Le Grand marin est le premier roman de Catherine Poulain et, on l’espère, pas le dernier. Un vrai « grand roman », un morceau d’humanité dans les deux sens du terme.
Lily est une petite femme échappée de Manoque-les-Couteaux. Le lecteur apprendra peu de choses de sa vie antérieure sinon que La Prairie brûlait sous ses pieds lorsqu’elle quitte la France… Elle arrive aux USA avec le projet de travailler dans la pêche, métier dont elle ignore tout. Un ex-amour, marin à Seattle, l’aide à rejoindre l’île de Kodiak, repère de pêcheurs et « Last Frontier » comme au temps de la Ruée vers l’Or. Lily n’aime pas forcément la solitude, mais craint par-dessus tout d’être enfermée dans une maison, dans un lit…
Ce roman de mer est une histoire d’amour et aussi une histoire d’Amer : le monde que Lily découvre est très dur, impitoyable. Le métier qu’elle ne connaît pas lui donne les pires difficultés : la fatigue, le froid, les blessures. Petit à petit, Lily creuse son trou, fait sa place, rêve de gagner de quoi aller à pont Barrow au bout du bout de la Terre Ferme, le point le plus septentrional des USA, à 2000 km du Pôle Nord.
L’humanité qu’elle croise reste sensible dans sa souffrance : des pêcheurs aux clochards (Bums) qui hantent les quais, il n’y a qu’un pas et des allers et retours… La violence, l’alcool, la dope, la prostitution sont le lot quotidien des derniers indiens acculturés et des marins du port. L’un d’entre eux, Jude, le « grand marin », impressionne Lily. Le livre raconte cette rencontre, cet amour et beaucoup d’autres, car le courage et l’obstination de Lily impressionnent, séduisent. L’amitié et le soutien sont là aussi parmi ces hommes durs ou ces épaves qui ont trouvé dans ce paysage sans concession une porte de sortie à leurs tourments. C’est le cas de Niképhoros, un marin grec qui n’a pas revu son pays depuis ses 18 ans et choisira un soir de le rejoindre à la nage…
Une écriture est nerveuse sans concession, rapide sans fioriture ni longueur. Catherine Poulain fait penser à Kerouac ou aux textes les plus lisibles de William Burroughs ou Brion Gysin, chantres de la Beat Generation. Un beau morceau de littérature écrit par une teigneuse !
Roman le grand marin de Catherine Poulain, éditions de l’Olivier, Collection Littérature française, Paru le 4 février 2016, 384 pages, 19,00 €
également disponible en e-book, 13, 99 € et livre audio, Sixtrid, interprété par Marie-Christine Letort, 23, 90 €
Aux Champs Libres à Rennes mercredi 21 septembre 2016 à 18h30, salle de conférences Hubert Curien, 10, cours des Alliés, Rennes dans le cadre de l’automne littéraire. Gratuit. Contact et réservation : 02 23 40 66 00
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Catherine Poulain commence à voyager très jeune. Elle a été, au gré de ses voyages, employée dans une conserverie de poissons en Islande et sur les chantiers navals aux U.S.A., travailleuse agricole au Canada, barmaid à Hong-Kong, et a pêché pendant dix ans en Alaska. Elle vit aujourd’hui entre les Alpes de Haute-Provence et le Médoc, où elle est respectivement bergère et ouvrière viticole. Le Grand Marin est son premier roman. De nombreux prix couronnent ce premier livre : le prix du roman « Ouest-France »- Étonnants Voyageurs, le prix Joseph-Kessel, le prix Compagnie des Pêches, le prix Gens de Mer, le prix Nicolas-Bouvier, le prix Livre & Mer Henri-Queffélec, le Prix Pierre Mac Orlan.