Il y a des nouvelles qui ne résonnent pas seulement dans les oreilles, mais dans la moelle des corps. Oasis est de retour. Seize ans après une séparation violente – éclat de guitare dans les loges, rancunes tatouées sur la langue –, les frères Gallagher remontent ensemble sur scène. Un miracle ? Un coup de poker ? Un retour du refoulé ? Qu’importe. Le rock, ce vieux lion cabossé, rugit à nouveau.
La scène du Principality Stadium de Cardiff, où débute la tournée mondiale 2025, est prête à accueillir les deux âmes fauves du Britpop. Liam, gueule d’ange déglingué, bomber sur les épaules et verbe haut ; Noel, artisan du songwriting le plus mélodique de sa génération, laconique, caustique, insondable. Et au cœur de ce retour, une figure inattendue : leur mère, Peggy Gallagher, discrète médiatrice des enfances mancuniennes, qui aurait, selon plusieurs sources concordantes (20 Minutes, Sud Ouest, Vanity Fair), organisé la réconciliation comme on arrête une guerre de tranchées à la table de la cuisine.
Mais faut-il s’en étonner ? Oasis a toujours été une affaire de famille, de baston, de tendresse virile et de refrains à hurler dans les stades. Le groupe n’est pas simplement une formation musicale : c’est une matière incandescente, un concentré d’orgueil anglais, d’hymnes générationnels (Don’t Look Back in Anger, Live Forever, Supersonic) et de gueules cassées par le succès. Que leur séparation ait duré seize ans semble presque secondaire à l’heure où des centaines de milliers de fans préparent leurs tripes pour une messe rock qui n’existait plus que dans les souvenirs.
Le retour d’Oasis n’est pas seulement une opération marketing – bien que les estimations de revenus évoquent 200 millions de dollars de recette. C’est une secousse affective. Même Jo Whiley, célèbre DJ britannique, avoue dans Yahoo!avoir ressenti des frissons en repensant à leur première session radio. C’est que Wonderwall n’est pas un tube, c’est une cicatrice collective. Une chanson qu’on a tous aimée, trop chantée, moquée parfois, mais jamais oubliée. Billie Joe Armstrong de Green Day en a récemment fait les frais, jetant un fan hors de scène pour l’avoir jouée au mauvais moment : preuve que le mythe dérange autant qu’il fédère.
Les plus cyniques rappelleront que les frères se sont réconciliés entre deux divorces coûteux, que le management a mis sous cellophane leurs querelles comme on empaquette une tournée mondiale. Qu’ils sont rentrés dans le rang des sponsors de maillots de foot (dernier en date : le club des Bohemians). Et alors ? Le rock n’a jamais été une religion pure. Il est commerce et chair, compromission et transcendance. Et Oasis, dans son cynisme même, retrouve ici sa vérité brute.
« They were the greatest rock band of the modern age », écrivait The Telegraph cette semaine. Et si c’était vrai ? Pas les plus fins, ni les plus inventifs. Mais les plus immédiats. Les plus viscéraux. Ceux qui, en 2025, peuvent encore faire croire qu’un accord de guitare et une voix de banlieue peuvent changer la géographie intérieure d’un être.
Alors que Noel arrive en train à Cardiff, tranquille, la foule chauffe déjà pour un Morning Glory qu’on espérait plus entendre en chœur. Ce soir, l’histoire ressuscite. Et ce n’est pas seulement un comeback : c’est une réincarnation. Brutale. Magnifique. Et furieusement vivante.