Après Bordeaux, Nantes, Lille, Rouen… la carte Use-It débarque à Rennes fin juin 2018. Que l’on soit voyageur de passage, étudiant étranger, congressiste en goguette ou Rennais, la carte Use-it renouvelle la carte touristique classique en proposant une plongée singulière dans leur ville. Rencontre avec Charlotte Hervot et Emmie Niard de l’association Hey Hey My Map et Sarah Bouchir, graphiste dans l’association Au 300.
Depuis sa création en 2005, le label Use-It (Belgique) propose des cartes touristiques alternatives en Europe. Pas moins de 40 cartes circulent déjà, chacune avec un graphisme propre, reflet de sa ville.
À l’initiative de la journaliste Charlotte Hervot, le projet Use-It Rennes prend forme en 2016 avec la création de l’association Hey Hey My Map. Rejoint par l’association de graphistes pluridisciplinaires Au 300, une dizaine de jeunes actifs travaille depuis d’arrache-pied afin d’offrir aux étrangers de passage et habitants de Rennes leur vision originale de leur ville bien-aimée. La naissance de la carte Use-it Rennes est imminente : elle sera disponible fin juin 2018 .
Unidivers : Quel est le concept des cartes dépliantes Use-it ? Quelles sont les différences à noter avec les cartes ou des guides que l’on trouve actuellement ?
Charlotte Hervot : La mention « Free map made by locals for youngs travelers » (carte gratuite réalisée par les locaux pour les jeunes voyageurs) se trouve sur toutes les couvertures et définit parfaitement le concept. Les textes sont en anglais et s’adressent à une cible particulière, les jeunes. De ce fait, c’est une innovation dans le paysage rennais car encore rien existe dans ce domaine à Rennes… L’idée est d’avoir un habitant dans sa poche. Les touristes d’aujourd’hui préfèrent agir comme des locaux et aime aller boire un verre ou manger dans un restaurant sans avoir l’impression d’être dans un attrape-touriste. Pareil pour les boutiques qui vendent des objets ou souvenirs alors que Rennes regorge de boutiques de créateurs locaux.
À savoir également que c’est avant tout un format papier, mais elle reste disponible sur internet, à télécharger. L’application fonctionne en mode géolocalisation comme les applications Maps.me et Maspstr. Ce n’est pas une carte commerciale (NDLR : les commerçants ne peuvent pas acheter d’encarts publicitaires dedans). Tous les éléments mis en avant est le fruit d’un vécu ; ainsi nous parlons uniquement de restaurants qu’on a testés et appréciés.
Plusieurs rubriques reviennent, comme l’histoire de la ville en une dizaine de dates dans « 5 minutes of History ». La rubrique « Act like a local » explique les particularités de Rennes : la pluie ou la passion des Bretons pour le beurre salé par exemple. Sans oublier les galettes saucisses avec un encart appelé Not a hot dog, parce qu’elles sont souvent comparées à un hot dog… pour un breton ce n’est pas du tout le cas !
Parallèlement, les touristes et étudiants trouveront des paragraphes propres à la ville comme Play palets like a breton (jouer au palet breton) ou Social kissing rules (les règles en matière d’échanges de bises à Rennes). L’habitude de faire deux, trois (voire quatre) bises va de soi pour ceux qui sont immergés dans notre environnement social, mais c’est une habitude typiquement française (les Anglais disent bonjour sans contact physique ou par un hug, une forme d’embrassade). En outre, beaucoup de festivals sont organisés à Rennes donc la carte comprend également un agenda. Les grands événements de la ville sont décrits en une ligne ou deux, à l’image des Transmusicales au mois de décembre.
Emmie Niard : Les sujets de l’alcool et de la cigarette à Rennes sont aussi abordés. Nous retraçons, par exemple, l’évolution de la rue de la soif. Avant de se déplacer rue Saint-Michel, elle se trouvait à l’origine rue Saint-Malo. Avec les transformations de la place Sainte-Anne, elle va encore se déplacer, mais personne ne peut dire encore où… C’est un cycle qui se répète (comme une tournée entre copains…). Vous trouverez également des lieux avec la mention « un verre et plus si affinités » : le genre de bar où l’on se retrouve entre amis à l’heure de l’apéro, mais un verre en amenant un autre, on finit par rester jusqu’à la fermeture (et enchaîner avec un bar ou boîte de nuit selon les préférences).
Bref, la carte Use-it incarne une vision subjective de Rennes. Elle reste tout de même assez large dans ses intérêts afin de toucher tous les types de voyageurs.
Unidivers : Quelle est votre vision de Rennes justement ? Quelles facettes mettez-vous en en avant ?
Sarah Bouchir : L’objectif est de traduire l’âme de la ville et son atmosphère autant par les textes que par les illustrations. Nous avons commencé par faire une cartographie textuelle sur une grande feuille, avec Rennes écrit en son milieu. Chaque personne de l’association s’est demandé ce qu’était Rennes pour lui. Nous avons identifié deux univers bien distincts. D’un côté, le bouillonnement de projets de créateurs qui se développent à ciel ouvert ; de l’autre, le bouillonnement alternatif avec des activités plus underground. Nous avons tiré des notions de toutes ces visions de Rennes et avons construit des éléments graphiques à partir de ces idées.
Pour la construction de la carte, notre réflexion tourne autour de la notion de dualité : une même chose composée de plusieurs éléments peu ou prou contraires. La question d’irrégularité est beaucoup revenue aussi : dans l’architecture même de Rennes, les pavés, les maisons, etc.
Ainsi, quelques cartes déjà existantes ont été conçues à travers la dualité jour et la nuit, comme celle de Lille. La carte de Rennes a été pensée comme un objet et une expérience. Il y a une forte activité nocturne dans la ville, la moitié de mes bons souvenirs de Rennes se sont déroulés de nuit. On a intégré cet aspect en jouant la carte de la subtilité. La carte de nuit apparaîtra grâce aux couleurs et un jeu de pliage.
U. : Votre carte se concentre-t-elle uniquement sur le centre-ville de Rennes ?
Emmie Niard : Au contraire, un des objectifs est de faire bouger les jeunes touristes loin de l’hypercentre. Comme elle est réactualisée chaque année, elle se construit en fonction des lieux qui ouvrent et qui ferment.
Sarah Bouchir : La carte se divisera en deux parties. Au recto, un zoom du centre-ville alors qu’au verso, il s’agit d’une vue d’ensemble, avec pas mal d’endroits assez éloignés comme les Étangs d’Apigné, les Ateliers du Vent ou la ferme de Quincé.
U. : La carte est exclusivement en anglais. Cela ne peut-il pas être un frein pour certains ? Avez-vous pensé à l’éditer en français ?
Charlotte Hervot : L’un des critères pour avoir le label Use-it est précisément la rédaction en anglais. La ville de Rennes souhaiterait une version en français ou/et en breton, mais ce n’est pas prévu pour le moment. Certes, une carte franco-bretonne pourrait toucher les Rennais et les voyageurs francophones, mais tout est question de budget. Elle pourrait voir le jour si de nouvelles subventions nous sont allouées, mais le label Use-it n’y apparaîtra pas. Du reste, les textes sont rédigés dans un anglais simple car nous ne sommes pas non plus très à l’aise avec cette langue.
U. : Où trouver ces cartes ? Pouvons-nous avoir un aperçu des lieux ou anecdotes qui seront dessus ?
Charlotte Hervot : La diffusion se trouvera concentrera dans les lieux qui connaissent beaucoup de passages tels que l’Office de tourisme ou les Champs Libres. Également dans les endroits qui apparaissent sur la carte.
Les anecdotes sont un prétexte pour redécouvrir la ville, même par les Rennais. Le restaurant Petite nature – situé place de la Rotonde – sert le midi des snacks végétariens alors que c’est une ancienne boucherie… Il y a aussi un pictogramme Odorico sur la carte qui indiquera où trouver les mosaïques dans la ville.
Les personnes liront aussi des « locals tips », textes de locaux écrits à la première personne qui donnent un avis personnel sur un lieu. Par exemple, un Rennais raconte pourquoi il aime aller au jardin des Confluences ; une autre pourquoi elle va à L’heure du Jeu. Nous avons pris le parti d’intégrer l’avis de locaux qui ne font pas partie de nos deux associations afin de dresser une vision plus globale.
À noter :
La free map use-it de Rennes est réalisée avec le soutien de la Ville de Rennes et un budget de 4500. Une campagne de crowdfunding sur Ulule a été mise en place jusqu’au 10 juin 2018. Une soirée est également organisée au Oans Pub le 31 mai à partir de 19 h. Une occasion de connaître ce label de tourisme alternatif et de rencontrer les acteurs à l’initiative du projet. (Au programme de la soirée, DJ SET : HALL 13 : 19h – 21h Juveniles : 21h -23h.) L’équipe sera sur place pour vous présenter le projet et répondre à toutes vos questions. Une cagnotte sera à disposition si vous souhaitez apporter votre contribution à la première carte touristique alternative de Rennes !