Et depuis le lancement des Petites Chanceuses au printemps, il y en a eu du chemin de fait du côté de ces deux Nantaises. Le site et les articles en ligne séduisent de plus en plus de monde et c’est tant mieux ! Si les fringues restent un peu légion, elles ne sont pas les seules. La décoration (passion de plus en plus tendance dans chaque foyer) est un domaine de plus en plus travaillé par les Petites chanceuses, ainsi que les bijoux et… Comme promis… Juliette Belet fait la part de plus en plus belle aux créateurs de la région… Elle est donc en plein accord avec ce qu’elle nous confiait lorsque nous l’avions rencontrée en août dernier du côté de Noirmoutier.
Mais à la veille des fêtes de fin d’année, il est sûr que chacune et chacun, n’avons pas encore terminé nos paquets et bien entendu nous ne voulons oublier personne. Et surtout pas nous-mêmes. En plus avec le remue-ménage et méninges de ces trois dernières semaines, d’aucunes et d’aucuns n’ont pas eu le temps de finir leurs emplettes ; alors pourquoi ne pas se rendre dès maintenant ou ce soir, sur le coin de la table de salon, devant une flambée et un bon vin chaud sur le site : www.lespetiteschanceuses.fr pour aller voir les sélections de Juliette & Agathe.
Pour UNIDIVERS le Mag, nous avons surfé et découvert les coups de cœur des Petites Chanceuses et nous avons craqué pour… des coussins (eh oui en cette période de froid on a tous besoin de cocooning), des petits galets pour décorer les tables de réveillon, et puis l’indémodable pochette qui fera le bonheur de Madame (comme Monsieur)…
Mais bien sûr, il appartient en toute liberté, et le sourire aux lèvres, à chacun de choisir ses articles en fonction de ses goûts et surtout de ceux à qui s’adressent les cadeaux que l’on va choisir. Une chose importante à savoir c’est que si un article ne convient pas, on peut le retourner au créateur (souplesse oblige). Alors avant de suspendre nos grandes chaussettes devant le sapin, avant de revêtir nos habits de soirée pour la Saint Sylvestre, il y a une chose à ne pas oublier : faire son tour sur le site des Petites Chanceuses, il y aura forcément de belles affaires à dénicher qui combleront l’entourage, la famille, les amis…
Belles fêtes à toutes et tous, et n’oubliez pas, c’est d’abord vous Les Petites Chanceuses (et les Petits Chanceux bien évidemment) !
Les Petites Chanceuses vous rappellent que les premières commandes sont les premières expédiées. Compte tenu du nombreux trafic dû au e-commerce, nous ne pouvons totalement garantir la livraison en 72 heures, mais nous faisons le maximum pour vous satisfaire. Merci de votre compréhension.
Fin janvier 2018, le conseil municipal de Rennes a voté des travaux de réaménagement de l’avenue Janvier qui mène à la gare. Objectif : renforcer les modes de cheminements doux (bus, vélos et piétons). Les arbres qui bordent les deux côtés de l’avenue seront abattus et le stationnement supprimé afin d’élargir les trottoirs et les terrasses. La première partie de la transformation concerne le segment compris entre la gare et le boulevard de la Liberté.
Sébastien Sémeril, adjoint au maire, l’avait expliqué ainsi : « Cette avenue, c’est la première vision de Rennes qu’ont les voyageurs en sortant de la gare, il faut donc mettre en valeur cette perspective qui participe au rayonnement de la ville ». Le projet d’élimination des arbres – qui aura provoqué la colère de nombreux Rennais – doit faire place à un « aménagement paysager ».
Mardi 18 décembre 2018, la réunion publique EuroRennes, qui s’est tenue à la Maison des associations, a dévoilé les visuels des aménagements de l’avenue Janvier issus des ateliers de concertation menés depuis la rentrée 2017. Les deux ont en commun de représenter la ville de Rennes à travers une population (toutes générations et minorités présentes) nageant dans le bonheur sous une lumière vive et chaleureuse (ah ces icônes non miraculeuses de la communication !).
En pratique, la largeur de la chaussée est raccourcie, le trottoir de gauche conserve une rangée d’arbres, celle de la partie droite se trouve davantage rabotée au profit, notamment, de longues terrasses.
L’avenue Janvier de Rennes à la fin des travaux
Si la perspective semble attrayante, il convient de rester vigilant car les visuels transmis par les opérateurs du BTP sont toujours plus reluisants que la réalité finale… Pour mémoire, voilà ce à quoi était censé ressembler le mail Mitterrand en matière de végétalisation…
A noter, enfin, que la circulation avenue Janvier sera interdite aux voitures dans un sens comme dans l’autre. Toutefois, les riverains de l’avenue et de la rue Duhamel pourront l’emprunter.
À ce sujet, il peut être utile de rappeler que chaque résident qui possède un garage le long d’une voie publique réservée aux bus a le droit de l’emprunter pour rentrer se garer chez lui (ce qui découle du droit d’accès à la propriété). D’ailleurs, il peut retirer gratuitement une vignette d’autorisation officielle au service de la voirie rue du Pont des Loges. Question subsidiaire : un résident ou un commerçant qui n’a pas de garage a-t-il lui aussi le droit d’emprunter une voie de bus afin, par exemple, de déposer devant chez lui un lourd paquet, une personne âgée, etc. ? Dans les faits, la police municipale et les chauffeurs des réseaux STAR et Illenoo vous font comprendre depuis des années que… non. Mais, qu’en est-il légalement : empêcher un riverain de s’arrêter un instant près de ou devant chez lui alors qu’il doit y déposer un lourd paquet n’excède-t-il pas les contraintes qui peuvent être raisonnablement imposées par la puissance publique dans l’intérêt général ?
À partir du vendredi 21 décembre, l’hôtel de ville de Rennes va être transformé pour les animations de fin d’année. Dans ce spectacle son et lumières, Yann Nguema habille avec des lasers la mairie avec la musique du groupe Ez3kiel, dont il est membre. Hypnotisant.
C’est une tradition à Noël. Lors des animations de fin d’année, l’Hôtel de ville se retrouve illuminé pour un spectacle de son et lumières toujours impressionnant. Cette année, Rennes accueille Yann Nguema, un cador du genre, et son projet Carrousels mis en lumières à partir du vendredi soir. Passé par le groupe Ez3kiel qu’il a cofondé en 1993. Douze albums et une escale en 2015 aux Vieilles Charrues plus tard, le bassiste réalise en parallèle du mapping. Cette capacité à transformer des monuments par un jeu de lumières mis en musique occupe désormais la majorité de son temps, en plus de travailler sur la mise en scène d’Ez3kiel. Pour unidivers.fr, il nous raconte ses activités.
https://www.dailymotion.com/video/x2yo26a
Unidivers : Comment avez-vous créé le projet Carrousels ?
Yann Nguema : C’est un appel d’offres de la ville. J’ai tenté et je l’ai eu. Je reste assez libre sur ce que je veux faire tant que cela reste dans la thématique de « emballons-nous ». L’idée, ça serait de jouer avec le mot en emballant une machine qui irait de plus en plus vite, comme un manège. D’où aussi le nom : Carrousels.
Comment construit-on un spectacle comme celui-ci ?
Yann Nguema : Il est divisé en trois parties. Tout d’abord il y a l’emballement comme un papier cadeau : j’habille l’hôtel de ville. La deuxième partie c’est sur cette exploitation de l’idée d’un manège. Et enfin en troisième partie de déshabiller l’Hôtel de ville. La majorité du spectacle se fera grâce à l’utilisation de lasers.
Pourquoi ce choix de le faire sur les monuments historiques ?
Yann Nguema : J’aime bien la confrontation entre patrimoine historique et ambiance futuriste. Je ne me suis pas du tout spécialisé dans tout ce qui est science-fiction ou futur, mais à force j’ai fini par développer cet aspect-là. Ce côté architecture et futur me plaît vraiment beaucoup et avec l’utilisation des lasers ça renforce encore plus cela.
Par rapport aux concerts que vous donniez avec Ez3kiel, là vous n’êtes pas du tout face au public. Ça n’est pas frustrant ?
Yann Nguema : Ce n’est pas le même type de retour. Là, on est sur quelque chose de gratuit et d’un peu inattendu comparé aux types de morceaux que l’on proposait ou parfois le public chantait avec nous puisqu’ils venaient voir un groupe qu’ils connaissaient. Lors des productions visuelles, je suis anonyme. 95% des gens n’ont pas conscience de qui se cache derrière ce que je peux proposer. Mais les retours je les vois quand même par des commentaires sur les réseaux sociaux. Et puis j’essaie quand même d’être là pour chaque première, comme ça sera le cas à Rennes.
D’ailleurs, la scène ne vous manque pas ?
Yann Nguema : Pas du tout. Et puis je suis toujours sur scène en quelque sorte. Mais de l’autre côté. Après la basse, je suis passé aux lumières pour le spectacle. Je fais aussi les pochettes d’albums. Artistiquement, je m’épanouis beaucoup plus. À force, c’était compliqué de faire de la scène et de rester à la pointe pour proposer des choses ambitieuses.
Quels sont vos projets de mapping ?
Yann Nguema : Aux mêmes dates, il y aura un autre projet, mais cette fois-ci à Biarritz. En ce moment il y a aussi le projet S.C.U.L.P.T au Mans à l’abbaye Royale.
Et avec Ez3kiel ?
Yann Nguema : On aimerait faire tellement de choses, mais nous n’avons pas les moyens de le faire. Pour l’instant on est sur un projet d’album qui devrait paraître fin 2019. Cette fois-ci ce sera un album chanté par rapport aux projets instrumentaux comme Lux. Ce sera essentiellement du texte en français chanté par plusieurs chanteurs.
Place de l’Hôtel de ville. Du vendredi 21 décembre 2018 au dimanche 6 janvier. Projection toutes les 30 minutes de 18h à 22h.
Toutes les productions de Yann Nguema sont sur son site.
Dans ce troisième essai l’historien israélien Yuval Noah Harari prolonge le succès mondial de Sapiens et de Homo Deus et nous confronte aux grands défis contemporains que sont notamment la mondialisation ou l’Intelligence artificielle. Essentiel.
L’Homme a besoin pour vivre et donner un sens à son existence, de construire, un Récit. Trois récits ont cohabité au cours du siècle précédent : le fascisme, le communisme et le libéralisme. Tous les trois sont morts aujourd’hui et il appartient désormais à l’humanité de construire un futur alors que se présente devant elle, un vide sidéral. Dans 21 leçons pour le XXI ème siècle, l’historien Yuval Noah Harari essaie en 21 entrées d’esquisser ces défis auxquels nous sommes confrontés avant de déchiffrer les possibles qui s’offrent à nous : liberté, travail, égalité autant de valeurs auxquelles doivent répondre le nationalisme, la civilisation ou la religion.
Auteur du succès mondial SapiensHarari décrivait dans son premier ouvrage l’évolution de l’espèce humaine à l’aune de la révolution cognitive, inexpliquée et inexplicable : un animal insignifiant allait devenir le maître de toutes les espèces vivantes. Avec Homo Deus, il essayait d’entrevoir le monde de demain dans lequel les algorithmes avaient de fortes chances de prendre le pouvoir sur Sapiens. Pour la première fois de l’Histoire, Sapiens risque de perdre sa domination. Comment alors retrouver des valeurs qui éviteront à Sapiens de décliner et même de disparaitre ? C’est le coeur de ce troisième ouvrage.
On retrouve dans cet essai les thèmes chers à l’historien et notamment le fait que chaque fois que l’homme a cherché à prédire l’avenir il s’est trompé. Logiquement, aucun scénario catastrophique ou angélique nous est donc proposé mais seulement des pistes, des possibles, le lecteur se faisant sa propre idée face aux éléments concrets, tirés de l’Histoire. Harari nous invite à reconsidérer notre pouvoir, notre violence face au constat le plus troublant : nous ne serions qu’un amalgame de réactions chimiques, une interaction de neurones dont on commence à peine à découvrir le cheminement. Vous avez peur ? Vous aimez ? Vous ressentez des sentiments qui ne sont rien d’autre que le résultat de la chimie. L’avenir réside donc partiellement dans les résultats d’étude sur le cerveau dont on perçoit de mieux en mieux le fonctionnement.
Dans ce contexte déstabilisant, quels sont alors les nouveaux « grands récits imaginaires séduisants » qui pourront guider nos actions et notre avenir ? L’historien démontre avec conviction et intelligence combien pour lui les réponses nationalistes, religieuses, populistes ne pourront constituer la base d’un nouveau récit à vocation universelle. Que peuvent apporter comme réponse aux révolutions technologiques, biologiques, des « histoires » écrites il y a plus de vingt mille ans ? La mondialisation de l’économie et de la communication empêchera le repli nationaliste ou fasciste, qui ne peut résister à un monde où les idées circulent à toute vitesse. À leur simple énoncé ces mythes politiques, économiques ou religieux ne tiennent pas une seconde, mais encore faut-il penser à les analyser. Encore faut-il changer de point de vue, se poser pour réfléchir et ne pas s’en remettre à des Fake News énormes ces milliers d’informations que nous prenons pour vraies, par défaut de temps de réflexion ou par fainéantise intellectuelle. Une fois ce travail de compréhension fait, la laïcité, l’éthique, la justice, l’éducation seront elles des valeurs qui nous serviront de guide pour notre futur improbable ? À chacune Harari apporte sa réflexion simple, de bon sens et jamais manichéenne.
Si les récits périclitent pour la première fois de l’Histoire, seule la réalité primera : la Terre est en danger comme elle ne l’a jamais été sous le choc du réchauffement climatique et confrontée à la plus grande révolution technologique et biologique jamais connue.
Un paysan de l’an 1000 savait qu’à la fin de sa vie, peu de choses auraient changé et que ses petits, arrières-petits, arrières-arrières petits-enfants vivraient très probablement dans un monde presque identique au sien même si le nom du seigneur du coin, ou du roi, changeait. Aujourd’hui, pour la première fois personne ne peut dire ce que sera le monde dans 10 ans. Harari fait donc appel à nos connaissances et à notre intelligence pour apporter des réponses à cet inconnu. Il nous invite à prendre de la distance, ce que l’on peut simplement définir comme de la « réflexion », un acte essentiel que nous ne faisons peu ou plus.
Sa réponse personnelle, l’écrivain la trouve logiquement dans la méditation, objet d’un dernier chapitre où il s’engage. Mais il ne nous impose rien. Il nous offre le pari de l’intelligence. Ce pari, qui contrairement à celui de Pascal fait appel à la raison, on a envie de le prendre avec lui en s’appropriant tous les atouts qu’il nous énumère. Il en va de la survie de Sapiens, cet « animal insignifiant » né il y a 70 000 ans. Et qui pour la première fois de son histoire dispose de tous les moyens pour se faire disparaître totalement de la Terre.
21 leçons pour le XXI ème siècle de Yuval Noah Harari. 384 pages. Éditions Albin Michel. 23 euros. Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat.
Mettre en BD une pièce de théâtre est une chose rare. Quand cette pièce, Edmond, est la pièce de théâtre de la décennie, la gageure est encore plus difficile. Léonard Chemineau avec maîtrise et fidélité réussit ce passage de la scène au papier. Époustouflant.
Novembre 2017. Théâtre de la Porte Saint Martin. Les décolletés pigeonnants sont au balcon. L’amant se cache. Les portes claquent. Le public debout applaudit.
Novembre 2018: les traits de crayon serrent les tailles dans d’étroits corsets. La maîtresse dans une bulle exprime son désir: « Chhh … ». Les pages claquent au rythme d’une lecture effrénée. La critique est unanime.
Un an après le succès total de Edmond d’Alexis Michalik qui récolta cinq Molière, Léonard Chemineau réussit à la perfection l’adaptation en BD de cette pièce de théâtre au rythme endiablé et aux mille rebondissements. Pour les heureux spectateurs de la Porte Saint Martin, le pari aurait semblé impossible tant les effets de scène étaient multiples et joignaient un texte imposant à une mise en scène décapante. Mais la BD est décidément un art étonnant qui s’adapte à l’imaginaire comme au réel. Le spectateur devenu lecteur retrouvera l’intégralité de ses souvenirs de théâtre. Le lecteur comprendra la malchance qu’il a de ne pas avoir été spectateur.
La pièce de Michalik racontait la création de l’oeuvre majeure d’Edmond Rostand, le fameux « Cyrano de Bergerac » écrit en moins de trois semaines, alors qu’il est vrai, « Molière a bien monté Tartuffe en 8 jours ». Paris, décembre 1897, Edmond Rostand qui n’a pas encore trente ans vient de subir un terrible échec avec « La princesse lointaine ».
Ruiné, Edmond tente de convaincre un grand acteur en vogue de jouer dans sa future pièce, une comédie héroïque, en vers. Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi des difficultés drôles ou dramatiques mais infinies, Edmond se met à écrire cette oeuvre à laquelle personne ne croit mais qui deviendra la pièce préférée des français, la plus jouée jusqu’à ce jour.
C’est notamment à la richesse des personnages secondaires qu’Edmond dût son succès. Rosemonde la pâle épouse qui ne croit pas au talent de son mari. Constant Coquelin, acteur hâbleur, qui rêve de retrouver de la « gueule » dans un rôle sur mesure alors que toutes les portes se referment. Maria actrice pimbêche aux milles caprices et susceptibilités, capable de quitter le navire à quelques heures de la première représentation. Ce bruit, cette agitation frénétique sans repos, Léonard Chemineau a réussi par son dessin clair et classique a le restituer en mettant ses couleurs directes en page de manière sage au départ, comme pour poser le décor, avant d’insuffler un rythme effréné à ses dessins qui explosent et virevoltent pour jaillir notamment en deux double-pages magistrales.
Le lecteur se retrouve devant la scène, ébloui par des éclairages et des décors réalistes avant que le fond blanc des planches valorise des tirades inoubliables. Le contexte de l’époque est parfaitement restitué dans le dessin de lieux et de costumes magnifiés par la précision du trait. Alors comme au théâtre, les regards amplifiés par le coup de crayon sont faits pour être décelés au dernier rang. Comme au théâtre les gestes brassent impunément l’air. Comme au théâtre, quand la pièce est réussie, les vivats de la foule font se baisser les acteurs sous la lumière. Comme au théâtre, le lecteur peut applaudir dans son fauteuil.
Passer des planches aux planches, c’est que cette BD réussit à merveille avant que Edmond ne soit porté à l’écran, comme le prévoyait l’écriture initiale. Ce que la BD ne dit pas c’est le regard qu’aurait porté l’écrivain sur cette adaptation. On a bien une petite idée. Mais c’est la nôtre.
EDMOND une BD de Léonard Chemineau d’après la pièce de Alexis Michalik. Editions Rue de Sèvres. Parution octobre 2018. 124 pages. 18€.
L’inconnue est la mère de Cyril Roger-Lacan, fauchée à 36 ans sur une route du Var en 1973. Depuis ce jour, son fils, orphelin inconsolé, traverse « le pays du deuil ». Un livre bref et bouleversant, d’une poésie dense, pure et éclatante comme le diamant.
Ce mince récit s’ouvre sur la déambulation, ou l’errance, d’un fils perdu dans le cimetière du Montparnasse, à la recherche, plusieurs années après sa disparition, de la tombe de sa mère, Caroline Roger-Lacan, fille de l’illustre psychanalyste, tuée par un chauffard un jour de mai 1973 sur une route du sud de la France. Cyril avait neuf ans et « l’empreinte de la stupeur » qui a saisi alors le fils n’a cessé de laisser sa trace, après ce jour de noir printemps ouvrant sur le vide abyssal de l’absence, l’incommensurable douleur et l’infini « pays neigeux du deuil ».
Cyril, à tout jamais, se sentira « comme un intrus dans ce monde qui bruisse autour de lui », un monde où « la mort a posé ses scellés sur tout ce qui sera désormais », un monde devenu « cathédrale inhabitable », un monde où une femme ne sera plus son soleil, disparu à jamais, « lumière d’une étoile éteinte », un monde où « un bibelot insignifiant, s’il parle d’elle, devient une relique ».
Ce texte, bref, d’un homme anéanti de chagrin est un chant et une prière, un poème en prose, précieux et sombre comme un diamant noir, pur comme le cristal. C’est là toute première fois que l’auteur, cinquantenaire à présent, prend la plume pour parler de celle qui fut la femme de sa vie. Pourquoi avoir tant attendu pour traduire cette infinie tendresse, cette tristesse « sans contours » avec des mots dont la beauté nous éblouit, nous autres, lecteurs admiratifs, émerveillés de découvrir un trésor d’écriture, joyau unique dont on se prend et surprend à lire et relire à haute voix nombre de ses courtes pages ? Qu’importe cette question après tout.
