

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Il y a quelques années, en passant devant l’ex-brasserie Saint-Hélier, Laurent humait l’odeur du houblon à en perdre la raison. Samedi 28 janvier et dimanche 29 janvier derniers, en y revenant, il est devenu à « Kro » des graffs.

A Rennes, on est toujours un brin nostalgique du passé. Beaucoup regrettent le vieux mur entourant l’ancienne brasserie et parsemé de graffs. « Un cochon était dessiné sur le bas-côté, » se souvient une automobiliste, un brin amusée. « En venant du pont Saint-Hélier, je voyais l’animal rose tous les jours. Inconsciemment, j’espérais qu’il ne soit pas recouvert, » ajoute-t-elle.

Un matin, la conductrice retrouve son porc fétiche, à moitié enseveli sous les traits d’un rappeur à grosses médailles. « Mais heureusement, il restait encore ses grandes oreilles et son regard vitreux ! » Notre ami le cochon tient le choc jusqu’au jour où des pelleteuses abattent le mur en mai 2011. « J’étais un peu triste, » confie-t-elle.

En mémoire du cochon et des graffs de l’éphémère

Samedi 28 et dimanche 29 janvier, des artistes ont redonné des couleurs à cet ancien haut lieu du « street art rennais ». A l’invitation de la Ville de Rennes, une dizaine d’entre eux ont réalisé en live une fresque de plus de 60 mètres de long, cette fois-ci sur une palissade de bois. On reconnaissait des graffeurs de l’ancien site. « Tout le monde était nostalgique du mur, » explique Ego, dans les colonnes d’Ouest-France, lundi 30 janvier 2012. « Maintenant, on revient sur place et on recommence. »
En complément, Raymond Boudet, ancien journaliste, propose une exposition photo, A l’ombre du mur. Une trentaine de clichés retrace les dernières années du site avant la destruction de son mur d’enceinte. Elle est visible dans l’ancienne halle d’embouteillage de la brasserie. Dommage  que les graffs soient visibles uniquement à travers les grilles de protection…

La ville de Rennes, sous l’impulsion de son maire, Daniel Delaveau, privilégie le street art. Il n’est pas un chantier qui n’est pas sa palissade recouverte de graffs. Pour mémoire, on retiendra les noms de Bez, Chaos, Denzz, Ego, Moore, Persu, Poch, Renz, Smerf…

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Mur Dubonnet versus graffs

Que la ville de Rennes développe le Street art est une excellence chose pour la capitale bretonne et pour les graffeurs. Mais paradoxalement, elle est la première à souhaiter la disparition du Mur Dubonnet pour construire une station métro… D’où la question : Y aurait-il deux poids deux mesures dans le traitement de la culture ? L’interrogation est toujours sans réponse. En attendant une position, on se plaît à imaginer un coup de pub de nos graffeurs, en leur proposant dans le coin de l’oreille la réalisation d’un deuxième « Mur Dubonnet » dans le centre-ville. Mais on ne serait plus dans la simple commande…

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Rodolphe Macia et Adriansen > Je vous emmène au bout de la ligne > Un voyage savoureux

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Avoir pour guide Rodolphe Macia n’est pas le moindre des plaisirs de cette lecture réjouissante et pétillante de gaité. Conducteur de métro sur la ligne 2 (Nation – Porte Dauphine), ce fringant observateur égrène les anecdotes qui jalonnent son quotidien et raconte l’histoire du métro, avec une légèreté teintée d’un humour désopilant.

Des grillons dans le métro…

Au rythme des stations de la ligne 2, Rodolphe Macia dévoile les petits secrets qui, chaque jour, pimentent ses journées de travail. Saviez-vous, par exemple, que les souterrains hébergent, grâce à une température ambiante variant entre 27°C et 34°C aux heures de pointe, une colonie de grillons ? Ou encore que lorsqu’un tagueur est arrêté, la RATP est en mesure de prouver l’antériorité de ses méfaits, photographies et analyses d’experts à l’appui ? Les deux auteurs prennent un plaisir manifeste à lever le voile sur les mystères insoupçonnés et rocambolesques que recèle le Métro parisien.

Y a-t-il un conducteur dans le train ?

Le récit ne regorge pas seulement d’anecdotes. Le métro, c’est aussi l’automatisation et la technologie qui gagnent du terrain. Sans partir en campagne contre la modernité et le progrès, Rodolphe Macia en dénonce les limites : lorsque vous faites un malaise dans une rame ou sur le quai, le conducteur intervient rapidement. Peut-on compter sur les voyageurs des trains automatisés pour vous soulager dans l’attente des secours ? Y sont abordés des sujets sérieux, voire polémiques, comme les grèves de la RATP, les trains qui s’arrêtent à quai de nombreuses minutes (« mais enfin, pourquoi ne démarre-t-il pas?! »)… Je vous emmène au bout de la ligne, c’est aussi une mine d’informations qui apporte un éclairage nouveau et humanise les trajets de millions de Parisiens.

Épiés, les usagers ? Peut-être… Observés ? Assurément !

Si vous pensiez que la foule qui envahit chaque jour les trains et les quais préservaient votre anonymat, vous en serez pour vos frais. Préservés de la fureur et du bruit, à l’abri dans leur cabine de pilotage, les conducteurs remarquent les moindres faits et gestes. Le visage des gens pressés qui reflète une vraie terreur à l’idée de rater le train à quai ; les suicidaires qui errent sur le quai en guettant leur heure ; ou encore la jeune fille qui pleure sur un banc. Habitués des souterrains parisiens, vous vous reconnaitrez certainement dans les portraits que dresse avec finesse Rodolphe Macia.

Rodolphe Macia aime son métier, en témoigne ce livre succulent, coécrit avec Sophie Adriansen. En ces temps troublés, une telle passion, communicative de surcroît, est d’autant plus précieuse qu’elle se fait rare. En refermant le livre, le lecteur se dit que le temps de trajet de la ligne Nation-Porte Dauphine est trop court…

À conseiller si…

… vous avez déjà, ne serait-ce qu’une seule fois, pris le métro parisien. Si vous aviez détesté cette expérience, il se peut que vous changiez d’avis ; et si d’aventure vous appréciez déjà ces trajets quotidiens, vous allez les adorer !

Extraits :

Au temps pour l’anonymat du métro : les usagers ne sont pas invisibles aux yeux acérés des observateurs !

Oui, je vous vois, je vous observe, je vous épie. Je vous donne des prénoms, je vous attribue une origine, une profession, un conjoint, des enfants ou une perruche, un drame ou une bonne nouvelle, une histoire en somme.
Cela changera-t-il quelque chose en vous, la prochaine fois que vous prendrez le métro ? Aurez-vous davantage conscience de l’image que vous véhiculez, de l’idée que l’on peut se faire de vous, de la case dans laquelle vous entrez ?

Hélène

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Je vous emmène au bout de la ligne, Tribulation d’un conducteur de métro, Rodolphe Macia et Sophie Adriansen, Max millo, 11/2010, 188 p., 16€

Le métro parisien, ce n’est pas le pont d’Avignon : on y dort plutôt qu’on y danse. Et pourtant, il suffirait d’ouvrir les yeux pour découvrir un monde différent et riche. Rodolphe, conducteur sur la ligne 2, nous y entraîne. Il a derrière lui vingt ans de vie sous terre. Avec drôlerie et gourmandise, il nous raconte ce territoire tel qu’il se livre à l’homme dans la cabine : les créatures qu’il y croise, les rituels qu’il observe, les aventures les plus inattendues qui ébranlent la routine. Entre Nation et Porte Dauphine, faune et flore sont examinées avec un regard tendre et affûté : fêtards, contrôleurs, suicidaires, érotomanes, musiciens ou mendiants…
À Paris, plus de 5 millions de personnes prennent le métro chaque jour. À l’heure de pointe, en fin de journée, 540 trains circulent simultanément sur tout le réseau. Tout le monde semble pressé de remonter à la surface. Et pourtant, les coulisses de ce monde underground ont de quoi fasciner et la mission du conducteur peut parfois s’avérer héroïque. Sophie Adriansen, qui a co-écrit ce livre avec Rodolphe Macia, ne s’y est pas trompée en tombant amoureuse de l’homme autant que de son métier.
Rodolphe Macia est devenu conducteur sur la ligne 2 du métro après avoir effectué divers jobs dans les couloirs du métro (vendeur de confiseries, guichetier, contrôleur).

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Jeff Balek > Macadam Gonzo > Le tragique distancé d’une vie déshumanisante

La rue… La lente descente vers une inéluctable déshumanisation… C’est un peu un journal, le journal d’un SDF. L’histoire d’un homme ordinaire, qui perd son travail, son appartement, puis sa place même dans la société. Une ombre, presque, qui erre de rue en rue. Et tous les petits épisodes d’un quotidien qu’on n’imagine même pas.Tout cela conté avec une précision des mots, des images, une poésie qui surgit où on ne l’attend pas. Cette errance, cette violence dans la marginalité, on la prend en pleine face, on n’en sort pas indemne. Mais, au fil des pages, l’espoir est là, comme un petit cœur qui bat dans la grisaille.

Vie, rues, déshumanisation

Le monde de la rue raconté par un homme qui l’a vécu. Voilà ce que nous propose Jeff Balek avec son roman numérique Macadam Gonzo. Le narrateur est un homme qui a tout perdu et se retrouve Sans Domicile Fixe. Jeff Balek nous raconte-il sa propre histoire ou est-ce de la fiction ? Si fiction il y a, elle n’en est pas moins réelle pour beaucoup de nos contemporains. Ceux que nous croisons en bas de chez nous, aux portes des magasins, et qui nous mettent mal à l’aise.

Ce roman est une histoire tragique, racontée avec un détachement certain mais sans cacher la détresse et la honte qui envahissent cet homme ; ce monsieur X qui nous parle à la première personne et dont on ne connaîtra jamais l’identité. Un message fort de l’auteur, qui nous montre ainsi la déshumanisation forcée des SDF.
Cela commence de façon trop banale : une situation familiale que l’on imagine délicate (mais dont l’auteur ne parle pas) et une auto-entreprise qui fait faillite. De lettres recommandées en visites d’huissiers, la mise à la porte arrive comme un soulagement ; un sentiment de liberté. En effet, un jour il ne reste que lui, notre narrateur anonyme, et sa voiture ; une 205 qui va devenir son toit.

La descente aux enfers ne se traduit pas uniquement par le fait de dormir dehors, de ne pas se laver ou manger régulièrement. Non, cela découle surtout du fait que l’on devient une bête de foire ; comme cette ancienne connaissance qui invite notre narrateur à une soirée digne du dîner de cons ou de cet homme qui se donne bonne conscience en lui donnant sa carte de visite et qui le rejette par la suite. Et puis, c’est aussi la sentiment de demander aux amis plus qu’ils ne peuvent en donner, de leur raconter plus qu’ils ne veulent en savoir. Des amis qui deviennent bientôt des ex-amis, que l’on n’ose plus aller voir.

Un malaise étreint lors de cette lecture. La honte de la déchéance, la capacité de s’en sortir qui ne tient plus qu’à la volonté des autres. Ces autres qui sont devenus des étrangers.
Cette histoire percutante frappe par la vérité de son propos. Le style d’écriture à la manière d’un journal intime sert évidemment à rendre proche le personnage. Un autre système de narration n’aurait pas été pertinent. On regrettera toutefois la présence de plusieurs coquilles dans le texte.
De plus, la fin arrive trop vite : il manque une transition entre l’état de SDF et le sort final qui est expliqué en seulement deux pages. Frustrant.

En conclusion, un fait de société rarement traité en littérature, qui a le mérite de ne pas être plein de bons sentiments. Ce roman touche par sa simplicité.
Envie d’en savoir plus sur l’auteur ? Rendez-vous sur son site.

Marylin Millon

Une boite de gavottes transformée en instrument > L’écomusée de la Bintinais trouve son nouveau violon d’Ingres

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À deux pas de la rocade de Rennes, une petite musique d’antan voile à peine le bruit des voitures. Les Rennais fêtaient en grande pompe le violon d’antan, le week-end dernier, à l’écomusée de la Bintinais. Bals et expos étaient au programme.

 Sous un hangar monté à la hâte, une petite estrade entourée par des danseurs de tous les âges. Des femmes et des hommes se déhanchent au rythme d’un violon et de la complainte d’un chanteur. Des petites perles de sueur dégoulinent doucement sur leurs visages. L’air de rien, les danseurs secouent leurs « popotins » et sourient aux voisins.

