Jusqu’au dimanche 14 février 2016, le Bon Accueil de Rennes accueille l’artiste japonaise Tomoko Sauvage pour la première fois. Présentation du travail de l’artiste et de l’exposition.
Hyalin : Adjectif. Objet qui contient du verre ou a l’apparence transparente du verre.
Avec cet intitulé, le Bon Accueil glisse volontairement un indice sous les yeux du public. Comment résumer une exposition en un seul mot ? Le défi est ici relevé. Ce seul adjectif en dit beaucoup sur le travail artistique de Tomoko Sauvage. « L’apparence transparente du verre » : que se cache-t-il derrière l’œuvre de cette artiste japonaise installée à Paris ? Deux installations sont à découvrir, une dans chaque salle. Deux points communs sont à noter : l’utilisation de la porcelaine et la musicalité de chacune d’elle. À l’aide de l’eau, de la glace ou du vent, l’artiste crée une ambiance poétique et sereine à travers ses œuvres.
La première salle donne le ton. In curved water (2016) envahit l’espace autant visuellement qu’auditivement. Des bols en porcelaine blanche remplis d’eau sont savamment posés au sol tandis que des blocs de glaces sont suspendus au plafond et maintenus par des filets qui se resserrent au fur et à mesure de la fonte. Le temps s’écoule, la glace se change en gouttes qui finissent leur vie dans les bols. Des micros hydrophones sont immergés dans trois bols tandis que les autres restent nus. Des sonorités différentes s’échappent de chaque bol et créent ainsi une musique expérimentale. En choisissant des bols de formats différents, l’artiste se joue de l’eau et de la répercussion des gouttes. C’est un véritable spectacle permanent (le temps que dure l’exposition) plus d’une simple visite d’exposition que l’artiste propose : ouvrez vos oreilles, concentrez-vous sur le bruit des gouttes et écoutez les différences de sonorités.
Musicienne de formation et compositrice de musique électro-acoustique improvisée, elle a créé son propre instrument, unique et modulable intitulé « Waterbowls ». Elle propose des concerts avec le même dispositif qu’elle utilise dans In curved water. Imprégnée de la philosophie de l’Extrême-Orient, tout comme les compositeurs des années 70, que ce soit dans ses installations sonores ou dans ses concerts, elle invite le spectateur à s’ouvrir au son et à écouter la composition qui se crée autour du hasard. En résulte une musique aléatoire aux composantes aussi répétitives qu’évolutives. Aucun son n’est identique et c’est là que se trouve la force artistique de Tomoko Sauvage.
La transparence de la glace professionnelle (pour les concours de sculpture sur glace) renforce le côté contemplatif de l’œuvre. Les yeux s’attardent sur chaque détail de ce cristal éphémère et les oreilles écoutent chaque variation des gouttes. Légère impression d’être plongé dans une grotte ou plutôt dans une ambiance hivernale. Cependant, le lieu se réchauffe et l’heure est venue pour les stalactites de fondre. Finalement, il est peut-être aussi question du temps dans son œuvre.
Dans la deuxième salle, l’atmosphère est tout aussi cristalline, presque envoûtante. La porcelaine est toujours au rendez-vous avec sa dernière installation Sans-titre (2016). Cette fois-ci, une multitude de débris est suspendue par des fils et rase le sol. Son aspect diaphane rejoint In curved water et donne corps aux sonorités qui s’échappent des débris. Un mini ventilateur enclenche le mouvement, les morceaux s’entrechoquent et des sons envahissent la pièce. Tous identiques, mais en même temps différents. Invité à souffler sur les tesselles de porcelaine, le public peut créer ses propres sonorités. Encore une fois, le hasard entre en jeu et fait partie de l’œuvre.
Entre goutte-à-goutte et tintement, les deux sonorités s’entrechoquent et forment une unité. Ils semblent se répondre involontairement et chacun est invité à écouter cette musique improvisée.
Pour profiter de cette atmosphère poétique, le Bon Accueil invite même le public à s’attarder un peu dans les lieux. Pourquoi ne pas s’asseoir et écouter un peu plus longtemps cette douce mélodie ?
Exposition Hyalin, Tomoko Sauvage, le Bon Accueil, jusqu’au 14 février
Musicienne et artiste sonore japonaise installée à Paris, Tomoko Sauvage (née à Yokohama) travaille depuis plusieurs années avec des waterbowls composés d’hydrophones (des micros sous-marins) plongés dans des bols en porcelaine, de tailles variées, remplis d’eau. Son travail se réalise dans des formes variées : performances de longue-durée, installations sonores, compositions aux collaborations musicales et chorégraphiques.
Tomoko Sauvage s’est produite en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et au Japon, en solo ou en collaboration avec Momus, MC Schmidt (Matmos), Gilles Aubry, André Gonçalves… Son travail est édité chez and/OAR (US), Aposiopèse (BE), Dokidoki editions (FR)…
En 2011, Tomoko Sauvage a conçu une nouvelle série de bols en porcelaine lors de sa résidence à La Pommerie en collaboration avec le CRAFT, Centre Recherche de Céramique à Limoges.