Dakhabrakha est un groupe de musique ukrainien. Trois femmes, un homme. Sa particularité : revisiter les chants traditionnels de son pays à travers de nouvelles couleurs… africaines, arabes et indiennes. De passage en Bretagne début juin, ils ont envouté le public rennais dans un voyage post-soviétique aussi bien auditif que visuel. Une réussite.
Jeudi 5 juin 2014, 23h30, UBU. La salle est pleine et les applaudissements, nourris depuis plusieurs minutes, se transforment en ovation, véritable plébiscite. Sur scène, le drapeau ukrainien est brandi. Derrière ce dernier, quatre musiciens et chanteurs, en tenue traditionnelle slave, répondant au nom de Dakhabrakha.
Un nom aussi original qu’imprononçable, signifiant « donner/prendre » en vieux dialecte ukrainien, et qui surprend dès son arrivée sur scène. Le choc est d’abord visuel : trois femmes habillées d’une longue robe blanche éclatante, contrastant avec leur imposante coiffe en laine noire et un homme en costume traditionnel, accompagné d’un petit accordéon, rentrent sur scène.
Un look « Eurovision » atypique, mais en fait bien loin des clichés et collant parfaitement avec les racines musicales du groupe. Bercées par la musique folklorique ukrainienne, leurs mélodies reflètent les éléments fondamentaux de la musique slave et pagano-balkanique, teintées d’influences plus contemporaines. L’ensemble crée un melting-pot musical surprenant et saisissant.
Le quatuor confie être parti au plus profond des racines ukrainiennes pour ces chansons. « Nous allons dans les villages, plantons nos tentes et rendons visite aux babushkas du village pour qu’elles nous chantent leurs chansons traditionnelles. Nous les enregistrons et nous les utilisons dans nos propres compositions. »
Dakhabrakha modèle cette matière en piochant dans des influences et instruments d’autres contrées – Afrique, Inde ou pays arabes – afin de créer un chaos ethnique rythmique et musical. Résultat : mêlant punk, rock, cirque et folklore, les harmonies perçantes des Balkans côtoient les pulsions d’une transe dansante et l’instinct de la musique africaine. Des horizons globaux, comme un Gogol Bordello en plus mélancolique, un côté cabaret anarcho-punk de The Tiger Lillies et une appréciable dose de Dead can Dance embrassé par Bregovic !
Sur scène, les voix plaintives et perçantes des chanteuses s’élèvent sous les premiers coups de tambours. Et il ne suffit pas de taper sur le moule à gâteau de votre grand-mère en gazouillant avec une toque de moumoute sur la tête pour faire partie de Dakhabrakha. Car malgré une impression d’improvisation, le groupe ukrainien laisse apparaître un Nouveau Monde musical inattendu. Une transe acérée et vibrante, où les voix des trois chanteuses s’unissent dans un chant polymorphe et pluriel. Les quatre multi-instrumentistes alternent entre douceur et tension, laissant vibrer pendant plusieurs minutes les cordes d’un violoncelle obsédant, les notes d’un piano lancinant, pénétrant l’âme avant un déchaînement soudain – une explosion espérée.
Une explosion que vit actuellement une Ukraine divisée. Les membres du groupe ne perdent pas de vue la situation politique de leur pays. Preuve en est leur prestation aux dernières Transmusicales où des images des manifestations ayant eu lieu à Kiev quelques jours plus tôt ont accompagné leur prestation. Un retour à la paix et à la démocratie nécessaire pour les quatre musiciens. « Hormis la langue, les Ukrainiens de l’Ouest et de l’Est ne sont pas si différents. C’est partout la même hospitalité slave. »