Une gavotte musicale

Pour une énième joute musicale, un second musicien monte sur scène. Entamant une gavotte, il tient une boite de …gavottes avec cordes musicales. Le tout est très rudimentaire. Mais le musicien en tire des sons mélodieux, puisant leurs origines dans le passé de nos campagnes. Si étonnant soit son instrument, l’homme encore jeune n’est pas mécontent de son effet musical et dansant…
Mi-amusés par cet insolite violon, mi-concentrés sur leurs pas de danse, les hauts-Bretons commencent une bourrée endiablée. Bien volontiers, ils replongent dans un temps révolu où les violoneux passaient de village en village pour animer les fêtes, bals et mariages. Leur répertoire populaire était éclectique et évoquait la vie des campagnes.

Loin des concerts de rock, l’association Dastum et La Bouèze sauvegardent cette tradition populaire. Samedi 28 janvier et dimanche 29 janvier, elles ont réuni plus d’un millier de personnes pour ce slam musical à la mode bretonne. Ils manquaient juste la galette saucisse…

Présentation du culte musulman en Bretagne par Mustafa Arslan

Dans le cadre de la préparation d’un entretien filmé avec Mustafa Arslan, président du Conseil régional du culte musulman de Bretagne, Unidivers a transmis à ce dernier quelques questions préalables. Nous publions ce document préparatoire qui est appelé à faire l’objet de remarques, compléments, précisions, voire d’interrogations nouvelles. Nous invitons les lecteurs d’Unidivers à nous communiquer leurs commentaires, voire leurs questions, afin que nous puissions les présenter à Mustapha Arslan afin d’enrichir cette présentation de la vie, de l’identité et de la pratique des musulmans et des communautés musulmanes en Bretagne.


Unidivers – Mustafa Arslan, vous êtes le président du Conseil régional du culte musulman de Bretagne. Tout d’abord, pourriez-vous présenter ses missions ainsi que votre fonction en son sein ?

Mustafa Arslan – Le CRCMB est l’interlocuteur officiel des musulmans auprès des Autorités pour tout ce qui touche à au culte et à ses adeptes. Ses membres sont élus démocratiquement par de Grands Électeurs parmi la Communauté. Diverses questions sont traitées comme les carrés musulmans dans les cimetières, le marché de l’hallal (l’abattage rituel des bêtes), la promulgation des dates des fêtes religieuses, les aumôneries – en somme, tout problème relatif à la vie des musulmans dans la pratique de leur culte.

 Historiquement, à quand l’installation des musulmans en Bretagne remonte-t-elle et quels furent ses composants sociologiques ?

Votre questionnement serait plus l’affaire d’un historien averti, étant moi-même si peu érudit…

Toutefois, pour ce que nous en savons, il y a des traces de passages et de présence de musulmans sur la terre de la Petite Bretagne dès le haut Moyen Âge, depuis leur venue en Europe par Gibraltar et l’Espagne. Elles sont attestées par l’existence de monnaie musulmane, d’écrits arabes, de noms de lieux, de certains patronymes bretons, etc.

Qui plus est, on retrouve des traces jusqu’au nord de l’Europe, les « brumes du Nord » dont fait état le Saint Coran, révélé à notre prophète vénéré Mohamed. En effet, portés par une foi ardente, les musulmans se devaient d’aller le plus loin possible à la découverte du monde. Courageux et très confiants en Dieu, ils ont franchi tous les obstacles de ces routes lointaines.

Plus proche dans le temps, c’est au XIXe siècle que des musulmans arrivent en Bretagne. Ce sont essentiellement des Algériens en partance depuis Brest pour les bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie en pénitence pour leurs faits de résistance à l’invasion militaire de leur pays par la France.

Après le conflit mondial de 1914-1918, ce sont encore des Algériens – de l’ethnie Kabyle principalement (c’est-à-dire ceux que le colonialisme a convertis au catholicisme et ainsi favorisés dans les orphelinats de la colonie) – qui s’installent, notamment dans les Côtes-d’Armor. Mais peut-on dire d’eux qu’ils étaient encore musulmans, en dépit du fait que leurs parents l’étaient sûrement ?

Lors de la Seconde Guerre mondiale, la construction par les Allemands du Mur de l’Atlantique entraîna l’arrivée de musulmans (main d’œuvre exploitée à outrance) issus de toutes les populations d’Afrique du Nord (Algériens, Tunisiens, Marocains). À la faveur de la Libération, ils s’établirent – en nombre, semble-t-il – en Bretagne pour fuir à jamais leur condition misérable de musulmans colonisés dans leurs pays d’origine.

Dans les années 1950, le pénitencier des femmes à Rennes ainsi que les maisons d’arrêt du bassin breton se remplirent de détenus algériens en lutte pour l’indépendance de leur pays.

Dans les années 1960-70, la Bretagne importa massivement de la main-d’œuvre maghrébine, majoritairement marocaine, pour « construire » la région en application expresse du « Plan de Constantine » (un plan constitué d’investissements colossaux pour sortir les Algériens de leur état de clochardisation, mais que les nationalistes récusèrent car proposé tardivement) que Charles de Gaulle se dépêcha de convertir en « Plan breton » en 1967. Une manière de garder la Bretagne plus sûrement attachée à la France. En pratique, la valeur physique de ces musulmans convenait tout à fait aux travaux du bâtiment et travaux publics. Aux Bretons étaient réservés les usines Citroën, l’Administration, les travaux agricoles dans les exploitations qui ne pâtissaient pas du remembrement prescrit alors ; leur nombre ne suffisait pas pour parer à l’urgence des programmes de développement…

Après 1981, le « Regroupement familial » nouvellement autorisé donna une impulsion certaine à l’accroissement de la communauté musulmane puisqu’il permit aux chefs de famille travailleurs de faire venir femme et enfants de moins de 18 ans.

À côté de cette implantation musulmane, pour l’essentiel maghrébine, vinrent s’ajouter les Turcs dans les années 1972 ; en provenance pour certains de la République Fédérale d’Allemagne sinon d’Anatolie centrale.

Enfin, on note depuis les années 1990-2000 l’arrivée de nombreux musulmans originaires de l’Afrique subsaharienne et d’Albanie, Kazakhstan, Mongolie, Bosnie, Grèce, Russie et Indochine.

À cette énumération, il convient d’ajouter les Français d’origine qui se convertissent à l’Islam.

Pour finir, il faut noter le bémol de 2007 mis au « Regroupement Familial. Depuis, la communauté musulmane de Bretagne connaît une évolution démographique semblable à celle des autres régions : par un accroissement endogène.

 Au commencement, l’immigration musulmane était destinée à apporter des bras supplémentaires pour les travaux portuaires, les métiers du bâtiment, les travaux publics, le Chemin de fer.

Dans les années 1980, on voit les musulmans ouvrir les premiers commerces dans les métiers de bouche, vente de denrées alimentaires ou de produits orientaux de bazar.

[stextbox id= »info »]Dans les années qui suivirent, cette immigration perça dans les professions à haute qualification intellectuelle. On compte parmi eux des personnalités fortes dans la médecine, l’enseignement et la recherche scientifique, apportant ainsi leur contribution au renom de la Bretagne dans ces domaines pointus. Par contre, assez curieusement d’ailleurs, on ne voit pas de musulmans – Français pourtant pour la plupart – dans l’espace politique ou dans la grande presse, sinon très timidement à ce jour.[/stextbox]

 A l’heure actuelle quel est l’éventail des sensibilités religieuses ?

 C’est là une question difficile, faute de chiffres et de renseignements complets.

Toutefois, on peut affirmer avec certitude que la quasi-totalité des membres composant l’ensemble de la communauté musulmane de Bretagne vit leur foi discrètement, paisiblement, sans tapage, ni ostentation, ni vaines querelles, et dans le respect de leur prochain.

Ils sont majoritairement sunnites ; de ce fait, la laïcité pour eux va de soi. Ils vivent leur foi intérieurement avec un souci constant de ne pas indisposer les non-musulmans majoritaires dans le pays, le prosélytisme étant interdit dans l’Islam. Par contre, ils ne peuvent pas se passer, au moins en famille, de vivre selon leurs valeurs culturelles propres inspirées de la tradition islamique ou des us et coutumes de leurs pays d’origine respectifs.

En marge de cette majorité sunnite, il existe des groupes de musulmans dits traditionalistes. Ces salafistes, soucieux d‘une interprétation littérale du Livre, arborent habits traditionnels et barbes fleuries. Reste que leur influence se limite le plus souvent à leur cercle familial. Quant à leur prêche, ils les destinent en général à des musulmans qu’ils ne voient pas souvent dans les mosquées.

 Comment le culte musulman en Bretagne s’organise-t-il ?

Le Culte musulman n’a pas toujours eu ses aises en Bretagne, ni même d’aide au départ. C’est l’Église locale, sous l’impulsion du Cardinal Paul Gouyon, qui nous a prêté des locaux pour notre pratique religieuse. Ensuite son soutien remarquable nous aida à obtenir des pouvoirs publics que des lieux de culte ne nous soient pas refusés. En outre, l’Église locale mit à notre disposition son personnel de la Pastorale des Migrants pour toute assistance humanitaire.

Après 1981 et la promulgation des nouvelles dispositions concernant les étrangers, la communauté musulmane fut en mesure de se prendre en charge elle-même. Elle créa de multiples Associations Culturelles Musulmanes de Loi 1901. À la tête de ces dernières – initialement sans rapports entre elles – a été mis en place en 2003 par les autorités civiles le Conseil Régional du Culte Musulman de Bretagne (CRCMB), une composante du Conseil National du Culte Musulman de France.

Ces associations, oeuvres de bénévoles et de volontaires, s’emploient à assurer un enseignement :
–        religieux de base destiné tant aux enfants qu’aux adultes
–        de la langue du Livre – la langue arabe ne jouit pas d’un enseignement généralisé dans les écoles, collèges et lycées de la République !
–         de la langue d’origine.

En outre, elles veillent à entretenir :
–        les valeurs culturelles du groupe,
–        l’office quotidien (cinq fois par jour)
–    la prière commune (la Salat) dans un espace dédié à cet usage (le mesdjid).

Enfin, elles s’activent auprès des personnes âgées, isolées, des familles indigentes, des malades, des mourants. Elles mettent du baume sur les douleurs de l’exil par l’organisation de fêtes traditionnelles, etc.

Pour la plupart, ces associations ne bénéficient point de subventions publiques. Elles tirent leurs modestes revenus de dons privés, de cotisations des adhérents, de la vente de colifichets et babioles ou de sucreries à l’occasion.

À côté de ces associations, il existe de grands centres culturels islamiques (les C.C.I). Ils sont construits et financés par les municipalités. Quelques fois, des C.C.I relevent du Droit Privé. Ils sont alors la propriété des adhérents de l’association.

Pour le quotidien, les nombreux musulmans pratiquants fréquentent les mosquées (ou ce qui en tient lieu) au moins une fois par jour pour la prière commune et des célébrations diverses (mariages, naissances, décès, fêtes religieuses, etc.) ou de conférences au sujet obligatoirement religieux. En effet, le Croyant doit toute sa vie durant s’instruire et interroger sa religion. La Vérité n’est pas facilement accessible.


Quel regard portez-vous sur les peurs que certains non-musulmans éprouvent à l’égard des musulmans et d’une supposée stratégie de subversion politique et sociale ?

Cette question me fait froid dans le dos et me fait trembler… Je me demande même si je vous ai bien lu. Pourtant, vous avez parfaitement raison ! De l’avis même de nos amis chrétiens responsables diocésains, c’est bien de la peur que ressentent les non-musulmans, une peur irraisonnée une peur panique à l’égard de la chose islamique en général, de l’être islamique en particulier.

Ce sentiment qui frappe les Occidentaux et que j’interprète comme une maladie survenue à la fin du siècle dernier génère en retour chez les musulmans une profonde tristesse et une incompréhension totale. C’est une blessure permanente qu’ils vivent dans les pays non musulmans alors que l’Islam (littéralement, la religion de la paix) est :
– l’expression la plus haute des valeurs de tolérance (n’y a-t-il pas quatre Écoles Juridiques afin de ne léser personne ?),
– de fraternité (le Livre fait des Croyants, juifs, chrétiens et musulmans, une même famille spirituelle),
– de respect humain (l’Islam n’a-t-il pas dès ses débuts combattu et vaincu le racisme ?),
– de paix entre tous les peuples (les seules guerres menées au début de l’Islam sont des guerres défensives, celles qui lui furent imposées),
– de miséricorde et de compassion pour ses semblables et pour toute créature vivante (113 chapitres du Saint Coran sur 114 commencent par le verset : « Dieu est Miséricorde », c’est à dire en langage chrétien : « Dieu est Amour »).

 C’est à ceux qui ressentent cette peur et ignorent l’Islam qu’il reviendrait d’expliquer – car c’est avant tout leur problème – d’où viennent de tels troubles de perception de l’Autre !

