En mode silencieux depuis 2012, Godspeed You! Black Emperor revient enfin ! Tout en crissement, en élévations électriques, en trépignements de cordes et en crépitations soniques. Asunder, sweet and other distress propose un paysage sonore au lyrisme maladif et méditatif aussi énigmatique que son titre.

Elle se tait face à la touffeur stridente d’une longue plage de drone où cinglent les larsens comme autant de grains de sables électriques dans la blancheur muette d’un paysage écrasé de soleil. Le souffle de l’agneau est agonique, c’est un râle sonique enveloppant, remué de spasmes lents et irréguliers, de collapsus aiguisés et tranchants qui se poursuivent et se font plus déchirants encore avant d’atteindre, dans Asunder, Sweet au paroxysme d’un maelstrom cinglant et dissonant de cordes folles, crépitements d’insectes nucléaires nostalgiques qui dérivent vers les notes crissantes de colère rentrée d’une guitare esseulée avant de se révéler dans Piss crowns are trebled, grand bonheur d’une psalmodie post-rock plus rauque, plus directe et sauvage, plus ardente et urgente que le lyrisme un peu trop évident du premier titre. Ici le violon, en tempérant ses envolées, ourle la sauvagerie d’un velours folk, discrète passementerie organique, traditionnelle, qui oriente la tornade post-industrielle vers un enracinement atemporel (on songe vaguement à la rage subtile des meilleurs compositions des trop méconnus Savage Republic, particulièrement l’admirable Varvakios).
Admirablement construit ce cinquième effort sonique de Godspeed You! Black Emperor est sans doute moins ardu, moins complexe que leurs précédents opus mais le sujet, ainsi que le son et la production, sont parfaitement maîtrisés. De cette apparente simplicité la radicalité expressive se trouve exaltée.
Godspeed You! Black Emperor, Asunder, sweet and other distress, CD, quatre titres, Constellation records, 2015
