La boxe comme exutoire et activité réparatrice. Dans Les étincelles, Pauline Lega frappe fort avec son premier album, empathique et bienveillant. Boxe et douceur, le paradoxe de cet album réussi.
« Bam ». « Tchak ». « Bam ». Cela frappe fort dans la salle de Kickboxing. Sac de sable, corde à sauter, sparring-partner, chacune et chacun transpirent pour essayer d’oublier son quotidien. Dans ce que l’on devine être une salle d’une banlieue invisible mais omniprésente, ils sont plusieurs à combattre contre un(e) autre mais plus sûrement contre soi même. Car tout n’est pas rose dans le quotidien de quatre d’entre eux en particulier qui nous regardent droit dans les yeux sur la couverture. A ma gauche, dirait l’arbitre imaginaire, Fernando, ancien champion désormais coach et gardien de la salle. La calvitie et la moustache disent qu’il est le plus âgé, le plus mûr aussi. Il doit gérer seul la garde de son enfant que son ex-épouse veut lui enlever. À ses côtés, Pia, à la longue chevelure qui souffre d’un compagnon violent et jaloux. A ma droite maintenant: Issa, venu du Cameroun qui doit envoyer absolument de l’argent à ses parents restés au pays. Et enfin, barbu, aux allures de Toni Yoka, Abel, le plus fort qui postule au titre de champion de France. Il doit faire face à des crises d’épilepsie. Un médecin lui demande : « Et sinon, comment va la vie, en ce moment ? » .« J’ai connu mieux, docteur », lui répond le boxeur, une réponse qui s’applique dans cette BD chorale aux quatre protagonistes dont les gants et les routes vont se croiser au fil des pages.

« Bam ». « Tchak ». « Bam ». Comme souvent dans un premier roman ou une première BD, Pauline Lega s’inspire de sa vie personnelle puisque coach et pratiquante dans son club de boxe, elle reconstitue avec un minimum de moyens graphiques l’ambiance d’une salle de combat et d’entrainement. Et cela cogne mais pour exorciser la violence que l’on a en soi, pas pour détruire son adversaire.
« Bam ». « Tchak ». « Bam ». Fidèle à l’air du temps, Pauline Lega, n’ignore pas les violences faites aux femmes. Pia est la victime de ses coups. La Bd n’est pas pour autant manichéenne et les trois hommes boxeurs sont plutôt des types bien, très bien même, de ceux qui combattent, donnent des coups sur un ring mais demeurent attentionnés aux autres dans la vie de tous les jours. Ils sont un peu lunaires ces personnages luttant contre leurs démons intérieurs: épilepsie, divorce, émigration, très loin des archétypes de banlieue.
« Bam ». « Tchak ». « Bam ». Ainsi se dessine avec une empathie évidente pour ces quatre personnages le portait d’une jeunesse touchante qui peine à démarrer dans la vie parce que pas forcément née du bon côté. Les coups ils en donnent, mais ils en reçoivent aussi, un combat implacable, métaphore de leur existence .

« Bam ». « Tchak ». « Bam ». Emigration, violence conjugale, maladie sont évoquées avec un ton juste, sans grandiloquence, ni leçons dans un récit qui se termine quand même par une surprise romanesque pour montrer aussi que la vie est faite de hasards et de rencontres, en dehors de tout contexte social.
Les dessins faussement naïfs collent parfaitement au ton de la BD emplie de beaucoup de tendresse. Si quelques dialogues ont l’air un peu convenu, l’amour de Pauline Lega pour ces personnages fait un bien fou. Elle montre une forme heureuse d’espérance en la vie. Elle dit que les KO ne sont jamais définitifs. Elle dessine le fait qu’il est toujours possible de se relever avant le gong final.
Nous attendons désormais avec impatience le second album de cette jeune autrice de 26 ans. Après ce bel uppercut pourquoi pas un crochet magistral dans un autre univers ?

Les Étincelles de Pauline Lega, éditions Sarbacane. 144 pages. 22€. Parution : 7 mai 2025