On traite mal l’Islam et on le maltraite sans vergogne à longueur d’année et avec un bel acharnement dans les médias occidentaux (pourquoi ce matraquage ?) en opposition même avec les orientations d’ouverture du Concile Vatican II du Pape Jean XXIII sur le chapitre de la qualité des relations avec l’Islam, religion de Croyants, qui procède de l’héritage abrahamique.

Entretien réalisé par Nicolas Roberti

Questions complémentaires posées par les lecteurs d’Unidivers :

Olivier – Quelle est votre position sur le port du voile dans les pays musulmans comme dans les pays non musulmans et par exemple la France ?

Mustafa Arslan – Le port du voile, comme  pour toute pratique cultuelle, est  avant tout un choix personnel et libre. Un verset du  Saint Coran contre-indique toute contrainte en matière de Religion. La Vérité  se gagne par le cœur et la Raison. L’islam place l’Humanisme au dessus de tout  (Droits de l’Homme, Liberté de culte, Séparation des pouvoirs spirituel et temporel). La stigmatisation de populations minoritaires – souvent à des fins inavouables – contrevient aux valeurs mêmes qui fondent nos sociétés. C’est dire le danger …

Le Baron – Quelques ajouts, ou précisions, susceptibles d’enrichir l’article :

 — La première carte géographique de la Bretagne est de Al Idrissi (12e siècle), avec localisation de quelques villes du littoral, et une notice intéressante sur Nantes.

— Les relations maritimes (pêche, commerce, découvertes) ont existé depuis longtemps entre le nord de l’Europe et le Sud méditerranéen, avec échanges de personnels, de savoirs (les cartes), de biens. Elles se sont intensifiées avec l’expansion de la navigation dans l’océan atlantique.

— Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les relations s’intensifient entre les deux rives (armée, colons, chercheurs, savants, enseignants, administrateurs). Pour les Français la langue arabe exerce un attrait réel.

— Après les guerres 14-18 et 39-45, les populations africaines du nord, à travers leurs engagements (Division algéro-marocaine), ont acquis des capacités à faire valoir sur le territoire de la France métropolitaine. Dans les années 20, elles revendiquent des droits civils et civiques.

— Dans les années 45-65 et plus, les besoins de main-d’oeuvre (construction civile et grandes structures de développement) obligent à faire appel à ces groupes migrants déjà un peu installés.Alors que les Français, les Bretons se tournent vers d’autres types de développement en Bretagne : automobiles, agriculture.

— À Rennes, à la fin des années 70, l’idée d’un Centre Culturel Islamique prend corps. Il sera réalisé au début des années 80. Pour dépasser des craintes  émanant des riverains en train d’acquérir leurs logements en ZUP-SUD, il y eut entente profonde entre Municipalité, organismes d’Église (associations, évêque, prêtres parlant arabe), et Université de Rennes 2, pour faire un travail d’explication en profondeur, et donner à ce lieu un statut juridique solide.

— Grâce à l’acquisition dans ces années du droit d’association, des organismes dits « inter » voient le jour sur la ville : interlinguistiques, interculturels, interreligieux. Le Foyer Guy-Houist pour l’accueil des primo-arrivants, a donné à la ville un caractère d’ouverture et un poumon supplémentaire. Pendant vingt ans et plus, et cela continue sous d’autres formes, un immense travail se fait dans le domaine de l’apprentissage des langues. Ce qui permet des participations croisées plus faciles à des fêtes communautaires : civiles, religieuses.

– L’Université de Rennes 2 a ouvert, il y a une quinzaine d’années, une section d’enseignement de la langue arabe, comme pour le chinois, le portugais, le breton…

— la capacité d’ouverture des Bretons (vies familiales, admissions sur les chantiers, accueil de professeurs maghrébins de haute qualité à tous les niveaux…) fait que le travail en profondeur se fait silencieusement : rencontres, fêtes, discussions, groupes d’études, sessions, participations à des moments douloureux ou plus intenses (bombe au Centre Culturel, Aide au Cambodge, Groupes d’accueil des Hmongs).

— Les personnes de dévouement, éclairées et compétentes, généreuses et désireuses de paix, sont nombreuses. Elles se connaissent, savent se rencontrer dans leurs différences. Elles oeuvrent en profondeur pour le bien commum sur le sol français et breton.

Pierre – Que pense M. Arslan de la ségrégation et des vexations qui touchent au quotidien les non-musulmans en Turquie, notamment, les orthodoxes. Par ailleurs, que pense-t-il des tensions continues dans lesquelles les autorités politiques et religieuses entretiennent les responsables Patriarcat de Constantinople et le refus de laisser exister le séminaire chrétien d’Halki ?

Mustafa Arslan – Cette question me laisse songeur par les éléments lexicaux dont use son auteur avec une délectation certaine. Il est assurément en retard sur l’Histoire puisqu’il se trompe dans la  dénomination qu’il donne à l’ancienne capitale de l’Empire Ottoman  ( Istambul ) , et , également , en retard par rapport à l’évolution  actuelle des relations Islamo-Chrétiennes dont Ankara est un des principaux chantres dans le monde musulman  .Enfin , faut-il rappeler que la Laïcité est le pivot de la  vie politique en Turquie depuis le début du siècle dernier .Il est donc malvenu de prêter – sans aller voir sur place – un mal-être  à nos concitoyens orthodoxes …qui sont bien chez eux en Turquie depuis toujours , depuis  Basile 1er  et Théodora.

Stan – La réalité de la culture et honneteté de Mr Arslan me laisse a mon tour songeur. Le nom ‘Patriarcat de Constantinople’ est utilisé depuis quinze siècles pour désigner une institution, indépendamment du fait d’un changement de nom de la capitale.
Peut-être que M. Arslan défend un point de vue révisionniste sur l’histoire avec une délectation certaine. Une délectation nourrie d’un lourd passé turque : vols, viols, stigmatisation et autres violences faites au chrétiens en Turquie depuis des siècles et encore de nos jours.
Pour contrecarrer ce discours révisionniste, il suffit de rappeler que la Turquie est plusieurs fois montrée du doigt ou condamnée pour la conduite des autorités qui discriminent les non-musulmans, parituclièrment les grecs orthodoxes et les Arméniens et respectent pas les Droits des hommes.
Dernire en date, la résolution Menendez par le grand allié, les Etats-Unis :
« Le Congrès des Etats-Unis prend des mesures pour la protection du Patriarcat oecuménique. Le H. I. R. C (House International Relations Committee) a adopté la résolution proposée par le représentant américain Robert Menendez (D-NJ) visant àgarantirles droits de l’homme du Patriarcat oecuménique à Istanbul, en Turquie. Menendez fit la déclaration suivante à l’occasion du passage de sa résolution:
« M. le président, ceux qui soutiennent la liberté religieuse à travers le monde ont élevé leurs voix pour soutenir les droits du Patriarcat oecuménique à Istanbul, en Turquie. Durant le briefing de la Commission d’Helsinki sur le Patriarcat oecuménique au mois de mars dernier, des individus de multiples confessions ont tenu à témoigner contre les abus grossiers du gouvernement turc à l’encontre du Patriarcat oecuménique. Ceux-ci incluent Rabbi Arthur Schneier de la Fondation l’appel de la conscience; le cardinal Theodore E. McCarrick, archevêque catholique de Washington; Dr. Anthony Limberakis, commandant des archontes du Patriarcat oecuménique issu de l’ordre de l’apôtre saint André; et Dr. Bob Edgar, secrétaire général du Conseil national des Églises. Si nous désirons réellement soutenir les libertés religieuses, nous ne pouvons demeurer silencieux en cette occasion.
« L’Union Européenne a prévu de démarrer les négociations d’accession de la Turquie en octobre. Je suis profondément préoccupé par cela à cause des actes discriminatoires envers les groupes religieux minoritaires de la Turquie tels les Grecs orthodoxes. L’élimination des discriminations de tout type se doit être une priorité essentielle avant toute négociation d’accession d’un pays. »
« M. le président, cet amendement met en évidence le traitement et les conditions dont le Patriarcat oecuménique fut victime, et dont il continue de souffrir de la part du gouvernement Turc. Le patriarche oecuménique à Istanbul est le chef spirituel de 300 millions de chrétiens orthodoxes aux États Unis et à travers le monde. Pourtant, le gouvernement Turc continue de violer les droits et libertés religieuses du Patriarcat oecuménique. De toute évidence, la Turquie a encore un gros effort à faire pour éliminer toutes les formes de discriminations religieuses. »
« Le gouvernement de Turquie:
Refuse de reconnaître le statut international du Patriarcat oecuménique et son importance aux yeux des chrétiens orthodoxes à travers le monde;
Empêche la réouverture de l’École théologique de Halki, le seul institut de théologie orthodoxe grec en Turquie qui rend possible la formation du clergé.
A confisqué 75% des propriétés du Patriarcat oecuménique depuis 2002;
Et a mis en place une taxe rétroactive de 42% sur l’hopital Balukli, une institution philanthropique sous la responsabilité du Patriarcat oecuménique et qui traite entre 30.000 et 40.000 patients par an. »
« C’est pourquoi je propose cet amendement qui permettrait de protéger les droits du Patriarcat oecuménique. »
« Mon amendement stipule que la Turquie doit immédiatement éradiquer toute forme de discrimination, tout particulièrement ceux fondés sur la race ou la religion. Il appelle également la Turquie à garantir la protection des libertés religieuses et des droits de l’homme sans aucune forme de compromis ».

Bon, alors, qui peut croire encore que la Turquie respecte les Droits des hommes et des minorités religieuses ?
En plus généralement parlant, il faudrait mieux nominer un président qui dit la vérité à la tête des musulmans de Bretagne, pour avoir un débat productif et respectueux.
On peut s’étonner que le magazine Unidivers laisse des délégués affirmé des contre-vérités, cela ne fait qu’aller contre un vrai dialogue entre religions.

 

Mustafa Arslan – J’invite Mr Stan à revisiter l’Histoire en honnête homme, et non en défenseur d’une cause perdue d’avance , le Révisionnisme .Il faut savoir que les peuples de Turquie se gouvernent eux-mêmes , et n’ont nul besoin d’avocats vénaux de lobbies révisionnistes dans une enceinte étasunienne ( que vous citez) ou ailleurs .
Le Patriarcat , comme pour toute la société turque actuellement , est amené à évoluer , à se trouver de nouvelles marques , c’est à dire , dans son cas précis , à se sortir d’un immobilisme qui dure depuis des siècles.
Evidemment , de tels changements – accélérant l’Histoire – ne peuvent se produire sans tenir compte des avis des uns et des autres , très démocratiquement et sous le fléau de la  même Justice pour tous .
De là à affirmer avec suffisance l’existence de non-citoyens de confession chrétienne relève , avant de parler déjà des aises que vous prenez avec le sujet , d’une vision très décalée avec la réalité politique de ce pays libre et souverain .

Coup sur coup, trois nouvelles questions viennent d’être posées par les internautes – relatives à la dimension de l’entraide chez les musulmans en Bretagne, aux différences entre musulmans pratiquants et musulmans croyants mais non pratiquants et au rapport à la langue bretonne (!). Mais Mustapha Arslan a préfèré mettre fin à ces questions-réponses en raison du tour un peu passionné que prend le débat. Unidivers sera heureux de lui redonner la parole dans quelque temps ainsi qu’à d’autres représentants de la communauté musulmane. Malgré les différences de points de vue, il est utile que chacun puisse exprimer son point de vue. La confrontation des perceptions différentes de la réalité constitue un des chemins d’ouverture à la compréhension de l’autre.

Régine Detambel Son corps extrême

Cette Alice-là n’est pas au pays des merveilles, mais dans une contrée de souffrances… Elle vient de subir un très grave accident de voiture (elle a embouti un poteau au milieu de la nuit et a dû être désincarcérée de son véhicule) et se retrouve sur un lit d’hôpital, avec de nombreuses fractures et cicatrices sur le corps. Au début, dans un coma léger, elle perçoit quelques signes de l’extérieur, mais est surtout concentrée sur ce qui se passe dans son corps, et dans sa tête.

Cette période d’immobilisation forcée va en effet la pousser à penser, à retourner dans son passé, à affronter ses souvenirs et ce sont bientôt les cicatrices morales qui vont se ré-ouvrir, pendant que les cicatrices du corps lentement commencent à se refermer.

Alice revit plusieurs épisodes de son enfance, parle de ses parents et de leur vie de couple, de son mari détesté et de son fils avec lequel elle a une relation en dents de scie, qui l’ont quittée tous les deux, l’un en divorçant et l’autre en s’éloignant d’elle pas à pas. Elle confie à son nouvel ami, un homme marié qu’elle rencontre dans le centre de rétablissement, son mal-être, cette impression de faire tout faux ou à côté des choses depuis des années. Elle dit tout, ses regrets, ses révoltes, jusqu’à dire un jour l’indicible…

On se demande si finalement cet accident n’était pas pour Alice l’occasion de naître à elle-même, enfin. Corps cassé, certes, qui va demander deux ans d’efforts inouïs pour se remettre en marche, pour tout réapprendre, mais coeur mis à nu lui aussi, revenu à l’essentiel, au vital, et prêt pour un nouveau départ.

Cette histoire est envoûtante, bien que le sujet soit vraiment difficile et Alice poursuit longtemps le lecteur. Seul bémol : ne pas retrouver au fil du roman les personnages du début, ces travailleurs de la nuit sur les routes, qui avaient été témoins de l’accident et dont les descriptions des pensées étaient si belles.

 Alix Bayart

Régine Detambel, Actes sud, 17 août 2011, 160 p. 17€

 

Carole Martinez, Du domaine des murmures

Laissez-vous enfermer avec Esclarmonde ! Vous subirez non les sévices et souffrances que doit endurer cette recluse volontaire, mais les délices de lire à nouveau la plume – ô combien magnifique ! – de Carole Martinez.

Même si l’histoire de ce roman n’a rien à voir avec celle découverte dans Le coeur cousu, le lecteur retrouvera avec un plaisir immense les mots de cette auteure qui sait à merveille dépeindre les sentiments, la passion qui coule dans les veines de ses héroïnes, un peu folles, un peu illuminées. Des femmes oscillant entre rêves, chimères, magie et envoutement, et le monde qui les entoure, terre à terre, rude, dangereux, souvent malfaisant, mais des femmes toujours portées par leurs croyances, par ce feu intérieur qui les rend si vivantes – et si différentes aussi.

Dans ce domaine des murmures, château de nos jours en ruine, ne laissant apparaître entre les touffes d’herbes que quelques blocs de pierre attestant du passé, soufflent encore les passions d’autrefois. C’est ici en effet qu’à vécu Esclarmonde, cette jeune fille qui, se refusant au mariage arrangé par son père avec un homme qu’elle n’aimait pas, et même méprisait, décida de se faire recluse, de se laisser enfermer pour le restant de ses jours dans un réduit qui serait construit à côté de la chapelle du château, pour y prier, y faire voeu de fidélité à Dieu et tenter d’apaiser et de réconforter les gens de passage en leur prêtant une oreille attentive et en priant pour eux.

Esclarmonde, trop jeune, innocente et naïve, est bien loin de se douter de ce qui l’attend dans sa prison ! Certes, elle a anticipé les souffrances physiques et s’y est même préparée, et arrive à plutôt bien les surmonter par ses prières. Il faut dire que le sujet est « à la mode » et qu’elle a entendu parler déjà de plusieurs recluses qui faisaient autour d’elles le bien par leurs prières. Elle désire donc se montrer digne de sa tâche, de cette confiance que les gens mettent en elle. Mais jamais elle n’aurait pu imaginer ce que le sort, et l’avenir lui réserveraient…

À l’époque, le peuple était aussi fervent que crédule. Pour surmonter la vie rude, il avait besoin de se raccrocher à des croyances, à des superstitions. Esclarmonde, du fond de son château, laisse couler sur le pays voisin, et bientôt à des lieux et des lieux à la ronde le souffle de son murmure, de ses prières, de son chant intérieur et on vient la voir de toute part en espérant un mieux-être, une guérison, un miracle peut-être. Et à l’époque (comme maintenant), le peuple était versatile, infidèle, imprévisible, capable de passer de la vénération la plus totale à une violence inimaginable au moment d’avant. Esclarmonde reste, malgré les bruits qui courent, humaine, et qui plus est, toute jeune. Elle se prend un peu au jeu, se veut prophétesse, souffle le bien et aussi le mal, veut faire la pluie et le beau temps… Danger !

Du fond de son réduit-prison, Esclarmonde va pouvoir voyager, voir le monde, s’ouvrir aux autres alors qu’il lui aurait été impossible de le faire si elle avait vécu une vie normale. En fermant les yeux, par la grâce de l’amour, elle peut ainsi suivre l’épopée cruelle des croisés partis battre le fer et tenter d’atteindre Jérusalem. Elle va découvrir l’amour, la passion, la tendresse, la sensualité, mais elle va aussi connaître le manque, les douleurs de la privation, le désespoir. Enfermée dans quelques mètres carrés, vivant de rien ou de si peu, elle va réussir à toucher le coeur des gens, entrer en eux, y distiller un peu du feu mystique qui la nourrit, la réchauffe, la brûle parfois. Elle va souffler son amour – et sa haine aussi – sur ceux qui l’entourent, sans se douter que son statut de recluse ne pourra pas la protéger de toute la folie des hommes…

Car les hommes sont fous, et vengeurs. Ainsi ce père à qui la jeune fille a désobéi, qui ne peut lui pardonner son outrage et lui tourne le dos. Ainsi ceux qui se sentent abandonnés qui la trahiront ? Ainsi ceux qui ne comprennent rien, mais suivent sans réfléchir la majorité…

Il ne conviendrait pas d’en dire plus, car ce roman promet de multiples rebondissements qu’il serait vraiment cruel de vous dévoiler. Laissez-vous porter par cette histoire médiévale un peu merveilleuse, par cette écriture si élégante, si belle, si ‘prenante’, laissez les murmures vous envahir et plongez dans la vie d’Esclarmonde, qui vous fera frémir certes, mais vous apportera un immense bonheur de lecture !

Je suis l’ombre qui cause.
Je suis celle qui s’est volontairement clôturée pour tenter d’exister.
Je suis la vierge des Murmures.
À toi qui peux entendre, je veux parler la première, dire mon siècle, dire mes rêves, dire l’espoir des emmurées. […]
J’ai tenté d’acquérir la force spirituelle, j’ai rêvé de ne plus être qu’une prière et d’observer mon temps à travers un judas, ouverture grillée par où l’on m’a passé ma pitance durant des années. Cette bouche de pierre est devenue la mienne, mon unique orifice. C’est grâce à elle que j’ai pu parler enfin, murmurer à l’oreille des hommes et les pousser à faire ce que jamais mes lèvres n’auraient pu obtenir, même dans le plus doux des baisers. […]
Entre dans l’eau sombre, coule-toi dans mes contes, laisse mon verbe t’entraîner par des sentes et des goulets qu’aucun vivant n’a encore empruntés. Je veux dire à m’en couper le souffle.
Écoute !

Carole Martinez Du domaine des murmures, Editions Gallimard, 208 pages, 18 août 2011, 17€

4e de couverture : En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son voeu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe. Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et son souffle parcourra le monde jusqu’en Terre sainte. Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante.

 

 

 

Présentation d’Alix

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Mais qui est Alix ?  Présentation par ses soins et réponse à la question rituelle…

Lectrice « forcenée » depuis ma plus tendre enfance, je ne peux concevoir ma vie sans un livre à portée de main, dans mon sac, dans la voiture, sur la table de nuit, dans une poche (quel bonheur, ces nouveaux formats !), et chaque livre lu me réserve de belles surprises, mes rêves sont nourris, mon quotidien en est même parfois transformé, illuminé.

Je tiens donc à faire partager mes lectures, coups de cœur ou déceptions… C’est pourquoi j’ai créé il y a bientôt 4 ans un blog littéraire (Les lectures de Liliba) sur lequel on retrouve quelques billets d’humeur ou d’humour, des textes issus de mon imagination, les comptes-rendus et critiques de mes sorties culturelles, quelques clins d’œil personnels et surtout des billets sur toutes mes lectures, quel qu’en soit le style ou la qualité…

Mon autre passion est l’écriture. J’ai toujours écrit, pour mon plaisir (poèmes et chansons, petites histoires, nouvelles), à l’adolescence avec un journal-fleuve sur lequel je déversais mes attentes, puis de façon plus structurée en prenant part à plusieurs ateliers d’écriture.

Avec le blog, j’ai découvert le partage dans l’écriture – un plaisir immense. Plusieurs concours de circonstances m’ont ensuite permis de prêter ma plume en diverses occasions ; et ce, grâce au blog qui a servi de « carte de visite ». Après quelques dépannages auprès de relations, j’ai fini par me mettre à mon compte comme rédactrice-correctrice. À travers Rédactiv’ (mes mots au service de vos idées), je découvre des uni(di)vers différents et élargis chaque jour mon horizon.

 *

Unidivers – Alix, vous connaissez la question rituelle : c’est quoi, pour vous, la vie spirituelle ?

La vie spirituelle, pour moi, c’est plus un état d’esprit que la religion en elle-même. J’ai été élevée de façon assez traditionnelle dans la religion catholique et sa pratique courante bien que relativement modérée. J’ai vécu quelques périodes de mysticisme, mais qui n’ont pas duré très longtemps et suis dans l’ensemble une bien « mauvaise chrétienne », au sens où je ne vais que rarement à la messe et suis souvent assez critique face au dogme et à certains agissements de l’Église catholique. J’ai enseigné le minimum à mes enfants et ne les forcerai jamais à prendre tel ou tel chemin.
Pour autant, je pense avoir une vie spirituelle riche. La vie spirituelle, c’est une façon de voir les choses, d’aborder le monde et les gens, de se positionner aussi par rapport aux autres. C’est une ouverture d’esprit, une curiosité, un appétit à découvrir et à apprendre, à aimer, toucher, sentir. C’est l’amour de la vie, tout simplement, de ses joies comme de ses peines. C’est l’envie, le désir d’avancer.

 

Mona Ozouf, Une Bretonne aux champs libres

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Mercredi 25 janvier à 18 h 30 aux Champs libres, Mona Ozouf, agrégée de philosophie, historienne et critique littéraire, a présenté son dernier livre. La cause des livres rassemble quarante années d’articles  publiés au Nouvel observateur. La grande prêtresse de l’histoire viendra en pays conquis dans sa Bretagne natale.

 

Mona Ozouf est connue pour ses nombreux ouvrages, dont son Dictionnaire critique de la Révolution, écrit avec François Furet. Bretonne, elle a intériorisé son identité dans le corbillon de son enfance. Que disons-nous, elle est Bretonne. Fille d’un « patriote breton » et d’une femme qui embrassa la cause de son mari, Mona Ozouf est d’un pays composé « d’un peuple d’insurgés, fils authentiques de pilleurs d’épaves, de brûleurs de manoirs et aux réfractaires. »

Dans Composition française, Mona Ozouf n’oublie jamais sa terre natale. Elle en parle avec émotion. Elle la défend même non sans ironie :

« Tantôt, on évoque la langue comme un jargon incrusté sur quelques dizaines d’hectares : il est bien connu que les Bretons baragouinent ; tantôt on se félicite de voir l’école républicaine faire abandonner aux écoliers sur le seuil, la “parlure familiale” et voilà pour les parlers régionaux, incapables de sa hausser à la dignité d’une langue. […] On somme les minorités de produire leurs raisons d’exister, d’établir à quoi elles peuvent servir dans le monde actuel et ce qu’elles peuvent bien opposer à la modernité qui insensiblement les détruit. »

Toutefois, Mona Ozouf n’est pas une militante de la Bretagne vivante. Elle s’est plongée dans la grande histoire par respect d’une tradition bretonne. « C’était aux femmes, dit elle dans Composition française, que revenait le soin d’entretenir la mémoire familiale, de tenir la greffe des naissances, des mariages, des anniversaires, de faire circuler les images traditionnelles. »

Réduire Mona Ozouf à l’art de transmission serait toutefois lui faire un terrible affront. Elle a en effet passé son temps à expliquer dans ses livres un passé commun… par-delà l’universalisme et le particularisme. Elle le confirme encore une fois dans Composition française. « Je ne crois ni les universalistes parce que notre vie est tissée d’appartenances, ni les communautaristes parce qu’elle ne s’y résume pas. » En fait, elle a toujours composé… « C’est l’individu qui tient la plume et se fait le narrateur de sa vie. Le narrateur, c’est-à-dire l’ordonnateur, l’arrangeur, l’interprète. » Or, la narration serait libératrice. « C’est elle qui dessine l’identité, sans jamais céder à l’identité. Car le parcours biographique corrige, nuance, complique à l’infini la vision absolutisée des identités. »

Emmanuel Kant > Projet de paix perpétuelle > Etudes

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Nous pensons communément que la paix est simplement une sorte d’intermède entre deux états qui sont des états de guerre. On dit : « allez, on fait la paix », mais le conflit revient vite, avec la nécessité à nouveau de encore de « faire » la paix, comme si la paix devait toujours être établie et que l’état naturel de la relation, c’était nécessairement la guerre. En matière de philosophie politique, Kant ne déroge pas à cette opinion commune, il admet lui aussi que la paix doit être établie, mais à la différence du sens commun, il y voit un projet à long terme, un idéal à atteindre.

    À atteindre comment ? Kant a-t-il en tête que pour que la paix soit présente perpétuellement, c’est l’homme qui doit radicalement changer ? Non, pas du tout. La nature humaine est fondamentalement mauvaise ? Cependant, l’avènement du droit est notre salut politique, car de sa mise en œuvre découle l’établissement de la paix. Ce que partage Kant, c’est une foi dans l’abstraite réalité du droit et de son application. Il partage une foi non dans la mise en œuvre des traités de paix, mais dans le principe du droit. Dans le Projet de paix perpétuelle, Kant entend consigner par écrit les articles définitifs qui rendent possible les conditions juridiques grâce auxquelles toute guerre deviendra impossible.

    Faut-il dénoncer le caractère illusoire de la paix perpétuelle ? Ou bien faut-il dénoncer la prétention à donner à la réalisation de la paix perpétuelle un fondement juridique ? La paix perpétuelle a-t-elle un sens en tant qu’Idéal, comme l’admet Kant, ou a-t-elle son fondement non dans l’idéal, mais dans la Réalité même ?

A. Les règles fondamentales de la paix

Peut-on formuler un traité de paix perpétuelle, comme, à la suite d’un conflit on formule un traité de paix historique ? Il y a une différence conceptuelle indéniable : quand, on déclare la paix, et que l’on signe un traité après de longues batailles sanglantes, c’est un acte qui intervient à un moment historique précis pour mettre fin à des hostilités. Parce qu’il s’agit d’arrêter la guerre, il est toujours possible de soupçonner que les belligérants ne signent en fait qu’un armistice au lieu d’un traité de paix. Kant note la différence, un armistice est un arrêt des hostilités signé, mais qui suppose encore la réserve d’un conflit futur, c’est une sorte de pause dans la guerre. La paix par contre, selon Kant, est perpétuelle par essence (article1). Ce qui ne veut pas dire qu’elle est naturelle, loin de là ; la paix doit être établie entre les États. Cela nous explique que le premier article de la paix stipule qu’aucun traité de paix ne doit laisser supposer en réserve une guerre future.

    Nous devons ici nous rappeler quelques idées de Rousseau : la guerre est un concept qui ne concerne directement le rapport des hommes entre eux. Entre de simples hommes, il y a seulement querelle. La guerre existe non dans l’affrontement de deux volontés individuelles, mais de deux volontés d’États. L’homme ne participe à la guerre qu’en tant que citoyen membre d’un État, et il y participe au premier chef comme soldat. La guerre suppose nécessairement l’existence de l’État, d’une volonté d’État, elle suppose un territoire d’État, une volonté politique organisée qui est celle d’un peuple doté d’un pouvoir centralisé. L’État suppose l’existence de frontières, ce qui définit l’État étant justement le monopole de la législation à l’intérieur de ses frontières. Qui dit territoire, dit nécessairement exigences territoriales et possession territoriales. Nous ne parlons d’État français qu’en ayant en vue un territoire et des frontières. Nous savons très bien que les guerres de l’histoire se sont le plus souvent organisées autour de la maîtrise, de la conquête d’un territoire. Il est clair de ce fait que toute frontière est en un sens arbitraire, résultat d’un compromis historique. Le à se citoyen, en tant que membre d’un État, s’identifiant à cette totalité qu’est l’État est prêt à se battre, quand un État en voisin envahit son territoire et menace de mettre en cause l’intégrité de l’Étata suprématie de l’État sur le territoire. Il devient le « patriote » qui défend sa « patrie ». Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps de la guerre de Koweït menée par l’Irak, de la guerre des Malouines. Nous comprenons que cette logique conduise Kant à la formulation de l’article 2: « nul État indépendant… ne pourra être acquis ».

    La guerre pose le problème du statut de la propriété. La propriété n’est pas la possession. La propriété est de droit, tandis que la possession est de fait : la possession est physique tandis que la propriété est légale. L’État définit le droit. Pour être plus précis : la possession concerne le rapport de l’homme avec des choses, non le rapport de personne à personne. La propriété suppose une reconnaissance sociale, une reconnaissance par le droit de la légitimité de la possession. L’État doit veiller à la sauvegarde des citoyens qui sont par essence des personnes ayant leurs propres biens. Quand deux États entrent en guerre, non seulement le vainqueur prétend entrer en possession du sol qu’il a conquis, mais il soumet aussi le vaincu ; or soumettre un autre État, c’est soumettre ceux-là dont l’État est composé, c’est soumettre les citoyens de l’État à une tutelle étrangère, c’est au final les traiter comme des choses dont on peut disposer à sa guise.

    Quel est donc le lien qui unit les hommes à leur terre, qui les unit entre eux et fait qu’ils sont membres d’un même État ? La réponse à cette question, les philosophes des Lumières l’ont donnée à travers un concept régulateur, celui de contrat social. On suppose que les hommes vivant dans l’état de nature, c’est-à-dire l’état antérieur à la formation de la société, se réunissent et décident de former ensemble un seul tout capable de les protéger et de garantir à la fois leur vie et leurs biens. Ils passent entre eux un contrat par lequel ils acceptent de s’en remettre à une loi commune, à un pouvoir commun qui saura les gouverner, garantir leur personne et leurs propriétés. Ils sortent donc de l’état de nature pour entrer dans l’état social. Le pacte d’association qu’ils ont conclu devient un pacte de gouvernement et il donne naissance à cette entité juridique qu’est l’État.

    Le problème est alors de savoir comment on interprète l’état de nature et quel est le bénéfice exact que gagneront les hommes à vivre dans l’état social. Il y a deux positions possibles :

ou bien la position de Hobbes, selon laquelle l’état de nature est un état de guerre perpétuelle des hommes entre eux, dont il faut échapper à tout prix en instaurant l’État : dans l’état de nature, dit Hobbes, l’homme est un loup pour l’homme, dans l’état civil, l’homme est un dieu pour l’homme. Cette position part d’une sorte de pessimisme de fond quant à la possibilité de faire confiance à l’être humain pour vivre en paix. L’homme est plutôt méchant par nature et il a besoin de la contrainte d’une structure politique pour apprendre à vivre en paix.

Ou bien la position de Rousseau, disant que la guerre est par essence un concept social et non un état naturel. L’homme dans l’état de nature ne pouvait être violent, il était plutôt un animal timide, replié sur lui-même, qui ne connaissait qu’une possession provisoire, pouvant donner naissance à quelques querelles, mais pas à la guerre qui suppose l’existence de l’état. L’homme est plutôt bon par nature, c’est la société qui le pervertit en introduisant la rivalité autour de la propriété.

    La position de Kant est clairement alignée sur celle de Hobbes. Il admet en conséquence que la paix doit être établie et établie par une structure juridique qui va, partout où naissent des rapports de force faire en sorte qu’ils soient remplacés par des rapports de droit. Kant interprète l’hostilité elle-même en terme de droit. Je me permets de me comporter de manière hostile envers une autre personne quand je m’estime lésé dans les droits. Cela suppose que je prétends d’emblée posséder des droits qui ne doivent pas être violés. Ce que je cherche, en m’identifiant au statut de citoyen, membre de l’État, c’est à obtenir une sécurité, or « l’homme (ou le peuple) dans l’état de pure nature me prive de cette sécurité et me lèse du fait même de cet état, simplement en étant à côté de moi, […] par l’absence de lois qui caractérise son état, par lequel il me menace constamment ». De sorte que je n’ai que deux possibilités, soit écarter le gêneur physiquement, soit le « contraindre à entrer avec moi dans une communauté de droit ».

    Quel est le rôle de la constitution d’un État ? Donner à chacun des citoyens des droits qui le protègent. Le droit civil protège les personnes morales en tant que citoyens du peuple. C’est ce que nous appelons aujourd’hui le droit codifié des États ou droit positif. Le droit des peuples régit les relations entre les États, c’est ce que nous appelons aujourd’hui le droit international. Kant ajoute – et c’est l’hypothèse importante du texte – que le droit cosmopolitique doit permettre que les hommes se sentent membres d’un même État universel comme citoyens du monde.

    S’il était possible de faire en sorte que partout sur la Terre, les hommes soient sous le même régime d’une législation assurant à chacun des droits, l’objectif de la réalisation de la paix perpétuelle serait concevable, voire réalisable dans un temps indéfini. Immédiatement Kant tire une conséquence pratique : à l’article 3 il stipule que « les armées permanentes devront disparaître avec le temps ». Il donne deux types d’arguments 1) la guerre a un coup économique très lourd. 2) de plus, l’existence même de l’armée suppose que des hommes sont payés pour tuer ou se faire tuer, donc utilisés soit comme chair à canon, soit comme machine de guerre. Cela veut dire qu’alors les droits de l’humanité, les droits de l’homme sont d’emblée reniés, que la personne humaine est sacrifiée dans sa valeur essentielle. Un homme, c’est plus qu’un soldat et il n’est soldat que par accident, dans un conflit armé. L’existence de l’armée, non seulement est une menace permanente pour la paix, mais elle porte atteinte d’une certaine façon à la personne humaine et mettant en avant le soldat plus que l’homme. Kant d’ailleurs note que l’agression dans la guerre est non seulement liée à l’existence de l’armée – qui est par définition une manifestation de la force publique –, mais aussi à la diplomatie des alliances politique et enfin au pouvoir de l’argent.

    Si, comme on le dit souvent, le nerf de la guerre c’est l’argent, alors il faut délibérément le couper, ce qui nous mène logiquement à l’article 4. « On ne contractera aucune dette publique en vue des querelles entre État ». Kant nous dit que si l’entretien des routes par exemple ne soulève aucun soupçon, il y a pourtant un emploi des finances publiques qui mérite d’être critiqué, c’est celui qui va à la préparation de la guerre. Se donner comme principe de refuser cette pratique, c’est couper court à ce qui alimente la guerre. Cela d’autant plus, note Kant, que la « facilité à faire la guerre, jointe à l’inclination des gouvernants à s’y livrer, […] paraît être un trait inné de la nature humaine ». Il serait donc sage de proscrire les mesures qui détourneraient les finances publiques dans le sens de la préparation de la guerre.

    Puisqu’il s’agit de substituer partout aux rapports de force des rapports de droit, il faudra admettre comme principe l’article 5 suivant : « Aucun État ne s’immiscera de force dans la constitution et le gouvernement d’un autre État ». La situation historique d’un État ne justifie en rien le prétendu droit qu’il pourrait se donner d’agresser son voisin pour des prétextes territoriaux quelconques. On ne peut en appeler à l’Histoire pour justifier l’entreprise de la guerre. Ce n’est pas tant que la souveraineté des États doit absolument être défendue, non c’est surtout que personne ne peut tirer prétexte des situations de fait à titre d’exemple pour en tirer une justification de se lancer dans une offensive ou une conquête. Cependant, il faut noter que dans cet article, Kant considère pourtant qu’un État peut se mêler des affaires d’un autre État quand celui-ci tombe dans l’anarchie, du fait qu’il se scinde en factions rivales et que l’unité de l’État se trouve détruire. Cette intervention pour Kant est justifiée, car elle revient à rétablir le droit contre le chaos des violences civiles (cf. la guerre civile).

    Enfin, Kant au titre de l’article 6 exige de bannir toute pratique machiavélique de la politique (tueurs à gage, empoisonneurs, incitation à trahison, etc.) entre les États afin que ne soit jamais entamée la confiance entre les États. Kant estime de la guerre elle-même dans sa pratique, suppose un sens de l’honneur, on dirait peut être un code d’honneur, ce qui implique une certaine confiance dans l’ennemi. Sinon elle n’est plus la recherche d’une victoire, mais une volonté d’extermination. Or, le stratège guerrier n’a qu’une fin, c’est faire plier la volonté de l’adversaire, quand l’adversaire s’incline, il se rend et il est vaincu et on a obtenu par la force que l’on cherchait à atteindre. On voit donc que la stratégie a ses règles et si elle a ses règles, c’est qu’en fait un code de droit y est applicable. Le droit de la guerre. Seulement, étant un emploi de la force, elle est seulement une manière de faire valoir son droit par la force. Ici se produit un renversement classique des rapports du droit et de la force. Normalement, la force ne fait jamais droit, comme l’a montré Rousseau. La force est une puissance physique, le droit une puissance morale, la force ne crée que des rapports de soumission, tandis que le droit seul peut créer un rapport d’égalité. Or dans la guerre, l’issue finale décide du « vrai » droit qui appartient alors au plus fort, c’est la victoire qui arbitrairement décide du droit, et ainsi, c’est le fait qui devient un droit : « c’est… l’issue de cette guerre… qui décide de quel côté se trouve le droit ». Il suffit, comme le dirait Rousseau d’être le plus fort pour proclamer le vrai droit. C’est une situation désolante, car dans ce cas, si le fait se confond avec le droit, il n’y a plus de justice durable, mais seulement celle qui est instituée par des rapports de force. Et Kant d’en rajouter en y voyant un triste expédiant de l’état de nature.

