Le gouvernement suédois a annoncé début mai 2025 son intention de criminaliser les tests de virginité, pratiques médicales intrusives, scientifiquement infondées et considérées comme une forme de violence envers les femmes. Cette décision s’inscrit dans une série de mesures destinées à lutter plus fermement contre les crimes d’honneur et les violences liées au contrôle du corps féminin.
Une pratique dénoncée depuis des années
Les tests dits de virginité consistent à examiner l’hymen d’une jeune fille afin d’en déduire — à tort — si elle a eu ou non des rapports sexuels. Or, comme l’ont démontré de nombreuses études médicales, l’état de l’hymen ne permet en rien de prouver une quelconque activité sexuelle. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie depuis 2018 ces examens de pratiques “dégradantes, non scientifiques et contraires à l’éthique médicale”. Ils peuvent entraîner des traumatismes physiques et psychologiques durables.
En Suède, bien que ces tests ne soient pas pratiqués dans les structures hospitalières publiques, ils sont parfois demandés dans des contextes familiaux sous pression religieuse ou culturelle. Des médecins peuvent être sollicités de manière clandestine ou à l’étranger pour effectuer ces examens, notamment à la demande des familles.
Vers une infraction pénale spécifique
La ministre suédoise de la Justice, Gunnar Strömmer, et la ministre de l’Égalité, Paulina Brandberg, ont déclaré vouloir introduire une infraction pénale autonome dans le Code pénal suédois pour toute personne réalisant, ordonnant ou facilitant un test de virginité. Cette infraction serait passible de peine de prison, même lorsque la personne concernée donne son consentement — un principe déjà établi pour d’autres formes de mutilation sexuelle.
« Ces tests ne reposent sur aucune base médicale. Ils s’apparentent à une forme d’oppression, de contrôle social et parfois de coercition au nom de l’“honneur”. Cela ne peut rester impuni », a déclaré Paulina Brandberg.
Un projet de loi devrait être déposé d’ici fin 2025, après consultation des autorités sanitaires, des organisations de défense des droits des femmes et du Conseil national de la santé.
Un tournant dans la lutte contre les crimes d’honneur
Ce durcissement législatif s’ajoute à une stratégie plus large initiée depuis plusieurs années en Suède pour mieux identifier, prévenir et punir les violences dites « d’honneur » : mariages forcés, pressions sur la liberté vestimentaire, séquestrations, violences sexuelles ou exclusions sociales. Depuis 2020, un crime motivé par l’honneur est déjà reconnu comme circonstance aggravante dans les décisions judiciaires suédoises.
Réactions des ONG et du corps médical
Les ONG féministes comme Riksorganisationen GAPF (« Jamais sans honneur ») ont salué cette annonce, réclamée de longue date. « L’État envoie un signal fort : le corps des jeunes filles ne peut être soumis au contrôle social ou patriarcal, quelles que soient les traditions invoquées », a déclaré Sara Mohammad, fondatrice de GAPF.
Le syndicat suédois des médecins a également soutenu l’initiative, rappelant que toute participation à ces tests allait à l’encontre du serment médical et des principes d’éthique professionnelle.
Une dynamique internationale
La Suède rejoint ainsi plusieurs pays qui ont pris des mesures similaires, notamment les Pays-Bas, où les médecins peuvent être sanctionnés s’ils effectuent de tels examens, et le Royaume-Uni, qui a interdit les tests de virginité en 2021 dans le cadre de la loi sur les mutilations sexuelles.
Selon l’OMS, plus de 20 pays dans le monde pratiquent encore les tests de virginité de manière institutionnelle ou coutumière. La décision suédoise pourrait contribuer à renforcer le plaidoyer international contre ces pratiques.
Bibliographie
- Bredal, A. (2011). Violence against women in the name of honour. Nordic Council of Ministers.
- Gill, A., & Brah, A. (2014). Interrogating cultural narratives about “honour”-based violence. European Journal of Women’s Studies, 21(1), 72–86.
- Organisation mondiale de la santé. (2018). Éliminer les tests de virginité : déclaration conjointe OMS/HRP, ONU Femmes, HCDH. https://www.who.int/fr/news/item/17-10-2018-eliminating-virginity-testing
- ONU Femmes. (2023). Global Database on Violence against Women.
- Regeringskansliet [Gouvernement suédois]. (2025, mai). Regeringen vill förbjuda oskuldsintyg [Le gouvernement veut interdire les certificats de virginité]. https://www.regeringen.se
- Somasundaram, D. J. (2019). The hymen is not an indicator of virginity: Debunking a myth. Journal of Forensic and Legal Medicine, 65, 43–46.
- UK Parliament. (2021). Health and Care Act 2021. https://www.legislation.gov.uk