Sorti en France en février 2024 en France, nommé 7 fois aux Golden Globes, avec Adrien Brody, sacré meilleur acteur aux Oscars, Felicity Jones et Guy Pearce, The Brutalist a suscité une vague de réactions contrastées parmi les spectateurs. Ce film d’auteur ambitieux, réalisé dans un format VistaVision rare, se distingue par une esthétique soignée et une mise en scène recherchée. Mais entre les louanges et les critiques acerbes, que faut-il en retenir ?
Une ambition cinématographique indéniable
De nombreux spectateurs saluent la prouesse technique et artistique du film. The Brutalist est perçu comme un « film-monument », une œuvre qui interroge le rapport entre l’art, le capitalisme et la mémoire historique. Adrian Brody, dans le rôle principal, est largement reconnu pour sa performance intense et habitée. L’esthétique du film fait également l’unanimité chez une partie du public : la photographie, la mise en scène et la bande-son immersive sont autant d’éléments qui marquent les esprits. Certains considèrent que l’expérience cinématographique est bouleversante.
Un film jugé prétentieux et inutilement long
Mais cette ambition se retourne contre le film aux yeux de nombreux spectateurs. La durée (3h35, plus un entracte) est largement critiquée, certains allant jusqu’à qualifier l’œuvre de « supplice cinématographique ». Plusieurs spectateurs regrettent que le film se perde dans des longueurs et des digressions inutiles, avec un scénario souvent jugé confus, voire inabouti. D’autres critiques portent sur le caractère artificiel du film : une mise en scène esthétisante qui masque un propos jugé creux et convenu. Certains lui reprochent une posture « prétentieuse » qui donnerait plus dans la démonstration formelle que dans l’émotion sincère.
Des thématiques importantes, mais survolées
L’histoire du film, centrée sur un architecte hongrois rescapé de la Shoah tentant de s’intégrer dans l’Amérique des années 50, suscite également des débats. Certains saluent un récit poignant sur la difficulté de réaliser son art dans une société dominée par les rapports de pouvoir et les discriminations. Mais d’autres jugent que le film se complaît dans des caricatures : les personnages sont trop manichéens, les symboles trop appuyés, et l’approche de l’architecture brutaliste est jugée superficielle, voire inexistante. De plus, certaines scènes controversées, notamment une scène de viol en fin de film, sont perçues comme des ajouts superflus et maladroits, déconnectés du reste de la narration.
Au final, The Brutalist est une œuvre qui ne laisse personne indifférent. Certains y voient un chef-d’œuvre à la hauteur des grandes fresques cinématographiques, un film dense et mémorisable. D’autres y décèlent un exercice de style prétentieux, incapable de gérer la complexité de ses thèmes. Une chose est certaine : The Brutalist est un film-expérience qui ne se vit pas passivement. Bref, voilà une recension tout à fait équilibrée que je conclurais par ma critique toute personnelle.
Une construction tremblotante d’aspiration monumentale
Dès les premières minutes, The Brutalist peine à poser ses fondations. L’introduction, censée immerger le spectateur dans l’univers du protagoniste, échoue à capter l’attention en raison d’une caméra mobile et tremblante qui donne une impression d’amateurisme plutôt que d’authenticité. Ajoutons à cela une musique trop appuyée, presque assourdissante, qui semble vouloir compenser un manque de puissance émotionnelle au lieu de la soutenir. Cette entrée en matière maladroite donne le ton d’un film qui ne parvient jamais à véritablement habiter l’espace qu’il prétend investir.
Le récit souffre d’un problème structurel majeur : son rythme, ou plutôt son absence. La mise en scène étire des scènes sans réel enjeu dramatique, accumulant des longueurs qui alourdissent le propos au lieu de l’enrichir. Plutôt que de nous plonger dans la psyché de son protagoniste ou dans le contexte qui l’entoure, le film se perd dans une errance contemplative qui ne débouche sur rien de substantiel. Les dialogues, souvent plats et trop explicites, peinent à donner de l’épaisseur aux personnages, réduits à des silhouettes fades dans un cadre qui aurait mérité bien plus de relief.
Mais le véritable écueil de The Brutalist réside dans son traitement superficiel de son sujet. Tout est effleuré, rien n’est creusé. Le film semble hésiter entre le biopic romancé et la fresque historique, sans jamais trouver une réelle identité. Là où l’architecture brutaliste repose sur des formes massives et imposantes, le film, lui, reste fragile et creux. Les thématiques abordées — l’exil, la désillusion, le rapport à l’art et au pouvoir — sont esquissées mais jamais pleinement explorées. Cette superficialité atteint son paroxysme dans une conclusion qui frôle le ridicule, cherchant désespérément à conférer une aura mythique à son personnage principal, alors que le film n’a jamais pris le temps de nous convaincre de son génie.
Le point culminant de cet échec narratif se situe vers la fin, lorsque le couple principal, en proie au désespoir, lance une sentence prétendument lourde (mais vide) de sens : « L’Amérique est pourrie… tout est pourri ici ! ». Une déclaration qui se veut incisive, mais qui résonne comme une ligne forcée, symptomatique d’un scénario qui préfère la démonstration caricaturale à la subtilité.
En voulant ériger un monument cinématographique à l’image de l’architecture qu’il célèbre, The Brutalist finit par ressembler à un édifice inachevé : une façade imposante mais trompeuse derrière laquelle il ne reste que du vide. Le monument est trompeur, car il est inversé au lieu d’être renversé.