    Comme aucun des belligérants dans la guerre n’a intérêt à entrer dans un processus d’extermination, comme personne ne peut raisonnablement une paix des cimetières, il faut bien qu’ils sortent du conflit par le droit et renoncent des moyens machiavéliques d’action qui empoisonneraient par avance les efforts dans la direction de la paix. Le machiavélisme en politique consiste à placer la Raison d’État au-dessus des règles de la morale. Renoncer au machiavélisme revient à accepter une politique de la transparence. Kant parlera plus loin de « publicité » accordée aux intentions et aux actes. La règle de la transparence permet de l’exigence de la morale soient mises en accord avec les pratiques de la politique.

    Ainsi se clôt dans le texte de Kant la première section traitant des articles préliminaires du projet de paix perpétuelle. Nous venons de montrer comment Kant établit des règles élémentaires qui peuvent, une fois respectées, conduire à un état de paix. Mais, il faut encore transformer ce qui est présenté comme des règles et montrer toute la nécessité juridique contenue dans le projet de paix perpétuelle.

B. Le Droit est pacifique

    Kant entend montrer que le droit est dans son fondement et dans son application capable de réaliser la paix, car c’est seulement à partir du droit que la paix peut être instituée. Dès le début réaffirme le présupposé qui conduit l’ensemble du texte : « l’état de paix n’est pas un état de nature, lequel est au contraire un état de guerre »… Le corollaire étant, « c’est pourquoi il faut que l’état de paix soit institué ». Nous comprenons bien ce que Kant dit ensuite, que le « renoncement aux hostilités n’est pas encore une garantie de la paix ». Mais Kant ne veut pas dire que la paix est davantage que l’absence de conflit. Dans le même ordre d’idée, le vrai Silence n’est pas l’absence de bruit, mais un état positif. Ce n’est pas ce que Kant admet, il n’y a pas selon lui un état premier qui serait la Paix, état qui se déchiré par l’apparition du conflit, donnant naissance à la guerre. De même, la relation à autrui existe avant d’être établie, mais elle est brisée par la situation de conflit qui instaure la relation dominant /dominé. Kant serait plutôt du côté de Sartre disant que la « relation » première entre les hommes n’est pas la communauté, mais l’hostilité première de l’homme pour l’homme (alors même justement que l’hostilité est une justement relation avortée, brisée !). En partant d’un tel présupposé, il est évident que les hommes doivent impérativement instaurer une relation de droit qui limitera les prérogatives de l’un par rapport à l’autre, qui remplacera, disions-nous, le rapport de force par un rapport de droit.

    La solution du problème passe pour Kant par l’établissement sur toute la planète de régimes qui incarnent la réalisation du droit. Ce qui peut surprendre, c’est que pour Kant, cela signifie un régime non pas démocratique, mais républicain. (Article définitif 1). Par République Kant entend un régime dans lequel la constitution garantit la liberté des hommes, dans lequel tous les citoyens dépendent d’une unique législation dont ils sont les sujets de droit, dans lequel est garantie l’égalité de tous en tant que citoyen. On retrouve là l’idéal du Contrat social tel que Rousseau l’avait formulé, le régime politique idéal est celui qui est capable de rendre possible la liberté humaine, tout en fixant sa limite civile à travers la loi. Je ne peux revendiquer dans l’État une liberté naturelle, car ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui. En tant que citoyen, je me sens partie prenante de l’élaboration du droit, à travers ma reconnaissance de la volonté générale et de l’autorité de l’État.

    Où est donc la différence avec la démocratie ? Par démocratie Kant entend un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par le peuple, tandis que dans l’autocratie, il est détenu par un seul et que dans l’aristocratie par plusieurs. Cette classification part de la distinction entre les personnes qui détiennent la souveraineté. Elle n’explique pas encore la méfiance de Kant vis-à-vis de la démocratie. Cependant, il est aussi possible de caractériser les régimes par la manière avec laquelle ils usent de leur pouvoir. Kant distingue ici le républicanisme qui serait un exercice du pouvoir dans lequel le pouvoir exécutif est séparé du pouvoir législatif. Le despotisme est un exercice du pouvoir qui repose sur l’exécution arbitraire des lois qu’un État s’est donnée à lui-même. Ce que Kant reproche à la démocratie, c’est d’être un despotisme. La démocratie est un régime où règne le diktat de la volonté de tous contre la volonté particulière, une sorte de tyrannie du collectif sur l’individuel.

    Ce qui est important pour Kant, c’est que le Droit puisse être souverain, que le pouvoir législatif soit distinct et supérieur au pouvoir exécutif. Dans un régime républicain, l’assentiment du peuple sera requis pour toute décision. Il est alors entendu que la volonté générale s’exprimera mieux en terme de droit et il est clair que les citoyens de l’État réfléchiront à deux fois avant de se lancer dans des actions de guerre. Par contre, dans un régime aristocratique, ou dans une forme d’autocratie (une dictature militaire par exemple), le souverain n’est pas vraiment concitoyen, il se croit propriétaire de l’État, donc entend faire comme bon lui semble de sa volonté. « Il peut donc déclarer la guerre, pour la moindre bagatelle, comme une sorte de partie de plaisir ». Si le Souverain est par contre l’émanation en droit de la volonté générale, s’il n’est que son ministre, son représentant, il aura souci de préserver le peuple des violences de la guerre. La clé est là « toute forme de gouvernement qui n’est pas représentative est proprement informe ». Kant se méfie de la démocratie pour cette raison qu’elle risque fort d’être une sorte de dictature de la masse : dans la démocratie, « tout un chacun veut être le maître ». Il est impossible que la foule gouverne, le gouvernement ne peut être confié qu’à quelques-uns par le jeu de la représentation.

    Mais le point le plus neuf, c’est que Kant saisit très clairement la nécessité de la création d’une fédération d’États libres (article définitif 2) pour que soit respecté le droit des gens et que soit dès lors rendu l’établissement d’un état de paix perpétuelle. Nous ne pouvons pas ne pas faire le rapprochement avec ce que nous connaissons aujourd’hui, la structure de l’Organisation des Nations Unies et la déclaration universelles des droits de l’homme, assorti du tribunal international. Kant a-t-il entrevu cette réalisation ?

    Les États, entre eux, peuvent être considérés comme les hommes qui seraient encore dans l’état de nature avant d’avoir passé le pacte par lequel ils ne seront plus des individus, mais un seul peuple, et le contrat social qui fera d’eux des citoyens d’un État. En effet, en l’absence de toute structure juridique, l’état de nature subsiste, et donc n’existe alors qu’une liberté naturelle fondée sur la force et pas encore de liberté civile fondée sur le droit. Jusqu’où cette analogie peut-elle fonctionner ? Il faudrait imaginer que chacun des États passe avec tous les autres un contrat par lequel il reconnaît la validité d’une législation universelle, celle qui entérine les droits de l’homme. Cela signifie que chaque État renoncerait à sa liberté naturelle, son indépendance, pour se soumettre à un Gouvernement mondial. Une telle structure se placerait au-dessus de toutes les législations particulières et reconnaîtrait chaque État comme l’un du membre de sa famille, et chaque individu comme citoyen du monde. Kant ne va pas jusqu’au bout de l’analogie. Il ne reconnaît pas la valeur d’un État mondial unifié et s’en tient seulement à l’idée d’une fédération des États libres. Il lui semble peut souhaitable de demander aux États de fusionner dans un seul État mondial, ce qui supposerait un seul peuple, ce qui n’est pas le cas. Le seul point sur lequel il importe que les États s’entendent, c’est sur la nécessité de se soumettre à des obligations légales qui vont au-delà des particularismes de leurs volontés d’État, dans la reconnaissance d’un Droit universel. « Compte tenu de la méchanceté de la nature humaine », cette obligation devra être en fait une contrainte imposée. Déjà, à l’intérieur de l’État, il semble que les hommes ne sont justes que sous la crainte de la sanction, sous la menace du pouvoir ; de même, c’est sous la contrainte qu’il faudrait imposer une législation mondiale capable de rendre possible la paix perpétuelle.

    Il existe cependant en l’homme une disposition morale qui le rend capable de »triompher du principe mauvais » en lui, si bien que Kant contredit lui-même une anthropologie pessimiste à laquelle il adhère pourtant par le biais du piétisme. Cependant, on ne peut pas compter sur cette seule disposition morale dans les relations d’État à État. D’État à État, c’est avant tout le règne de la force qui prédomine. Il est vrai qu’en l’absence de tribunal international, en l’absence d’une législation internationale, le seul moyen qu’ont les États de faire valoir leur droit est la guerre. Or, par principe, nous l’avons vu, la force ne fait pas droit, le fait ne fait pas droit, une voie de fait ne fait pas la voix de droit, la victoire ne dit jamais le droit. Dans ces conditions, il est clair que ce que l’on appelle communément traité de paix n’est que formule creuse : « le traité de paix met fin à la guerre en cours, mais non à l’état de guerre tendant à trouver toujours un nouveau prétexte ». Nous pourrions en déduire que la paix ne peut pas être obtenue par les voies du droit. Kant ne tire pas du tout cette conséquence. Comme il admet que la paix n’est pas naturelle, qu’elle doit être établie, il doit bien admettre que le Droit reste malgré tout le seul recours valable. Mieux, le Droit est notre seul recours pour une raison fondamentale qui est que la voie du droit est par essence pacifique. Il n’y a pas de « droit de guerre », contrairement à ce que l’on dit parfois. Dès qu’il y a guerre, il y a abolition du vrai Droit dans la violence. Dans la guerre le sens même du droit est perverti par la force et sert de justification. Dès que le Droit est respecté, les hommes s’entendent pour régler leurs différents devant des tribunaux, au lieu de les porter sur un champ de bataille. Il faut faire en sorte que partout où existent des rapports de force, ceux-ci soient remplacés progressivement par des rapports de droit. Si nous poussons la logique du Droit jusqu’à ses ultimes conséquences donc, nous trouverons qu’il cherche en définitive à établir entre les hommes des relations pacifiées. Si » la violation du droit en un seul lieu de la terre est partout ressentie », alors le sens du Droit est en quelque sorte descendu parmi les hommes, et la visée de la paix perpétuelle n’est plus une chimère.

    Nous ne pouvons jamais raisonnablement justifier la guerre comme moyen du droit, par contre nous pouvons raisonnablement faire de la paix « un devoir inconditionnel ». Il faut que les États comprennent le devoir inconditionnel de créer un état de paix, qu’ils entendent la voix de la raison et décident d’une alliance de paix, comme ils se montrent déjà capables de conclure des alliances de guerre. Cette idée d’alliance doit être étendue. Donc, « l’idée de fédéralisme […] doit peu à peu s’étende à tous les États, et ainsi conduire à la paix perpétuelle ». Comme Kant n’admet pas de substitut du pacte social civil au niveau international, qui ferait de l’homme un citoyen du monde dans un État mondial, il faut se rabattre alors sur un fédéralisme librement consenti. Nous pouvons dans ce sens espérer que, dans une sorte de fédération toujours plus étendue des peuples qui viendraient adhérer à cette forme d’association, nous pourrions rendre possible la formation d’une République universelle à l’échelle de la Terre. C’est ce qui donnerait alors sa portée à la notion de citoyen du monde. Mais c’est aussi ce qui permet de comprendre le caractère très limité que Kant confère alors au droit afférent au citoyen du monde. Il s’agit de ménager la liberté des États entre eux, comme on ménagerait des individualités entre elles, en reconnaissant leurs libertés. Un Gouvernement mondial serait réalisable à la seule condition que ceux qui le composent aient une volonté sainte et soient des sages. Chose impossible ici-bas pour Kant. Pour Kant, l’État mondial organisé de manière pacifique est même une utopie qu’il serait dangereux de réaliser. Un idéal doit rester un idéal, et pas du réel ; un idéal est ce vers quoi on tend, mais que l’on n’atteint jamais, une visée à l’infini. La paix perpétuelle est une simple idée régulatrice, elle ne peut pas être établie. La création anticipée d’une utopie sociale de paix (une communauté pacifiste par exemple) risquerait, en raison de la méchanceté de la nature humaine, de sombrer dans l’anarchie violente, vu l’ambiguïté propre à l’humain, capable du meilleur comme du pire. Aussi, Kant en reste à une idée très courte : le droit international, appelé droit cosmopolitique par Kant, doit veiller en tout premier lieu aux conditions d’une « hospitalité universelle » (article définitif 3). Kant demande seulement un droit de voyager qui ferait que chaque homme serait considéré partout de la même manière et respecté en tant qu’homme.

