Cinéma. From Ground Zero de Rashid Masharawi : des histoires inédites à Gaza 

Le projet From Ground Zero est une initiative du réalisateur palestinien Rashid Masharawi. À travers 22 courts-métrages réalisés en 2024 et pilotés depuis Rennes, il donne la voix aux Palestiniens enfermés dans la bande de Gaza. Sélectionné dans plus de 80 festival à travers le monde, notamment aux Oscars et à Cannes, le film From Ground Zero sortira en salle le 12 février 2025.

Rashid Masharawi est un réalisateur né en 1962 dans un camp de réfugiés à Shati, dans la bande de Gaza. Durant la guerre lancée après les attaques du 7 octobre 2023, il monte le projet From Ground Zero depuis la France : « Nous venions de terminer le tournage du film Songes en Jordanie et nous avons mis le projet sur pause pour financer un tournage à Gaza ». Deux mois après l’attaque surprise du Hamas en Israël et dans un contexte fragile pour les Gazaouis piégés dans ce morceau de terre, Rashid Masharawi crée le Fond Masharawi pour les films et cinéastes à Gaza. Cette fondation fera naître le projet From Ground Zero, une série d’une vingtaine de courts-métrages. Avec plus de 40 films à son actif, c’est la première fois que le cinéaste n’est pas derrière la caméra et qu’il dirige 22 réalisateurs et réalisatrices palestinien.nes depuis Rennes avec la société de production Coorigines. Plus de 80 festivals du monde entier ont déjà sélectionné le film, notamment aux Oscars et au festival de Cannes. Aux États-Unis, il fût projeté plus de 150 fois à travers le pays.

Rashid Masharawi 
From Ground Zero
TNB
Rashid Masharawi au micro entouré de l’équipe de Coorigines Production, vendredi 7 février 2025 au TNB, Rennes

« Je suis ici en tant que réalisateur, mais aussi en tant que Palestinien », expliquait Rashid Masharawi à l’avant-première présentée le 7 février dernier au festival Travelling accompagné par les partenaires du projet et l’équipe de Coorigines, dont la productrice Laura Nikolov et l’assistant de production Alexis Auffret. À l’occasion de la projection, tous ont été récompensés pour leur travail et salués par une salle comble, a commencé par les réalisateurs et Masharawi : « Depuis des décennies, il y a des guerres et je me sens obligé de raconter les histoires de ceux qui les vivent avec des films. À Gaza, la décision s’est presque imposée toute seule à moi, et il était légitime de laisser les Gazaouis eux-mêmes raconter leur histoire avec la caméra ». Tournés dans des conditions extrêmes et avec les moyens du bord, les 22 court-métrages de 3 à 6 minutes mêlent fiction, documentaire, animation et expérimental. Les images, parfois tournées sur le vif avec un téléphone, témoignent du cauchemar quotidien de ce peuple à abandonné qui se bat contre le temps pour sauvegarder en mémoire les vies de ceux qui survivent et de ceux qui périssent.

À travers l’objectif, le spectateur s’introduit chez les gens, ou du moins ce qu’il leur reste comme maison. Une proximité dérangeante qui pourrait tomber dans le voyeurisme, mais qui reste nécessaire pour les acteurs du projet. Il est en effet question ici de conserver la mémoire de ce qui y est vécu coûte que coûte car : « Le plus dur n’est pas de voir que tout est détruit, c’est la peur de l’inconnu, de ne pas savoir ce qu’il va se passer, la peur du lendemain », explique Rashid Masharawi. Une crainte exprimée dès le début dans le film Selfie de Reema Mahmoud, où une femme écrit une lettre accompagnée d’une clé USB contenant les fragments de sa vie, puis scellée dans une bouteille qu’elle jette à la mer : « Crois moi, mon ami, j’ai vécu une belle vie dans une belle ville ». Ce sentiment d’incertitude face à l’avenir est omniprésent dans chaque court-métrage. Jusqu’à quand les dernières maisons tiendront-elles debout ? Faudra t-il encore changer de campement ? Qui sera le prochain martyr ? Dans l’urgence, les enfants écrivent leurs noms sur leurs corps pour être identifiés en cas de décès dû aux bombardements dans le film Soft Skin de Khamis Masharawi. Dans Sorry Cinema, le réalisateur Ahmed Hassouna présente ses excuses au cinéma et met son énergie au service de sa famille. Comme beaucoup d’hommes, il court vers les colis d’aides humanitaires parachutés sur la plage de Gaza pour nourrir ses proches.

L’enfer existe et il est filmé. Les drones accompagnent ces images inédites que l’ingénieur son Sarah Fasseur Leroux a tenté d’atténuer pour rendre le son plus audible. Pourtant, et même si les drones ne sont pas montrés, on ressent cette oppression planer dans le ciel. Au milieu de ce chaos, et on aurait du mal à le croire, existe de l’espoir, de la joie, de l’amour et une créativité immortelle. Face à l’occupation de la Palestine, il est crucial de prendre en compte l’histoire des Palestinien.nes, particulièrement celle de Gaza qui regorge de talents artistiques et que rien ne doit arrêter de créer. Une petite fille danse avec ses écouteurs pour oublier les sons de la guerre, un homme se prépare à un stand-up pour donner un peu de réconfort dans un camp de réfugiés, une jeune femme retrouve ses peintures dans son atelier d’art en ruine, des enfants montent une animation en stop motion.

Nous terminerons par une phrase de Rashid Masharawi : « Derrière ce travail, j’espère donner l’envie aux réalisateurs de continuer à faire des films et, incha allah, de les projeter à Gaza quand les centres de cinéma seront reconstruits ».

From Ground Zero de Rashid Masharawi. Durée : 1h52. Sortie le 12 février 2025

Partie I :
Selfies de Reema Mahmoud (documentaire, 7’49)
No Signal de Muhammad Al Sharif (fiction, 4’19)
Sorry Cinema de Ahmed Hassouna (documentaire, 6’56)
Flashback de Islam Al Zeriei (documentaire, 5’21)
Echo de Mustafa Kolab (expérimental, 2’32)
All Is Fine de Nidal Damo (documentaire, 4’29)
Soft Skin de Khamis Masharawi (docu-animation, 7’54)
Charm de Bashar Al Balbisi (expérimental, 4’12)
The Teacher de Tamer Nijim (documentaire, 5’15)
ASchool Day de Ahmed Al Danaf (fiction, 3’09)
Overload de Alaa Islam Ayoub (expérimental, 3’52)

Partie II :
Hell’s Haven de Karim Satoum (docu-fiction, 4’47)
24 Hours de Alaa Damo (documentaire, 6’02)
Jad And Natalie de Aws Al Banna (documentaire, 3’13)
Recycling de Rabab Khamis (documentaire, 3’15)
TaxiWanissa de Etimad Washah (fiction, 4’48)
Offerings de Mustafa Al Nabih (fiction, 4’43)
No de Hana Eleiwa (documentaire, 7’31)
Farah And Myriam de Wissam Moussa (documentaire, 5’43)
Fragments de Basel El Maqousi (expérimental, 3’24)
Out Of Frame de Neda’a Abu Hasna (documentaire, 6’51)
Awakening de Mahdi Kreirah (animation, 4’53)

Article précédentDeux litres et demi de Julien Jouanneau ou la vie au bout de la nuit
Article suivantRennes. Deux ans après son ouverture, la librairie La Rencontre se développe comme son quartier

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici