Le Haut-Commissariat au Plan, sous l’impulsion de Clément Beaune, propose de faire renaître une forme d’engagement collectif pour les jeunes Français : un service national « civilo-militaire » obligatoire. Derrière cette idée, un double désir : retisser le lien entre générations et institutions, et rappeler que la citoyenneté ne s’hérite pas, elle se construit. Dans une société en quête de repères communs, ce projet entend répondre à l’érosion du sentiment d’appartenance nationale.
Quatre scénarios à l’étude
Le HCP a dessiné quatre modèles potentiels de ce nouveau service national, selon deux axes structurants : l’obligation ou le volontariat, et la vocation civile ou militaire.
- Service national universel (SNU) renforcé : élargi à 200 000 jeunes par an (contre 40 000 aujourd’hui), pour un coût estimé à 600 millions d’euros. Une formule évolutive de l’actuel SNU, centrée sur la cohésion et la transmission des valeurs républicaines.
- Service militaire volontaire : six mois d’engagement militaire volontaire pour 70 000 jeunes. Coût estimé : 1,7 milliard d’euros. Un choix pour celles et ceux en quête d’expérience forte, mais encadrée par la volonté.
- Service civil universel obligatoire : un parcours de douze jours de cohésion, suivi d’une mission civile de six mois. Ce modèle, estimé à 3,5 milliards d’euros, mise sur l’utilité sociale pour renforcer le tissu national.
- Service militaire obligatoire : six mois d’expérience armée pour tous les jeunes Français. Le scénario le plus ambitieux, et le plus controversé, avec un coût annuel de 14,5 milliards d’euros (ou la moitié si réservé aux hommes).
Des scénarios hybrides privilégiés
Deux scénarios mixtes, combinant obligation et liberté de choix, retiennent particulièrement l’attention du HCP :
- Option 1 : un service civil obligatoire composé de 12 jours de cohésion et 5 mois de mission, ouvert sur un service militaire optionnel de 3 mois pour les plus motivés.
- Option 2 : un tronc commun obligatoire de 12 jours de cohésion, puis un choix entre un service civil de 5 mois ou militaire de 3 mois. L’individu devient acteur de son propre engagement.
Ces pistes visent à conjuguer l’exigence de solidarité avec le respect des trajectoires personnelles. Il s’agit d’un pari sur la jeunesse : non comme problème à encadrer, mais comme énergie à mobiliser.
Les défis à surmonter
- Logistiques : Accueillir des centaines de milliers de jeunes nécessite des infrastructures adaptées, des encadrants formés et un accompagnement digne.
- Juridiques : Un service obligatoire qui ne relèverait pas strictement de la défense nationale nécessiterait une réforme constitutionnelle.
- Financiers : Selon les modalités, le coût oscillerait entre 1,7 et 14,5 milliards d’euros par an. Un investissement de société, à mettre en balance avec ses retombées sociales et républicaines.
Ce projet ne concerne pas que les jeunes : il questionne le socle commun d’une nation, les formes contemporaines du devoir, et l’idéal d’une citoyenneté active. Il s’inscrit aussi dans un mouvement européen plus large, où l’on redécouvre la valeur politique du service partagé.
Ce que pensent les jeunes
Du côté des principaux concernés, les réactions sont contrastées. Entre sens du devoir et crainte d’une contrainte mal adaptée aux réalités d’aujourd’hui, la jeunesse française hésite. Elle veut être utile, mais pas instrumentalisée.
L’écho des enquêtes d’opinion
Selon une étude Ipsos-CESI (mars 2025), 33 % des Français soutiennent un service militaire volontaire, et 32 % un service obligatoire mixte. Chez les 18-24 ans, seuls 17 % des garçons et 20 % des filles se disent favorables à un service militaire obligatoire… pour les seuls hommes.
Une étude dirigée par la sociologue Anne Muxel (2023) montre néanmoins une évolution marquante : 57 % des 18-25 ans se disent prêts à prendre les armes en cas de conflit. Le rejet pur du militaire s’efface au profit d’un sentiment de responsabilité nationale.
Le SNU, déjà en place à titre volontaire, obtient un soutien majoritaire dans l’opinion : 75 % des Français sont favorables à le rendre obligatoire pour les 15-17 ans, dont 68 % chez les moins de 35 ans (Ifop, 2023).
Entre prudence, envie d’agir et aspiration à choisir
Ce qui ressort, c’est une tension entre envie d’engagement et refus de la contrainte. Les jeunes plébiscitent les formes volontaires, civiques, utiles : service civique, missions de terrain, aide aux personnes. Le modèle « civilo-militaire » est perçu à la fois comme une possibilité de se révéler… et comme une réminiscence d’un État prescripteur. Entre ambiguïté, espoir, et inquiétude, le débat ne fait que commencer.