    C’est bien peu ! Ce que nous avons en tête aujourd’hui, c’est l’idée que le droit international devrait rejoindre les exigences des droits de l’homme et ne pas se cantonner à des considérations aussi limitées que le « droit de visite ».

C. La paix par le soutien de la Nature

    Il y a des insuffisances dans le texte du traité de la paix perpétuelle. Nous venons de les pressentir. Kant a éprouvé lui-même le besoin d’apporter des compléments au premier texte. Pour que le projet de paix perpétuelle ait un sens autrement que comme un idéal assez creux, pour qu’il ne soit pas simple formule en l’air, toujours démentie par l’Histoire, il faut que 1) l’Histoire elle-même rende possible la paix. Il est nécessaire que l’Histoire progresse, et même 2) qu’elle soit aidée dans son progrès par la Nature elle-même dans laquelle l’homme vit comme citoyen du monde.

    1) Le premier supplément s’intitule « De la garantie de la paix perpétuelle ». Il commence ainsi : « ce qui assure cette garantie n’est rien moins que cette grande artiste, la Nature ». Pourquoi ? Est-ce que ce que l’homme établit dans la paix, il est incapable à lui seul de le garantir ? Est-ce là un aveu de la part de Kant ? Une concession ou bien une intuition du soutien réel de la paix ? La Nature est, si on s’en tient à des paradigmes bien campés dans la dualité, pensable sous l’angle du mécanisme, ou sous l’angle du finalisme. Comme système mécanique elle est semblable à une grande horloge dont la science chercherait les rouages en repérant en elle des causes et des lois invariables. Sous l’angle du finalisme, elle est organisée de manière intelligente pour réaliser des fins. Kant vit au siècle des triomphes de la physique mécaniste qui va de Descartes, Galilée, à Newton. Cependant, sa réflexion sur l’esthétique lui a fait découvrir que la beauté naturelle laissait transparaître une finalité manifeste, et il faut bien réconcilier ces deux paradigmes : cela donne dans notre texte des formulations étranges : « la Nature dont le cours mécanique fait transparaître une finalité manifeste ». En suivant le point de vue du mécanisme, nous voyons dans la Nature ce qui imprime un destin fatal à toutes choses, mais en partant du finalisme, ce qui vient se manifester dans le cours des choses, nous l’appelons providence. Cette réflexion sur le cours de la Nature a une conséquence directe sur l’Histoire. Si l’homme, présent dans la Nature, est déterminé d’une façon qui est seulement mécanique, alors seul le hasard le conduit et nulle évolution ne peut apparaître autrement que par un improbable entrecroisement de hasards. Alors l’Histoire de l’homme dans l’univers n’est soutenue par rien et reste livrée à l’arbitraire de sa liberté. Par contre, s’il y a dans la Nature un cours ordonné ou se donne à voir la réalisation d’une finalité, il est tout à fait possible que le cours des choses puisse appuyer un progrès vers la paix. Il ne s’agit pas de prétendre trouver dans la Nature les voies inscrutables d’un Dieu caché, de se faire l’interprète d’une Volonté de Dieu. Le propos de Kant est plus modeste. L’homme est sorti des mains de la Nature doué de dispositions naturelles contradictoires : l’insociable sociabilité. L’homme n’est pas porté à faire facilement société avec ses semblables, il serait plutôt porté à se retourner sur lui-même pour viser la satisfaction de ses intérêts égocentriques. Cependant, cette force de répulsions qui tend à éloigner les êtres humains les uns des autres est compensée par une force d’attraction qui fait qu’en même temps l’homme ne peut se passer de la proximité et de l’aide d’un autre homme. Il y a de ce fait dans toute l’Histoire un jeu constant de la discorde et de la concorde qui empêche l’homme de s’assoupir comme un mouton et qui l’oblige constamment à se dépasser pour créer des structures nouvelles. La Nature se sert de cette insociable sociabilité pour faire progresser l’homme même contre son gré, elle s’en sert pour lui renvoyer, comme par un retour de balancier ses propres erreurs, sa propre violence.

    La Nature a pris soin de faire en sorte que les hommes puissent vivre au quatre coins de la Terre. 2) Elle les a dispersés, par le moyen même des fruits de la discorde, la guerre, jusque dans des régions peu hospitalières. 3) Elle les a obligés à « contracter entre eux des relations plus ou moins juridiques ». Kant fournit plusieurs exemples étonnants de la prévoyance de la Nature (p.45). Il entend par là montrer que l’Histoire humaine ne s’est pas faite au hasard et que l’homme a été progressivement conduit à trouver les germes des dispositions naturelles que la Nature avait déposées en lui, afin qu’il puisse atteindre sa véritable destination dans la sphère de la Culture. Cela ne signifie pas que la Nature a voulu la guerre. Non c’est l’homme qui veut la guerre, cela veut dire seulement que quand la guerre apparaît, la Nature sait en quelque sorte l’utiliser pour qu’il en ressorte finalement un bien. À la question que fait la Nature en vue de ce dessein moral consistant à réaliser la paix ? La réponse est qu’elle « vient au secours de la volonté générale vénérée, fondée en raison, mais impuissante dans la pratique » en utilisant les inclinations égoïstes des hommes, de sorte qu’ils soient contraints de se donner une constitution qui garantisse la paix. Les forces de destruction qui tendent à dissoudre les communautés politiques suscitent d’elles-mêmes en retour les forces contraires, si bien que les hommes, malgré eux, doivent en venir à fonder un État sur le modèle d’une République, dans laquelle le Droit soit la seule instance qui régule leurs relations. « L’homme, bien qu’il ne soit pas bon, est néanmoins contraint de devenir un bon citoyen ». Le processus de l’Histoire implique une neutralisation des antagonismes. Nous pouvons donc dire qu’en définitive, pour Kant, le moteur de l’Histoire, ce n’est pas réellement l’économie, comme le croit Marx, ni la Raison, au sens que lui donne Hegel, mais bien la Nature. Et « la Nature veut irrésistiblement que le droit obtienne finalement l’autorité suprême ».

    C’est donc sous la pression d’une sorte de nécessité que l’homme est invité à bâtir un monde paisible. Il n’y perd pas pour autant sa liberté. Au contraire, comme le montre le second supplément, cette liberté doit être protégée en tant que liberté de penser pour que le dessein de la paix puisse aboutir. Il est en effet nécessaire de faire entrer la politique dans le domaine public et que la voix du philosophe soit entendue pour que le Droit soit proclamé à sa juste valeur. Trop souvent le juriste se vend au plus offrant et perd de vue le sens le plus élevé du Droit. Certes, il ne faut pas trop compter « que les rois philosophent ou que les philosophes soient rois… car le fait de détenir le pouvoir corrompt inévitablement la liberté de jugement de la raison ». C’est pourquoi la liberté de penser doit être présente dans l’État pour que de la saine critique puissent apparaître de justes décisions de droit ; mais encore, il est indispensable que la politique accepte le principe de la transparence des décisions publiques (Kant appelle cela le principe de publicité). Kant condamne le principe du machiavélisme en politique en disant que le secret des décisions sème les germes de guerres possibles. Si la politique devient transparente, il deviendra beaucoup plus difficile de se servir de la Raison d’État pour justifier la guerre devant le Peuple. Il faut, pour qu’une paix durable soit possible, donc mettre en accord la morale et la politique.

    2) Le nœud du problème de la paix tient en fait à la moralité des hommes. « L’amour de l’humanité et le respect du droit des hommes sont un devoir », seulement, la violence dans le cœur de l’homme nous amène constamment à douter de la possibilité d’une paix durable. Cependant, le mal n’est pas irrémédiable, « une certaine méchanceté inhérente à la nature humaine peut toujours être contestée par les hommes qui vivent ensemble dans un État ». La violence humaine n’est peut être pas de l’ordre d’une de la nature humaine pervertie dès l’origine par le péché, comme le pense les religions sémitiques, mais plutôt de l’ordre d’une frustration accumulée qui se déchaîne en révoltes, en révolutions et finalement en guerres. Ce sont les tensions qui s’accumulent dans la vie individuelle qui finissent par exploser dans une réaction en chaîne sur le plan collectif. Croire que la législation va résoudre le problème de la paix est un vœu appelé par Kant, mais qui laisse sans solution le problème, car il ne met pas au jour sa véritable racine, il n’en dénoue pas la cause. Il est rassurant de penser que le concours de la Nature nous est prêté pour faire aboutir le dessein de la paix. Penser que le droit va établir la paix restera un vœu pieux si rien n’est fait pour que les tensions qui habitent le cœur de l’homme ne soient pas dénouées. Nous savons bien que, de toute manière, le droit lui-même sert de prétexte à toutes les guerres. Les belligérants de tous les conflits pensent avoir le droit pour eux. L’Argentine pensait avoir le droit de récupérer les Malouines. Sadam Hussein pensait avoir le droit de récupérer le Koweït. En un sens, toutes les guerres défendent le droit et toutes les guerres sont des guerres saintes pour chacun de ceux qui y participent.

    Cela ne veut pas dire pour autant que toutes les causes soient justes. L’agresseur est celui qui porte la violence et le mal. Tant que nous ne disposons pas de moyens non violents suffisamment efficaces, nous ne pouvons pas pour autant laisser le mal accroître son empire en croisant les bras. Le pacifisme a ses limites devant le déchaînement de la violence contre un peuple ou la tentative organisée de génocide. Le Dalaï-Lama lui-même pleure devant sa propre terre occupée par les chinois, lui qui est le chef d’un peuple pacifiste. Le Tibet n’a pas pu résister à l’invasion chinoise et l’Occident n’a rien fait pour empêcher les exactions qui ont été commises au Tibet. Il faut d’ailleurs relire les textes de Gandhi qui n’a jamais encouragé un peuple à seulement subir une oppression sans rien faire, mais à toujours lutter contre le mal.

    Sur le fond, on ne peut résoudre le problème de la paix mondiale qu’en l’attaquant à sa racine dans les tensions accumulées en chaque individu et il est primordial que l’explosion de la guerre soit comprise comme le terme d’un processus dans lequel en quelque sorte l’explosif a d’abord été longuement accumulé, avant qu’une étincelle ne mette le feu aux poudres. Il vaut mieux éviter le danger avant qu’il ne vienne dit Patanjali, il vaut mieux prévenir que guérir. La responsabilité de la guerre gît en chacun de nous. Elle n’est pas le seul fait de l’existence des structures d’État. Abolir les États, tout en laissant les hommes tels qu’ils sont aujourd’hui ne ferait qu’engendrer le chaos. Contrainte l’humanité à mettre en place un État mondial garant du droit, risquerait, dans la situation actuelle, de voir s’installer peu à peu une dictature planétaire. La guerre suppose la violence comme sa cause la plus intime. La violence est elle-même un processus qui naît des tensions individuelles inconscientes. La violence est aussi un processus conscient qui est entretenu par le mental qui en vient à justifier les voies de fait. C’est la volonté de puissance de l’ego qui se réjouit des fêtes de la guerre. Aussi, pour donner à la paix une assise durable, il est indispensable de faire en sorte que ce qui est noué dans le cœur des hommes soit dénoué, et que chacun dispose d’une profonde connaissance de soi, une connaissance des mécanismes de la violence, que soit développée en chacun une conscience plus élevée, une lucidité suprême capable d’éclairer le jeu de l’ego avec la violence. Il est possible que Kant ait finalement vu juste en ce qui concerne le soutient de la Nature. Après tout, l’intelligence Créatrice qui gouverne l’univers œuvre dans le silence et sans heurt. La communion avec la Nature apaise profondément l’esprit. La Nature nous invite à trouver la paix en nous-mêmes, pour la répandre hors de nous. Un monde paisible sera fait d’individus paisibles. Pas de citoyens membres d’État bunker mis sous tranquillisant par des règles de droit. La paix n’a pas besoin d’être établie. La Paix réside dans l’Être, elle réside dans la conscience d’être, mais elle est déchirée par nos tensions, elle est défigurée par nos conflits. Une pensée chaotique engendre un monde chaotique. Ce sont les dysfonctionnements du mental qui engendrent les désordres du monde.

    Nous avons suivi Kant dans les méandres du projet de paix perpétuelle. Il est indéniable que Kant a anticipé de manière géniale ce que l’Histoire a réalisé à travers les structures de l’Organisation des Nations Unies. Nous vivons effectivement dans un monde où d’immenses efforts sont déployés afin que partout où éclatent des conflits, le Droit intervienne pour que les hommes en viennent à rentrer dans des rapports de droits et quittent des rapports de force. Le projet de Kant s’est en grande partie réalisé… Et nous n’avons toujours pas un monde en paix.

    Kant n’a pas vu l’importance des facteurs économiques dans la genèse de la guerre, ce que Fichte après lui saura mettre en évidence. Il n’a pas vu non plus l’importance des idéologies comme ciment des coalitions dans la guerre. Il a fait appel à la bonne volonté des politiques, il a lancé un appel à la raison pour que triomphe le Droit et cet appel n’est pas entendu. Il n’a pas non plus discerné l’importance des processus inconscients dans l’apparition de la violence, ce que Freud a lui bien compris dans la théorie du refoulement. La question de la paix est plus complexe que ce que Kant imaginait. Elle n’est pas insoluble, mais elle requiert une compréhension de la conscience bien plus radicale que ce que Kant pouvait imaginer.

Serge Carfantan (de philosophie & spiritualité)

Thierry Maugenest > Eroticortex > L’aire de Dieu n’a l’air de rien…

La révolution scientifique est en marche. Le professeur Carrington, nobélisable en puissance et grand manitou du laboratoire Lanxis, vient de découvrir l’aire de Dieu à l’intérieur du cortex. Cet homme est l’archétype du scientifique illuminé, capable de repousser les limites de la connaissance au-delà même de ce qu’on peut imaginer. Et bien sûr, tout cela sans se préoccuper ni d’éthique ni des conséquences parfois désastreuses que peuvent entraîner ses expériences. En attendant, si Dieu est dans le cerveau, Dumbleton est capable de supprimer Dieu du cerveau. Et c’est ainsi que des religieux deviennent de farouches athées et que des mécréants se transforment en grenouilles de bénitier. La thèse du professeur est simple : tout, absolument tout, est dans le cortex de l’homme. Et c’est le cortex qui a créé Dieu. Très vite Carrington , ayant maîtrisé l’aire de la religion, se préoccupe d’amour, ou plutôt de sexe…

Jusqu’où la recherche scientifique peut-elle aller ? Y a-t-il des barrières morales à ne pas franchir ? Les laboratoires pharmaceutiques, grâce à leur toute-puissance financière, peuvent-ils tout acheter et tout permettre ?
Dans un livre d’humour noir à la forme originale, Thierry Maugenest plonge le lecteur dans la vie du laboratoire Lanxis où officie une sorte de savant fou, spécialisé dans les neurosciences.

Albert Carrington est un savant reconnu qui effectue des recherches sur le cortex et les aires qui le composent. Son but ? Contrôler toujours plus l’esprit humain, en faisant croire à chacun, par le biais de la presse, que ses recherches seront un jour salutaires pour l’homme. Entourer d’une équipe de scientifiques, il est secondé notamment par une certaine Ayumi Hatsumo qui ne le laisse pas indifférent.
Les travaux menés impliquent des expérimentations et donc des cobayes humains. Cet aspect du livre est intéressant puisque l’auteur démontre qu’Albert Carrington se croit tout permis en raison de l’important dédommagement financier que le laboratoire offre à ces testeurs.
Mais l’argent peut-il tout acheter ? En définissant les émotions et les particularités humaines comme des maladies, ce savant fou justifie ses dérives. Dans le roman, il découvre l’aire de Dieu dans le cortex, puis l’aire de la bêtise et celle de l’amour et la sexualité. En envoyant des décharges électriques, il transforme un moine bouddhiste en acteur de films pornographiques, un « con » en mathématicien de génie puis il détruit le sentiment amoureux chez un jeune couple de tourtereaux.
Sous couvert d’un humour (noir) grinçant, l’auteur dénonce un système scientifique dont les ficelles sont tirées par les laboratoires pharmaceutiques où la question morale est parfois bafouée au nom de la science et de ses nécessaires avancées.

L’originalité du livre tient à deux aspects :
— Le thème du livre ainsi que le choix de le traiter avec humour.
— Et surtout la forme stylistique choisie par l’auteur. Et là, le lecteur se retrouve dans une configuration des plus originales. Le livre alterne des passages de courts dialogues entre individus travaillant au sein du laboratoire Lanxis, et des articles de presse fictifs. Ces articles ont la forme réelle d’une page de journal ou de magazine (à la manière d’illustrations insérée dans l’histoire). Le lecteur a l’impression d’être plongé au milieu de commérages internes lors des dialogues puis en spectateur externe en lisant les articles de presse.

Concernant les personnages, l’auteur ne cherche en aucun cas à susciter quelconque attachement entre le lecteur et l’un ou l’autre des personnages. Les deux seuls dont le lecteur connaît les noms sont Albert Carrington et son assistante  Ayumi Hatsumo. La prouesse est de ne jamais les faire parler : on ne les entend que par ouïs-dires ou par des informations ou entretiens relayés par la presse. Ainsi, ils n’ont ni profondeur ni caractéristiques précises. Quant aux individus qui dialoguent, jamais il n’est fait mention de leur nom ou de leur fonction dans le laboratoire.

En conclusion, un livre hors-norme au sens propre du terme.

Marylin Millon

[stextbox id= »info » color= »0000cc » bgcolor= »ffff00″]Thierry Maugenest, Eroticortex, JBz & Cie, 5 janvier 2012, 133 pages, 15€[/stextbox]

Khadija Mohsen-Finan > L’image de la femme au Maghreb

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Piliers de la famille, garantes des valeurs, gardienne de la culture et des traditions: l’importance des femmes dans les sociétés algérienne, marocaine et tunisienne n’est plus à démontrer. Si cette opinion est largement répandue en occident, il en est tout autrement dans certains médias maghrébins qui véhiculent une image rétrograde et trompeuse de la femme. Entre idéologie et réalité, quelle est la part de vérité ?

 « Les idéologies s’écrivent comme des vérités et ne s’encombrent pas de la réalité historique ».

Résumé 

Quatre auteurs tentent d’apporter un éclairage sur l’image de la femme que la presse écrite, les médias ou le cinéma propagent au Maghreb. Entre analyse, décryptage et état des lieux, les approximations et les représentations erronées tombent les unes après les autres sous la plume sans complaisance de Zakya Daoud, Hédi Khélil, Ghania Mouffok et Pierre Vermeren, sous la direction de Khadija Mohsen-Finan.

Un essai instructif, mais inégal

En replaçant la femme dans le contexte social et politique actuel, les auteurs dénoncent la manipulation dont font preuve les médias en imposant une image uniforme, tronquée et dévalorisante de leurs compatriotes féminines.

Ainsi, l’excellent texte de Ghania Mouffok est un réquisitoire limpide et éloquent, décodant avec finesse les dérives subtiles ou les techniques grossières utilisées de la presse écrite algérienne. Oscillant entre la prostituée pervertissant de jeunes hommes et la victime de violence conjugale, l’image de la femme est le reflet des désirs plus ou moins conscients d’un pan de la société algérienne : renvoyer les femmes à leur condition d’épouses soumises, de mères dévouées ou de jeunes filles sages. Pour une certaine presse algérienne, et sous couvert d’éloges, le message est clair : la femme doit rester à sa place et continuer d’incarner la bienséance rassurante au service de l’homme et de la famille. Ghania Mouffok réussit brillamment sa démonstration dont le propos est toujours étayé et circonstancié, le verbe haut sans tomber dans le pamphlet féministe.

La situation n’est pas plus glorieuse au Maroc, en témoigne Zakya Daoud qui met en exergue nombre d’incohérences et d’ambivalences entre la réalité et l’image proposée par les médias de son pays. Si on peut regretter un certain manque de profondeur dans l’analyse et un fil conducteur malmené, le lecteur novice y trouvera matière à réflexion et une grille d’analyse intéressante.
En revanche, malgré la qualité littéraire indéniable et la pertinence des critiques cinématographiques, la compréhension de la façon dont le cinéma tunisien travestit – ou non – la réalité est plus énigmatique, à moins de bien connaître à la fois le cinéma maghrébin et la condition féminine tunisienne.
De même, on s’interroge sur la pertinence de l’essai de Pierre Vermeren. Il traite de l’émergence d’une catégorie de femmes diplômées qui accède aux postes à responsabilité dans un recueil traitant de l’image de la femme au Maghreb. Toutefois, cela n’enlève rien à la teneur instructive du texte.

A conseiller si…

… l’histoire des femmes est au centre de vos intérêts. Il est rare de trouver des textes écrits par des femmes maghrébines sur les femmes maghrébines, avec une franchise salutaire. La femme arabe s’en trouve grandement réhabilitée et les Marocaines, Algériennes et Tunisiennes vont peut-être cesser d’être comparées aux Égyptiennes parées de tous les mérites.

Extrait :

Entre lucidité et ironie à peine voilée, Ghania Mouffok lève le voile sur quelques impostures avec un savoureux sens de la formule:

[…] les forces de sécurité [algériennes] ont eu à combattre par les armes une rébellion islamiste armée. C’est cet adversaire, “les islamistes”, qui paradoxalement rend nécessaire l’émergence des “femmes algériennes” comme symbole de la résistance à leur projet : créer un État islamique. […] Combattre l’islamisme armé va devenir synonyme de sauver les femmes algériennes. Cette bataille médiatico-idéologique omettra de préciser que les “femmes algériennes” n’étaient pas les dernières à adhérer au projet islamiste, mais à la guerre comme à la guerre… […] Comme chacun sait, les idéologies s’écrivent comme des vérités et ne s’encombrent pas de la réalité historique.

Hélène

[stextbox id= »info » color= »009900″ bgcolor= »ffff00″]Khadija Mohsen-Finan Acte Sud, oct. 2008, 121 p. 18€[/stextbox]

La Maison de la Grève s’installe au fournil de Chézy

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À l’automne 2010, lors des manifs contre la réforme des retraites, des manifestants envahissaient l’ancien local de la CFDT pour y installer la Maison de la Grève. Rue de la Barbotière, la réquisition citoyenne avait eu un profond retentissement dans les médias. Deux ans plus tard, ils remettent cela…rue Legraverend, à deux pas du boulevard Chézy.

 

Contre la réforme des retraites, à l’automne 2010, les grévistes voulaient « se doter d’un lieu pour s’organiser de manière déterminée par-delà les corporatismes et identités sociales (étudiants, travailleurs, chômeurs, travaillant dans le public ou le privé…). Nous désirions un lieu pour nous entraider financièrement, coordonner nos actions, organiser des cantines de grévistes alimentées en partie par des paysans nous soutenant, nous retrouver dans des fêtes. Et imaginer comment faire durer la grève. »

Sur leur site Internet et par des affiches, le collectif de militants d’extrême gauche, de chômeurs et d’étudiants annonce leur retour 1er au 11 février. De quoi faire peur aux autorités qui avaient fini par les déloger de la rue de la Barbotière, cinq semaines après leur coup de force et occupation. Cette fois-ci, ils ont prévu d’emménager au 37 rue Legraverend, au Fournil de Chézy (non au Palais de Chine, comme nous l’avions cru durant quelques jours).

Selon le Mensuel de Rennes, la nouvelle Maison de la grève serait « financée par des dons ». Elle devrait également accueillir de multiples événements du 1er au 11 février prochain : concert de soutien, projections, discussion sur les luttes locales et le mouvement des Indignés barcelonais…« Nous ne voulons plus laisser notre quotidien au hasard de ce monde, indiquent les instigateurs du projet sur Internet et dans les colonnes du Mensuel. Nous voulons nous en ressaisir collectivement, partager et étendre des pratiques offensives. S’organiser contre le réaménagement de nos espaces, soutenir les grèves, imaginer des actions en dehors des mouvements sociaux, tout en se liant avec des initiatives d’ailleurs. » Une nouvelle forme de société est… en marche. Encore heureux pour la ville et des syndicats que nos révolutionnaires n’aient pas eu l’idée de forcer l’ancien local de la CGT, juste devant la salle de Cité…

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Les occupants de La Maison de la grève sont particulièrement virulents à l’égard de la ville. Sur leur vitrine, de nombreuses affiches reviennent sur les raisons de leur mouvement. Les textes sont forts et relativement bien écrits (cela mérite d’être souligné en ces temps de vaches maîtres grammaticales et orthographiques). L’un d’eux évoque les projets du « gang » Delveau sur les prairies Saint-Martin. On a vu des « révolutionnaires » plus respectueux à l’égard des socialistes qui les ont à maintes fois soutenus…

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