Avec Fountain of Youth, Guy Ritchie s’attaque à une figure mythologique aussi universelle que périlleuse : la fontaine de jouvence. Mais plutôt que de creuser la symbolique de la quête d’immortalité, il choisit d’en faire le prétexte d’un blockbuster calibré, plus proche du jeu de piste formaté que du conte initiatique. Le résultat, séduisant par instant, semble pourtant hésiter entre hommage et pastiche d’Indiana Jones. Au final, une épopée aux allures de chasse au trésor entre mythe et… marketing figé.
Une fratrie en mission : l’aventure au prix du trauma
Le scénario, signé James Vanderbilt (Zodiac, White House Down), repose sur un duo aussi improbable qu’attachant : Charlotte (Natalie Portman), archéologue brillante mais désabusée, et Luke (John Krasinski), son frère marginal, ancien militaire reconverti en guide touristique charismatique. Réunis par la mort mystérieuse de leur père (Stanley Tucci, excellent en patriarche ésotérique), ils se lancent à la recherche de la mythique fontaine, enchaînant les énigmes à travers l’Europe, l’Afrique du Nord et les Andes.
Ritchie rejoue ici les codes de l’heist movie et du film d’aventure familial, dans une esthétique léchée, portée par une musique de Christopher Benstead inspirée des thèmes de John Williams. Mais cette mécanique bien huilée ne parvient que rarement à émouvoir. Là où The Lost City of Z ou Uncharted tentaient une mise en abîme du mythe, Fountain of Youth se contente de dérouler une série d’épreuves sans tension véritable. On pense parfois à un épisode de dessin animé du samedi matin : fluide, rythmé, mais sans souffle.
Portman en héroïne érodée, Krasinski en pilote automatique
Le film repose presque entièrement sur le duo Portman/Krasinski. Si Portman incarne avec dignité une héroïne blessée, son jeu semble osciller entre implication sincère et détachement automatique. Certains spectateurs l’ont d’ailleurs perçue comme « jouant Natalie Portman jouant Natalie Portman » — un signe d’usure ou d’auto-parodie ? Krasinski, quant à lui, peine à imposer son registre dans un rôle trop lisse, malgré quelques scènes où l’humour fait mouche.
Les seconds rôles, eux, apportent un peu de fraîcheur : Eiza González illumine l’écran, et Domhnall Gleeson compose un archiviste halluciné digne de figurer chez Wes Anderson. Mais l’alchimie entre les protagonistes reste faible, et la dynamique émotionnelle entre les personnages manque de relief.
Une aventure « familiale » trop formatée
Ce qui frappe, c’est le choix stratégique du film de s’adresser à un public intergénérationnel, sans jamais oser une orientation plus adulte. Cette volonté de compromis — ni trop complexe, ni trop simpliste — rend le récit prévisible, voire tiède. Certains spectateurs auraient souhaité une approche plus audacieuse, moins lisse, qui assume la noirceur inhérente à la quête d’immortalité. La cupidité, la trahison, la fuite du temps : ces grands motifs sont là, mais effleurés, jamais incarnés.
On sent pourtant dans Fountain of Youth une ambition mythologique. Le mythe de la jouvence éternelle convoque des imaginaires puissants — de Faust à Indiana Jones — mais ici, il devient prétexte à produire une narration efficace, sans prise de risque. Une sorte de “film d’aventure en boîte de céréales” : nourrissant l’œil, oubliable pour l’esprit.
Une mise en scène léchée, un film sans signature
Guy Ritchie n’est jamais un simple faiseur. Mais ici, son style semble bridé, comme mis sous vide. Les split-screens, les flashbacks rythmés, les dialogues punchés : tout y est, mais appliqué mécaniquement. Le film se déroule avec la régularité d’un rail narratif, sans surprise formelle. On peine à retrouver la subversion joyeuse de Snatch ou le dandysme explosif de The Gentlemen. Plusieurs spectateurs n’ont pas hésité à affirmer que « ce n’est pas un film de Guy Ritchie » — une critique symptomatique d’un auteur qui se fond trop bien dans le moule de la plateforme Apple TV+.
Un divertissement chic, mais sans postérité
Certains apprécieront le voyage : les décors sont somptueux, le rythme est soutenu, et l’humour surgit à intervalles réguliers. D’autres retiendront surtout l’impression d’un produit premium, manufacturé pour plaire au plus grand nombre. Un film conçu pour être « ce qu’Uncharted aurait dû être », mais sans la capacité à faire naître une mythologie originale.
On sort de Fountain of Youth comme d’une boutique de luxe : séduit par l’emballage, mais frustré par l’absence de contenu inoubliable.
À voir si :
- Vous aimez les chasses au trésor en terrain balisé façon Da Vinci Code
- Vous avez envie de retrouver Natalie Portman et John Krasinski en globe-trotteurs
- Vous cherchez une aventure sans aspérité pour une soirée familiale
À éviter si :
- Vous attendez de Guy Ritchie qu’il dérange, surprenne ou réinvente
- Vous êtes allergique aux films trop propres sur eux
- Vous espériez une exploration profonde du mythe de l’éternelle jeunesse
Fiche technique
Fountain of Youth, de Guy Ritchie
Sortie : 23 mai 2025 sur Apple TV+
Avec : Natalie Portman, John Krasinski, Domhnall Gleeson, Stanley Tucci
Durée : 2h08
Genre : film à énigmes, aventure familiale
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