L’important est ce livre, fait de la cendre du chagrin et du souvenir, « matière même d’une vie » désormais, un livre inoubliable de douceur et de douleur dont Cyril partage le fardeau avec Malou, sa grand-mère, « longue Antigone vieillie, aux yeux d’un éclat tendre. Le bord des larmes, tout proche, s’y laissait deviner. En eux elle accueillait sa fille disparue, et la conque de cette étreinte vibrait de l’immense écho des heures perdues, des heures pleurées, ressac où le souvenir entrait comme l’orage ».
Jacques lacan (1901-1981)
Petit-fils de Jacques Lacan, Cyril Roger-Lacan, comme son grand-père, a cherché l’intime et le mystère lui aussi, mais à sa manière, autrement plus douce, avec ses mots infiniment poétiques, dans la musique d’un voyage d’hiver schubertien, et cette grâce, comme chantait Mallarmé, enivrée « d’un parfum de tristesse ».
Ma vie de la tienne s’éloigne comme l’onde née du choc. Parfaitement circulaire, elle entame ce voyage dont la forme, désormais, doit tout à l’accident. Un rivage un jour l’arrêtera et ce sera la fin, la mienne, la tienne en moi, mais il ne paraît pas : l’onde ne joint aucun bord, elle court, inaperçue de tous, sur le lac qui s’étend à perte de vue, portant seule, dans son dessin, la mémoire de ce qui fut.
Tout est dit, de la séparation et de la perte.
L’inconnue de Cyril Roger-Lacan. Éditions Grasset. Octobre 2018. 93 pages. 12 €.
Cent-trente ans après sa création, Le Talisman – étude picturale du peintre post-impressionniste Paul Sérusier (1864-1927) réalisé en 1888 – rejoint les terres bretonnes de sa genèse pour une exposition-événement. Jusqu’au 6 janvier 2019, Le Talisman de Paul Sérusier, une prophétie de la couleur retrace l’histoire d’un tableau, d’un artiste, mais surtout celle d’une approche picturale avant-gardiste à l’orée du XXe siècle. A découvrir à Pont-Aven jusqu’au 6 janvier puis du 29 janvier au 28 avril 2019 au musée d’Orsay, à Paris.
« Comment voyez-vous ces arbres ? – aurait dit Paul Gauguin face au paysage – ils sont jaunes. Et bien, mettez du jaune ; cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur ; ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon » (Maurice Denis, revue L’Occident, 1903).
Selon le peintre Maurice Denis (1870-1943), c’est par ses mots que l’approche symboliste et synthétiste de Paul Gauguin (1848-1903) influença Paul Sérusier dans les Bois d’Amour (Pont-Aven) en octobre 1888. D’une conversation libre entre deux artistes (faussement désignée comme une leçon à proprement parler) naît la première esquisse du prodigue concept de la « surface plane recouverte de couleurs en certain ordre assemblées ». Ce qui n’était à la base qu’une étude en plein air fut élevée au rang d’icône par ses camarades dès son retour à l’Académie Julian à Paris.
Après avoir visité plusieurs collections privées, celui que les nabis (« prophètes » en hébreu, mouvement artistique post-impressionniste d’avant-garde) ont rapidement nommé Le Talisman trouve sa place au musée d’Orsay en 1985. Cependant sa tâche de naissance – une inscription manuscrite au revers du panneau : « Fait en octobre 1888, sous la direction de Gauguin par P. Sérusier Pont-Aven » – prouve sa filiation avec cette petite ville bretonne, berceau de la modernité à la fin du XIXe siècle.
Photographie du Bois d’Amour, Collection du Musée de Pont-Aven
Le Talisman, « cœur névralgique de l’exposition »
Plus d’une décennie après le premier coup de pinceau, le paysage abstrait du Bois d’Amour est accroché au mur couleur lie de vin dans la fraîcheur des salles du musée. Malgré sa petite taille – 27 cm de hauteur pour 21,5 de largeur – il est la vedette de l’exposition et pose un regard comblé sur les peintures de ses amis artistes qui l’entourent : Paul Gauguin, Émile Bernard ou encore le moins connu Charles Laval.
À la fois étude de paysage, icône des nabis et manifeste du synthétisme (mouvement mis au point à Pont-Aven autour de 1888) Le Talisman de Sérusier, une prophétie de la couleur retrace la fabuleuse histoire de ce tableau. Des origines de sa création à son impact sur les productions artistiques de l’époque, pas moins de quatre-vingts œuvres permettent également de révéler les dernières recherches scientifiques menées par le Centre de Recherche des Musées Nationaux de France (C2RMN).
De la couleur et du Japonisme
Au fil des tableaux réalisés entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, une nouvelle conception de la peinture se profile, en adéquation avec les révolutions artistiques de l’époque. Avec ses couleurs pures et ses juxtapositions de teintes chaudes et froides, Le Talisman jette un regard discret au réalisme minutieux de la toile intérieur à Pont-Aven. L’approche mimétique a laissé place à une peinture plus vivante, émotive. Dorénavant, les peintres privilégient leur perception visuelle plutôt que l’exactitude du rendu.
Vert Véronèse, jaune, violet, bleu turquoise ou encore rouge vermillon… les couleurs du Talisman s’étalent, forment des aplats de couleurs et rebondissent sur les toiles voisines. Un parcours pictural se trace dans les salles du musée, avec un final fortement marqué par l’influence du japonisme.
« Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune ». Avec cette même couleur, le Paysage décoratif (vers 1891-1892) de Jade Verkade prend des allures d’estampes japonaises et porte à son paroxysme les principes de Gauguin à Sérusier. « […] cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur ». Le turquoise des ombres dans Le Talisman apporte la lumière aux Arbres rouges et fougères en automne (1905) et contraste avec les couleurs taupes et ocre de cette vue automnale d’un sous-bois.
« […] ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon ». De la même manière, retrouvons la couleur des feuillages de Paul Sérusier dans Paysage Nabique (1890) de Paul Ranson, le nabi « plus japonard que japonard ».
Après cette période de vacances prolongées en Bretagne, le Talisman de Paul Sérusier regagnera sa demeure principale au musée d’Orsay où l’exposition sera présentée du 29 janvier au 28 avril 2019.
Le Talisman de Paul Sérusier, Musée de Pont-Aven, Finistère, du 30 juin 2018 au 6 janvier 2019 puis du 29 janvier au 28 avril 2019 au Musée d’Orsay.
Paul Sérusier, vers 1890
JOURS ET HORAIRES D’OUVERTURE 2018
VACANCES SCOLAIRES : Du mardi au dimanche de 10h à 18h
HORS VACANCES SCOLAIRES : Février, mars, novembre, décembre du mardi au dimanche de 14h à 17h30 / Avril, mai, juin, septembre et octobre du mardi au dimanche de 10h à 18h / Juillet et août 7 / 7 jours (du lundi au dimanche) : 10h à 19h / Ouvert exceptionnellement les lundis de Pâques, le 30 avril, le 7 mai et de la Pentecôte.
Sérusier Paul Ecrits sur les couleurs Musée de Pont-Aven 2014.0.315
TARIFS 2018
Incluant la découverte des expositions temporaires
TARIF RÉDUIT : (sur présentation d’un justificatif) jeunes de 18-26 ans, étudiants, détenteurs du passeport culturel (cd29), enseignants, personnels du ministère de la culture, cnas, cezam, covoiture-art, amis du musée d’Orsay, de l’orangerie et du Musée du Louvre à paris et sur présentation d’un billet tarif plein de l’année en cours du fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la culture (Landerneau) et/ou du musée de la pêche à Concarneau : 6 € ou 3 € (hors période d’exposition temporaire).
GROUPES ADULTES DE PLUS DE 10 PERSONNES : 5 € par personne et 4 € (hors période d’exposition temporaire). Gratuit pour l’accompagnateur.
GRATUIT : (sur présentation d’un justificatif) : moins de 18 ans, demandeurs d’emplois (avec justificatifs de – 6 mois), journalistes, conservateurs du patrimoine, animateurs du patrimoine, guides-interprètes, guides-conférenciers, détenteurs de la carte icom (conseil international des musées), adhérents aux amis du musée de Pont-Aven et/ou du musée de la pêche à Concarneau, personne en situation de handicap et son accompagnateur (sur présentation d’une carte d’invalidité), scolaires.
RENDEZ-VOUS POUR LES ENSEIGNANTS, SUR INSCRIPTION,
LE MERCREDI 26 SEPTEMBRE DE 14H30 A 16H.
Le verbe lire vient du latin legere qui signifie « cueillir ; recueillir ». Cueillir les mots, se recueillir collectivement dans le silence et la lecture, c’est ce que propose depuis 2016 l’association « SILENCE ON LIT ! » (SOL!). S’adressant à des établissements scolaires ou autres, il s’agit de mettre en place un quart d’heure de lecture, une « pause-bouquin » collective et quotidienne. De plus en plus d’établissements sont sensibles à ce message et ont décidé d’inclure ce temps littéraire à leur planning. Nous avons visité et questionné l’un d’eux, à l’école primaire d’Ercé-près-Liffré (Ille et Vilaine)…
« La lecture est un moyen de lutter contre l’illettrisme, l’exclusion,
le repli identitaire et la violence. » Silence on lit !
Incipit
SILENCE ON LIT ! est un concept développé et déposé par l’association SILENCE ON LIT !, créée en 2016 par Olivier Delahaye (cinéaste), Danielle Sallenave (académicienne) et Ayse Bascavusoglu (directrice du lycée Tevfik Fikret). Ses origines ? Le lycée Tevfik Fikret, à Ankara, en Turquie. Cela fait plus de 15 ans qu’à la même heure chaque jour, tout le monde (élèves, professeurs, employés et personnel administratif) y cesse toute activité et s’octroie 15 minutes de lecture… avant de reprendre la journée où elle avait été laissée. Une règle d’or : le silence.
« Il ne s’agit pas de casser la journée de travail avec une pause trop longue » mais elle « doit être suffisamment longue pour que les lecteurs puissent sortir du monde réel et entrer dans une histoire, suivre un raisonnement, se concentrer sur un sujet pendant un moment suffisamment important », commente l’association.
Qui participe ?
Ce temps partagé a pour vocation de rassembler autant de monde que possible. Les élèves bien sûr mais aussi les professeurs, les membres de l’administration et le personnel de l’entretien. L’idée est aussi de contraindre à la lecture ceux que cette activité rebute ou qui n’en ont pas l’habitude.
Concernant le type de lecture à privilégier, l’association SOL ! s’exprime ainsi : « Il s’agit de lire des textes littéraires, de préférence des fictions ou des essais qui sortent le lecteur de son quotidien et l’amènent ailleurs », excluant les titres de presse, les magazines ou les courriels/textos. De manière générale, le format papier est encouragé au contraire du format numérique, bien que ce dernier soit toléré quand il s’agit d’y lire un e-livre. Toutefois chaque établissement est libre d’édicter ses propres règles et de prendre ses libertés sur les préconisation.
Silence on lit dans l’établissement Tevfik Fikret, à Ankara (Turquie)
« Au tout début les professeurs faisaient un tour de classe pour s’assurer que tout le monde avait un livre. Assez rapidement c’est devenu inutile et AUJOURD’HUI, sans qu’il soit besoin de contrôle, tout le monde lit pendant le temps de lecture. » SOL !
Lecture et culture
Quels sont les bienfaits de la lecture sur les élèves, mais aussi sur les adultes ? L’association en dresse une liste non-exhaustive : « Développement de la curiosité, de l’esprit critique, amélioration de l’expression écrite et orale, des relations élèves-professeurs, et aussi mieux-être physique, baisse de la tension, contrôle de soi etc. (…) » qu’elle complète avec ce constat : « (…) mais au delà de ses vertus pédagogiques et bienfaisantes une telle pratique donne une vitalité neuve, enrichissante, émancipatrice à ce dont nous n’osons trop souvent plus parler sans sourire : la culture ».
De nombreux professeurs affirment avoir remarqué l’évolution du comportement littéraire de leurs élèves au cours d’une année sous ce dispositif. « C’est un des meilleurs moyens, je pense, d’amener des élèves qui ne sont pas rompus à la lecture quotidienne à cette pratique » nous confie Mathieu Brisson, directeur de l’école primaire d’Ercé-près-Liffré [voir notre reportage vidéo]. Parallèlement, lire aurait également des vertus positives sur le niveau d’orthographe et de grammaire du lecteur.
Les établissements scolaires participants, presque unanimement convaincus des bienfaits du dispositif, commentent également leur expérience de Silence on lit ! en soulignant qu’elle est l’opportunité de « partager un moment hors du cadre scolaire » avec les élèves, de décloisonner les liens classiques de maître à élève. Ils parlent aussi du plaisir de profiter d’un quart d’heure de silence total, bénéfique aux enseignants comme aux élèves. « Faire le silence ensemble c’est une manière de communiquer au-delà des mots. » énonce poétiquement l’association.
Lecture et Santé
Afin d’appuyer sa démarche, l’association met en évidence quelques études scientifiques qui ont été menées sur le rapport entre la lecture et la bonne santé et la bonne forme des individus. Des vertus que l’association met en avant pour tenter de convaincre toujours plus d’établissement d’adopter le dispositif.
« Entrer dans le nouveau monde d’un roman ou d’une nouvelle a des effets scientifiquement mesurables sur notre cerveau et qui se prolongent pendant plusieurs jours après la lecture. » C’est le bilan que dresse une étude de l’Emory University d’Atlanta, en Georgie, aux États-Unis. Cette étude « démontre que lire un bon livre peut augmenter les connexions à l’intérieur du cerveau et créer des changements neurologiques persistants qui correspondent un peu à la mémoire musculaire qui permet de s’adapter aux efforts demandés. »
Le lecture serait également la meilleure activité anti-stress selon une étude du Dr.David Lewis, voire anti-dépression d’après l’Université de Liverpool qui montre que « les gens qui lisent sont plus heureux que ceux qui ne lisent pas. »
« Écrire et peut-être lire plus encore sont déjà,
en eux-mêmes, des actes de résistance à la non-pensée,
à l’absence de jugement, à la modernité aveugle. » Antoine Compagnon, écrivain
Construire un beau silence
Devant l’idée se dresse parfois la difficulté de sa mise en place. Il s’agit que l’information circule, que chacun ait un livre, que l’horaire soit respecté, que chaque enseignant « joue le jeu », etc… dans des établissements de plusieurs centaines voire milliers de personnes. Des complexités qui s’accentuent encore lorsqu’il s’agit d’un collège ou d’un lycée. En effet si la lecture s’effectue à horaire régulier, certains cours perdront donc systématiquement quinze minutes d’apprentissage par semaine. Cela peut poser de réels problèmes d’achèvement du programme scolaire pour des classes d’arts plastiques ou de musique – par exemple – qui ne disposent en général que d’un faible nombre d’heures de cours par semaine. L’organisation d’un quart d’heure de lecture généralisé n’est donc pas un mince défi et nécessite même une longue préparation dans les grands établissements.
Pour faire face à ces difficultés, beaucoup d’établissements font directement appel à L’association Silence on lit !, qui au-delà de sa promotion du dispositif aide également à sa mise en place et à sa bonne gestion. « Même dans les écoles ça demande beaucoup de préparation. Alors l’association est là pour les aider à mettre ça en place. » énonce Olivier Delahaye.
« Tout enfant atteint par le virus du plaisir de la lecture est vacciné contre l’échec scolaire » Alexandre Jardin.
Explicit
Avec près de 900 établissements convertis à SOL ! depuis 2016, et le soutien de nombreuses personnalités, on pourrait dire que l’activité de l’association serait en plein boum… Pourtant, faute de fonds nécessaires, l’association a dû provisoirement cesser son activité quotidienne. Elle se désole sur son site internet de ne pas recevoir suffisamment de soutien et de moyens financiers de la part du Ministère de l’Education Nationale et du Ministère de la Culture : « Les ministères de l’Education Nationale et de la Culture tentent d’étouffer l’association SILENCE, ON LIT ! et par des directives récentes dans lesquelles ils écartent systématiquement l’association préférent risquer de rendre inefficace cette opération de bien public. » Le Ministère de l’E.N. a en effet proposé le 3 octobre 2018 la mise en place de quarts d’heure lecture très similaires à ceux que proposent l’association SOL! mais sans faire appel à cette dernière, lui préférant l’association « Lire et Faire Lire » pourtant moins influente dans ce domaine.
L’association regrette cette absence de partenariat couplé aux trop faibles moyens qui lui sont alloués. Elle est actuellement à la recherche de fondations, d’éditeurs, de mécènes pour palier cette pénurie. Elle appelle également aux dons charitables.
« Lire est un acte égoïste et altruiste. On se coupe du monde, tout en s’intéressant aux autres. Ce mouvement de va et vient est la raison d’être de la lecture » Bernard Pivot.
Toutes blessent la dernière tue : quand Karine Giebel nous entraîne dans un roman au cœur même de l’horreur afin de décrire les situations d’urgence de jeunes gens dans des pays que nous célébrons… pour leur douceur de vivre… Quel cynisme !
Je connais l’enfer dans ses moindres recoins.
Je pourrais le dessiner les yeux fermés.
Je pourrais en parler pendant des heures.
Si seulement j’avais quelqu’un à qui parler…
Quelle plongée, quel voyage ! Quand tout commence, on se demande bien ce qui fascine autant Karine Giebel pour le pire parce que Toutes blessent la dernière tue est un aller simple pour l’enfer. En sortons-nous meilleurs, assagis ou pires ? À chaque lecteur de faire son propre chemin. Tout comme les nombreux personnages de ce volumineux thriller psychologique qui nous entraînent dans les abysses les plus noires que l’on peinerait à imaginer mais dont les caractères ont été sacrément travaillés et soignés. Chacun porte ses singularités, ses stigmates…
Tama, jeune fille de huit ans est vendue à Mejda, l’entremetteuse, au Maroc. Sa famille n’a pas les moyens de l’assumer. Sa mère est morte, son père est très pauvre et sa tante ne peut l’élever, trop pauvre elle aussi. Sa destination : la France. En France, Tama (qui est un prénom d’emprunt) pourra aller à l’école, pourra s’en sortir, pourra s’émanciper et profiter de l’ascenseur social… Mais… Mais cela ne se passe pas comme prévu. La jeune fille atterrit dans une famille de la région parisienne, un couple avec enfants dans un pavillon d’un quartier sans histoire.
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. (Article 4 Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948)
Et tout bascule ! Les « Thénardier » vont utiliser Tama comme la « bonniche » de la famille. Ses bourreaux vont lui faire vivre l’enfer au quotidien. En plus des tâches domestiques à effectuer seize heures durant, Tama est privée de liberté, s’échoue dans une buanderie avec sa vieille poupée Batoul, doit servir les uns comme les autres jour et nuit sous les insultes, les railleries, les coups, les violences… Et l’affaire va durer plusieurs années sans qu’elle puisse jamais mettre le nez dehors puisqu’elle vit en captivité. Malgré l’horreur de chaque instant, (et peut-être parce que l’instinct de survie est plus fort que tout), Tama résiste, apprend à lire et écrire discrètement. Mais elle vivra et verra le pire… Parce que l’horreur est également humaine !
Quand elle en réchappe, c’est chez sa bourrelle Mejda qu’elle retourne. Et là, le pire se prolonge, les travaux forcés, les humiliations, les coups, les tortures, le viol, les brûlures… Pendant des mois… Échouée sur une pauvre couverture, elle sera sauvée par le fils de Mejda, Izri, devenu un beau jeune homme et qui semble nourrir des sentiments pour la jeune fille. Enfin la fin du calvaire peut-être…
Peut-être… Car les aventures pas toujours fastes vont se perpétuer. Non qu’Izri n’aime pas Tama, mais il peut se montrer aussi amoureux que violent. (et côté violence le jeune homme n’a pas été épargné non plus dans sa jeunesse avec un père pire que tout qui a mystérieusement disparu). Izri est un jeune homme plutôt brillant qui a pu bénéficier de l’école de la République, a été un élève modèle au cœur même de la banlieue. Mais échappe-t-on si facilement à son éducation ? Aux siens ? À la violence domestique ? La violence entraîne bien souvent la violence et Izri n’a pas été épargné et, pour se protéger, il est devenu violent, un caïd, a lâché les études et s’est tourné vers l’économie souterraine, un moyen rapide de gagner de l’argent et le respect de quelques-uns. Par la terreur. Izri est un homme-enfant ; Izri un enfant terrorisé. À la vie, à la mort.
