Au début des années 70, la lutte pour l’égalité des droits est loin d’être terminée pour les Noirs américains. Pour certains, c’est même le combat de chaque instant. Le révérend Phillip Martin, leader du mouvement dans une petite ville de Louisiane, est de ceux-là ; il a bâti autour de ce combat une vie solide et respectable. Jusqu’au jour où un mystérieux jeune homme vient rôder sans but apparent autour de sa maison… Gaines, avec son immense talent, nous entraîne dans une histoire où tension et suspense vont crescendo. Ernest J. Gaines, né en 1933, a été surnommé « le Faulkner noir » aux États-Unis où le National Book Critic Award lui a été décerné en 1994 pour Dites-leur que je suis un homme.
Les éditions Liana Levi publient Ernest J. Gaines, écrivain emblématique et talentueux spécialiste du sud des États-Unis.
Le nom du fils prend place en Louisiane. Le révérend Philip Martin a choisi d’y suivre la trace de Dieu dans le droit chemin. Amoureux de la belle Alma, il exerce sa mission de la plus belle des façons au point de se faire aimer de tous ses fidèles. Oui, mais voilà, tout est instable… et pour le pasteur, bonhomme d’Église, le risque arrive sous les traits d’un jeune garçon qui arrive dans la ville. Robert X vient de nulle part, et il a une dégaine à faire peur.
Ce qui devait arriver arriva. La rencontre avec le révérend se passe lors d’un diner dans son presbytère. La stupeur est totale : l’invitant reconnait en l’invité son fils disparu quinze ans plus tôt. La douloureuse machine à remonter les souvenirs se met en route. Pour le pire.
Cette histoire – puissante – traite de la culpabilité relative aux actions que tout homme est susceptible de commettre à un moment de sa vie. L’atmosphère particulière du grand Sud des États-Unis et de la Louisiane noire procure un cadre étonnamment adapté. Grâce à une écriture d’une saisissante authenticité pénétrée de tensions qui s’enchaînent dans une mécanique bien huilée, Ernest J. Gaines accroche le lecteur de la première à la dernière page. Creusant au fond des cœurs de chacun, Le nom du fils secoue autant qu’interroge. Le particulier devient universel.
Le nom du fils se lit vite et reste gravé dans la mémoire. Forte recommandation pour une littérature de qualité et qui sort des sentiers battus.
Le nom du fils, Ernest J. Gaines (traduit de l’américain par Michelle Herpe-Voslinsky et Jean-François Gauvry), Liana Levi, Littérature étrangère, 336 pages, 19€
David Norgeot
Extrait :
Ce jour-là, Fletcher a répété la même histoire à d’autres personnes, et comme Virginia, beaucoup sont restées incrédules. Deux jours plus tard, tout le monde se ravisait. Le lundi, au restaurant de Thelma, Abe Matthews racontait qu’il avait vu le nouveau locataire de Virginia, debout sous l’un des grands chênes du cimetière. Il l’avait vu là le dimanche soir juste quand la nuit commençait à tomber. Il n’aurait donc pas juré sur la Sainte Bible que c’était lui, mais si ce n’était pas lui, alors c’était un fantôme qui portait un long man- teau et un bonnet tricoté enfoncé jusqu’aux oreilles.
Evalena Battley, en se rendant à son travail à la blan- chisserie de Sainte Adrienne, l’avait aperçu à six heures du matin sur la rive du Saint Charles. Il avait plu sans arrêt les deux semaines précédentes, et le niveau du fl euve avait monté. Son cours tumultueux descendait rapidement vers La Nouvelle-Orléans. L’inconnu de la pension se tenait sur la berge, parmi les branches tom- bantes du saule pleureur, sans remarquer la présence d’Evalena, ni rien de ce qui l’entourait, à l’exception du fl euve au cours si rapide.
Le même soir, Dago Jack, qui revenait de l’épice- rie de Brick O’Linde, l’avait vu dans la rue en train d’observer la maison de Phillip Martin. Dago en a parlé le lendemain aux clients du magasin, mais comme ils l’avaient déjà vu pratiquement partout, ils n’y ont attaché que peu d’importance.