Allocations familiales : l’Assemblée vote le versement dès le premier enfant contre l’avis du gouvernement

Allocations familiales

C’est une victoire partielle mais symboliquement forte pour le Parti communiste français. Ce jeudi 5 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à étendre le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Une mesure estimée à environ 3 milliards d’euros par an, soutenue par une coalition hétéroclite de la gauche, de certains centristes et d’une frange de la droite, et votée contre l’avis du gouvernement et d’une partie du bloc macroniste.

Une rupture avec la philosophie initiale des allocations

Depuis leur création en France en 1932, les allocations familiales avaient été pensées comme un soutien à partir du deuxième enfant, dans une logique nataliste, et non comme une aide sociale universelle. La proposition de loi portée par le député communiste Édouard Bénard bouleverse donc cette architecture historique en instaurant un droit dès la naissance du premier enfant. Concrètement, le texte prévoit le versement de 75 euros par mois pour chaque premier enfant, sous condition de ressources pour les familles aux revenus modestes et intermédiaires. Selon les projections, plusieurs millions de foyers seraient concernés, notamment les jeunes parents souvent fragiles financièrement dans les premières années de parentalité.

Une fracture politique et budgétaire

Le gouvernement avait clairement affiché son opposition à cette réforme. Pour l’exécutif, le coût budgétaire – de l’ordre de 3 milliards d’euros annuels – n’est pas soutenable dans un contexte de déficits publics déjà élevés et de tensions avec Bruxelles sur la trajectoire des finances publiques. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait plaidé pour une meilleure « ciblisation » des aides existantes plutôt qu’une généralisation supplémentaire. Mais à l’Assemblée, les clivages ont été plus poreux. Si la majorité présidentielle a en grande partie voté contre ou s’est abstenue, le texte a pu compter sur les voix du Nouveau Front populaire (LFI, PS, écologistes et PCF), d’une partie du groupe LIOT, mais aussi de certains députés LR sensibles aux difficultés des classes moyennes.

Les raisons d’un succès politique pour le PCF

Pour le Parti communiste, cette adoption constitue un succès politique majeur. Depuis plusieurs mois, le PCF martèle que les familles des classes moyennes inférieures et des jeunes actifs sont les « grands oubliés » des politiques familiales actuelles. En étendant les allocations dès le premier enfant, le parti veut à la fois réduire la précarité de ces foyers et revitaliser la politique familiale, qui s’est progressivement érodée depuis les réformes de modulation des allocations sous François Hollande puis Emmanuel Macron. Cette mesure, selon Édouard Bénard, vise aussi à « répondre au décrochage démographique » constaté ces dernières années en France, où la natalité est tombée à son plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale.

Un texte encore loin d’être définitivement adopté

Pour autant, l’avenir du texte reste incertain. Après ce premier vote à l’Assemblée, la proposition de loi devra encore être examinée par le Sénat, traditionnellement plus réservé sur les mesures d’extension des dépenses sociales. Le gouvernement pourrait également tenter de freiner ou d’amender le texte lors de son retour en seconde lecture. Cette adoption illustre néanmoins un double phénomène politique : d’un côté, les difficultés croissantes du gouvernement à maintenir sa majorité absolue sur des sujets transversaux ; de l’autre, la capacité de certaines formations d’opposition à construire ponctuellement des majorités alternatives sur des thèmes sociaux clivants.

Chiffres-clés :

  • Montant prévu : 75 € / mois pour un premier enfant
  • Coût annuel estimé : 3 milliards d’euros
  • Public ciblé : familles modestes et classes moyennes (sous conditions de ressources)
  • Adoption : majorité relative contre l’avis du gouvernement

FAQ Tout comprendre aux allocations familiales dès le premier enfant

Pourquoi ce changement est-il proposé ?
L’objectif est de mieux soutenir les jeunes familles, souvent les plus fragiles financièrement, dès la naissance de leur premier enfant. Actuellement, les allocations ne sont versées qu’à partir du deuxième enfant. Le texte vise aussi à répondre au déclin démographique français.

Combien les familles toucheront-elles ?
75 € par mois et par enfant, sous condition de ressources. Le montant exact et les seuils de revenus restent à préciser dans les décrets d’application.

Qui est concerné ?
Principalement les familles modestes et les classes moyennes. Les familles aisées ne devraient pas percevoir cette aide.

Pourquoi le gouvernement était-il contre ?
En raison du coût élevé (3 milliards d’euros par an), jugé difficile à financer dans le contexte budgétaire actuel. Le gouvernement défend plutôt des aides plus ciblées.

Est-ce déjà en vigueur ?
Non. La proposition de loi a été adoptée en première lecture à l’Assemblée. Elle doit encore être examinée et votée par le Sénat.

Les allocations familiales en France : 90 ans de politique familiale

  • 1932 : création des allocations familiales en France, d’abord réservées aux salariés du secteur privé, à partir du deuxième enfant.
  • 1945 : la Sécurité sociale généralise et élargit le dispositif à toute la population active.
  • 1990-2015 : plusieurs réformes modulent les montants selon les ressources.
  • 2015 : François Hollande introduit une première modulation forte selon les revenus.
  • 2025 : le PCF propose l’ouverture aux premiers enfants pour les familles modestes, marquant un changement de philosophie : de la natalité à la solidarité sociale.
Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !