Les ennuis engendrent les ennuis. Comme ces organismes qui se divisent à l’infini jusqu’à ce qu’il y en ait des milliards.
Parkview hotel, un motel sinistre où se terrent deux hommes en fuite. Lee, jeune voyou d’une vingtaine d’années vient de sortir de prison. Les délinquants chez qui il était allé récupérer de l’argent pour ses nouveaux patrons, Josef et Marcel, l’ont déposé là avec une balle dans le ventre et une valise contenant les 6000 dollars.
Wild, morphinomane, a fui sa famille et un procès qu’il ne peut affronter. Sylvia la tenancière de l’hôtel sachant qu’il est le fameux Docteur Junkie lui demande de soigner et d’emmener Lee.
Deux hommes qui se retrouvent sur la mauvaise route vont être obligés de s’entraider, de faire face à leur passé. Devant l’ampleur de la blessure, Wild ne peut soigner le jeune homme. Sa seule chance est de l’emmener chez le Docteur Sherman, un vieil ami qui avait autrefois aidé Wild à décrocher.
Tous deux recherchés, affaiblis par la blessure ou l’addiction à la drogue, vont croiser sur leurs routes de nombreux ennuis. Seule la violence peut les sauver d’une nouvelle arrestation. L’auteur illustre ainsi comment un dérapage de la vie peut entraîner un enchaînement de violences, un retour impossible vers une vie normale.
Au cours de cette cavale, on découvre le passé des deux hommes. Lee était dans la voiture lors de l’accident mortel de ses parents. Wild n’a plus le droit d’exercer suite à une erreur médicale alors qu’il était sous l’emprise de la drogue. Vie carcérale humiliante et dangereuse, perte de la famille et des amis sont autant de facteurs qui vous tiennent la tête sous l’eau, vous entraînent sur la mauvaise pente.
Du conflit, Lee et Wild, seule planche de salut l’un pour l’autre vont au fil des expériences sombres arriver à la complicité. L’auteur parvient ainsi à rendre humains ces deux personnages, nous faisant comprendre que derrière la brutalité et la délinquance, il y a des âmes meurtries et des volontés de reprendre une vie normale.
Les gens ne croient au destin que lorsque l’issue est positive. C’est face à la catastrophe qu’on entrevoit d’autres possibilités, multiples, qu’on imagine des versions plus heureuses. Ce qui est et ce qui aurait pu être se dévisagent avec nostalgie mais sans jamais se rejoindre.
Ecrit avant Les affligés, roman qui fit connaître Chris Womersley en France, La mauvaise pente est aussi un roman sombre où les personnages hantés par les faits du passé tentent de trouver une rédemption. Ici, le rythme est toutefois plus lent, le scénario moins abouti et l’émotion moins intense.
Couronné en Australie par le prestigieux Ned Kelly Award, ce grand roman noir, superbement servi par la narration imagée de l’auteur, reste une vision désespérée de l’avenir de deux êtres entraînés vers le mal après une erreur de parcours.
La mauvaise pente de Chris Womersley, parution mai 2014 chez Albin Michel, 20.00 €
Néà Melbourne en 1968, Chris Womersley est considéré comme l’un des meilleurs jeunes écrivains australiens. Les lecteurs français l’ont découvert avec Les affligés (Albin Michel 2012), unanimement salué par la presse.