Non sans talent, Karine Giebel nous propose donc un thriller psychologique complexe, avec une analyse puissante des personnages. Et si l’ensemble est éprouvant, c’est aussi un travail juste et précis qui met en exergue la situation complexe, inhumaine, inadmissible de la condition des enfants comme des jeunes gens dans des pays (qui souvent nous apparaissent comme des endroits paisibles pour vacanciers fatigués, des Eldorados à quelques heures d’avions) exotiques qui pourtant ne relèvent en rien de merveilleux pour les plus nécessiteux qui essaient de s’en sortir. Le trafic d’êtres humains, l’exploitation de la grande pauvreté doivent être dénoncés, même à travers une fiction. Et chacun sait que les fictions souvent traduisent le réel. Par ailleurs, même si cela semble redondant, on ne cessera de prouver combien la violence engendre la violence et Karine Giebel en fait une démonstration cruelle, mais performante. Quant à l’économie souterraine décrite dans ce roman, elle n’existerait peut-être pas si chacune et chacun pouvaient trouver sa place dans un monde qui creuse jour après jour le fossé entre plus démunis et très riches.
Vulnerant omnes ultima necat, toutes les heures blessent, la dernière tue. Mais j’ai aimé celles passées auprès de vous.
Karine Giebel
Toutes blessent la dernière tue, Karine GIEBEL – Éditions Belfond – 688 pages. Parution : novembre 2018 (collector), 1ère édition mars 2018. Prix : 21,90 €.
Grande collectionneuse de prix littéraires et maître ès thrillers psychologiques, Karine Giebel est née en 1971. Elle est l’auteur de Meurtres pour rédemption (collection « Rail noir », 2006), des Morsures de l’ombre (Fleuve noir, 2007) – prix Intramuros du festival de Cognac 2008 et prix SNCF du polar 2009 – et de Chiens de sang (Fleuve noir, 2008). Pour Juste une ombre (Fleuve noir, 2012), elle reçoit le prix Polar francophone du festival de Cognac et le Prix marseillais du polar en 2012. Purgatoire des innocents (Fleuve noir, 2013) confirme son talent et la consacre définitivement « reine du polar ». Après Satan était un ange (Fleuve noir, 2014), elle rejoint les éditions Belfond pour la parution de De force (2016), qui a rencontré un immense succès, de Terminus Elicius (2016) dans une nouvelle édition augmentée, puis de D’ombre et de silence (2017), un recueil de nouvelles où elle condense en quelques pages toute la force de ses romans. Les livres de Karine Giebel se sont vendus à plus d’un million d’exemplaires à ce jour et sont traduits dans une douzaine de langues.
Partage de midi est un voyage initiatique, une invitation mystagogique de Paul Claudel. Trois hommes et une femme au milieu de leur vie quittent Marseille pour la Chine dans l’espoir de recommencer. La mort les attend en Orient, avec en toile de fond la révolte des Boxers et les sons du théâtre chinois.
Écrit en 1905, ce drame en trois actes prend sa source dans l’expérience personnelle du jeune consul Paul Claudel. En proie à la vocation religieuse, l’amour lui est proposé pour la première fois sur ce bateau sous les traits d’une étrangère d’origine polonaise, Rosalie Vetch, mariée, quatre enfants. La rencontre entre Mesa et Ysé rejoint les figures mythiques de Tristan et Yseult.
Mercredi 12 décembre 2018, la première de la mise en scène du Partage de midi par Eric Vigner avait lieu au TNB de Rennes. Avec Partage de midi, Éric Vigner poursuit sa recherche sur les rituels d’amour et de mort initiée avec Tristan qu’il écrit et met en scène en 2014. Pour cette nouvelle création, il travaille pour la première fois avec le comédien Stanislas Nordey et retrouve son actrice fétiche Jutta Johanna Weiss.
Jutta Johanna Weiss est Ysé et Stanislas Nordey incarne Mesa
Ysé : Vois-la maintenant dépliée, ô Mésa, la femme pleine de beauté déployée dans la beauté plus grande ! Que parles-tu de la trompette perçante ? Lève-toi, ô forme brisée, et vois-moi comme une danseuse écoutante, dont les petits pieds jubilants sont cueillis par la mesure irrésistible ! Suis-moi, ne tarde plus ! Grand Dieu, me voici, riante, roulante, déracinée, le dos sur la subsistance même de la lumière comme sur l’aile par-dessous de la vague ! O Mésa, voici le partage de minuit ! et me voici, prête à être libérée. Le signe pour la dernière fois de ces grands cheveux déchaînés dans le vent de la Mort !
Mésa : Adieu ! je t’ai vue pour la dernière fois ! Par quelles routes longues, pénibles. Distants encore que ne cessant de peser l’un sur l’autre, allons-nous mener nos âmes en travail ? Souviens-toi, souviens-toi du signe ! Et le mien, ce n’est pas de vains cheveux dans la tempête, et le petit mouchoir un moment. Mais, tous voiles dissipés, moi-même, la forte flamme fulminante, le grand mâle dans la gloire de Dieu, l’homme dans la splendeur d’Août, l’Esprit vainqueur dans la transfiguration de Midi !
Si un metteur en scène est susceptible de monter Partage de Midi de Paul Claudel, c’est bien Eric Vigner. Cet auteur, plasticien et scénographe breton, ancien directeur du Directeur du CDDB–Théâtre de Lorient de 1996 à 2015, a le pouvoir de produire des mises en scène alchimiques où le son et les images se marient en variations énergétiques afin de saisir le public. Dès que l’amour, la mort et les rituels se profilent, Eric Vigner se fait passeur auprès du public. D’où la promesse d’une belle rencontre avec Claudel et son Partage de Midi, oeuvre dense, spirituelle mais sans byzantinerie, stylisée, mais sans posture, émouvante, mais jamais mièvre, éprouvante et édifiante.
Comment dire la recherche de l’amour et le détournement de Dieu ? Comment jouer la recherche de Dieu et le détournement de l’amour ? La quête d’absolu et le serment relatif, l’union et la trahison. Et la mort. Où se trouve le point d’équilibre entre les multiples lignes de fuite que diffractent le Claudel écrivain, le Claudel qui se réfléchit dans le personnage de Mésa, le Claudel social tendu entre un passé et un avenir qui ne laisse pas son présent trouver la paix ? Partage de midi est une pièce qui croise tant de perspectives qu’il n’est guère aisé de trouver quel fil directeur tendre au public afin qu’il adhère et chemine durant 2h40 dans cette structure sentimentale et réflexive passionnelle, passionnante, mais dense.
Dans ce dessein, Eric Vigner dresse une mise en scène élégante, au symbolisme simple, mais efficace (gong en forme de miroir solaire, paon vaniteux et immortel, vigie à longue-vue qui recherche les terres perdues, la terre à conquérir…). Mais dans ce drame au livret stylisé qu’est Partage de midi, la mise en scène, la scénographie – le décor aussi bien que les lumière et les déplacements – sont au plus un écrin pour le texte et son énonciation. A la limite, une récitation habitée et colorée par 4 comédiens assis sur une chaise tout du long pourrait suffire. Au demeurant, au TNB, Jutta Johanna Weiss est Ysé et Stanislas Nordey campe Mésa.
La vision d’Ysé héritée de ma lecture de Partage de Midi dessine une femme aux charmes subversifs et à la civilité d’une spontanéité animale, une dame délicieusement sauvage. Jutta Johanna Weiss, quant à elle, compose les poses et inflexions de son personnage à partir d’icônes tels que Sisi Romy Schneider, Brigitte Fontaine, Dita von Teese, Pola Negri et Sarah Bernhardt. Après un temps d’adaptation durant le premier acte, elle réussit à tenir le public sous son empire charnel et psychique malgré – et grâce à – un équilibre sans cesse précaire. Il n’en va pas de même de Stanislas Nordey.
D’entrée de jeu, il incarne un Mésa à la composition tonale et gestuelle trop maîtrisée, aux accents emphatiques et aux ruptures outrées. Curieusement, comme les premiers temps de Jutta Johanna Weiss paraissent surjoués, une forme de complémentarité dans l’excès s’opère entre les deux comédiens (un chiasme sans doute involontaire mais pas inintéressant au regard des psychologies d’Ysé et Mésa).
Cette relative synergie fonctionne encore dans le deuxième tableau qui est habilement traité par Eric Vigner : une atmosphère fantasmatique sert une déréalisation de la scène et fait entrer les spectateurs dans le Partage multidimensionnel des deux comédiens.
Malheureusement, la suite creuse l’écart. Et Stanislas Nordey, distancé par le jeu de Jutta Johanna Weiss qui parvient à son homogénéité, apparait de plus en plus décalé du texte. Si sa diction est bonne et son interprétation gestuelle (notamment faciale) à l’avenant, le monologue préfinal où Mesa s’adresse à Dieu donne le sentiment que Nordey récite avec un soin désincarné des paroles dont le sens (spirituel) lui demeure étranger. Autant dire que le public doit s’accrocher pour ne pas décrocher. Alors que Nordey a su être convaincant dans d’autres interprétations, ici, ce sont Claudel, Vigner et le TNB qui en partagent à minuit les frais.
Texte
PAUL CLAUDEL
Scénographie et mise en scène
ÉRIC VIGNER
Lumière
KELIG LE BARS
Son
JOHN KACED
Costumes
ANNE-CÉLINE HARDOUIN
Maquillage
ANNE BINOIS
Assistanat à la mise en scène
TÜNDE DEAK
Assistanat à la scénographie
ROBIN HUSBAND
Décor et costumes
ATELIERS DU TNS
Avec
STANISLAS NORDEY
ALEXANDRE RUBY
MATHURIN VOLTZ
JUTTA JOHANNA WEISS
Production : Compagnie Suzanne M.
Coproduction : Théâtre National de Strasbourg ; Théâtre National de Bretagne ; Théâtre de la Ville – Paris.
Lundi 10 décembre 2018, l’acteur Jacques Gamblin et le réalisateur Niels Tavernier sont venus au cinéma Gaumont de Rennes présenter leur filmL’Incroyable histoire du facteur Cheval. En salle le 16 janvier 2019. Présentation de ce long métrage à travers les yeux de Jacques Gamblin.
Hauterives. 1873. Joseph Ferdinand Cheval, facteur à l’esprit rêveur parcourt chaque jour des kilomètres dans la campagne dromaise pour distribuer le courrier. Solitaire, il est bouleversé quand il rencontre la femme de sa vie, Philomène. De leur union naît Alice qu’il aime plus que tout. Un jour, alors qu’il trébuche sur une pierre à la forme étonnante, Cheval a une révélation : si la nature crée de si belles choses, alors lui aussi le peut. Il se lance alors dans un pari fou : construire de ses propres mains un palais idéal pour sa fille…
Homme incompris, considéré parfois comme fou par des habitants du village, le facteur Cheval a passé 33 ans à récolter avec soin des pierres lors de ses distributions afin de bâtir son palais, contre vents et marées. Défendu par Jean Malraux, ministre de la Culture de l’époque, et classé Monument Historique en 1969, il est considéré comme le seul exemple architectural de l’art naïf.
Né d’un projet autour d’une histoire que le réalisateur français Nils Tavernier ne connaissait pas du tout, les légers reniflements dissimulés tant bien que mal en fin de projection montrent l’émotion du public dans la salle de cinéma… pour autant L’incroyable histoire du facteur cheval n’est pas un film triste. « Les larmes qu’il peut tirer représentent de belles émotions. L’émotion que ce film véhicule en fait la profondeur ».
Pour jouer ce personnage atypique et mystérieux, le comédien français Jacques Gamblin – Père fil thérapie ! (2016), Hippocrate (2014), Le premier jour du reste de ta vie (2008), etc. En toute humilité et avec sincérité, le comédien enfile le costume de Joseph Ferdinand Cheval et se laisse porter par sa personnalité quelque peu différente. Un homme connu sans l’être réellement dont les archives sur sa personne se font très rares. « Je l’ai rencontré pour la première fois dans ma boîte aux lettres à la réception du scénario. Ma première visite au palais du facteur Cheval a bien entendu été un choc, mais ce n’était pas le choc existentiel dans le sens profond, comme celui que j’ai pu ressentir jour après jour en jouant le personnage ».
Aux côtés de la talentueuse Laeticia Casta – L’homme fidèle (2018), La Nouvelle Guerre des boutons (2011), Gainsbourg vie héroïque (2010), etc. – qui interprète l’amour de sa vie Philomène, le facteur Cheval évolue au rythme de son château ambulant et inversement. Sitôt les premières minutes du film écoulées, la légère appréhension sur la crédibilité du couple à l’écran s’envole. Pendant prés de deux heures, Laeticia Casta et Jacques Gamblin proposent un jeu d’acteurs rempli de simplicité et d’émotions. La salle est conquise.
Voir le monde à travers les yeux du facteur Cheval
Personnage peu loquace, Joseph Cheval n’en était pas moins un grand bavard. « L’homme est en effet très silencieux, mais il est extrêmement bavard dans son œuvre. Ce n’est que mon interprétation, mais on sent qu’il veut laisser une trace, être immortel. Sa personnalité est un mélange pleins de paradoxes. Entre l’humilité qui émane de cet homme, son rapport au monde et au cosmos, et ce désir profond de reconnaissance ».
« L’environnement est beau parce que le facteur Cheval est à l’intérieur des matières »
Nils Tavernier
Il suffit de s’attarder sur les multiples plans dans lesquels l’intensité de son regard vaut mille mots. Ses yeux légèrement plissés posés sur les personnes qu’il côtoie, les paysages qui défilent, les étoiles dans le ciel… sans cesse dans l’observation, le regard d’une naïveté presqu’enfantine du facteur Cheval traduit surtout une grande intelligence.
« Il s’inspire des premiers magazines pittoresques, mais cherche aussi dans la nature. Il la voit et la sent. Il est comme un animal quand il regarde les choses : il les respire, les renifle… Il ne voit pas qu’avec ses yeux, mais avec tous ses sens – explique Jacques Gamblin encore fasciné par le personnage qu’il a interprété. En ça, ce n’est pas impossible que je me retrouve dans l’homme qu’était le facteur Cheval. J’ai peu de mémoire, mais j’observe énormément sur le moment présent, les gens et leur démarche, les paysages et les lumières… ».
« Le palais est une œuvre qui m’a laissé sans voix… qui laisse les gens sans voix » Jacques Gamblin
Représentant l’œuvre d’une vie, le palais demeure aussi silencieux que son créateur. Il s’humanise au fur et à mesure que l’architecture s’érige jusqu’à devenir un personnage à part entière. « Je suis resté ébahi devant cette chose qui est un mélange d’inspirations de toute sorte et de performances, construit par un homme sans aucune notion d’architecture et complètement autodidacte ».
Alors qu’il a commencé la construction pour sa fille, le palais imaginaire semble autant un exutoire pour s’échapper d’un monde qui ne le comprend pas qu’un point d’ancrage dans la réalité, abordant ainsi un problème qui subsiste depuis toujours : l’intégration d’un individu quelque peu différent dans la société. « Ce que je dis est tout à fait subjectif, mais je pense que les nombreuses phrases gravées ou peintes dans tous les recoins du palais témoignent d’un désir de rapprocher des cultures, de mélanger ces personnes qui n’ont pas une culture unique ce qui donne des gens libres qui n’ont pas une pensée unique. Il y a une difficulté à s’intégrer dans le monde et le palais est sa façon de signifier « je suis là, j’existe. Je suis bien vivant et je ne suis pas fou ». C’est sa façon de dire je ».
Ce qui était à la base une histoire peu connue est devenu une rencontre bouleversante. « On ne sort jamais totalement d’un personnage tel que celui du facteur Cheval et on n’en a pas forcément l’envie. Il m’a transmis des émotions inédites et imprévisibles. Je n’aurais pas imaginé être touché à ce point-là ». L’équipe du tournage autant que le public ne sont pas restés indifférents à cette expérience. « C’est mon 126e film cette année et certainement le plus beau » La phrase d’un téléspectateur conquis vaut parfois mieux que mille explications au final…
Une lettre écrite par Jacques Gamblin intitulée « Cher Cheval » sera diffusée sur France Culture le 18 janvier 2019.
L’incroyable histoire du facteur Cheval (1h45). Film de Nils Tavernier, avec Jacques Gamblin, Laetitia Casta, Bernard Le Coq. Sortie en salles le 16 janvier 2019.
Mozart ? Vous connaissez bien entendu. Sa musique, sa rivalité avec Salieri. Mais son mal être à devenir un génie ? Sa difficulté à vivre avec les autres ? Peut être moins. Ou pas du tout. Frantz Duchazeau profite du séjour du compositeur à Paris pendant quelques mois pour nous faire découvrir un Mozart intime. En souffrance.
Amadeus de Milos Forman a donné pour longtemps une vision agitée du plus grand compositeur d’opéra de l’histoire. Excité, emporté, Mozart sous la caméra du réalisateur américain est un personnage hors du commun, au-dessus des hommes. A peine plus silencieux, le Wolfgang Amadeus du dessinateur Frantz Duchazeau, est néanmoins fidèle à cette agitation frénétique du compositeur qu’il trace à traits esquissés et qu’il vêt d’un costume rouge, pour le distinguer des autres mortels contemporains. Mozart marche, cause, compose, écrit, discute, se fâche, s’emporte et le dessin de Duchazeau traduit à merveille cette permanente instabilité. Quand il arrive à Paris en cette année 1778, accompagné de sa mère qui se languit de Salzbourg, il est annoncé comme un jeune prodige virtuose, proche du singe savant. À 22 ans, il cherche à s’éloigner de l’influence conformiste de son père qui lui adresse des lettres de remontrance et lui dicte une attitude conformiste. C’est cette période de quelques mois que raconte cette BD originale par le ton et le traitement graphique.
S’appuyant sur la correspondance croisée du père, de la mère et de Mozart, Duchazeau raconte à merveille les coulisses d’un univers musical marqué de la flagornerie, de l’ignorance, du conformisme, où le public se dispute entre Gluck et Piccinni. S’adapter au goût de ce public ou créer l’Opéra dont il rêve, sans autre préoccupation que celle de la poésie et de la beauté, le plus grand musicien de tous les temps a vite fait son choix. Cette tension permanente, dans un univers de noblesse hostile et sotte, entre création et conformisme, cette primauté de l’art, le dessinateur la montre avec force et talent. Plus qu’un physique anonyme et banal, il s’attache surtout à dessiner un caractère, à montrer un génie dont il confronte la petite taille à celle du commun des mortels qu’il inverse symboliquement dans des planches parmi les plus réussies. Etre génial conduit à être incompris et à souffrir.
Pourquoi être aimé des Dieux ? Si je ne puis être aimé des hommes ?
Dans des pages oniriques, où souvent des couleurs criardes rendent compte du génie et d’une musique évanescente, Mozart est porté sur les épaules de petits hommes gris qui le portent (le supportent ?) et réussissent parfois à le maintenir dans un équilibre précaire. Cette quête de la beauté, dans la vingt quatrième année de sa vie, allier à la nécessité de vivre, l’auteur la situe dans ce qui est l’autre intérêt majeur de la BD : la description d’un Paris sale et ignorant, où l’on sent monter la colère d’un peuple affamé, les prémices d’une révolution à venir.
Au contraire des personnages, souvent à peine esquissés, comme Aloysia, amour rêvé et perdu de Mozart, les rues, les bâtiments parisiens sont magnifiquement dessinés, avec précision et justesse. Les murs des palais sont souvent unis et sans détails. Les rues pavées de Paris sont pleines de crottes et d’odeurs. Paris, que Mozart déteste, n’est pas qu’un décor, mais devient un véritable personnage que le musicien fuira, ayant tiré de tristes leçons de son passage. Des leçons vitales cependant pour lui permettre enfin de se libérer des contingences matérielles et des modes superficielles. C’est à Vienne où il s’installera plus tard que commencera sa révolution musicale. Paris aura été un lieu d’apprentissage de vie.
Il y a un an Clément Oubrerie décrivait un Voltaire Amoureux (1) dépoussiéré, qui à 24 ans partait à la conquête de femmes et d’une société fermée et hypocrite. Avec le même talent, Frantz Duchazeau, transforme une biographie sérieuse et documentée en récit passionnant, intelligent et profond et donne envie d’écouter la Symphonie 31 dite « Parisienne ». Prendre la vie de génies reconnus par le prisme du quotidien permet souvent d’approcher au plus près la réalité d’Hommes hors du commun. Si le talent des dessinateurs est au rendez vous.
Mozart à Paris de Frantz Duchazeau. Éditions Casterman. 96 pages. 18,95€.
Brigitte Rouillac, présidente du Fonds de Dotation Vaincre Usher2 (maladie affectant l’ouïe et la vue), est l’invitée du Carré VIP (VieillePie), l’émission de radio dédiée aux femmes de plus de 50 ans (mais pas exclusivement !). Codiffusée par RCF Radio Alpha et Unidivers.fr, retrouvez Marie-Christine Biet et ses invitées deux fois par mois à la radio et sur le web.
Originaire de Saint-Nicolas du Pélem (Côtes d’Armor), Brigitte Rouillac a été interne au Lycée Renan de St-Brieuc, étudiante à la fac dentaire de Rennes et dentiste à Saint-Grégoire jusque 2016. Son fils unique étant né malentendant, elle s’est trouvée très sensibilisée aux souffrances de ces enfants à l’école, puis en fac. Elle a du se battre pour le laisser dans l’école publique (en 1987 !). 20 ans plus tard, le diagnostic de la perte progressive de sa vue a été un tsunami, une errance médicale jusqu’aux USA, un effondrement, une colère puis un combat.
Brigitte Rouillac
La rencontre avec une femme, généticienne chercheuse, spécialisée dans la rétine a été décisive à l’arrêt de sa profession et à son engagement pour rendre visible sa recherche, trouver des financements en insistant sur la perte d’autonomie de ces jeunes adultes et sur l’innovation de cette recherche pour toutes les maladies.
Sa « Déclaration» va à Anne Béguéret : « Je la connais depuis longtemps, je l’ai soignée ainsi que toute sa famille. J’ai toujours eu grand plaisir à discuter avec cette femme joyeuse, dotée de convictions et de valeurs humaines et d’une gentillesse énorme. Anne et son mari ont changé de profession en se dirigeant vers la restauration. Avec enthousiasme et beaucoup de courage. Je profite de sa générosité en utilisant son superbe restaurant avec des associations pour des évènements très conviviaux à Saint-Grégoire ».
Cette table bistronomique, joyeuse et conviviale est une affaire de famille car leur fille est responsable en cuisine.
Elle adresse son Coup de cœur à Laure Carment, femme active qui a suivi son mari depuis 20 ans dans des contrées parfois dures pour les femmes et a dû s’adapter à des métiers totalement différents. Son parcours, lié à sa passion pour la déco, l’artisanat et la rénovation, est celui d’une femme battante, aimant la vie en l’optimisant quelque soient les difficultés. Son dynamisme et une joyeuse motivation l’ont propulsée à Martigné-Ferchaud dans une belle demeure qu’elle a nommée La Baronnie de Laure et qui devient son gagne-pain. Pour elle, c’est un superbe village protégé par les fées.
Les choix musicaux de Brigitte Rouillac
Slawek Wojnarowski
« Slawek est mon cousin par alliance, d’origine polonaise. Arrivé jeune en France, par amour pour notre cousine, Slawek est un guitariste chanteur plutôt axé blues au début. Il chante dans les bars et en concert. J’aime beaucoup ces chansons et j’ai choisi celle-ci extraite de son dernier album l’Ange bleu.
Gilbert Montagné Picasso Non-voyants
« Cette chanson m’émeut car elle évoque la vie de tous ceux dont la fenêtre sur le monde se referme et que c’est mon combat pour les futures générations.
Pink Martini No Hay Problema
J’aime bien l’écouter, je la mettais en bossant au cabinet car la musique est raffinée, optimiste avec des sons différents, rigolos et de tous horizons.
On retrouve le Carré VIP jeudi 13 décembre pour la prochaine échappée du Carré VIP au Lavoir 26, rue de Léon. Christine Van Geen présentera son magnifique lieu de co-working au bord de la Vilaine où elle expose actuellement l’artiste peintre Odile Ferron-Verron.
Braque et Picasso inventent le cubisme. Mais pas seuls. Avant eux et autour d’eux des peintres, des journalistes, des critiques, des marchands ont créé les conditions de leur révolution picturale. La BDLes Aventuriers du cubisme leur rend hommage d’une manière pédagogique et intelligente.
Cela ressemble à un jeu. Neuf personnages en couverture, dont il faudrait trouver le nom. Le titre Les aventuriers du cubisme est là pour nous aider. D’entrée, au centre, trois pinceaux à la main, le nom du personnage est facile à trouver : Picasso sans aucun doute. À sa droite, avec ses gants de boxe, aucune hésitation: son alter ego dans l’invention du mouvement pictural : Georges Braque. Et puis la massive Gertrude Stein. Et à l’extrême gauche, barbe hirsute et chapeau , la silhouette de Paul Cézanne. Quatre, c’est un bon résultat. Mais les cinq autres ? L’affaire se complique. Pour les trouver il va falloir ouvrir la BD et lire les chapitres qui se consacrent chacun à un personnage particulier dans ce début de siècle parisien qui va faire exploser le monde de la peinture déjà passablement mis à mal par le mouvement impressionniste. La femme au chapeau de Matisse précède Les Demoiselles d’Avignon de Picasso qui succèdent aux Montagnes Sainte Victoire de Cézanne. En 10 années, les toiles explosent sous la couleur et la déstructuration
pour donner à voir, sentir et même toucher la réalité sans imiter la nature ! En refusant la perspective et les illusions.
Cette nouvelle manière de voir est au coeur de l’ exposition qui se déroule actuellement au Centre Pompidou (jusqu’au 25 février) consacrée au cubisme et à laquelle cette BD se rattache, profitant de l’alliance croissante entre BD et histoire de l’art.
Les aventuriers du cubisme sont dans cette dynamique. Avec Julie Birmant au scénario on est en terrain connu. Avec Clément Oubrerie aux pinceaux, elle signa le superbe triptyque Pablo consacré au jeune peintre espagnol, succès de librairie mérité. Cette fois ci c’est Pierre Fouillet qui se met au crayon et on ne peut écarter une ressemblance de trait avec celui de Oubrerie. Légèreté, trait dépouillé et riche, intégration réussies d’oeuvres connues et suggérées, rappellent, dans ce qu’il a de meilleur, le fameux Pablo. On est admiratif devant l’évocation de grandes oeuvres réduites au format d’un timbre mais parfaitement identifiables comme à l’évocation de salles monochromes explosant sous les couleurs de feux des oeuvres fauve ou impressionniste.
Cette BD trouve son originalité dan une double approche. Julie Birmant devient une intervieweuse d’époque, procédé lui permettant de rencontrer à St Paul de Vence, Matisse ou Max Jacob à Montmartre. Un subterfuge qui rend l’histoire vivante, simple et compréhensive. Par ailleurs, au delà du binôme archi connu Braque-Picasso, de la place essentielle dans la naissance du mouvement de Cézanne et de Matisse, l’ouvrage met en lumière des personnages moins attendus mais aussi instructifs. En dehors des marchands d’art dont l’audace et la clairvoyance seront essentielles, comme Ambroise Vollard ou Daniel-Henry Kahnweiler, une belle place est ainsi faite à des collectionneurs tel Wilhelm Uhde ou à des comparses de tous les jours : le Père Soulié, lutteur de foire, matelassier de métier qui vend sur le trottoir des toiles du Douanier Rousseau. Ou encore le Frère Sagot, brocanteur qui vendra le premier Picasso à Serguei Chtchoukine.
Les mouvements picturaux ne sont pas que des constructions intellectuelles élaborées dans des cercles intellectuels restreints. Ils sont aussi tributaires d’un marché, de presse, de ventes, de passeurs. Les Aventuriers du Cubisme un siècle plus tard rappellent combien l’évidence d’aujourd’hui était hier un combat et une incertitude. Même si le cubisme défini ainsi par le critique Louis Vauxcelles ne dessine aucun cube.
Il n’y a pas de cubes dans le cubisme ! Au mieux quelques maisons rectangulaires à Horta ou à l’Estaque !
Un paradoxe réjouissant pour une BD réjouissante. Et intelligente.
BD Les Aventuriers du Cubisme. Scénario : Julie Birmant. Dessins : Pierre Fouillet. Éditions Centre Pompidou et Steinkis. 110 pages. 18€.
EXPOSITION LE CUBISME
17 octobre 2018 – 25 février 2019
Le Centre Pompidou propose une traversée inédite et un panorama complet de l’un des mouvements fondateurs de l’histoire de l’art moderne :le cubisme (1907-1917).
Grâce à un parcours qui éclaire pour le grand public les concepts clés, les outils et les procédures qui ont assuré l’unité du cubisme, l’exposition met en lumière le caractère expérimental et collectif de ce mouvement dont l’esthétique révolutionnaire est à la fois la matrice et le langage même de la modernité.
Commissaires : Mnam/Cci, B. Léal, A. Coulondre, C. Briend.
À la suite des évènements de Strasbourg, la Ville de Rennes et la Préfecture d’Ille-et-Vilaine ont tenu une réunion de travail consacrée à la sécurisation des lieux ouverts au public et des grands évènements de fin d’année. Le plan Vigipirate se trouve renforcé au niveau urgence attentat.
Dans le cadre du plan Vigipirate, qui est déjà en œuvre, les évènements organisés sur l’espace public à Rennes font depuis trois ans l’objet de mesures de sécurité renforcées, adaptées aux spécificités de chaque manifestation (dispositifs anti-intrusion de véhicules notamment et, lorsque cela est nécessaire, contrôle des accès et clôture des périmètres).
Le ministère de l’Intérieur a relevé le plan Vigipirate au niveau « Urgence Attentat » sur l’ensemble du territoire national. Des mesures de sécurité complémentaires vont donc être mises en œuvre, à la demande de la Préfecture, dans les lieux recevant du public, notamment la réalisation de contrôles aléatoires et de fouilles par des agents de sécurité.
La Préfecture renforce par ailleurs les patrouilles de police sur le territoire rennais, particulièrement sur les lieux très fréquentés à l’occasion des fêtes de fin d’année. Le dispositif Sentinelle a lui aussi été étendu.
SIGNALEMENT DE SITUATIONS SUSPECTES
Chacun a un rôle à jouer dans la prévention d‘un passage à l‘acte violent. En signalant un comportement dangereux, vous pouvez éviter qu’un acte criminel soit commis.
> SIGNALEMENTS SUSPECTS GRAND PUBLIC – format : PDF
RECOMMANDATIONS POUR LA SÉCURISATION DES LIEUX DE RASSEMBLEMENT OUVERTS AU PUBLIC
Cette fiche concerne la protection des lieux de rassemblement ouverts au public et a pour objectif de rappeler les recommandations nécessaires à la sécurité de tels événements. De nombreux conseils y sont délivrés. Certains peuvent ne pas être applicables à tous les sites. Ils doivent donc être adaptés, notamment en fonction de la configuration des lieux.
> SIGNALEMENTS SUSPECTS GRAND PUBLIC – format : PDF
ATTAQUE AUX VÉHICULES BÉLIERS : RECOMMANDATIONS ET BONNES PRATIQUES
L‘utilisation de véhicules béliers est un mode d‘action de plus en plus utilisé par les organisations terroristes. Ce type d‘attaque peut entraîner un nombre élevé de victimes pour un coût et une préparation minimale de la part des terroristes.
Si le spectre d’un Daesh régnant en maître sur le monde arabo-sunnite tend à s’éteindre, si la vague d’attentats qui a frappé l’Europe dans les trois dernières années semble régresser (même si Strasbourg se réveille aujourd’hui meurtrie par l’action d’un désaxé fiché S), l’Occident doit garder un œil alerte quant aux émergences de nouvelles actions de ce conflit militaro-culturel dont la matrice destructrice est loin d’être périmée. Présentation de la Fabrique de la radicalité avec Laurent Bonelli et Fabien Carrié, Un temps pour haïr de Marc Weitzmann et des Espions de la terreur de Matthieu Suc.
Dans la mouvance de ces épisodes sanglants, beaucoup de strates de la société se sont mobilisées qui pour défendre, qui pour comprendre : militaires, policiers, magistrats et avocats, médecins, psychologues et enfin journalistes d’investigation. À tel point que d’aucuns suggéraient non sans humour quelque peu noir qu’« il y avait bientôt plus de gens à vivre du djihadisme que de djihadistes… »
Trois ouvrages récents apportent leur contribution à la compréhension d’une telle situation : d’où viennent ces djihadistes en particulier français, nés pour la plupart en France, quelle est leur idéologie plus que leur pratique religieuse, comment ont-ils fonctionné pour réaliser ou tenter de réaliser ces attentats.
Le premier La Fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français est le travail en collaboration de deux sociologues français Laurent Bonelli et Fabien Carrié. Le premier est universitaire et le second docteur en sociologie. Ils se positionnent tout à fait dans la lignée de l’école française de sociologie et de son maître Émile Durkheim qui entendait rechercher sous une problématique, le fait social coercitif qui amenait l’individu à un comportement : cette problématique est superbement analysée dans son ouvrage de référence, Le Suicide publié en 1897.
Cette enquête est basée sur l’analyse systématique de 133 dossiers judiciaires de mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour radicalisation, la plupart pour des faits relevant du djihadisme, mais aussi dans le cadre d’une idéologie d’extrême-droite ou autonomiste. L’enquête met rapidement en avant les déterminismes sociaux : situation familiale, cursus scolaire, intégration sociétale, etc., etc. Tout et son contraire peut être observé : des familles intégrées ou franchement pathologiques, des parcours scolaires chaotiques ou brillants, des enfances difficiles ou au contraire heureuses et protégées.
L’intérêt est de déterminer quatre groupes dont on devine rapidement qu’ils n’ont pas le même background socioculturel, mais surtout que leur trajectoire et leur radicalité n’auront pas la même expression. Le rôle parfois péjoratif ou insuffisant des institutions dans l’enfance et la préadolescence de certains sujets est mis en exergue : la violence potentielle d’un Mohamed Merah a été détectée très tôt, mais son enfance, sans excuser quoique ce soit, fut un calvaire entouré de brutes et de malades. Comprendre les déterminants sociologiques en particulier chez les convertis explique en bonne partie la totale inefficacité des centres de déradicalisation qui furent des rentes de situation pour certain(e)s. Si l’ouvrage est brillant et efficace, il reste cependant écrit dans un langage très sociologique qui peut rebuter le lecteur non averti de la matière.
Le second ouvrage Un temps pour haïr écrit par un ancien rédacteur des Inrockuptibles, Marc Weitzmann, s’intéresse au fond idéologique et culturel de ces attentats et de leurs auteurs. Là encore un travail très fouillé remontant aux origines de la colonisation française en Algérie et à la séparation sociale des communautés religieuses et ethniques de cet ancien département français. S’y mêlent des rapports d’écoutes et d’audition qui éclairent sur la pauvreté culturelle ou même la santé mentale de certains protagonistes et des comptes-rendus d’enquête ou de jugements. La qualité de l’ouvrage repose sur la pertinence d’un certain nombre de données. Il pêche cependant à vouloir privilégier une origine franco-française à ces terribles événements : ce serait comme expliquer que les attentats ferroviaires de 2004 en Espagne étaient une réponse à la Reconquista. Qu’il y ait un fond réel d’antisémitisme chez certains musulmans de différentes natures au demeurant n’est pas niable, mais en faire la source primale de ces attentats pêche contre la raison : ce que les auteurs des attentats de 2015 combattaient c’était la liberté culturelle, le mode de vie émancipé, la joie et le droit de vivre selon ses propres canons, eux qui avaient compris au fond d’eux-mêmes que tout cela leur échapperait à jamais, eux qui étaient des « perdants radicaux » selon la formule d’Hans Magnus Enzensberger (Le perdant radical). C’était comme pour le fascisme une attaque contre l’esprit des Lumières. Vouloir limiter le primum movens à l’antisémitisme serait que d’expliquer la Seconde Guerre mondiale et les trente années qui la précèdent et la génèrent par l’Holocauste.
Le troisième ouvrage Les espions de la terreur de Matthieu Suc est lui aussi un travail de quatre ans très étayé, fruits de recherches et de contacts avec les autorités chargées de la défense du territoire dont on mesure à la fois l’efficacité et la difficulté de cette lutte au quotidien contre un ennemi mouvant, mobile et adepte de la dissimulation. Il peut se lire à la fois comme une enquête, mais aussi comme un excellent thriller tant le sujet est palpitant. L’auteur analyse bien les différents services chargés de la répression et des attentats dans le système Daesh. Si on ne peut pas nier au début un certain professionnalisme hérité des services irakiens de Saddam Hussein, ces premiers maîtres-espions furent rapidement éliminés en particulier par les Américains et remplacés par des gens plus brutaux, mais moins sophistiqués. Les recrues « françaises » s’illustrèrent dans certains de ces actes sans nom. Si l’on ne peut nier le carnage du 13 novembre ou de la Promenade des Anglais, le fait qu’un Abdelhamid Abaaoud ait dû se déplacer en personne pour organiser, avec une équipe de bras cassés sans logistique, ces attentats montre que les relais organisationnels de Daesh en Europe étaient réduits. Certains épisodes font penser aux Pieds nickelés, tel ce djihadiste chargé de déposer une bombe dans un cinéma porno d’Amman, tellement absorbé par le film qu’il en oublie sa mission et y perd les jambes. Des trois ouvrages précités, celui-ci est celui qui se lit le plus facilement.
La Fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français. Laurent Bonelli et Fabien Carrié. Le Seuil.
Un temps pour Haïr. Marc Weitzmann. Grasset.
Les espions de la terreur. Matthieu Suc. Harper Collins
« La vengeance est un plat qui se mange froid ». Telle pourrait être le sous-titre de cette BD Gramercy Park digne des meilleurs films policiers des années 50. Un dessin magnifique mis au service d’un scénario noir superbement mené. Suspense poétique garanti.
Un chaos. Un véritable chaos. Vous mettez sur les pages, des ruches, un crapaud avec des ailes d’ange, un comptable allergique aux abeilles, une maison de repos pour fous, le toit de l’opéra de Paris, un building à Manhattan, des rubans de chaussons de danse, un meurtre, une vengeance. Vous mélangez le tout, et bien d’autres choses, et vous avez entre les mains Gramercy Park une formidable BD limpide et cohérente.
Le scénariste Timothée de Fombelle, est un écrivain bien connu de la littérature jeunesse. Son scénario pour adultes reste cependant empreint de son talent originel. Dans la plus sourde et noire réalité de la mafia new-yorkaise des années d’après-guerre, par ses mots distanciés et une voix off empreinte de poésie et de mystère, il réussit à faire parfois de son polar noir, un conte, où une petite fille, éloignée de sa mère et distante de son père, mafieux, évoque un monde imaginaire loin des contingences sordides des adultes.
Le récit est, en apparence, saccadé, haché par une chronologie chahutée, mais le tour de force de ce montage est d’emmener le lecteur avec lui, toujours plus loin, chaque page révélant de nouveaux secrets, dans une compréhension aisée. On n’arrête pas la lecture de cette BD en cours de route. Comme un puzzle magnifiquement construit, chaque page rappelle les grands films noirs américains. Hommes de main véreux, comptable pourri, flics ambigus, amours multiples et contrariés, jalousie, femme fatale, autant d’ingrédients qui tracent en contre-jour les silhouettes d’Audrey Hepburn ou d’Humphrey Bogart.
Cet univers est illustré à merveille par Christian Cailleaux, au sommet de son art. On n’attendait pas forcément dans ce registre, le dessinateur peintre, qui au cours des derniers mois s’est surtout illustré par des ouvrages de mer et de navigation. Celui (dont Unidivers peut vous annoncer en exclusivité mondiale qu’il dessinera le prochain Blake et Mortimer !) qui peint à merveille les marins au pompon à quai face à l’immensité de la mer, utilise ici de multiples techniques pour coller à la fois au réalisme et à l’imaginaire du récit. Fusain, aquarelle, encres de Chine, mine et estompe, dans un subtil mélange, détaillent à profusion des images d’immeubles ou au contraire laissent de vastes arrière-plans en blanc ou en monochromie. La voix off du récit lui a donné visiblement beaucoup de liberté permettant de ne pas paraphraser le texte magnifique et d’assurer un éclairage des scènes urbaines dignes des plus grands réalisateurs hollywoodiens.
Fidèle à l’esprit du scénario, Cailleaux multiplie les techniques et les couleurs pour donner au récit toute son ampleur. Un taxi jaune prend en filature, une voiture noire, elle-même à la poursuite d’une voiture blanche. Un triptyque exceptionnel de couleurs qui se fond finalement dans l’orangé somptueux d’une fin de journée. Dans Prévert inventeur, il avait dessiné au cordeau beaucoup de portraits d’hommes attachés au surréalisme. Affinant ici son fin trait noir, il rend le lecteur amoureux de la mystérieuse héroïne Madeleine qui élève des abeilles sur les toits d’un building. Le visage allongé et posé sur un banc comme la sculpture de Brancusi « la muse endormie » vous hypnotise par la force de son ovale parfait et poétique.
Gramercy Park est un petit parc privé et clôturé du quartier de Gramercy, dans l’arrondissement de Manhattan à New York. C’est là qu’une petite fille du nom de Billie a enterré dix-sept clés de la grille d’entrée. C’est là que peut-être est enterré le secret de l’histoire. Un chaos vous avait-on dit, mais un chaos magnifiquement agencé pour construire une des plus belles BD policières de cette année.
BD Gramercy Park.Scénario : Timothée de Fombelle. Dessins : Christian Cailleaux. Éditions Gallimard Bande Dessinée. 98 pages. 20€. ISBN 978 2 07 065756 8.
Lancé à Rennes en février 2018, à la faveur de la mode des Escape Games, Virtual Room propose un autre type de jeu. Alors que la majorité des jeux en réalité virtuelle (VR) se joue seul et ne dure que quelques minutes, Virtual Room propose deux aventurescollaboratives (jusqu’à 4 joueurs par équipe) qui durent… jusqu’à 45 minutes. Trois membres de l’équipe d’Unidivers sont allés tester pour vous l’aventure n° 1, avec un peu d’appréhension, mais beaucoup d’enthousiasme.
Impossible d’attendre avant de l’écrire d’emblée : l’appréhension a très vite disparu (oui nous étions tous capables de comprendre comment tenir les manettes et comment résoudre, avec plus ou moins de succès certes, les énigmes) et l’enthousiasme n’a fait que croître, mêlé à une surexcitation aussi bruyante qu’une horde d’écoliers dans une cour de récré !
Photo Virtual Room Rennes (sur la page Facebook)
Vous connaissez peut-être les Escape Games, sorte de cluedo grandeur nature, dans lesquels votre équipe se trouve dans une pièce et doit résoudre des énigmes dans un temps imparti pour pouvoir s’échapper. Dans les aventures de Virtual Room, vous êtes physiquement seul dans une pièce, armé d’un casque de réalité virtuelle et de manettes qui seront vos mains. Seul physiquement, mais pas virtuellement : vous êtes connectés aux autres membres de votre équipe et plongés dans une autre dimension.
La pièce fait 9 m2 et votre enthousiasme sera freiné par un signal si vous vous approchez trop près d’un mur…
Yovane, un des deux cogérants, installe à chaque joueur, chacun dans sa cabine, un casque de réalité virtuelle, un casque audio et deux manettes. Soudain, les autres membres de votre équipe apparaissent face à vous en image de synthèse et une voix vous indique la nature de l’énigme pour passer d’un espace-temps à un autre : l’Égypte Antique, la Lune ou le Moyen-Âge et on s’y croirait !
Aventure nr 1 : Année 2217.
L’heure est grave. L’équipe Alpha, chargée d’explorer le temps, a disparu. Une faille temporelle a été détectée dans le passé, risquant de faire disparaître la race humaine de la surface de la planète. Votre mission ? Constituez votre équipe Oméga (de deux à quatre membres) parmi vos plus fidèles compagnons et partez à votre tour dans les méandres du temps à la recherche de l’équipe Alpha afin de réparer les dégâts causés par la faille temporelle et ainsi sauver l’avenir du monde !
Attention, le temps vous est compté ! Vous êtes le dernier espoir de l’humanité !
Bonne chance, équipe Oméga !
Les joueurs doivent résoudre des énigmes afin d’avancer dans le jeu en communiquant ensemble grâce au casque audio. C’est là qu’intervient parfois le conflit des générations qui se transforme en une coopération :
« Oui on constate que les plus jeunes ont plus de réflexes vidéoludiques que les plus âgés » remarque Paul, un des cogérants de Virtual Room à Rennes, mais les plus âgés seront parfois aussi plus astucieux pour résoudre certaines énigmes…
À partir de 12 ans les joueurs peuvent donc venir plonger dans un espace spatio-temporel inédit, en équipe avec, pourquoi pas, papi et mamie. Chacun saura apprécier en fonction de son expérience de jeu, ou même de son inexpérience, la perfection et la beauté des décors, mais également la facilité de la prise en main de cet équipement de haute technologie.
« Certaines personnes âgées qui découvrent complètement la réalité virtuelle, oublient de jouer et regardent autour d’elles », plaisante Paul. On les comprend, c’est tentant.
Pour les groupes, une bonne manière de patienter !
Il semble utile de préciser que les joueurs ne sont jamais seuls et coachés, si nécessaire, par un membre de Virtual Room par micro interposé et quand un des joueurs, comme notre secrétaire de rédaction, se retrouve enroulé dans ses cordons à force de tirer des flèches virtuelles dans tous les sens, une âme charitable viendra également le libérer et le rebrancher afin qu’il puisse continuer le jeu. (les statistiques d’enroulement de cordons ne sont pas connues, mais il y a fort à parier qu’ils ne sont que très rares ….).
Lancé à Paris en 2017, le concept s’est très vite développé partout en France (Bordeaux, Brest, Marseille, Nancy, Orléans, Paris, Rennes, Saint-Brieuc, Toulon) puis dans le monde (Bruxelles, Bulle, Genève, Liège, Los Angeles, Singapour, Sydney).
« À Rennes nous avons accueilli près de 4000 visiteurs en huit mois », se félicite Yovane. En octobre, le groupe a lancé une deuxième aventure. « La première était davantage basée sur la découverte avec des énigmes assez simples. Là, il va falloir se creuser un peu plus la tête », décrit Paul.
Complètement novateur, on ressort de cette expérience avec l’impression d’avoir eu une vraie coupure dans le temps. Et garanti sans mal de crâne.
Paul et Yovane ont été rejoints par Quentin pour la communication en alternance. Depuis ils enchaînent les parties et les idées. « C’est beaucoup de maintenance », explique Paul, responsable de la partie ingénieure. « Mais comme ce sont des images de synthèse, les idées sont illimitées ».
Pour s’offrir une partie, comptez 25 € par personne (tarif normal, mais il y a aussi des tarifs réduits). Ce prix s’explique par le prix des machines et des casques VR, sans compter les cartes graphiques qu’il faut parfois remplacer. Le développement du jeu a nécessité le travail d’une dizaine d’ingénieurs pendant un an et demi, et cela pour une seule aventure, on imagine donc bien que Virtual Room ne peut sortir une aventure tous les six mois et que chaque aventure est réellement un petit bijou de technologie qui ne procure aucune sensation désagréable comme dans certains jeux qui donnent un peu le mal de mer ou mal des transports.
La motion sickness (mal des transports) est présente quand il y a conflit entre ce que vos yeux voient (ici, le mouvement) et ce que votre oreille interne perçoit (ici, l’immobilité). Confronté au décalage entre les informations venues des yeux et celles du système vestibulaire, le cerveau ne parvient pas à mettre à jour votre statut actuel et la confusion conduit aux symptômes de la cinétose, tel que des nausées et des vomissements, mais dans le jeu proposé par Virtual Room, ces sensations n’existent pas puisque les gestes et la vue sont en quelque sorte coordonnés.
Virtual Room.44 Rue Louis Kerautret Botmel, 35200 Rennes. De 12 à 70 ans. De 2 à 4 joueurs.
Du lundi au jeudi : De 10h à 22h. Le vendredi et samedi de 10h à 23h. Le dimanche de 14h à 20h.
25 €/personne (tarif normal)
Les demandeurs d’emploi et étudiants peuvent désormais réserver et profiter de 20% de réduction avec le code « Reduc20 » (sur justificatifs). La réduction sera appliquée sur le total et la différence pour les joueurs non étudiants/non-chômeurs (justificatif demandé) sera a régler en caisse.
Vous souhaitez utiliser vos chèques vacances ? Réservez en appelant au 02 23 35 00 52.
Offrez un bon cadeau valable tous les jours de la semaine. L’heureux élu n’aura qu’à rentrer le code présent sur le bon cadeau pour choisir le jour et l’heure ! (Valable sur les deux missions)
Pour cette fin d’année 2019, une nouvelle aventure est proposée, un peu angoissante et peuplée de zombies, elle est déconseillée aux moins de 14 ans :
Quand il n’y a plus de place en enfer… Les morts errent sur la Terre.
Prix de la meilleureinteractivité/intégration et de la meilleure immersion, 360 film festival.
En France, 8,5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Face au constat amer d’un peuple pauvre dans un pays riche, des citoyens se regroupent en associations pour combattre à leur échelle les effets de cette pauvreté, à défaut de se sentir avoir un poids sur ses causes. Nous avons rencontré et suivi les actions de Cœurs résistants, jeune association rennaise qui nous a ouvert les portes d’une de ses distributions de repas gratuits. Immersion en milieu solidaire.
5 à 10 ans, c’est selon la Fondation Abbé-Pierre (FAP) le temps qu’il faudrait pour reloger les 140 000 Français (dont 30 000 mineurs) actuellement à la rue, à condition de mettre les moyens dans un plan réellement ambitieux. Le Président Emmanuel Macron n’a, d’après la FAP, toujours pas entamé d’action à la mesure du problème que constitue le mal-logement en France (4 millions de mal-logés en 2017) malgré ses promesses répétées.
Si l’État semble hors-jeu, les associations, elles, se remontent toujours plus haut les manches. Souvent loin des regards médiatiques (hormis lors des vagues de froid ou de grandes chaleurs…), ils accomplissent l’effort de toute une communauté : apporter du soutien à ses membres les plus affaiblis. À Rennes, c’est le cas – entre autres – de l’association Cœurs Résistants.
« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)
Cœurs résistants
L’association se crée en 2016 avec pour objectif de « palier aux problèmes des habitants de la rue (…), mais également de toute personne en situation de précarité en toute impartialité et sans discrimination. » Pour cela depuis 2 ans elle a développé des actions diverses qui contribuent également à lutter contre le gaspillage alimentaire – qui est leur seconde bataille :
Le glanage de produits alimentaires, vestimentaires ou sanitaires, notamment au marché et dans les supermarchés.
Les maraudes : parcours en roulotte dans les rues de la ville avec distribution de plats chauds, les vendredis et dimanches soirs.
Les « paniers solidaires » : Distribution de repas gratuits au local de l’association chaque midi (du lundi au jeudi).
La nourriture récoltée est donnée gratuitement et sans justificatif demandé
« Heureusement qu’ils sont là, sinon on péterait un câble » un sans-abri rennais
La récupération alimentaire
Afin de pouvoir distribuer suffisamment de paniers solidaires tous les midis du lundi au jeudi, l’association a développé des partenariats avec différents supermarchés rennais. Depuis 2016, une loi oblige les supermarchés de plus de 400 mètres carrés à donner leurs invendus alimentaires s’ils sont sollicités par des associations sous peine d’une amende de 3750€ par infraction (loi qui a fait grimper ce type de don de 22 %).
L’association dispose, afin de rapatrier ces dons, d’une camionnette qu’elle a réussi à s’offrir grâce à une campagne de financement participatif qui a engendré 8600€ de recettes en juin dernier. Camionnette encore insuffisante toutefois, car les quantités récoltées par l’association sont larges : une voiture supplémentaire appartenant à un(e) bénévole est souvent « réquisitionnée » malgré les difficultés que cela implique.
Une distribution de paniers solidaires « heure par heure »
10 h : Les bénévoles ainsi que leur référent du jour préparent les lieux. Il s’agit d’un local dans la rue Legraverend, gracieusement prêté par une autre association rennaise « Et si on en parlait ? ». Certains bénéficiaires vivant dans la rue sont déjà présents plusieurs heures avant le début de la distribution. Ils reçoivent un café chaud et des gâteaux qu’ils partagent avec les bénévoles.
Devant les locaux de Cœurs résistants, au 19 rue Legraverend
11h-12h : Les bénévoles partis avec la camionnette reviennent avec les dons des supermarchés. On se salue gaiement. Chacun s’active pour vider le véhicule. Les produits frais montent à l’étage dans la « salle des frigos » tandis que les fruits, légumes et produits boulangers sont entreposés au rez-de-chaussée. La quantité et le type de produits varie selon les jours et les saisons. En quelques minutes tout est prêt.
12 h : Un court briefing a lieu avant la distribution. Les bénévoles se répartissent les différents postes, au volontariat : qui fera l’accueil, qui gérera les fruits et légumes, qui sera dans la « salle des frigos », qui assurera les allers-retours et la bonne élaboration des paniers des bénéficiaires, etc. Les bénéficiaires n’ont pas le droit d’entrer dans les locaux, d’abord du fait du manque d’espace, ensuite pour des raisons d’hygiène compréhensibles, notamment concernant les produits frais en vrac.
Le briefing prédistribution dans la cuisine de l’association
12 h 30 – 13 h 30 : Les bénévoles s’activent. Ils prennent les commandes de chaque personne venue chercher un repas, sans demander de justificatif ni de papiers quelconques. Certaines personnes repartent avec plusieurs portions pour eux et leurs proches, au maximum quatre. Là-dessus aussi, l’association fonctionne à la confiance.
Les paniers sont constitués sur place par les bénévoles selon les besoins de chacun. La distribution en elle-même dure en moyenne une heure, c’est à dire jusqu’à l’épuisement des stocks ou de la file d’attente qui s’étire devant le local.
Depuis deux ans qu’elle existe, l’association a su se faire connaître du monde de la rue. Chaque jour, elle distribue environ 200 paniers solidaires.
À la portée du local, un bénévole notifie les repas distribués
13 h 30 : Débriefing entre bénévoles, qui font les comptes du jour : combien de repas ont été distribués ? Qu’est-ce qu’il reste et que va-t-on en faire ? On se félicite assez sommairement. Pour certains qui sont là depuis des années, donner gratuitement de son temps est une habitude. Mais, comme le dit Tara, bénévole régulier : « On sent au fond de nous-mêmes que ça leur fait du bien et on a envie de recommencer à chaque fois ».
Les bénévoles sont de tout âge, toute origine.
De la rue à l’activité
Ces bénéficiaires, qui sont-ils ? L’association ne demandant aucun justificatif qui viendrait « prouver » la situation précaire de la personne, il est difficile de le dire avec précision. Toutefois devant le numéro 19 de la rue Legraverend, en discutant, nous rencontrons quelques punks à chiens, des migrants, des jeunes à la rue, des familles, des gens qui viennent de squats, des étudiants…
« Ce sont des personnes qui ont été cassées maintes et maintes fois. On veut qu’ils se rendent compte qu’ils sont encore capables de faire des choses » Simon Michel, Président de l’Association
Avec son fonctionnement 100 % bénévole, une autre des particularités de Cœurs résistants est qu’elle favorise également l’activité des personnes sans-abri. C’est un fonctionnement participatif où les bénéficiaires sont également acteurs. Pour cela, elle leur propose de devenir à leur tour bénévoles pour l’association, voire d’y acquérir des responsabilités. Les personnes « de la rue » souffrent autant de la précarité que du regard de la société ; elles sont souvent ignorées, fuies, parfois humiliées. Être utile, s’engager dans une démarche active peut être une manière pour elles de raccrocher le wagon par la revalorisation de leur savoir-faire, la reconnaissance de leur être.
Notons toutefois qu’un sans-abri sur quatre travaille.
Cœur citoyen
Cœurs résistants ne reçoit (et ne demande) aucune subvention directe de la part de la collectivité. Elle est strictement bénévole, formant un geste authentiquement citoyen de solidarité qui n’a reçu d’argent qu’à l’occasion d’une campagne de financement participatif [voir plus haut]. Elle fonctionne pourtant 7 jours sur 7 grâce à l’investissement individuel de ses bénévoles.
C’est aussi grâce à son partenariat avec l’entreprise sociale rennaise Breizh Phenix, qui a pour objectif la réduction du gaspillage et le réemploi des déchets. Elle met en relation des associations telles que Cœurs résistants avec des interlocuteurs comme des supermarchés, où ils vont pouvoir glaner la matière première de leurs dons.
L’association estime éviter le gaspillage de 31 tonnes de nourriture par an.
En outre, Coueurs résistants ouvre une épicerie gratuite à partir du lundi 14 janvier 2019 sur le campus de l’université Rennes 1. Le local se trouve au RDC d’Érève à l’université Rennes 2, campus Villejean
Portraits des bénévoles Coeurs résistants –
Quelques chiffres
Quelques chiffres de la Fondation Abbé Pierre et de l’INSEE permettent, malgré la pluralité des parcours individuels et la faible publicité que reçoit ce combat, d’illustrer les paradoxes et le défi de la pauvreté et du mal-logement en France.
4 millions de personnes sont non ou mal-logées (SDF, logement chez un tiers, logement de fortune, surpeuplement, privation de confort, etc.).
140 000 Français (dont 30 000 mineurs) sont actuellement sans domicile.
8.5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 35 % de familles monoparentales.
Une personne précaire sur deux ne mange pas à sa faim, soit 4,25 millions de personnes.
1.3 millions de tonnes de nourritures consommables sont jetées chaque année en France (par les foyers, les producteurs et les distributeurs), soit 38kg par seconde.
Tel un photographe, Gilles Paris porte la lumière sur les personnages qui habitent chacune des nouvelles du recueil La lumière est à moi, donnant l’éternité à des instants graves d’une adolescence qui marquent à jamais une existence.
Garçons, fillettes, adultes qui reviennent sur les lieux de l’enfance, les héros de ces dix-neuf nouvelles sont de différentes origines. En France, en Italie, en Amérique du Nord ou du Sud, ils appartiennent tous au pays de l’enfance. Celui qui connaît tant de bouleversements jusqu’à ce qu’on le quitte sans espoir de retour, celui où l’on vit sans parfois tout comprendre, celui dont on est en perpétuel exil.
L’âme sensible de Gilles Paris se reconnaît en ce pays. Il capte à merveille le regard de l’enfant qui ne comprend pas la violence des adultes, la disparition d’un parent, la tristesse de celui qui noie son chagrin dans les brumes d’une cigarette ou un verre d’alcool, la maladie ou la douleur qui semblent lui voler l’attention si recherchée et nécessaire à son épanouissement. L’auteur connaît ce moment où l’insouciance de l’enfant se brise ou une rupture laisse en lui une part d’inachevé que rien ne pourra guérir.
Garde-toi bien de grandir si c’est pour ressembler à tes parents.
Alors, parfois l’enfant se réchauffe à la légèreté de l’été, plonge dans les vagues d’une mer toujours présente et consolante chez Gilles Paris, respire l’air pur des montagnes, s’accroche à un ami ou un chien, convoque les fantômes, se sauve d’une acrobatie. Un soupçon d’irréel, la magie de l’enfance font oublier la réalité cruelle du monde des adultes.
Avec ces instants de vie de Brune, Anton, Rose, Ambre, Eytan, Christie, Alice, Aaron, Ruth, Tom, Ethel, Lior, Gilles Paris met en lumière la nécessité de porter une attention permanente, une proximité rassurante surtout lors d’évènements que son âme d’enfant ne peut pas appréhender.
D’une lecture à l’autre, l’homme sensible qu’est Gilles Paris nous emmène toujours un peu plus loin dans le monde de l’enfance. Jusqu’à percevoir toutes leurs sensations, leurs combats. Et ce toujours dans une nature réconfortante dont il sait nous transmettre toute la beauté.
La lumière est à moi et autres nouvelles de Gilles Paris, Gallimard collection Haute enfance, paru le 11 octobre 2018, 208 pages, 19 euros, ISBN : 9782072797958.
Gilles Paris travaille dans l’édition depuis plus de trente ans. Il a publié cinq romans, parmi lesquels Autobiographie d’une courgette dont l’adaptation cinématographique en octobre 2016 a reçu en autres deux césars.
Remarqué lors de l’édition d’avril 2018 de Le Monstre de Reservoir Danse à Rennes, Ohanamide Melvin Coppalle est une chorégraphique très inspirée de l’univers butō. Ohanamisera présenté le 11 décembre 2018 au Pont des Arts à l’Auditorium de Cesson Sévigné puis au Tambour à Rennes, le 24 janvier à 20h.
Formé au théâtre, aux arts martiaux et heureusement à la danse, avec un fort attrait pour la danse butō, Melvin Coppalle, jeune chorégraphe de 21ans, est au début d’une carrière prometteuse. Formé au théâtre, à la danse et aux arts martiaux avec un attrait marqué pour la danse butō, Melvin Coppalle est déjà un brillant pédagogue. Il compose des pièces chorégraphiques qui tendent des ponts entre les différents courants et croisent les disciplines. Sa dernière création, Ohanimi, est composée d’une succession de tableaux où l’on reconnaît les étapes d’une vie et où le style du jeune chorégraphe s’affirme, son écriture.
Entrez dans la danse de Melvin Coppalle
Unidivers : Comment vous inscrivez-vous dans la danse et plus précisément dans la danse butō ?
Melvin Coppalle : Mon univers et la danse que je défends sont effectivement très inspirés de la dansebutō. Pour autant, mes influences sont très diverses car je n’aime pas être enfermé dans un style de danse qui risquerait de me limiter dans le dynamisme de création. Disons que le butō est ma danse fondatrice dans laquelle je creuse mon propre sillage en tant que danseur et chorégraphe. Au départ, j’ai surtout été formé aux arts martiaux pendant 10 ans…
J’ai fait mes premières expérimentations à l’université en tant qu’étudiant, c’était mes premiers balbutiements en terme de création, si je puis dire. Malgré un réel travail de recherche, ce serait beaucoup m’avancer que d’affirmer savoir ce qu’est le butō. En outre, le fondateur de cette danse, Tatsumi Hijikata, disait qu’il y a autant de style de butō que de danseur.
J’ai donné plusieurs ateliers auprès d’enfants, d‘étudiants à l’université et au TNB. À chaque fois, j’essaye de proposer différentes facettes du butō que je connais, différentes manières de s’exprimer… Il n’y a pas une recette universelle en terme d’expression corporelle, le butōn’est pas exempt de défaut. Cette danse elle-même possède plusieurs générations en terme de mouvement esthétique, que ça soit avec la compagnie du Sankaï Juku, dans une démarche très contemplative, très poétique, ou bien la compagnie Dairakudakan d’Akaji Maro, très burlesque avec des connotations sexuelles, et exploitant la notion de tabou.
De mon côté, je n’ai pas eu de « maître » en tant que tel, même si spirituellement, j’en ai quelques uns en tête par ce que j’ai lu ou vu d’eux. Cependant j’ai suivi plusieurs stages et workshops auprès de Yumi Fujitani, Mai Ishiwata, Ana Ventura, et même Akaji Maro lui-même ! Mais je ne pourrais pas dire que j’ai un maître précis ou que j’appartiens à un courant bien spécifique…
En ce qui concerne l’esthétique que je défends, ce qui me transporte, c’est la volonté de plonger le spectateur dans un univers qui le fait voyager, qui le déconnecte de son quotidien, qui le déplace ailleurs… Le butōen cela peut être fabuleux dans le sens où il met en avant une universalité (dans les expressions notamment) tout en la questionnant en permanence, en jouant avec.
Quelles sont les autres sources d’inspiration que le butō dans votre dernière création Ohanami ?
Melvin Coppalle : PourOhanami (ma dernière création, en cours de diffusion) je m’inspire aussi bien du popping, que du kathakali, danse-théâtre du Kerala en Inde. Ma volonté est de rapprocher les différentes cultures entre elles tout en assumant un corps occidental. Ça fait très utopiste, mais il faut le dire : le monde actuelle est absurde, il est parfois difficile à vivre… Ce qui nous reste c’est l’espoir et j’aime à penser que je pourrais, modestement, en distiller un peu ! Cette idée est une grosse source d’inspiration pour moi, de manière générale. Je pense aussi que j’ai du mal avec l’idée de tout intellectualiser, en particulier en art… J’aime tellement l’idée de contemplation. Une phrase de ma défunte grand-mère me suivra tous les jours de ma vie. Elle disait : « Ressens en permanence le bonheur d’appartenir à ce qui te dépasse ».
Le Japon est central dans votre travail et pourtant vous n’y êtes jamais allé. Comment faire du butō sans avoir séjourné dans le pays qui lui a donné naissance alors que la tradition à laquelle le butō s’oppose est une notion prédominante ?
Melvin Coppalle : Nous pensons communément que pour avoir la compréhension totale de l’univers du butō qui m’inspire tant, il faudrait avoir obligatoirement séjourné dans le pays qui en est le berceau. La question de la légitimité pour danser le butōs’est posée plus d’une fois, malgré que j’insiste sur le fait que je ne suis pas danseur butō ! Mais c’est amusant, pour certaines personnes, il semblerait qu’il faille forcément être japonais pour toucher au butōet le comprendre.
D’autant plus étonnant quand on sait que cette danse est aussi née d’un tropisme entre le Japon et l’Occident, entre la France et le Japon en particulier, par la littérature de Sade, d’Artaud ou de Bataille, notamment. Il est vrai, cependant, que certains événements vécus par les Japonais, et qui auraient impulsés la création du butō, sont parfois assez difficiles à comprendre pour nous. Je pense notamment aux évènements post Hiroshima et Nagasaki, l’occupation américaine ou la « déclaration d’humanisation » soudaine de l’empereur Hirohito. Ça n’évoque pas grand-chose pour nous, mais pour le peuple japonais de l’époque, l’humiliation, le sentiment d’avoir été dupés par le gouvernement, l’américanisation de la société, … Tout cela représente un terreau favorable aux émergences des mouvements d’avant-garde, comme le butō.
Mais cette danse est avant tout celle qui hurle la douleurs des oubliés de la société, qui nous parle du chaos sans pour autant être enfermée dans un pessimisme ; elle s’affranchit des codes et s’amuse des tabous. Pour en revenir à la question, je pense que ce que défend le butōne concerne pas uniquement le peuple japonais… Après tout, les sociétés occidentales ont aussi leur lots d’oubliés et de tabous…
La contemplation de la nature et le rapport au temps qu’elle induit est prégnante dans votre travail.
Melvin Coppalle : La culture japonaise est très intensément imprégnée d’un rapport à la nature extrêmement fort. Pour le titre de ma pièce Ohanami, jeme réfère au hanami. C’est le mot qu’utilisent les Japonais pour évoquer la contemplation des fleurs de cerisiers qui éclosent et le thème central de ma pièce est justement la notion d’éclosion, ou de métamorphose. C’est aussi une façon de parler des différentes étapes du vécu de chacun. Éclosion puis érosion, et vice-versa. La notion de vieillesse, le temps qui passe et qui marque le corps… je trouve intéressant de sublimer tout cela. Par exemple, personnellement je trouve magnifiques les roses séchées que l’on pend la tête en bas. Elles ont une seconde vie et le rapport au temps en est modifié.
Le public a tendance à penser que le butō est une danse très lente, mais ça n’est pas tout à fait vrai. Chaque danseur de butō imprime son style personnel et le rythme de danse n’est pas du tout une règle figée. Le mouvement butōpourrait, selon moi, se résumer à cette idée là : si je pointe du doigt une étoile et que je décale mon doigt pour montrer une autre étoile, j’aurais alors fait un tout petit geste mais d’un point de vu cosmologique j’ai représenté des années lumières en quelques secondes. Le ressenti et l’intériorité du danseur sont donc primordiaux. En ce qui me concerne, je peux très bien avoir une gestuelle lente que partir dans de grandes élancées soudaines. Comme je le disais, en terme d’expression corporelle, nul besoin de règles figées.
Vous avez expérimenté différents formats de spectacles, la rue, le concert et le plateau de théâtre. Comment articulez-vous le rapport entre le danseur et le public dans ces différentes propositions ?
Melvin Coppalle : Quand je fais une performance hors-salle, je suis dans une relation très directe avec le spectateur : je peux partir dans une autre direction à tout moment, aller dans le public, alors que ça n’était pas du tout prévu au départ, passer un moment à simplement échanger un regard. Ma toute première performance s’appelle Misogi, c’est un spectacle que je joue dans la rue. Le cœur de cette forme est l’interaction avec le public, je vais le voir, le toucher, le renifler, le regarder dans les yeux pendant peut-être 30 secondes de suspension, et là, le spectacle va être entre cette personne précise et moi. L’idée est d’instaurer un dialogue permanent entre le regardant et le regardé. En somme, le spectateur devient créateur tout autant que moi puisqu’il influe sur ce qui peut se passer.
L’année dernière, j’ai dansé au Jardin Moderne avec le groupe de métal Mantra, ce qui a permis de mêler nos différents univers. C’était une expérience fantastique puisque plus rien n’était cloisonné. Le public venait voir un concert de musique métal et a finalement assisté… à un spectacle. La conjugaison des différents modes d’expression dans l’art est ce qui m’intéresse le plus. Dans la performance que j’ai présenté au Garage pour l’édition 2018 du Monstre de Réservoir Danse, j’ai décidé de rajouter du chant. J’ai également été invité à danser lors de vernissages d’exposition, un rapport encore différent, très stimulant.
J’ai commencé à montrer mes premiers travaux en 2016 à Rennes, au Jardin Moderne puis la ville de Rouen m’a invité lors d’un festival et le Mac Orlan de Brest m’a également proposé de venir faire une performance en décembre 2017. De ces premières expériences et recherches est né le spectacle actuel : Ohanami. Il s’est créé pendant mes résidences au Garage à Rennes et au Pont des Arts à Cesson-Sévigné.
Dans Ohanami, chaque tableau met en jeu une ou plusieurs métamorphoses : l’on passe d’une jeune femme assurée qui fini par se vieillir pour donner une vielle dame tremblante, d’un guerrier qui joue des codes de la virilité qui termine à croupir sur le sol comme un chien battu, d’un enfant qui hésite puis s’élance sur le plateau, etc.
Bien qu’il est possible que tout dans l’art soit politique, je ne me considère pas militant à proprement parlé. Dans Ohanamiil y a des questionnements qui émergent, des notions qui sont interrogées comme le genre, le temps, l’agonie des gens qui souffrent en silence, la vieillesse, mais elles sont sous jacentes ou plutôt latentes. Ce qui est intéressant également, c’est de recueillir les retours des spectateurs. Il semble que chacun perçoivent des choses différentes et j’aime beaucoup l’idée de créer des espaces dans lequel chacun peu projeter sa propre intériorité.
Dates :
11 décembre, 20h30 – Auditorium du Pont des Arts, Cesson-Sévigné. 24 janvier, 20h, Tambour – Université Rennes 2, Rennes.
L’artiste d’origine biélorusseYuliya Patotskaya fait partie des cent artistes réunis à la nouvelle édition de l’exposition International Surrealism Now qui se tient à la Maison de la Culture de Coimbra (Portugal) jusqu’au 19 janvier 2019. L’occasion de dresser le portrait artistique de cette jeune bretonne d’adoption.
YULIYA PATOTSKAYA
Avant de se lancer officiellement en tant qu’artiste, Yuliya Patotskaya a obtenu deux masters – un premier en Mathématiques Appliquées (Minsk, Biélorussie) un second en Science de l’Informatique (Grenoble). Elle est aujourd’hui ingénieure chercheuse en imagerie processing, « un métier visuel avec un peu de science », mais n’a jamais oublié ses premiers amours. « Aussi loin que je m’en souviens, j’adore la peinture. Je peins depuis que je suis petite, mais j’ai vraiment repris à l’âge de 19 ans ».
« Je cherche à éveiller la propre contradiction de l’humain, ses pensées et sentiments ambigus »
Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Comment l’homme la perçoit ? « Il ne suffit pas de regarder une œuvre et de passer son chemin pour en comprendre l’essence ». Les œuvres d’art se découvrent, s’observent, se comprennent et provoquent parfois des émotions extrêmes. Citons le trouble psychosomatique assez rare du « syndrome de Stendhal » ou « syndrome de Florence », appelé ainsi en référence à l’expérience vécue par l’écrivain français Stendhal lors de son voyage en Italie (surcharge d’émotions chez les voyageurs en admiration devant une œuvre d’art)…
Urban scream, acrylique
« À la recherche de la bonne combinaison entre l’abstrait et la figuratif »
Dans une quête constante autour d’une idée, d’une composition et des couleurs, le travail pictural de Yuliya Patotskaya tend à provoquer une réflexion et une émotion chez le public. Comment montrer l’énergie d’un mouvement et l’inertie de la statique ? À quel moment les yeux de l’homme commencent à identifier des objets concrets, des paysages au milieu des couleurs ? Comment fonctionne réellement la perception humaine ? Tant de préoccupations qu’elle explore dans un premier temps dans la série Space perspection (2012-2015) qu’elle considère comme un répertoire de recherches.
Heavy sky, acrylique
À l’image des paysages Etude 1 in a moment, Lilac Bush et Heavy Sky, la peintre dévoile un univers pictural empreint de romantisme. À la limite entre le figuratif et l’abstrait, elle dépeint une nature aux couleurs surréalistes et invite à découvrir des paysages imaginaires. Une impression d’inachevée (volontaire) donne à l’observateur le loisir de se laisser submerger par des émotions propres à sa vision du tableau. « Certaines œuvres sont parfois trop explicites et empêchent le public de pousser sa propre réflexion ».
« L’opposition du style gothique et du pop-art »
Son observation de la culture biélorusse l’incite à réaliser une nouvelle série : Back to the roots. Les couleurs pimpantes de la pop culture rencontrent l’histoire de son pays, cher à l’artiste : son héritage historique, ses principes spirituels et ses idéaux d’un passé dans la vie moderne des Biélorusses.
Youth is, acrylique, 52 x 84 cm
Youth is… – peinture grandeur nature inspirée du mouvement Pop-Art où de grandes figures asiatiques historiques apparaissent de manière détournée – en est un parfait exemple. « Pour beaucoup de personnes encore, la Biélorussie ne se résume qu’à un pays post-soviétique – explique-t-elle. Pourtant, l’histoire du pays commence à partir du IXe siècle et détient une période médiévale intense avec de belles traditions païennes. Le passage au christianisme est également une étape intéressante dans l’évolution de la culture du pays ».
Jaryla, mixed media, 80 x 50 cm
Dans le prolongement de cette problématique, son incrustation de strass sur un crâne de mouton dans Jaryla tente de montrer la contradiction des croyances passées avec une référence directe au dieu païen du soleil biélorusse. « Tout artiste aime expérimenter, je ne déroge pas à la règle. Je n’impose pas de limites dans l’expérimentation des idées et ne me ferme aucune porte ».
De Rennes à Coimbra : l’exposition International Surrealism Now
Initié par l’artiste surréaliste portugais Santiago Ribeiro, le mouvement International Surrealism Now a été conçu en 2010 à Coimbra (Portugal) avec une exposition d’envergure organisée par la Fondation Bissaya Barreto.
L’exposition sera présentée dans deux lieux culturels : la Casa da Cultura (« La Maison de la Culture ») et le Musée Edifício Chiado. Les peintures, dessins, œuvres numériques, photographies et sculptures voyageront ensuite vers de nouvelles contrées comme l’Espagne, la France ou la Russie.
Way of a heart, acrylique
« L’exposition permet de découvrir une palette artistique large (1). C’est vraiment merveilleux, les gens travaillent dans un style surréaliste à travers le monde ». Parmi la centaine d’artistes (49 pays), la peinture A way of a heart de Yuliya Patotskaya apporte une illusion picturale figurative propre à son travail. Au milieu d’un paysage nébuleux baigné dans une lumière éclatante, un chemin de couleur pourpre se dessine, balisé par ce qui semble être des os.
Exposition International Surrealism Now, Portugal
L’artiste transpose ici les contraintes sociétales et familiales – la morale, les règles et les préjudices, etc – en une ossature qui délimite le chemin du cœur. Architecture ancienne en ruines, pierres tombales, ou squelette en cours de décomposition, la voie du cœur se poursuit à l’infini…
Exposition International Surrealism Now, à Coimbra (Portugal) Du 17 novembre 2018 au 19 janvier 2019.
Vue de l’exposition International Surrealism Now, Portugal
Fais de moi la colère pour commencer à apprendre la sagesse… Un conte philosophique et initiatique captivant par Vincent Villeminot.
Et si on plongeait dans un monde quelque peu parallèle ? Encore que… Tout commence dans les eaux du lac Léman entre la France et la Suisse quand Ismaëlle fille de pêcheur perd son père qui se noie. Le bateau qu’il lui laisse va devenir son présent et apparemment son avenir ; ainsi elle serait vouée à prendre la suite, à reprendre l’activité familiale. Pour occuper ses matins, pour calmer ses douleurs de perte, ses chagrins. Car Ismaëlle est désormais seule au monde.
Mais les choses ne vont pas se déroulées comme visiblement annoncées. Le lac franc-suisse, comme pris d’une colère, rejette des corps, des quantités incroyables de cadavres aux ventres gonflés, des femmes, des hommes, des enfants, des vieillards. Et chaque jour, chaque nuit, un peu plus… Depuis les abysses, les profondeurs, les vases qui semblaient les retenir depuis longtemps. Et comme ces événements qui secouent les populations autant qu’Ismaëlle qui peine à comprendre ce qu’il se passe, l’arrivée du jeune homme Ézéchiel va également troubler le quotidien de la jeune femme. D’où vient-il ? Qui est ce superbe athlète couleur ébène qui se présente comme le fils de l’« Ogre », venu d’un continent africain et qui a traversé de multiples guerres ? Et qui vient affronter là une Bête curieuse, Mammon, qui nage entre deux eaux comme savent le faire les sauriens des marigots africains ? Pourquoi est-il si fascinant et que va-t-il se passer entre les deux jeunes gens ? Attirance, désir, amour ???
Vincent Villeminot nous propose son voyage dans des espaces à la fois oniriques autant que réels quand les monstruosités du moment ou de toujours (les dérives de l’argent, du sexe, de l’envie) côtoient aussi une certaine forme de poésie, de parcours initiatique émaillé de mises à l’épreuve. On ne peut passer à côté d’échos presque évidents à l’œuvre philosophique de Melville, Moby Dick. Que feront de leur vie ces deux-là, Ismaëlle et Ézéchiel ? Que deviendront-ils ? Réussiront-ils à donner sens à leur rencontre ? À leurs destins croisés ? Ou unis ? Comment affronteront-ils les épreuves qui les attendent ? Car on ne zappe pas son passé, son histoire même si l’on souhaite en construire une bien autre, une plus douce. Il est parfois nécessaire de faire table rase de certains épisodes, « tuer le père » (et parfois la mère ou les mères même si elle(s) est(sont) absente(s)) comme le clame les psys. Au bout du roman, au bout de ce premier chemin effectué par nos deux voix, deux voies se dessinent à nos deux héros de ce roman bouleversant (accepter ce monde perfectible, tenter d’en inventer un autre un peu moins cruel), on s’interroge tout autant qu’eux sur nos destins, sur les chemins que nous nous sommes choisis, que nous avons empruntés, qui se sont imposés à nous autres. Sommes-nous assez forts, assez libres, assez armés pour nous affranchir de tout et de tous pour laisser notre propre trace derrière notre passage ?
Fais de moi la colère, Vincent Villeminot. Éditions Les Escales. 280 pages. Parution : août 2018. Prix : 17,90 €.
Né en 1972, Vincent Villeminot est diplômé de sciences politiques (Paris). En 1994, il étudie également au Centre de formation des journalistes (CFJ). À l’âge de 22 ans il part en Égypte avec son épouse Claire où il participe à la création d’une université d’enseignement du journalisme français. Après avoir collaboré à plusieurs publications, dont le journal d’insertion La Rue, il se tourne vers l’écriture romanesque : il est désormais auteur à temps plein, pour les adultes comme les plus jeunes. Il compte à son actif une trentaine d’ouvrages pour les enfants, et explore aujourd’hui dans ses romans pour les adolescents plusieurs facettes du fantastique et de l’anticipation.
COSMORAMA, l’exposition des diplômés 2018 de l’École des Beaux-Arts se tient au Musée des Beaux arts de Rennes du 15 décembre 2018 au 6 janvier 2019 (vernissage le 14 décembre à 18h30). Découvrez les travaux de 34 jeunes artistes rennais.
Les diplômé·e·s 2018 de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne-site de Rennes investissent les salles d’exposition du Musée des Beaux-arts avec des travaux qui représentent l’aboutissement de leurs expérimentations et recherches dans les trois options art, design et design graphique. Lieu de rencontre et de mélange d’univers singuliers, l’exposition Cosmorama dresse un portrait élargi de la jeune création contemporaine.
“Le Musée des Beaux-arts de Rennes et l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (EESAB) de cette même ville entretiennent depuis plusieurs années des relations de travail de plus en plus fortes et, comme cela arrive souvent après plusieurs expositions, de plus en plus complices. […] Cet aperçu un peu rapide et incomplet de notre histoire commune permet de mieux mettre en perspective la collaboration naturelle entre ces deux maisons si intimement liées par l’histoire et faisant au fond partie d’un même corps. Ayant une profonde conscience de ces liens historiques, le plaisir est d’autant plus grand pour la directrice du musée, Anne Dary et nous même d’accueillir l’exposition des diplômé·e·s de l’école des Beaux-arts dont certains, plus tard participeront, nous l’espérons à enrichir les collections de nos musées avec leurs créations.” (Guillaume Kazerouni, responsable des collections anciennes du Musée des beaux-arts de Rennes)
Avec
Steven Akoun, Paul Bienvault, Margot Behr, Luc Borthayre, Anouk Chardot, Paul Cottet- Dumoulin, Sybil Dary, Alice Delanghe, Pol du Bot, Juliette Duhé, François Gérard, Fanny Gicquel, Charly Graviassy, Pauline Guémas, Victor Guerithault, Maurane Helbert, Solène Herault, Marion L’Helguen, Eunice Labor, Yann Larmor, Clémentine Lesage, Chloé Lozano, Denis Macrez, Angèle Manuali, Léa Michel, Clotilde Pointillat, Romane Poyard, Léa Pradine, Adeline Racaud, Sébastien Riollier, Julien Rivassou, Anaïs Rospars, Juliette Tardit-Wagner, Clément Wibaut.
