Charli XCX à We Love Green 2025 : l’électrochoc hédoniste d’une reine post-pop

Paris, Bois de Vincennes, 7 juin 2025. Sur la scène principale du festival We Love Green, Charli XCX a livré bien plus qu’un simple concert. À l’occasion du premier anniversaire de Brat, son album déjà culte, l’artiste britannique a transformé le site en cathédrale éphémère du post-pop, offrant au public parisien un déferlement à la fois chirurgical et débridé, dans une ambiance que l’on pourrait qualifier d’hédonisme calculé.

Une performance sous haute tension

Programmé en tête d’affiche de la deuxième journée du festival, le show de Charli XCX s’inscrivait dans une montée en puissance parfaitement orchestrée. Dès les premières secondes, l’énergie est palpable. Costumes néon, chorégraphies nerveuses, visuels glitchés : la scénographie épouse l’esthétique brutale et acide de Brat, son album le plus radical à ce jour. En convoquant l’héritage des rave parties des années 1990, la production de l’artiste joue avec les codes hyperpop sans jamais sombrer dans le pastiche. Le choix des morceaux — 360Club ClassicsVon Dutch — témoigne de cette volonté de transcender la simple playlist pour proposer un véritable manifeste esthétique. Chaque titre devient une déclaration d’indépendance vis-à-vis de la pop standardisée, un pied de nez à la musique industrielle aseptisée.

Le moment Air : rencontre intergénérationnelle

Mais au-delà de la performance proprement dite, c’est la surprise scénographique du soir qui a fait sensation : l’apparition d’Air. En rejoignant le duo culte de la French Touch pour interpréter Cherry Blossom Girl, Charli XCX a tissé un pont subtil entre deux générations d’électronique. L’instant est court, suspendu, mais hautement symbolique : l’héritière post-Internet dialogue avec les pionniers de l’électro downtempo made in France, comme un clin d’œil à l’éclectisme fondateur de We Love Green.

Brat Summer : l’extension du domaine de la fête

Si Brat célébrait déjà un virage esthétique et identitaire pour Charli XCX, la tournée estivale qui en découle — le désormais fameux Brat Summer — confirme l’assise d’une artiste devenue architecte de sa propre mythologie. La radicalité des beats, l’acidité des visuels et la frontalité des paroles composent une œuvre résolument contemporaine, où l’hyperconnexion numérique devient matière première de création. À We Love Green, ce propos a résonné avec d’autant plus de force qu’il s’inscrivait dans un écrin scénographique éco-responsable ; l’utopie écologique rencontre l’hédonisme digital.

Entre culte et critique : la réception partagée

Mais il est nécessaire de souligner l’ambivalence de la performance, certains spectateurs ont ressenti une forme de distance scénographique due à un hyper-contrôle. Mais c’est précisément cette tension entre distance froide et catharsis collective qui fait aujourd’hui la spécificité du geste artistique de Charli XCX.

Au fond, Charli XCX à We Love Green a livré bien plus qu’un set musical, un autoportrait d’époque. Hyperconnexion, simulation, esthétique du glitch, libération corporelle et jeux d’identités sont les matériaux de cette musique-monde qui absorbe les paradoxes contemporains. En cela, elle prolonge les interrogations portées par d’autres figures de l’hyperpop et du post-genre comme SOPHIE (dont l’ombre bienveillante plane toujours), A.G. Cook ou Arca. Mais avec une touche proprement charlienne : celle d’une efficacité pop qui sait ménager à la fois le tube radiophonique et l’expérimentation sonore.

We Love Green 2025 en ressort grandi, avec cette impression rare d’avoir accueilli, l’espace d’une soirée, une déclaration artistique à la fois festive et théorique.

Charli XCX
Charli XCX

Hyperpop — une nouvelle architecture sonore mondiale

Qu’est-ce que l’hyperpop ?

L’hyperpop est un courant musical né au tournant des années 2010, dont l’épicentre initial fut la scène britannique et les cercles de producteurs du label PC Music. Ce genre hybride explose les frontières entre pop, électro, EDM, glitch, noise et hip-hop, avec des productions souvent sur-saturées, des voix pitchées, des rythmes désarticulés et une esthétique numérique exacerbée.

Les figures fondatrices : SOPHIE (disparue en 2021), A.G. Cook, 100 gecs, Charli XCX, Arca, Caroline Polachek.

Un courant post-Internet : L’hyperpop est indissociable de la culture numérique, des avatars, des réseaux sociaux et des expérimentations identitaires en ligne. Il questionne les normes de genre, de sexualité, et l’identité de l’artiste à l’ère de l’hyperconnexion.

L’enjeu esthétique : Au-delà de la pure performance musicale, l’hyperpop fonctionne comme un laboratoire sonore qui réfléchit la société du spectacle digital et ses formes de consommation accélérées.