Grasse installe un abribus olfactif qui sent la rose…

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Grasse, 8 mai 2025. L’air y est déjà chargé d’histoire, de jasmin et de tubéreuse. Mais désormais, même l’attente du bus devient une expérience sensorielle à part entière. La ville de Grasse, haut lieu de la parfumerie française, vient d’inaugurer son tout premier abribus olfactif qui diffuse à intervalles réguliers un délicat parfum de rose. Entre poésie urbaine et marketing territorial, une expérience sensorielle inédite…

Une idée qui fleure bon l’innovation douce

Sous l’abribus, les voyageurs ne sont plus seulement en transit : ils sont enveloppés dans une brume parfumée, subtile et contrôlée. Le dispositif, activé par la présence humaine grâce à des capteurs, libère une micro-diffusion d’essence de rose naturelle. « C’est agréable, envoûtant et très rond, » témoignait une passante au micro de France Bleu Azur, les narines flattées par ce geste inattendu de beauté publique.

Derrière ce projet, une volonté municipale claire : réenchanter l’espace urbain et reconnecter les habitants à l’identité sensorielle de leur territoire. L’initiative est portée par la ville en collaboration avec la société Robertet, emblématique maison grassoise de création d’arômes et de parfums, et les ingénieurs de l’École Supérieure du Parfum.

Une politique de territoire à base de senteurs

Loin d’un simple gadget, cet abribus olfactif s’inscrit dans une politique plus large de valorisation patrimoniale. Grasse, inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO pour ses savoir-faire liés au parfum, entend ici décliner sa singularité dans l’espace public. Il ne s’agit pas de publicité déguisée, mais d’une esthétique urbaine qui met l’accent sur les sens, souvent oubliés dans l’aménagement des villes modernes.

L’effluve de rose choisie n’est pas anodine : elle est l’un des symboles les plus nobles de la parfumerie grassoise, fleur-reine cultivée dans les collines environnantes depuis le XVIIe siècle. En diffusant ce parfum au détour d’une attente de bus, la ville crée un pont entre patrimoine immatériel et usages quotidiens.

Vers une ville multisensorielle ?

Cette initiative, si elle reste expérimentale, interroge notre rapport à l’environnement urbain : et si la ville n’était pas seulement un lieu à voir, mais aussi à sentir ? On évoque souvent les nuisances olfactives des villes modernes – pollution, déchets, béton humide – mais rarement leur potentiel sensoriel positif.

Dans un monde saturé d’écrans et de sollicitations visuelles, faire place aux autres sens devient un acte politique. L’abribus de Grasse redonne à l’odorat un rôle dans l’espace public, en l’associant non à une stratégie marketing intrusive, mais à un geste gratuit, doux, presque poétique.

Une tendance naissante ou un coup de com’ ?

La question se pose : l’initiative sera-t-elle durable ou restera-t-elle un événement ponctuel, bon pour l’image de la ville mais sans lendemain ? La mairie assure vouloir installer d’autres abribus parfumés si l’accueil est favorable. Des réflexions sont déjà en cours pour varier les senteurs selon les saisons ou les quartiers : fleur d’oranger, lavande, mimosa…

En creux, ce projet révèle aussi les tensions actuelles entre innovations sensorielles et enjeux écologiques. La provenance des essences, leur diffusion dans l’air, leur impact potentiel sur les personnes allergiques : autant de sujets à surveiller pour que l’innovation ne rime pas avec exclusion.

En créant un abribus parfumé, Grasse ne fait pas que brumiser un peu de rose : elle ouvre une brèche dans l’aménagement sensoriel des villes, entre mémoire olfactive et marketing de territoire. À l’heure où la qualité de vie urbaine devient une priorité, cette initiative invite à redécouvrir la ville comme un espace à habiter avec le nez, le cœur et l’imaginaire.