Le film Spotlight réalisé par Tom McCarthy emprunte le chemin bien tracé par des films d’enquêtes journalistiques tels que Les Hommes du Président en tête. Traitant d’un sujet grave et sensible, il s’organise autour d’un casting de choix. Malheureusement, la forme et la mise en scène ne sont pas à la hauteur du sujet et du jeu des comédiens. Une réussite en demi-teinte.
Au sein du Boston Globe une équipe d’investigation nommée Spotlight s’occupe de grosses affaires nécessitant un travail minutieux et de longues enquêtes. En 2001 Marty Baron (Liev Schreiber) prend la tête du Boston Globe, et confie à Walter Robinson (Michael Keaton) qui gère l’équipe Spotlight, d’enquêter sur un prêtre accusé d’actes pédophiles. Ce qui s’annonce comme une investigation sur un seul homme prend des proportions inattendues. L’équipe découvre que l’Église protège ses prêtres pédophiles et passe d’un accusé à rien moins que 90 ecclésiastiques coupables présumés d’actes criminels.
Il faut de tout pour faire un bon film ! Il paraît évident, malheureusement, que beaucoup d’exécutifs d’Hollywood ont oublié cela. Le film de Tom McCarthy ne manque de rien si ce n’est de tension dramatique. Et pourtant avec un tel sujet il était difficile de passer à côté. Le premier problème du film c’est la phrase d’ouverture : « tiré de faits réels ». Il n’y a rien de plus fatigant que d’envoyer à la face du public que ce que l’on va lui montrer est quelque chose qui est véritablement arrivé. Cette mise en garde est censée plonger le spectateur dans un certain état d’esprit et, pour le coup, cela fonctionnerait beaucoup mieux si on expliquait à la fin (mais le spectateur est bête – sic) que ce que l’on vient de voir est basé sur des faits réels.
Première chose dommageable parce que quasiment tout dans ce film est réussi, en premier lieu le casting, Mark Ruffalo qui délaisse sa musculature de géant vert (Hulk dans Iron Man 3 et The Avengers, l’ère d’Ultron) et revient à son meilleur comme il l’a prouvé dans des films comme The Kids are All Right ou Zodiac. Michael Keaton tout juste revenu d’entre les morts avec Birdman, fait la moue comme personne et confirme tout le bien que l’on pensait de lui. Rachel McAdams (entre autres Antigone « Ani » Bezzerides dans la saison 2 de la série True Detective) s’en sort agréablement, mais n’a pas l’aura escompté. En revanche, Stanley Tucci, que l’on voit trop peu souvent, confirme une nouvelle fois qu’il est un comédien multifacette, en jouant un avocat arménien, énervé, blasé et qui pourrait reprendre espoir si le monde n’était pas si pourri.
Spotlight par son sujet est le candidat parfait pour obtenir des nominations aux Oscars, tout est fait dans ce sens, mais Tom McCarthy n’est pas Iñárritu et sa mise en scène est trop linéaire, ce qui est bon et mauvais à la fois. En effet, le film ne croule pas sous les effets, excepté de temps en temps quand il utilise la musique pour accentuer l’émotion (qui malheureusement n’est pas là). Cette simplicité dans la forme convient néanmoins à Spotlight, la mise en scène s’efface et traite de son sujet, nous suivons agréablement (et pourtant le sujet est grave) les comédiens dans leur quête de vérité, mais malheureusement rien ne nous les rend attachants. McCarthy ne s’investit pas dans ses personnages, comme si le fait de traiter d’une histoire vraie et d’avoir un casting presque quatre étoiles suffisait à faire un film passionnant.
Eh bien non, car la linéarité du film et le manque (voir l’absence) d’émotions pèchent énormément. N’oublions pas qu’il s’agit d’une œuvre de fiction et non d’un documentaire; par conséquent la dramaturgie est importante, l’identification aux personnages. Or leur accompagnement empathique s’avère presque absent de Spotlight. Pendant tout le film, on répète aux enquêteurs (et donc aux spectateurs) que l’Église et la religion sont des choses importantes dans une ville comme Boston, mais jamais on ne nous montre le pouvoir de l’Église, la puissance qu’elle peut avoir en terme financier et politique. Ce qui a pour conséquence de nous offrir un film intéressant (sinon passionnant) et qui ne restera pas dans les mémoires. En comparaison dans une approche similaire il faut absolument voir (et revoir) des films tels que Les Hommes du Président de Alan Pakula, ainsi que Zodiac de David Fincher et notamment ce dernier pour se rendre compte de la puissance d’un film quand le sujet (une histoire vraie aussi) est traité par un maître de la mise en scène.
Spotlight ne restera donc pas dans les annales comme un grand film et peu importe le nombre de prix qu’il récoltera, son mérite est de (dé)montrer au grand public les abominations qui ont eu lieu à Boston et pourtant ce n’est pas un mauvais film. On conseillera alors, après l’avoir vu, et sur un sujet similaire, de voir ou revoir l’adaptation de Mystic River par Clint Eastwood tiré d’une histoire vraie d’un roman de Dennis Lehane, ce dernier ayant traité le sujet de la pédophilie à plusieurs reprises dans ses œuvres qui, toutes, se déroulent également dans la ville de Boston.
Film Spotlight Tom McCarthy, États-Unis, drame, 128 minutes avec Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams, Liev Schreiber, John Slattery, Brian d’Arcy James, Stanley Tucci
Scénario : Tom McCarthy et Josh Singer
Direction artistique : Stephen H. Carter
Décors : Shane Vieau
Costumes : Wendy Chuck
Montage : Tom McArdle
Musique : Howard Shore
Photographie : Masanobu Takayanagi
Son : Paul Hsu
Production : Michael Bederman, Blye Pagon Faust, Steve Golin, Nicole Rocklin et Michael Sugar
Sociétés de production : Anonymous Content, Participant Media et Rocklin / Faust
Sociétés de distribution : Open Road Films (États-Unis), Warner Bros. France (France)