Le premier album de Mick Strauss, alias Arthur B. Gillette est sorti le 18 juin dernier. Le chanteur-musicien a cofondé le groupe emblématique Moriarty. Il livre aujourd’hui une prestation aux accents blues, folk et électroniques, dans un univers aux frontières de l’étrange.
Mick Strauss, c’est un personnage. Créé dans l’esprit d’Arthur B. Gillette et que celui-ci « apprend encore à connaître ». Il s’agit d’une sorte de vagabond qui se perd dans des villes abandonnées où il y rencontre un tas d’individus. Le cofondateur du groupe de country-blues Moriarty explique l’importance pour lui de « s’imaginer quelqu’un pour écrire des chansons plus librement, sans conscience de la réception ». Mick créé une musique en décalage avec l’industrie musicale et ses formats lisses et courts pour passer à la radio. « Mick n’aime pas trop l’industrie, l’entertainment, les réseaux sociaux. Mais il a une foi en l’humanité qui le rend très utopique, très idéaliste.» Dans cet album, on se rend pleinement compte de l’originalité et du secret qui entoure cette figure brumeuse, timide et pourtant bien présente.
« Ça pourrait être un film. Ou un livre. Mais c’est un disque. Du genre qu’on aperçoit posé près de la platine dans une scène de film, le disque que l’héroïne écoute avant que sa vie ne bascule ». Dès la présentation du projet, l’agence de presse Boogie Drugstore qui propulse des artistes indépendants – avec le label de l’artiste Air Rytmo – le défend : Mick Strauss s’apparente en même temps à un projet artistique sans réel équivalent, à un artiste musicien-chanteur solitaire et extraverti et à une bande-son digne d’un road-trip aussi sombre qu’enivrant.
La pochette d’album rappelle un film d’horreur des années 1980 ou 1990 : Twin Peaks ? The Thing ? Non, il s’agit bien de « Southern Wave » de Mick Strauss. L’album est un mélange entre deux genres, qui définissent le titre éponyme. Il s’insère en même temps dans une utopie singulière et dans un cauchemar flou. Rappelant la vague d’un océan « à la fois masculin et féminin, puissant et doux, nourricier et dangereux, attrayant et mortel », il met en avant la personnalité multiple de son chanteur et l’idée d’un univers à double face. Par ailleurs, ce clair-obscur permet à Mick Strauss d’ « exprimer ses penchants sombres » pour le rendre « plus joyeux », dans un effet cathartique.
« Southern Wave » renvoie aussi à deux courants musicaux apparemment opposés. La Wave, ou New Wave, qui lance à grand renfort de synthé la décennie 1980, et la musique du Sud des États-Unis, plus swing, plus folk et plus country. Ayant appris la guitare dans le Mississippi, Arthur B. Gillette voulait retrouver ce son caractéristique tout en trouvant sa propre voix avec des tonalités plus mécaniques. Avec le producteur du disque Vincent Taurelle, ils se sont donné une direction : celle d’une balance entre ces deux styles musicaux. Une boîte à rythme était ajoutée à chaque fois que l’ensemble paraissait trop swing et si au contraire il semblait trop mécanique, les musiciens renforçaient l’aspect authentique avec des cordes. « Chaque chanson a en elle ces deux éléments, yin et yang » affirme le chanteur.
Le rappel au côté folk-rock nous amène à discuter un temps de son rapport avec le groupe Moriarty qu’il a cofondé. Sans s’être séparé de la formation, il voulait aussi aller dans sa propre direction. Mais « la moelle reste la même ». Arthur Gillette souligne aussi le fait que Mick Strauss constitue un groupe. Il n’est donc pas seul sur le projet. Vincent Talpaert, ancien batteur et percussionniste de Moriarty, fait d’ailleurs partie de l’équipe de réalisation du projet.
« Beaucoup de chansons sont nées de rencontres », selon l’artiste, comme « Close your eyes » qui raconte l’histoire d’un photographe américain passionné par le milieu underground américain. « Jin Yan Z blues » met en scène une véritable dissidente chinoise, rendue anonyme par sécurité. L’idée de porter un message davantage politique se ressent dans ces morceaux et dans celui intitulé « Flashback week-end« , écrit après que l’artiste aie traversé les « flyer states », les États survolés, grandes étendues américaines à la démographie très faible. Aux dernières élections, beaucoup d’habitants y ont voté pour Trump. Le chanteur a également rencontré dans ces terres des natifs Amérindiens. Beaucoup de sonorités du titre sont en fait ceux des habitants de ces espaces.
Ce qui l’intéresse, ce sont les artistes qui laissent passer les imperfections. « C’est peut-être mon côté un peu plus américain. Je n’ai pas peur de choses plus sales, plus dérangeantes » explique Mick Strauss. Contre l’aspect lisse de la musique actuelle, il se rapproche de tonalités plus anciennes. Ce rapport avec les États-Unis, il le tient aussi de ses deux parents américains, et explique en partie le fait qu’il chante en anglais. L’impression de traverser une longue route dans les immenses déserts états-uniens donne à l’album cet aspect américain et visuel, comme un soundscape, des mots d’Arthur, un paysage rendu palpable par la musique. Cette origine visuelle du son vient aussi du fait qu’il a composé des musiques de film et donne au disque un aspect d’autant plus mystérieux et excitant.
Mick Strauss restant un projet en parallèle, il ne s’éloigne ni de Moriarty ni de ses autres travaux de compositeurs pour des films ou, comme en ce moment, pour des pièces de théâtre. Mais Arthur B. Gillette avoue que cette expérience en solo lui a permis d’explorer d’autres pistes artistiques tout autant intéressantes.
Une sorte de voyage onirique, énigmatique et initiatique à la recherche d’un personnage et d’un univers qui le sont tout autant. Mick Strauss nous emmène aux frontières de plusieurs univers : la fiction, la réalité, les espaces abandonnés et une personnalité fantasmée, un voyageur solitaire qui va pourtant à la rencontre des gens. Et de nous, avec succès.
INFOS PRATIQUES
Album sorti le 18 juin 2021 disponible sur toutes les plateformes et en magasin.
Découvrir le portrait de Mick Strauss sur le site de l’agence relation presse Boogie Store
Écoutez les morceaux de l’album sur Linkfire.
Photo de mise en avant : Safia Benhaim