L’écrivain grec Christos Chryssopoulos arpente la réalité trouble d’Athènes avec un œil et une plume à la fois réaliste, poétique et critique dans une perspective de promeneur initiée par Walter Benjamin. Berceau de la culture européenne, Athènes semble désormais une cité à part au cœur d’une crise commune. Christos Chryssopoulos propose deux fois par mois un texte-image, miroir sensible et réflexif sur le lieu et le temps qu’il habite. L’ensemble constituera un journal d’écrivain et un témoignage iconique à paraître sous le nom de Disjonction.
Et puis je suis me suis retrouvé à regarder en l’air pendant que je traversais la place Syntagma. J’ai fait face au jeune coureur qui me regardait avec ses yeux de laiton épuré bien propres. Son regard était froid et inquiétant. C’est la statue d’une chasse aux citoyens innocents par un zombie sans vie. Il est assez difficile d’éviter les yeux brillants du jeune coureur. Sa posture nie tout espoir d’évasion. Il est rapide, il a le pied agile. Il semble impitoyable. Mais il n’est pas mauvais. Juste fidèle à sa nature. Cette statue au regard perçant est une autre métaphore d’Athènes. Dernièrement, on se sent comme si chaque gouttelette persistante de gentillesse avait été drainée hors la ville. Ses membres sont oxydés. Ses yeux sont aveugles. Elle n’a plus de sentiments. Les gens ne sont que des proies qui passent à sa portée. La vie à Athènes a été transformée en une lutte constante. Nous sommes tous suspects, et tous nous sommes hésitants. Nous devenons paranoïaques. Même les statues sont là pour nous attraper.
(texte et photo : Christos Chryssopoulos, traduction : Thierry Jolif)