En route pour le Mississippi : Jesmyn Ward nous y invite dans une ferme où vivent Jojo et sa petite sœur Kayla, les grands-parents de l’adolescent et leur mère Leonie, une jeune femme toxicomane, irresponsable et hantée par la mort de son frère aîné Given. Tous pauvres se débattent chacun à sa manière pour assurer le quotidien, souvent pour feindre le quotidien. Ils sont noirs et portent l’histoire des lieux tant sur leurs épaules que dans leurs entrailles. Le père des gosses, Michael, le seul blanc, n’est pas là, il est en taule dans le nord de l’État. Triste tableau… en ouverture.
Devenir adulte, ça signifie apprendre à naviguer dans le courant : apprendre quand se cramponner, quand jeter l’ancre, quand se laisser porter. (page 71)
Les deux gamins s’élèvent, le garçon va à l’école et la fille est encore trop jeune pour sortir de la maison. Alors on tue le temps comme on peut. En attendant la mort de Mam, la grand-mère qui agonise de son cancer généralisé sur un lit médicalisé. La seule force et qui maintient les autres debout, c’est le grand-père, Pop, figure masculine solide, bienveillante et rassurante. Les enfants y sont très attachés, car ils ont rapidement compris que Leonie ne revêtait rien de maternel et qu’ils ne pouvaient pas compter sur elle, mais qu’en revanche Pop était un roc malgré une vie de douleurs et un passage par la case prison, pour lui aussi, qui paya fort le fait d’avoir volé pour manger. Pop accompagne son amour, Mam jusqu’au bout de ses souffrances et essaie de dissimuler les vieux démons qui l’habitent…
Un tableau bien triste, bien désespéré d’une Amérique où les traditions du Sud sont encore bien ancrées malgré les luttes raciales de ces dernières soixante années, notamment dans les campagnes, lieux d’exploitations agricoles (le coton entre autres). Il n’empêche, le racisme a la peau dure et les Noirs peinent toujours à exister dans ce coin-là des États-Unis. Ce n’est en rien une peinture digne de Zola que nous propose-là l’auteure, c’est plutôt un réalisme désenchanté. Au XXIe siècle, le Mississippi est toujours aussi dur et pauvre, la Louisiane de même. Jesmyn Ward ne donne jamais dans le misérabilisme, mais son roman dépeint à la fois, la force des sentiments qui unit les enfants à leurs grands-parents tout autant que le goût de la transmission, la puissance des non-dits, le racisme ordinaire et l’omniprésence des absents qui reviennent sans cesse hanter les vivants.
« Jesmyn Ward est la révélation de l’année. »
François Busnel
« Avec ce roman déchirant, Jesmyn Ward s’attaque aux racines – pas si profondes que cela – du cauchemar américain. À lire absolument. »
Margaret Atwood
« À lire d’urgence. »
Celeste Ng
« Le portrait de cette famille du Sud rongée par la drogue et la prison est une véritable critique au vitriol de l’histoire américaine. »
The Guardian
« D’une beauté désarmante. »
The Spectator
Le chant des revenants Jesmyn Ward – Éditions Belfond – 270 pages. Parution : 7 février 2019. Prix : 21,00 €. Traduit de l’américain par Charles Recoursé.
Couverture : Cerise Heurteur – Photo auteure Jesmyn Ward © Beowulf Sheehan