Le Fantôme de l’Opéra sublimé dans le noir et blanc des frères Brizzi

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Avec cette adaptation en BD du roman Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux, les frères Brizzi poursuivent brillamment leurs adaptations d’oeuvres littéraires majeures. Frisson et suspense garantis.

Le palais de l’Opéra Garnier a une histoire. Construit à partir de 1860 et achevé quinze ans plus tard, l’opéra Garnier, du nom de son architecte succède à l’opéra Pelletier détruit dans un incendie. Parmi les contingences de la reconstruction, figure notamment cette nécessité de fondations solides pour un monument gigantesque fait de marbre et d’or, ainsi qu’une cuve gigantesque de retenue d’eau pour asseoir la structure et servir de réservoir pour les pompiers en cas d’incendie. La partie visible flamboyante et brillante ébahit la bourgeoisie qui s’expose dans les escaliers et les loges. La partie invisible est comme le symbole d’un modernisme technique époustouflant.

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Intérieur de l’Opéra Garnier, Paris

Le bâtiment séduit autant que sa programmation et entre dans la mémoire et légende collective. Il en est ainsi lorsqu’en 1909 Gaston Leroux, auteur notamment des Rouletabille et du Mystère de la chambre jaune, s’empare du bâtiment et de ses légendes pour écrire Le Fantôme de l’Opéra. Utilisant le passé sulfureux de l’opéra Pelletier, des événements marquants liés à ce lieu et à celui du nouvel emplacement, attentats et incendies notamment, le journaliste romancier écrit un roman qui navigue entre fantastique et enquête policière.

À la faveur d’un changement de direction du théâtre, des événements exceptionnels, voire surnaturels, sont dévoilés : un machiniste se pend, un cheval disparaît, le lustre de la salle de spectacle s’écrase en tuant une spectatrice, une rançon mensuelle de 20 000 francs est versée à un mystérieux, maître chanteur qui exige que la loge numéro 5 lui soit réservée. Ce « fantôme de l’opéra » est aussitôt soupçonné d’avoir enlevé Christine Daaé, une jeune chanteuse orpheline qui vient d’incarner Marguerite dans Faust de Gounod et entend une voix mélodieuse dans sa loge qui l’appelle. Raoul de Chagny, amoureux de la jeune femme va partir à la recherche de ce fantôme, une quête qui va l’amener à errer dans le bâtiment mystérieux.

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Dans le roman, le bâtiment de l’opéra joue un rôle essentiel par ses caractéristiques exceptionnelles. Dimensions gigantesques, évocation d’un lac souterrain fantasmé, dédale des lieux visibles, immensité des lieux invisibles, il est l’acteur premier du récit, celui qui donne corps aux fantasmes collectifs de l’époque. Il est donc logique que les frères Gaëtan et Paul Brizzi en adaptant le roman au succès énorme en Bandes dessinées fassent de ces murs et couloirs la thème graphique principal de leur adaptation. Réputés pour leurs mises en images d’œuvres littéraires célèbres, tels l’Enfer de Dante ou Don Quichotte (1) (voir chronique) ou La Chute de la maison Usher et autres nouvelles d’Edgar Allan Poe (voir chronique), leur immense talent ne pouvait mieux s’appliquer que dans des pleines pages mélangeant les lieux connus comme ce fabuleux escalier d’entrée, où les spectateurs descendaient directement de leurs calèches, et les catacombes mystérieuses permettant aux dessins d’exprimer un large imaginaire nourri de décors de théâtre ou de références oniriques. Les célèbres et identifiables traits noir et blancs des deux illustrateurs accentuent la caractère fantastique du récit. Magnifiques aussi sont les traits du « fantôme » mi homme, mi démon auquel les auteurs, en ajoutant un masque de médecin ou de personnage de la commedia dell’arte, en font une silhouette inoubliable et effrayante. La folie de l’homme à la longue chevelure blanche s’exprime en paroles mais aussi sous la forme d’un visage dévoilé terrifiant. Utilisant leur fameux crayon Prisma color à la mine de cire, ils réussissent avec une double page à restituer la scène immortalisée dans les nombreuses adaptations cinématographiques, de la confession de Christine à Raoul sur toits de l’opéra.

Le noir et blanc des frères Brizzi semble avoir été imaginé pour adapter ces chefs d’oeuvre de la littérature en les sublimant sans les trahir. On attend avec impatience la prochaine adaptation. Le catalogue où puiser, est immense.

(1) Éditions Maghen

Le Fantôme de l’Opéra de Paul et Gaëtan Brizzi d’après l’oeuvre de Gaston Leroux. Editions Futuropolis. 160 pages en noir et blanc. Éditions Futuropolis. 26€. Parution : le 15 janvier 2025

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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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