En redressement judiciaire depuis septembre 2012, la chaîne de magasins de jeux vidéo GAME annonce un plan de reprise partielle. Née Score Games dans les années 90, elle est passée par bien des vicissitudes et occupe une place particulière auprès des « gamers ».
Score Games a été l’une des sociétés pionnières du jeu vidéo d’occasion. Fondée en 1992, à Paris, elle a vite attiré de jeunes joueurs qui souhaitaient échanger leurs jeux contre de nouveaux ou simplement en acheter moins cher. Dix ans plus tard, le groupe GAME rachetait cette enseigne pour la renommer en Score Game puis finalement en GAME en changeant la couleur rouge et jaune de l’enseigne française au profit du rose fuchsia de l’enseigne britannique. Entre temps, est arrivé sur le marché un concurrent de taille en la personne de Micromania (racheté par le leader américain Gamestop en 2008) , mais aussi d’enseignes plus régionales comme Ultima et d’autres boutiques non affiliées à un réseau.
Le marché du jeu vidéo est devenu un marché de masse. La grande distribution a fini par s’y intéresser sérieusement et, désormais, les hits sont moins chers chez Carrefour ou Auchan à leur sortie que dans les chaînes spécialisées (lesquels ont d’ailleurs tenté de vendre plus cher les grosses sorties durant les deux premières semaines avant de baisser graduellement le prix). Les joueurs ne sont pas idiots et un petit tour sur internet les a conduit à se fournir moins cher en Angleterre (paradoxalement chez la maison mère de Game France !). En 2011, Game UK a annoncé des pertes record – la messe est dite. Le marché du jeu vidéo connait un tournant.
Un marché de plus en plus fragmenté
Reste un marché de niche à destination du « hardcore gamer » : celui qui désire des éditions spéciales, aime les vieux jeux, collectionne les consoles, les imports rares. Ce joueur ne va plus chez Game ou Micromania depuis bien longtemps. Le joueur occasionnel ou le joueur de jeu « casual » est arrivé lors de l’explosion de ce secteur avec Nintendo Wii, Kinect, Nintendo DS. Ce joueur achète le jeu vidéo comme un produit de supermarché et ne va pas forcément dans une boutique spécialisée. (À noter que le conseil au joueur n’est pas toujours mis en avant dans les services que procure la boutique alors que les vendeurs sont généralement des passionnés.) Et puis il y a le joueur. Lui a évolué avec son temps : il a changé au fur et à mesure de plateforme et de lieu d’achat. Il a délaissé la console de salon pour d’autres supports. Il recourt aux jeux dématérialisés à télécharger qui sonnent l’arrêt de mort des boutiques spécialisées. Il joue aussi sur son smartphone, là encore avec du dématérialisé. Il n’a vraiment aucune envie d’aller acheter une carte « iTunes » dans une boutique Game. Sauf pour un cadeau pour… un joueur occasionnel.
Le casual gaming a t il tué Game ?
C’est bien possible. Car il a fait croire à tort que le jeu vidéo était la poule aux œufs d’or. À l’âge d’or de la Wii, Nintendo ne misait pas du tout sur l’Online et n’avait pas investi dans une boutique dématérialisée efficace. Les joueurs ayant gouté du jeu casual avec la DS se sont orientés vers le smartphone lorsque les jeux se sont avérés moins chers, plus beaux, sans pour autant être meilleurs ou plus longs à finir. C’est un marché où l’on grignote du jeu. On y picore. Par exemple, Angry Birds permet une partie courte alors que la majorité des jeux de console portable demande plus de 5 minutes. Les consoles de salon concurrentes ont sorti des accessoires et jeux « Casual » comme le PlayStation move ou mieux encore le Kinect de la Xbox, grignotant peu à peu le marché de Nintendo qui se mit enfin au Online avec la 3DS et surtout la WiiU.
Et maintenant ? La mort du support
Sony annonce sa volonté de tuer définitivement le jeu d’occasion en interdisant la revente. Lorsque le joueur lancera le jeu, il devra s’inscrire avec son profil « online » et sera enregistré personnellement avec le code interne de sa console. Ce couple de code verrouillera définitivement l’utilisation du jeu dans le futur. Microsoft dispose d’une très large plateforme d’achat de jeux avec les jeux « indés » : le XBLA et tous les jeux sortis depuis quelques mois disponibles en téléchargement. L’avenir des boutiques de jeux vidéos ne semble donc plus dans l’occasion ou la vente de nouveautés face aux rouleaux compresseurs de la grande distribution. Après 20 ans d’existence, ce créneau va disparaître comme celui des boutiques de vidéo ou de musique. Il restera seulement de la place pour des boutiques de niche, aux produits plus restreints et élitistes, pour les passionnés qui restent bien présents et pour le retrogaming, quand celui-ci n’est pas pillé par les jeux mobiles.
Micromania a mangé aussi son pain blanc dans les années 2000 et promet de suivre le même chemin que Game. Le rachat des boutiques GAME ne devrait pas y changer grand-chose. La ministre de la Culture pourra toujours dire que c’est la faute d’internet… Non, c’est l’évolution d’un marché en mutation très rapide qu’il faut sans cesse anticiper pour survivre. Ainsi, le marché du jeu sur smartphone et console peut aussi bien évoluer vers le « cloud gaming » (jeu dans le nuage, c’est à dire dont les données transitent par le réseau) que vers une autre forme. Mais à quand la dématérialisation du joueur ?…