Dans l’ombre des réalisateurs et réalisatrices, certaines figures du cinéma jouent un rôle clé sans toujours être mises en avant. C’est le cas des accompagnateurs et accompagnatrices de script, des professionnels qui épaulent les cinéastes dans la structuration de leurs projets. La Rennaise Céline Dréan fait partie de ces artisans de l’écriture, à la croisée entre la plume et l’image.
Après des études de cinéma, Céline Dréan a rapidement compris qu’elle voulait être sur le terrain. Elle a débuté en production, en faisant un stage pour Lazennec Bretagne : « Ils étaient en pleine liquidation et c’est à ce même moment que Jean-François Corre a créé Vivement Lundi et m’a proposé de travailler avec lui ». C’est par ce bais qu’elle a commencé à accompagner des réalisateurs et réalisatrices dans la rédaction de leurs scripts. Cette étape, indispensable en France où le financement des films repose en grande partie sur des dossiers bien rédigés, représente un véritable défi pour de nombreux cinéastes pour lesquels l’écriture est un obstacle. Pour Céline, au contraire, c’est un exercice naturel : « Non seulement je me débrouille bien avec ça, mais en plus, j’aime bien ça ».
![Céline Dréan mois du doc comptoir du doc](https://www.unidivers.fr/wp-content/uploads/2023/11/ce_linedre_an.jpg.webp)
L’accompagnement à l’écriture, une collaboration essentielle
Son rôle consiste à aider les réalisateurs et réalisatrices à formuler leurs idées sur papier, sans trahir leur vision artistique. « Il y a un film sur lequel j’ai tout écrit, parce que la réalisatrice n’écrivait pas bien le français. Mais elle savait précisément ce qu’elle voulait et c’était vraiment pertinent et bien expliqué. » Céline devient alors une plume au service du projet, capable d’adapter son style aux besoins de ses collaborateurs. Si son investissement varie selon les projets, son approche reste la même : écouter, comprendre et structurer. Ce regard extérieur permet aux réalisateurs de prendre du recul et d’affiner leur propos : « C’est hyper important d’être au bon endroit, d’aider tout en respectant l’intention initiale du film. »
Grâce aux échanges et aux expériences, Céline s’est rendue compte que la collaboration avec les réalisateurs et réalisatrices dans le travail des textes lui plaisait. Puis, un jour, un peu par hasard, l’occasion de réaliser un 26 minutes s’est présentée à elle : « L’avantage avec les projets sur commande, c’est que tu apprends en travaillant sur quelque chose qui n’est pas trop impliquant émotionnellement », avoue Céline. À la suite de cela, elle a proposé ses propres projets : « Le fait d’avoir cette « famille » dans la production facilite beaucoup les choses
Ces dernières années, le métier d’accompagnateur de script gagne en reconnaissance. « Il y a dix ans, on faisait appel à nous en urgence, sans forcément prévoir un budget dédié. Aujourd’hui, les producteurs investissent davantage, conscients de l’impact de l’écriture sur la réussite d’un projet. » En Bretagne, ce métier est assez peu répandu. Céline explique qu’ils ne sont qu’une poignée, mais que l’on se rend compte de plus en plus, qu’au même titre que d’autres techniciens, ce métier est parfois essentiel : « Quand tu écris un dossier, il y a toute la dramaturgie autour et la technique d’écriture qui peut changer la qualité de celui-ci et rendre le projet plus convaincant et clair ».
De l’écriture à la fiction
Depuis quelque temps, Céline s’est orientée vers le métier de scénariste de fiction, avec une prédilection pour les séries. « J’ai collaboré avec Maxime Crupeau et Germain Huard, qui sont réalisateurs et auteurs. On a tous les trois été embauchés comme scénaristes pour un projet commun », raconte-t-elle. Cette série, destinée à M6, lui a offert une immersion directe dans le grand bain. Forte de cette première expérience, Céline a ensuite pu s’investir dans des projets qui lui tiennent à cœur et qui résonnent avec ses valeurs. Parmi eux, elle évoque L’Ange Noir, un projet actuellement en développement : « C’est une série très politique qui me passionne, centrée sur l’agro-business mondialisé du cacao. Elle interroge le monde dans lequel on vit, en abordant des thèmes comme la déforestation et la corruption. »
Le métier de scénariste repose sur un modèle économique particulier, basé sur les droits d’auteur. Contrairement aux réalisateurs ou aux techniciens, les scénaristes ne perçoivent pas de salaire régulier mais sont rémunérés en fonction des contrats signés et des droits perçus sur leurs œuvres. De plus, les délais d’aboutissement des projets peuvent être longs, parfois plusieurs années avant qu’un scénario ne se concrétise en film ou en série. Cette temporalité exige de la patience et une capacité à jongler entre plusieurs projets en parallèle. Dans ce contexte, la compétition est féroce : chaque année, de nombreux projets sont soumis aux chaînes et aux plateformes, mais seuls une poignée d’entre eux voient le jour. « Il y a une véritable bataille entre des projets tous plus intéressants les uns que les autres alors que seuls une dizaine verront finalement le jour », confie Céline.
Entre passion et incertitudes, un métier qui demande de l’engagement
En parallèle, elle partage son expérience en tant qu’intervenante dans des résidences documentaires avec Ty Films : « Ce sont des résidences annuelles où quatre auteurs, souvent émergents, bénéficient d’un accompagnement personnalisé tout au long de l’année. » Elle apprécie particulièrement ces échanges : « Ce qui est toujours passionnant, c’est d’observer la singularité de leur regard et la manière dont ils défendent leur création avec conviction. » Le parcours de Céline illustre bien la complémentarité entre écriture et réalisation. Si certains cinéastes privilégient l’image, d’autres, comme elle, passent d’abord par les mots pour donner vie à leurs histoires. Cette double compétence, à la fois narrative et visuelle, lui permet d’accompagner d’autres créateurs tout en développant sa propre voix artistique. Elle nourrit aujourd’hui l’espoir de voir aboutir les trois projets de fiction sur lesquels elle travaille activement.
Toutefois, l’avenir du métier est incertain. Les récentes restrictions budgétaires menacent de nombreuses structures essentielles à la création. « Les résidences et les structures d’accompagnement sont mises en danger par des décisions politiques qui fragilisent notre secteur », alerte Céline. Si la Bretagne bénéficie encore de mesures de soutien, la situation est bien plus critique ailleurs en France.
Malgré ces incertitudes, Céline reste animée par la volonté de raconter des histoires et de soutenir ceux qui, comme elle, cherchent à donner du sens au monde à travers l’écriture et l’image.