Commissariat
Maëva Blandin
Scénographie
Léa Michel et Juliette Tardit-Wagner
Graphisme
Zoé Lecossois et Loriane Panel
Communication
Juliette Guillevin et Nadège Mingot
Informations pratiques Musée des Beaux-arts de Rennes, 20, quai Emile Zola 35000 Rennes Du mardi au vendredi : 10 h > 17 h Samedi et dimanche : 10 h > 18 h Fermé le lundi et les jours fériés.
Il y a 37 ans disparaissait Jean-Michel Caradec, l’un des auteurs-compositeurs-interprètes les plus talentueux des années 70. Célèbre auprès du grand public comme l’interprète de Ma petite fille de rêve et Ma Bretagne quand elle pleut, il a aussi composé un répertoire conséquent. Le 28 septembre 2018, grâce à l’association dédiée à la mémoire de l’artiste, est parue l’intégrale de ses enregistrements sur le label EPM.
À la fin des années 60 et au début des années 70, le monde de la variété française a accueilli une jeune génération baptisée plus tard « la nouvelle chanson française » : on y retrouvait notamment Maxime Le Forestier, Alain Souchon ou encore Francis Cabrel qui fut découvert à la fin de la décennie. C’est dans ce même contexte que s’est inscrit l’œuvre de Jean-Michel Caradec, auteur-compositeur-interprète breton qui rencontra quelques succès populaires, mais dont l’œuvre reste finalement assez méconnue. Afin d’améliorer cette situation, le 28 septembre dernier, le label EPM a réédité ses 8 albums enregistrés entre 1969 et 1981, date de sa disparition.
Photo : Polydor
Né en 1946 à Morlaix, Jean-Michel Caradec passa son enfance à Brest, apprenant le solfège et la flûte traversière à l’école nationale de musique de la ville. Mais il développa surtout son éducation musicale à l’écoute de la chanson française (notamment Trenet, Nougaro et Bécaud) et de la musique folk, en particulier celle de Bob Dylan. Cette double influence l’amènera ainsi à se définir comme « l’enfant supranaturel de Charles Trenet et de Bob Dylan ». Mais loin d’être d’un simple imitateur du « songwriter » et poète américain, il pratiquait plutôt ce qu’il qualifiait de « clins d’œil » à l’artiste dans certaines de ses chansons. Ces allusions apparaissent notamment à travers son hommage appuyé aux chansons de Dylan dans Pas en France (1975) ou ses intonations vocales traînantes et nasillardes dans des chansons telles que Parle-moi (1979).
L’édition de ce coffret nous permet ainsi de mesurer l’étendue de son œuvre, souvent occultée par le succès populaire de titres comme Ma petite fille de rêve (1974) ou Ma Bretagne quand elle pleut (1978). On retient en premier lieu sa voix chaleureuse et d’une douceur infinie, qui prend assez souvent des accents passionnés qu’il emprunte à Bob Dylan et partage avec d’autres artistes de sa génération tels que Maxime Le Forestier. On peut également y voir une certaine parenté stylistique et vocale avec Hugues Aufray, lequel avait popularisé les chansons de Dylan en France durant les années 60.
Jean-Michel Caradec lors d’un rassemblement CGT à Brest en 1978 (photo : archives municipales de Brest)
À l’écoute des chansons de Caradec, on constate que leurs thématiques restent universelles. Certaines d’entre elles expriment une véritable poétisation de la vie moderne et évoquent simultanément des univers propres aux contes et à la fiction. Il parvient même à raconter des histoires douloureuses ou sombres avec une sensibilité à fleur de peau et un réel romantisme. C’est notamment le cas dans Complainte pour un enfant et Les oiseaux volaient à l’envers, dont le texte fut écrit par le poète Kernoa. Tout en touchant à l’intemporalité, ces chansons reflètent, dans leur approche, le contexte de la fin des années 60 et des années 70, durant lesquelles l’artiste a vécu. Beaucoup d’entre elles sont traversées par des idéaux d’amour et de liberté, ainsi qu’un sentiment de révolte, jadis portés en étendard par la contre-culture hippie. Elles se faisaient également l’écho d’une saine rêverie qui semblait habiter l’artiste, cependant couplée à une vision réaliste de la vie. Cette même ambivalence transparaît de façon évidente dans Mords la vie, dans laquelle il revisite de façon « mordante » l’univers des contes de fées les plus populaires en les confrontant au réel. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle son ami Maxime Le Forestier le décrit comme « un rêveur avec les pieds sur terre ».
D’un point de vue instrumental, l’esthétique principale de ses chansons est marquée par l’influence du revival folk des années 60 incarné notamment par Bob Dylan, ou encore Joan Baez et Donovan. Elle est perceptible dans presque tous ses albums, dans lesquels il démontre son aisance au « picking », procédé incontournable des musiques folk. Cependant, ces instrumentations se caractérisaient plus largement par leur variété et faisaient parfois intervenir des parties de piano comme dans De votre âge, ou aux synthétiseurs, par exemple sur la très touchante Celui qui volera sa poupée. Il faut dire qu’étant un compositeur accompli, Jean-Michel Caradec réalisait également lui-même les arrangements de certaines de ses chansons, à l’exception de celles de Ma petite fille de rêve et Île. À cette tâche, il bénéficia toutefois de la collaboration de certains arrangeurs, dont François Rabbath sur son premier album et, dès 1974, de Jean Musy. Ce dernier, ayant déjà travaillé avec Joe Dassin pour Les Champs-Élysées, allait devenir l’un des arrangeurs les plus importants dans la chanson française et plus tard dans la musique de film. On retrouve ainsi ses orchestrations très élaborées dans l’album de Ma petite fille de rêve, dont la chanson titre fit découvrir Caradec au grand public en 1974.
Photo : Laurent Maous
Ses deux derniers albums, Parle-moi et Dernier avis, sont dotés quant à eux d’arrangements qui, à l’oreille, semblent plus orientés vers le rock et la pop développés dès la fin des années 70. Des chansons telles que Beaubourg Street (peut-être la plus étonnante) et Dors avec ton bébé illustrent bien cette évolution stylistique qui tranchait quelque peu avec le style des albums précédents. Par cette démarche, il semble ainsi avoir montré une volonté de renouvellement, ceci en adoptant des instrumentations qui étaient également expérimentées au début des années 80 par des personnalités comme Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman. Même avec ces esthétiques réactualisées et cette expression ancrée dans les canons musicaux de cette période, Jean-Michel Caradec a su conserver tout son lyrisme et une écriture toujours poétique. Sur le plan instrumental, d’autres titres comme Petit Poucet et Elle a peur de prendre l’avion ont également démontré qu’il n’abandonnait pas pour autant le jeu de guitare folk qui le caractérisait jusqu’alors.
D’une manière générale, la diversité des esthétiques expérimentées par Jean-Michel Caradec dans sa carrière lui a permis de dévoiler différentes facettes qui apparaissent comme complémentaires. Dans ce contexte, des chansons comme La colline aux coralines et Fifi l’oiseau témoignaient également d’un lien à l’enfance qu’il s’est, semble-t-il, attaché à préserver. La tendresse qu’il éprouvait à l’égard des plus jeunes l’amena même à enregistrer un album de chansons pour enfants. Le style tantôt dynamique tantôt apaisé de cet opus peut être rapproché de celui d’interprètes de la même période, tels qu’Henri Dès.
La récente sortie de cette intégrale dévoile un répertoire très riche que nous vous conseillons de découvrir ou de redécouvrir. Outre le label EPM, on doit la concrétisation de cette belle initiative à l’Association des Amis de Jean-Michel Caradec, fondée en 2008 par la fille de l’artiste, Madeline Caradec et actuellement présidée par Pascal Landuré. On éprouve un réel bonheur à écouter ces albums qui, si l’on peut préférer par purisme ceux des débuts, ne souffrent d’aucune inégalité et desquels on ne peut que se prendre de passion. Une bonne façon de réchauffer l’hiver qui se prépare…
L’intégrale des albums de Jean-Michel Caradec est parue le 28 septembre dernier sur le label EPM. L’intégrale, Edition 5 CD digipack, CD + Box, 21€ (Un beau cadeau de Noël !)
La page Facebook de l’Association des Amis de Jean-Michel Caradec est consultable via ce lien.
Le cercle des derniers libraires de Sylvie Baron puise, à l’image de ses romans précédents, sa raison d’être dans une cause à défendre, que ce soit un terroir, une profession, comme dans Les ruchers de la colère, ou des valeurs humaines, comme dans Rendez-vous à Bélinay.
Elle demandait des convictions, de la persévérance, de la résistance, de la combativité. Tout ce qu’il fallait en somme pour faire vivre une librairie indépendante et s’imposer face aux sirènes trop faciles de la vente en ligne. » (Le cercle des derniers libraires, pp. 32-33).
Le style de Sylvie Baron se caractérise par une fluidité qui rend l’histoire très accessible. Le vocabulaire est riche, parfois familier en fonction du personnage qui parle, mais jamais vulgaire. Sylvie Baron est une grande dame qui sait se tenir ! Les nombreux dialogues sont vivants, parfois drôles, percutants ; bien construits, ils font réellement progresser l’enquête. Pas de blablas inutiles…
Sylvie Baron
L’auteure possède le sens de la formule, comme en témoigne cet extrait :
« Interroger les libraires, ce n’est pas non plus interviewer les lauréats du Goncourt. Et puis tu m’emmerdes avec tes minauderies de dame patronnesse. » (Le cercle des derniers libraires, p. 17).
Contrairement aux précédents romans, les descriptions de paysages sont beaucoup moins présentes dans Le cercle des derniers libraires, mais toujours aussi lyriques :
« Derrière les maisons hautes et sévères percées de rares ouvertures, derrière les portes fières solidement fermées se cachaient en fait de nombreux hôtels avec d’admirables fenêtres à meneaux, des échauguettes en encorbellement et des cours Renaissance entourées de splendides balustrades. Quelle harmonie entre le vieux pont de la ville basse, les maisons agrippées au rocher et toutes les ruelles de la ville haute qui convergeaient vers la place d’Armes, où se trouvait la cathédrale ! » (Le cercle des derniers libraires, p. 32)
… et poétiques :
« En cette fin d’après-midi automnale, les pâles rayons du soleil jetaient des traînées de lumière qui ruisselaient comme des diamants sur les pierres grises des façades. Sur la montagne, en quelques jours, les arbres avaient sorti le grand jeu en répandant partout leur flamboyante chevelure ponctuée d’or. » (Le cercle des derniers libraires, p. 105).
L’intrigue : Adrien Darcy, cycliste de haut niveau et journaliste sportif, victime d’un grand accident qui l’empêche de remonter sur son vélo, se voit confier par son rédacteur en chef une mission pour le moins insolite : mener une enquête sur les trois meurtres de libraires perpétrés ces trois derniers mois à Aurillac, Brioude et Chamalières. La police, qui ne semble pas avoir abouti dans ses investigations, n’a ni suspect ni piste sérieuse. Les trois victimes, propriétaires de librairies indépendantes, appartenaient toutes au Cercle des Derniers Libraires, association créée par Emma, libraire à Saint-Flour. Hasard ? Vengeance ? Jalousie ? Les mobiles ne manquent pas, tout comme les suspects, malgré la difficulté d’établir un lien entre les trois meurtres. Si Adrien veut obtenir des informations de la part d’Emma afin de démêler cet écheveau inextricable, il n’a pas le choix : l’associer à son enquête. C’est à prendre ou à laisser !! Et les voilà embarqués dans une sordide histoire de jalousie… Sauront-ils démasquer l’assassin avant que celui-ci ne tue sa quatrième victime, le 20e jour du mois de novembre ? Rien n’est moins sûr…
Les personnages, peu nombreux, sont toutefois bien affirmés, avec de l’épaisseur, notamment les portraits féminins, très humains, revendiquant, chacun à leur manière, leur liberté d’esprit. Le cercle des derniers libraires présente des portraits psychologiques d’hommes et de femmes dont l’auteur décortique habilement les motivations, les passions, les peurs et les blessures. Ce que j’aime dans les personnages de ce roman est qu’ils sont très humains, avec leurs qualités et leurs défauts.
Les thèmes : les librairies, la culture littéraire, la lecture, remparts contre un monde de plus en plus dépersonnalisé, anonyme et indifférent.
Les lieux : Dans ce roman que je qualifierais d’intimiste, les descriptions de paysages sont moins présentes. Ce sont les villes qui sont privilégiées, dans des aperçus loin des descriptifs formels, comme Saint-Flour, « cité de caractère pleine de clins d’œil architecturaux, de détails insolites, de secrets cachés. Un véritable tableau d’histoire pour qui savait prendre le temps de la découvrir. » (pp. 31-32).
La plume de Sylvie Baron est comme le vin, elle se bonifie avec le temps. Ses romans précédents étaient déjà appréciables, malgré une petite tendance au manichéisme dans la conception de ses personnages. Mais avec Le cercle des derniers libraires, Sylvie Baron a su gommer ces petits défauts et faire éclore de sa chrysalide un magnifique papillon !
De nombreuses qualités pour Le cercle des derniers libraires : son discours objectif quant au métier de libraire et au marché du livre. Bien qu’elle défende la profession avec chaleur, elle ne mâche pas ses mots, comme à son habitude :
« Une librairie est un commerce si particulier, un lieu de vie, de rencontres, de partage, un relais pour les événements culturels, un lieu d’exposition, d’idées, d’annonces… L’indifférence des politiques à leur égard la révoltait. Certains élus ne se rendaient même pas compte qu’ils perdaient là un trésor inestimable… » (Le cercle des derniers libraires, p. 36)
Sylvie Baron n’hésite pourtant pas à présenter les arguments adverses, dans un esprit de fair-play remarquable.
Le + : La mise en avant très rafraîchissante de personnages ou de lieux qui ne suivent pas les canons de la mode, mais qui affirment leur personnalité propre, leur tempérament atypique, dans un monde où l’uniformité est loi. L’aptitude de l’auteure à mettre en mots les émotions les plus intimes sans jamais émettre de jugement.
Le ++ : Les nombreuses évocations littéraires, que ce soient des œuvres, des personnages, par exemple le patronyme d’Adrien. Et l’immense clin d’œil à la reine du crime sans qui le canevas de ce roman n’aurait pu exister.
« Il fallait agir, arrêter l’hécatombe, se battre, s’aider, se serrer les coudes, organiser des manifestations, sensibiliser le public, faire prendre position aux élus. » (Le cercle des derniers libraires, p. 37).
Sylvie Baron, Le cercle des derniers libraires, Éditions De Borée, 13 septembre 2018, 260 p., 20€.
Le samedi 8 décembre a lieu à Rennes l’inauguration de l’oeuvre Revolving History. Cette sculpture intégrée à l’architecture du Couvent des Jacobins est réalisée par l’artiste Laurent Grasso. Rendez-vous sur le parvis du Couvent des Jacobins, place Sainte-Anne, à 11h30. Présentation.
Né en 1972 à Mulhouse, Laurent Grasso est un artiste plasticien français, pensionnaire de la Villa Médicis pendant la saison 2004-2005, lauréat du Prix Altadis en 2005 et du Prix Marcel Duchamp en 2008 à l’occasion de la FIAC 2008 à Paris. Il travaille avec la vidéo, le dispositif, l’installation. Les créations de Laurent Grasso forment des dispositifs énigmatiques qui font écho à des expériences scientifiques passées. Laurent Grasso propose de mettre en lumière les énergies non visibles qui traversent le monde. En ce sens, c’est un artiste énergéticien.
Laurent Grasso
Dans le cadre du 1% culturel du Couvent des Jacobins – Centre des congrès. Laurent Grasso a conçu une oeuvre située dans l’encadrement des baies d’origine de la nef du Couvent. Chacune des quatre baies accueille vingt-sept prismes triangulaires en laiton, soit cent huit modules. Intégrés dans la forme ogivale des anciens vitraux, les modules sont animés d’un mouvement rotatif synchronisé. La mise en mouvement de leur surface doré, extrêmement réfléchissante, vient successivement refléter l’environnement extérieur et intérieur, de même qu’elle redouble le mouvement de la course du soleil et les variations de luminosité ambiante. Très visible de l’extérieur, l’oeuvre crée également une animation à l’intérieur de la nef.
En accord avec d’autres projets de grande envergure créés pour l’espace public (Soleil dans la Nuit, 2012, ou Solar Wind, 2016), Revolving History interroge la manière dont les œuvres d’art apparaissent dans la ville. Quelques mois après sa dernière exposition personnelle à la galerie Perrotin, l’artiste propose une nouvelle énigme visuelle qui, pour la première fois, sera permanente. Chaque baie est équipée de vingt-sept prismes triangulaires laitonnés, soit cent huit modules. Ces modules, intégrés dans les nervures des anciens vitraux, tournent de manière synchronisée. Le mouvement de leurs surfaces dorées en forme de miroir reflète alternativement les environnements extérieur et intérieur, de la même manière qu’il magnifie le trajet du soleil et les variations de la lumière ambiante. La rotation lente, qui implique toujours un éblouissement ou une irradiation, produit une sensation d’étrangeté hypnotique.
Oeuvre de Laurent Grasso
En se référant aux Dreamachines de Brion Gysin, l’historien d’art Arnauld Pierre rappelle qu’il s’agit d’un motif récurrent dans la méthode de travail de Laurent Grasso qui « organise des points focaux d’attention, ce qui constitue l’une des premières conditions pour une descente dans l’hypnose.
Oeuvre de Laurent Grasso
Le mouvement lent et cohérent des prismes suggère une activité, inventant ainsi la fiction d’une opération réelle. Ensemble, ils forment un objet non identifiable, qui reste visible de loin par son rayonnement, suscitant la curiosité tout en refusant de donner une réponse définitive quant au but de leur présence. L’utilisation du laiton fait écho à l’esthétique des machines et instruments scientifiques, de la Renaissance au XIXe siècle (microscopes, sextants, théodolites, antenne de Tesla), que l’artiste a souvent revisités ou transformés en objets sculpturaux afin de remettre en question leur promesse fictionnelle ou l’énigme de leur fonction. Vue de l’extérieur – simulation « l’idée d’un intérieur / extérieur, d’un passage symbolique d’une époque historique à une autre, d’une intrigue de va-et-vient est souvent le moteur derrière mes installations. (Laurent Grasso) »
Oeuvre de Laurent Grasso
Une histoire qui tourne suggère une rotation de l’histoire, une diffraction du temps. Intégré à la sculpture d’un édifice religieux du XIVe siècle, il constitue une intersection entre un matériau historique et scientifique et un système cinétique. Visible de l’extérieur, l’œuvre crée également une animation à l’intérieur du nouveau bâtiment transformé en centre de congrès.
Oeuvre de Laurent Grasso
« L’idée d’un filtre appliqué à la réalité m’intéresse beaucoup. De même, l’idée d’un monde parallèle, d’univers qui coexistent, d’un voyage dans le temps (Laurent Grasso). » L’Histoire en rotation propose une réflexion sur l’apparition de l’image et le contrôle du regard par un système d’observation et de représentation. Déjà présent lors de l’exposition personnelle de Laurent Grasso au Jeu de Paume intitulée « Uraniborg » (2012), dans laquelle des fenêtres en verre biseauté s’interposaient entre le spectateur et les œuvres, Revolving History réinvestit le cadre traditionnel de la fenêtre. Ce motif, qui a souvent été représenté dans les peintures de la Renaissance, a servi d’exemple à Alberti pour la conceptualiser, puis conçu « comme une fenêtre ouverte à partir de laquelle l’histoire racontée peut être considérée». Elle fait partie d’une vision séculaire de la fenêtre comme ouverture sur une autre réalité, qu’elle soit rêvée, déformée ou simplement représentée, avec une approche résolument futuriste et cinétique. Le cuivre des prismes, leur rotation parfaitement synchronisée et la diffraction de l’environnement qu’ils effectuent sont des moyens de proposer une altération de notre perception et de nous projeter dans un autre espace-temps.
