L’opéra de Rennes reçoit deux invités inattendus, Cupidon et la mort

C’est une étrange idée que d’échanger subrepticement les flèches que décoche Cupidon par celles que décoche la mort. La conséquence est immédiate, les traits destinés à consacrer l’amour deviennent semeurs de mort. Les dieux et la nature ne pourront souffrir que perdure une telle situation. C’est toute l’histoire de l’opéra « Cupid and death » de James Shirley, sur une musique de Christopher Gibbons et Matthew Locke qui nous a été présenté jeudi 29 septembre à Rennes.

Cette œuvre que l’on appelle un masque, comprend cinq entrées et fut au XVII ième siècle un des drames musicaux les plus étonnants qui soient. L’esthétique musicale rappelle tout à fait la musique de Henry Purcell, même si celui-ci est postérieur. Ambiance baroque, musique élisabéthaine, tout nous replonge dans un siècle où les œuvres musicales contenaient un enseignement, à l’intention des princes et des grands pour lesquels ces pièces avaient été créées. Le titre même de « masque » sous-entend un spectacle baroque, avec une intention politique, mettant en œuvre tout l’arsenal des artifices scéniques.

Cupid death

De ce point de vue, nous avons été à la fête. Conçus par Oria Puppo, les costumes de l’orchestre comme des acteurs, bariolés et joyeux, donnent le ton de la bonne humeur et, de fait, c’est elle qui prévaudra toute la durée du spectacle. Celui-ci est mené de main de maître par deux comédiens à la très belle présence, Fiamma Bennet, en suicidaire désopilante, débarquant avec la corde au cou sur scène, après avoir traversé le public réjoui de cette arrivée inopinée, mais aussi du remarquable Soufiane Guerraoui, en monsieur loyal polyglotte, aussi à l’aise dans le chant que dans la danse et époustouflant de présence scénique.

Cupid death

À mériter ce compliment, il n’est assurément pas le seul et le solide Nicholas Merryweather, en chambellan opportuniste, impose sa solide personnalité en donnant à son personnage une convaincante présence. Ces dames ne sont pas en reste, aussi dans le rôle de la folie et de la démence, Perrine Devillers comme la charmante Liselot de Wilde, toute de jaune vêtue, donnent vie à deux personnages étranges et facétieux à ne pas dire inquiétants. Heureusement dame nature veille au grain et par la voix autoritaire de l’excellente Lucile Richardot, les choses vont promptement être remises à leur place. Le baryton Yannis François, s’avère être aussi un remarquable danseur, faut-il s’en étonner lorsque l’on sait qu’il a fait partie de la troupe de Maurice Béjart, il campe un personnage crédible même si sa voix perd un peu ses aigus en fin de parcours, marquant une explicable fatigue. Bien que son rôle soit discret, nous n’avons pu nous empêcher de remarquer l’excellente prestation du jeune Antonin Rondepierre, sa voix particulièrement agréable, comme le soin qu’il apporte à son interprétation mettent en lumière un personnage, qui sans lui, n’eut été qu’un figurant intelligent.

Cupid death

Jos Houben et Emily Wilson imposent un rythme soutenu à leur mise en scène et le public, pendant deux heures, est sans arrêt stimulé par les permanents changements de place des éléments du décor comme par ceux de l’orchestre. Parlons-en d’ailleurs de cet orchestre! Placé sous la baguette d’un expérimenté Sébastien Doucé, l’ensemble « Correspondances » nous tient en haleine et quasi envoûtés par la beauté des sons qu’il produit. C’est en tout point remarquable et nous nous laissons bercer par les sonorités acidulées d’un Thibault Roussel étincelant au théorbe, comme par ceux de Lucille Perret impériale à la flûte.

Dernier point qu’il convient d’aborder et nous le faisons avec un peu de gêne, mais nous n’avons pas du tout été séduit par les décors. Il faudrait une fois pour toutes comprendre qu’un portant à vêtements affublé d’un rideau de douche, ne peut en aucun cas servir la magie de l’opéra. Ayant eu par le passé assez à souffrir de cette mode d’une féroce désacralisation de tout et du reste, il serait bon de se reconcentrer sur le beau. Notre époque en a furieusement besoin.

Force est pourtant de reconnaître que dans sa globalité, « CUPID AND DEATH » est une très bonne production et il est réjouissant de savoir qu’elle va continuer à tourner et à être applaudie aux 4 coins de la France. Si l’occasion vous en est donnée, c’est une aventure à ne pas rater.

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