Du 5 avril au 1er juin 2025, à Douarnenez, Anabelle Hulaut embarque dans une dérive sensorielle joyeusement déjantée à travers Lost in the Bratzh, une exposition qui marque la fin de sa résidence dans un lieu dont l’identité se mêle aux vents atlantiques et aux feuillages d’un jardin cultivé de mémoire : celui des plantes venues d’ailleurs, désormais indissociables du paysage breton. Lost in the Bratzh est une exposition acidulée et décalée, fruit d’une résidence fertile entre botanique, migration végétale et fantaisie pop.
Le titre intrigue, grince un peu sous la langue : Bratzh, une onomatopée entre éclat de bulle chewing-gum et murmure de jungle. C’est dans cet interstice que se glisse tout le travail d’Anabelle Hulaut, qui pratique l’art comme un glissement volontaire entre les plans du réel et du jeu.
Dans cette exposition, elle convoque les plantes dites « exotiques » — palmiers, hortensias, fuchsias, agapanthes — devenues aussi familières aux Bretons qu’un crachin d’été. Mais au lieu de dresser un herbier savant, elle en fait le décor d’un théâtre mental où chaque spécimen se transforme en personnage. Sculptures molles, collages saturés de couleurs, vidéos qui clignotent comme des lucioles sous acide : tout semble en effervescence, comme si les objets avaient trop longtemps contenu leur désir de pousser dans toutes les directions.

D’entrée de jeu, dans cette 1ère salle d’exposition qui a aussi la particularité d’être l’entrée de l’école, l’artiste plante le décor, en jouant avec l’espace, murs bombés et formes concentriques au plafond, elle imagine alors l’espace comme vu au travers d’un œilleton qui aurait côtoyé de près un kaléidoscope. Au centre, elle fait ériger un triangle équilatéral, tel un prisme réfléchissant et sur les murs de chaque côté, s’imprime le grand paysage réalisé avec les élèves, comme un papier peint dont les motifs parfois commencent à s’extraire du cadre.
Dans la 2ème salle, l’artiste rejoue un corpus d’oeuvres existantes, extraits en partie autour de la série « Les Paysages » agités de Sam Moore. Chaque oeuvre est autonome et s’ajoute à l’ensemble comme une sorte d’inventaire et/ou d’échantillonnage d’éléments prêts à recomposer un paysage. On y trouve : La montagne, l’arbre, le banc, les pétales, le rocher, les lunettes, la vague, la cheminée, les toits, la fenêtre et les extracteurs…

Le résultat est un parcours visuel d’une exubérance contrôlée, où les matériaux modestes — scoubidous, tissus fluo, bouts de plastique — sont traités avec le soin d’un artisan alchimiste. Hulaut détourne les codes de la muséographie classique : ici, les cartels sont griffonnés, les titres sont des jeux de mots à tiroirs (Fuchsiastique, Palmé d’or, Racines vagabondes). L’artiste préfère l’ironie douce à la démonstration savante, la sensation à la preuve.
Lost in the Bratzh fonctionne aussi comme une métaphore joyeuse du déracinement — celui des plantes, bien sûr, mais aussi celui des imaginaires. Les migrations végétales y deviennent des métaphores de circulation culturelle, de métissage fertile. L’exotisme n’est pas un décor, mais une affaire de proximité transformée. Ce que nous appelions hier “étranger” fait désormais partie du sol que nous foulons sans y penser.
Dans un monde où l’identité est souvent crispée, Anabelle Hulaut propose une échappée végétale, douce et explosive. Une balade où l’on perd ses repères comme dans une serre trop humide — et où l’on ressort, peut-être, avec une fleur fluo qui pousse dans un coin de l’esprit.
- LOCALISATION
- Centre des arts André Malraux
88 Rue Louis Pasteur
29100 Douarnenez - TARIF
- Entrée libre
Vernissage de l’exposition le vendredi 4 avril, à 18h
Exposition visible du mercredi au dimanche, de 14h à 18h - Anabelle Hulaut est née en 1970 et vit et travaille à Château-Gontier-sur-Mayenne. Artiste éclectique, elle explore divers médiums, tels que la peinture, la céramique, la sérigraphie et la vidéo. Depuis 1993, elle expose régulièrement son travail, participe à des revues et mène des expérimentations artistiques. De nombreuses galeries et lieux d’art ont présenté ses oeuvres.