Le groupe rennais ATOEM est un duo de machinistes dont les explorations sonores plongent dans un océan de symphonies analogiques et spatiales. L’enfant ATOEM naît dans le cosmos rennais. Il est le fruit d’une union charnelle entre Brian Eno et les Floyds, sous l’aura d’une techno perçante. Ses deux astronautes, Antoine Talon et Gabriel Renault, ont ouvert à Unidivers les portes de leur fusée…
Unidivers : Depuis deux ans vous avez bâti un univers artistique bien particulier : deux EPs, Ruins (2017) et Voltage Controlled Time (2018), dont les titres oscillent entre références à la science et au mythique, des visuels et des clips à base d’ordinateurs ou de paysages spatiaux, vous êtes aussi passionnés d’astrophysique. L’idée de cosmos a-t-elle une place dans votre musique ?
Antoine Talon (ATOEM) : Le cosmos c’est une source d’inspiration infinie ! Même en étant très féru de science, on se rend compte qu’on n’en sait pas forcément beaucoup plus, d’où cette inspiration.
Gabriel Renault (ATOEM) : Les grands espaces, l’inconnu, le gouffre ont quelque chose de très mystérieux qui nous laisse rêveurs. Comme des gosses on se retrouve à regarder les étoiles, à réfléchir, à en discuter.
ATOEM
Ruins EP
Blue
Unidivers : Commençons à décomposer l’ATOEM. Cela fait des années que vous faites de la musique ensemble. Mais vos parcours musicaux sont très différents l’un de l’autre, n’est-ce pas ?
Antoine Talon (ATOEM) : Pour ma part, je n’ai jamais suivi de formation musicale. Mon père m’a appris les rudiments de la guitare et j’ai continué à jouer, en autodidacte et passionné. Dès le départ, donc, ma vision de la musique était plus expérimentale qu’académique. Ensuite, j’ai découvert les joies de la synthèse : synthétiseurs, boîtes à rythmes, etc. On a intégré des synthétiseurs dans un de mes premiers groupes de rock. À partir de quinze ans, j’ai eu envie d’en fabriquer moi-même. Étant jeune, je voulais devenir guitariste, ou, si ça ne marchait pas, luthier. Quand j’ai découvert les machines, j’ai alors envisagé de faire de la lutherie électronique. J’ai fait des recherches qui m’ont permis de comprendre en profondeur les différents composants électroniques, en faisant toujours des parallèles avec la musique. Une chose en entraînant une autre, j’ai commencé à me construire mon propre matériel, à le réparer, à le modifier. Finalement, ma formation a davantage été scientifique que musicale. Je me suis intéressé aux mathématiques, à la physique. Une fois maîtrisés ces phénomènes, la technique du son paraît relativement simple.
Gabriel Renault (ATOEM) : De mon côté, je suis batteur percussionniste. J’ai étudié une dizaine d’années à la FLUME. J’ai suivi une formation académique qui m’a permis d’aborder de nombreuses facettes de la musique percussive : les percussions africaines, l’orchestre symphonique, les musiques actuelles. J’ai eu plusieurs projets avant ATOEM. Avec des amis de lycée, j’avais un groupe de hard rock et heavy metal. On faisait des reprises, puis des compositions. C’est à cette époque que j’ai rencontré Antoine et d’autres amis qui cherchaient un nouveau batteur. Ils sont venus me voir directement alors que je me préparais pour une répétition. On a commencé à partager des bières ensemble, des soirées, des influences communes, et puis on a commencé à jouer ensemble.
Unidivers : Justement, ces influences musicales, quelles sont-elles ? Vous évoquez souvent votre côté rock.
Gabriel Renault (ATOEM) : Oui, ce sont nos premières influences. Nos parents en écoutaient énormément, ils nous ont transmis ces références : Jimi Hendrix, les Doors, les Floyds, les Stones, Led Zeppelin. On ne peut pas renier cette composante originelle, au contraire, on la célèbre. Toute cette vague du rock psyché des années 1960-1970 nous influence beaucoup. Ensuite, il y a la vague New Wave : Depeche Mode, New Order, Moroder. Kraftwerk, surtout, qui mettent le synthétiseur au centre de leur œuvre. Ce sont ce genre d’artistes, ou encore des constructeurs, comme Robert Moog, qui nous ont donné envie d’enrichir notre formation avec des synthétiseurs. Le projet ATOEM s’est construit à partir de toutes ces influences et d’un paysage musical plus large : la disco, la synthpop, l’italo disco. Par exemple, on utilise beaucoup les arpégiateurs, ces suites de notes mises en boucle qu’on retrouve dans l’italo disco. Encore après, il y a la vague plus directement électronique : la techno, les artistes de Détroit (Jeff Mills, Kevin Saunderson, Derrick May) et le paysage électro en général. Plus récemment, il y a un groupe qu’on suit de très près : Weval. On adore leur travail, leur type de son. C’est de la musique électronique, mais avec des éléments organiques, un mélange qu’on aime bien.
Unidivers : Aux vues de vos influences larges et de cette idée de mélange, la notion de syncrétisme semble importante dans votre musique. Comment est-ce que vous définiriez votre style qui semble se placer à la croisée de différentes esthétiques musicales ? Qu’est-ce que vous cherchez à provoquer chez vos auditeurs ?
Gabriel Renault (ATOEM) : Les faire danser et planer surtout. On veut utiliser le temps du concert pour faire voyager le public. On est dans la même mouvance que la vague psychédélique des années 1970 dont on parlait. On ne veut pas massacrer le public avec un BPM [Beats Per Minutes] élevé, mais plutôt le faire décoller.
Antoine Talon (ATOEM) : On décrit souvent notre musique comme de la techno, mais on ne fait pas de techno pure. On reste souvent sur des rythmes assez naturels à 120 BPM, 125 à la fin. Au long du set, on essaie de raconter une histoire, on traverse plusieurs styles. Au début, on est plutôt dans de l’électronica avec une composante rock. Ensuite, on arrive sur une phase un peu dance, puis très planante. Enfin, on termine sur de l’acide. Mais toujours avec de l’organique derrière : de la voix, des percussions, de la guitare, en plus des nombreuses machines.
Gabriel Renault (ATOEM) : C’est ce côté organique qui apporte le groove et la chaleur à une musique qui peut apparaître très froide et répétitive au premier abord. Le mélange est important. On ne fait pas du rock avec des éléments électroniques, mais l’inverse, de la musique électronique teintée de rock.
Guénolé Tréhorel – Photographie
Unidivers : Une fois que vous aviez esquissé votre ligne musicale, vous avez dû trouver un nom : ATOEM (prononcé atome), qui peut évoquer tout à la fois l’élémentarisme du vivant et la complexité de la science. Mais un mystère se cache dans ce nom, c’est le déplacement du E d’atome, qui forme une clé de compréhension cryptique. Que signifie donc ce nom pour vous, que dit-il de votre univers musical ?
Antoine Talon (ATOEM) : Notre nom cache beaucoup de nos références. D’abord, il y a une référence quasi directe à l’album Atom Heart Mother des Pink Floyd, dont on est de grands fans. Mais on a voulu l’écrire avec cette orthographe pour mentionner une autre de nos passions : l’égyptologie. ATOEM devrait se dire Atoum. C’est une des premières divinités égyptiennes, le démiurge. Il n’a pas créé le monde ex nihilo, mais il a façonné la matière. Des écrits disent que Atoum se mit à penser et qu’il advenu de lui-même, ce qu’on peut relier, par exemple, à la physique quantique, une de nos grandes passions aussi.
Gabriel Renault (ATOEM) : Ce qui nous intéresse ici, c’est l’idée de création. C’est ce qu’on fait aussi dans notre musique. Notamment grâce à notre synthétiseur modulaire qui permet une infinité de possibilités. On aime bien ce parallèle entre création de matière et génération de sons étranges qu’on intègre à notre musique.
ATOEM Antoine Talon Gabriel Renault
Unidivers : Vous reliez donc la référence cosmogonique à un univers machinique proche de la science-fiction. Une ancienne description du groupe parlait de vous comme de « fils de la machine ». Pouvez-vous nous parler de votre rapport aux machines, plus précisément, à l’analogique ?
Gabriel Renault (ATOEM) : C’est presque du fétichisme en fait. On les collectionne, on scrute les nouvelles sorties, les prix des machines qu’on rêve d’avoir et qu’on ne peut pas encore se payer. Il y a toute une mode autour des machines analogiques, donc les prix sont délirants. Dans notre musique, l’analogique apporte l’aspect de performance, avec ses aléas. Le set est différent à chaque fois, bien qu’il suive une macro-partition.
Ô, machines !
Unidivers : Vous avez aussi construit un synthétiseur modulaire, dont on ne sait s’il est un troisième membre de l’équipage ou bien le réacteur principal de la fusée ATOEM. Pouvez-vous nous expliquer quelle est la nature de cet instrument et ce qu’il apporte concrètement à votre musique ?
Antoine Talon (ATOEM) : Les synthétiseurs classiques ont leurs modules précâblés à l’intérieur. Dans un synthétiseur modulaire, les modules peuvent être patchés entre eux de différentes manières. Tout est à faire et à défaire. On utilise le principe de la synthèse soustractive, non pas chromatique, mais sonore. On part d’une source, d’un oscillateur qui va générer une onde généralement riche en harmoniques, des signaux sinusoïdaux, carrés, triangles, les ondes de bases donc. On va ensuite les appauvrir par filtrage, les moduler, les plier. Puis, on restitue cette onde électronique mécaniquement pour qu’elle arrive finalement à vos oreilles. Donc, c’est comme n’importe quel synthétiseur, sauf qu’on peut créer tout type de son avec. La création est plus flagrante.
Gabriel Renault (ATOEM) : Par rapport à notre musique, le synthétiseur modulaire apporte un côté spatial. À tout moment, on peut ajouter un effet ou une séquence aléatoire qui vont enrichir l’ensemble. Il faut savoir aussi que c’est un instrument qui peut parler tout seul. Des sons s’y autogénèrent constamment et on peut les moduler à l’infini, ce qui crée une esthétique sonore atypique.
Antoine Talon (ATOEM) : Il y a une esthétique visuelle aussi, c’est de la belle machine ! La première fois que j’en ai vu, j’ai pensé que c’était l’instrumentation de l’ISS, que c’était magnifique et que j’en voulais un ! En plus, maintenant on travaille avec un technicien lumière qui nous a proposé d’écarter les modules pour faire passer de la lumière derrière, ce qui permet de faire passer des faisceaux lumineux à travers les modules. C’est grandiose ! Il y a presque un côté religieux.
Unidivers : Vous avez été rapidement repéré par un des programmateurs des Trans Musicales, et vous faites partie cette année des groupes accompagnés par le festival. Pouvez-vous nous parler de cette aventure ?
Gabriel Renault (ATOEM) : Oui, on a eu la chance d’être sélectionnés pour être accompagnés par l’ATM. On était fous ! On savait ce que ça représentait : un suivi personnalisé, la tournée des Trans, un apprentissage du métier de l’artiste avec des ateliers personnalisés sur la communication, la structuration légale de l’artiste, les moyens de vivre de sa musique. C’était un grand plaisir et une marque de confiance qui nous a touchés et nous encourage à vouloir continuer dans la musique.
Unidivers : Cette première étape vous fait envisager une suite de votre carrière artistique ?
Antoine Talon (ATOEM) : En ce moment on fait entre dix et quinze heures de musique par jour, on dort à peine. Non seulement on aimerait bien continuer à jouer, mais on aimerait aussi travailler pour le cinéma. Notre musique est très cinématographique. On pourrait sortir nous-mêmes des courts-métrages de science-fiction, ou travailler en collaboration, si on nous propose.
Unidivers : Vous êtes rennais d’origine, cette année, vous jouez pour la première fois aux Trans Musicales, à un chouette créneau et dans le plus grand hall, une réaction ?
Gabriel Renault (ATOEM) : On la chance d’avoir un spot comme ça. C’est excitant, mais aussi très effrayant. On n’a jamais joué sur une aussi grande scène, devant un tel public. On assiste aux Trans depuis dix ans, on sait comment est l’ambiance à cette heure, on a hâte de voir si on fait décoller un hall ! Mais oui c’est une consécration dont on rêve depuis qu’on est gosse. Quand on a commencé la musique, les Trans nous paraissaient inaccessibles. Petit à petit, quand on voit que ça marche, qu’on arrive à sortir des trucs nous-mêmes, que ça plaît, qu’on arrive à se faire repérer, ça prend une autre dimension. Le rêve se transforme en objectif. Et quand on vient toquer à notre porte et qu’on nous fait cette proposition, ça devient un projet qui se concrétise. C’est une consécration pour tout musicien rennais ou du Grand Ouest, pour tout musicien tout court.
Retrouvez ATOEM en concert durant le festival des Trans Musicales de Rennes, hall 9 du Parc des expositions, vendredi 7 à 4h20.
Du 15 novembre au 7 décembre 2018, la ville de Rennes et ses partenaires associatifs proposent différents rendez-vous pour dénoncer les violences faites aux femmes. Dans ce cadre, un temps d’échange a eu lieu à la Maison des associations lundi 3 décembre 2018, présenté par Ernestine Ronai. Cette grande représentante de cette cause majeure rappelle en chiffres ce qu’est aujourd’hui la condition féminine en France.
Ernestine Ronai a proposé un temps d’échange aux Volontaires en Service civique de Rennes ; moment de sensibilisation pour certains, de (re-) découverte pour d’autres. La chance aussi de présenter leurs questionnements et de recueillir les avis éclairés d’une personne active et influente dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
Car lorsqu’on aborde cette question en France, le nom d’Ernestine Ronai n’est jamais loin. Différentes interventions médiatiques auront fait découvrir au public cette petite femme (grande par ses convictions) qui cumule les responsabilités notoires dans son domaine : Responsable de l’Observatoire départemental de Seine–Saint-Denis des violences envers les femmes, Coprésidente de la Commission : « Violences de genre » au Haut Conseil de l’Égalité Femme-Homme, accessoirement officière de l’Ordre national du mérite et de la Légion d’honneur.
C’est alors qu’elle est psychologue scolaire (son ancienne profession) qu’elle découvre l’ampleur du fléau que connaît le « sexe faible », notamment dans la sphère conjugale et qu’elle décide de s’engager dans cette lutte contre la violence faite aux femmes, qu’elle mène depuis à bras le corps. « À la fin de ma carrière de psychologue scolaire, une mère sur deux à qui je posais la question admettait être victime de violences conjugales », déclare-t-elle, laissant une bonne partie de son auditoire bouche bée.
Volontaires en Service Civique rennais – temps d’échange sur la lutte contre les violences faites aux femmes
« Vous êtes plus en danger chez vous que dans un parking la nuit » Ernestine Ronai aux volontaires en service civique
Ernestine Ronai a rappelé que le terme « violence » englobait aussi bien la violence physique que sexuelle (harcèlement, viol, exploitation, etc.), psychologique (harcèlement, humiliation, dévalorisation, menaces, etc.) ou encore matérielle/économiques (réduction de l’autonomie, contrôle des ressources financières ou matérielles, empêchement de travailler, etc.). Elle a aussi souligné qu’une des grandes difficultés pour les victimes reste la prise de conscience de leur condition de victime. En effet – et contrairement à la croyance populaire – les violences faites aux femmes ont très majoritairement lieu à la maison, au sein du couple.
« J’ai longtemps cru que la violence conjugale ne me concernait pas, parce que mon mari ne me battait pas, mais, en fait, j’étais si soumise qu’il n’avait pas besoin de me frapper pour que je fasse ses quatre volontés. La violence physique n’est apparue que quand j’ai commencé à résister». (Marie-France Hirigoyen, extrait de l’ouvrage « Femmes sous emprise, Les ressorts de la violence dans le couple »
Du cyberharcèlement au psychotrauma en passant par la différence entre « conflit » et « violence », l’échange a été aussi complet qu’ouvert pour un public (principalement féminin) que nous avons senti en mal de solutions face à un quotidien parfois compliqué, dans les lieux publics comme à la maison.
2018 aura été une année charnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes, avec entre autres les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, les scandales dans le milieu du cinéma et plus récemment les manifestations #NousToutes, qui ont permis une mise en valeur médiatique du problème et la mise en place d’actions à l’échelle nationale (comme ces journées de sensibilisation).
La campagne de communication lancée par le gouvernement le 30/09/18 : « Réagir pour tout changer » ; et les nouvelles sanctions pour lutter contre les violences sexuelles ou sexistes répondent à un cri de plus en plus sonore des femmes françaises. Mais la « Grande Cause du Quinquennat » comme l’a nommé le Président de la République semble ne pas encore employer tous les moyens (notamment financiers) nécessaires à une réelle amélioration de la situation [cf. fin du reportage vidéo, ci-dessus]. Ernestine Ronai parle par exemple d’une nécessité de multiplier au minimum par six le budget alloué au parcours de sortie des femmes victimes de violences pour qu’il soit réellement efficace… Espérons que 2019 saura prendre la relève.
Quelques chiffres
Pour illustrer le défi que représente la lutte contre les violences faites aux femmes, nous avons regroupé quelques chiffres significatifs [source : stop-violences-femmes.gouv.fr] qui témoignent de la situation en France.
En 2017, 130 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, soit une femme tous les 2.8 jours. Dans le même ,temps ce sont 22 hommes qui ont été tués par leur compagne. Toutefois 70% de ces crimes ont été commis par des femmes victimes de leur défunt mari.
En moyenne chaque année, 219 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint. Moins de 1 victime sur 5 déclare avoir déposé plainte.
94 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de viol et/ou de tentative de viol sur une année. 9 victimes sur 10 connaissaient l’agresseur. 1 victime sur 10 déclare avoir déposé plainte.
99% des personnes condamnées pour violences sexuelles sont des hommes.
Depuis l’émergence du mouvement #MeToo, le nombre de victimes de violences sexuelles connues des forces de sécurité sur une année a augmenté de 23%.
Et si on voyait tout valser, les codes, les habitudes, et si on s’affranchissait un moment, un seul, pour aller au bout de soi-même et peut-être se découvrir autrement, plus authentique, avec l’illusion de la liberté totale…
L’éducation transmise aboutit généralement à ce que nous devenons, à ce que nous sommes, à ce que nous transmettons ensuite à notre tour. Parfois tout se déroule ainsi, sans que nous ne remettions nécessairement en cause quoi que ce soit. Mais parfois, les choses se grippent et on envoie tout valser. Ça c’est à l’adolescence, quand on traverse cette période transitoire où, troublés par nos hormones, nous voudrions tenter autre chose que les schémas de nos parents, notamment en matière de relations avec nos amis, nous petites ou petits amis, mais aussi nous rêverions de nous opposer à tout, ne serait-ce que pour affirmer la force de notre caractère, asseoir notre identité, prouver au monde, aux autres que nous sommes capables de libre arbitre. Penser par soi, pour soi et non se montrer conforme aux diktats de nos aînés.
Et si cette période de remise en question se passait plus tard, quand on a, toute sa vie durant, été fidèle à l’éducation reçue et observée pendant longtemps. Trop longtemps, beaucoup trop longtemps. C’est ce qui se passe dans la tête de Harold Cummings, qui, a soixante ans, décide de prendre la tangente. Ce jeune retraité de l’ingénierie, alors que sa femme Millie est partie soigner sa sœur Doris pendant plusieurs jours, décide de « devenir » enfin l’adolescent rebelle qu’il n’a pas été et qu’il regrette, alors qu’il arrive doucement à l’automne de son existence. Trop vite. Vont alors s’enchaîner à un rythme effréné des faits qu’il ne soupçonnait pas quelques jours auparavant et qui vont le transformer totalement. Pour le pire, peut-être ? Mais pas nécessairement…
Steven Boykey Sidley
Le roman de Steven Boykey Sidley est également à tiroirs, car, si l’on suit avec une application presque scolaire l’évolution de notre anti-héros (qui finira par devenir un héros ordinaire presque malgré lui), l’auteur s’attache à nous dépeindre les caractères bien trempés et surprenants de son épouse si rangée, de ses enfants, partis au loin mener leur vie, rejetant celle-là même de leurs parents. Pour du mieux, pour du plus grand ? Pas nécessairement. Mais les aspirations des générations d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec celles d’antan. Encore que… Les repères, le cadre, l’attention, l’amour traversent les modes et les temps et moquent pas mal les époques. Évidemment, Harold Cummings paraissant toujours trop parfait, trop lisse, trop prévisible a fini par lasser les uns comme les autres. Même certains de ses amis…
Cette tragicomédie ne manque en tout cas ni de relief ni de couleurs. La vie de Harold Cummings va basculer tout comme la nôtre pourrait basculer si nous en avions le désir, si nous étions en capacité de lâcher-prise. Encore faut-il le désirer… Et nul besoin de s’afficher comme rebelle pour vivre l’extraordinaire. (Les choses passent de l’ordinaire à l’extraordinaire avant tout pour nous seuls). Au final, si notre homme passe quelques jours fous, goûtant à certains fruits défendus par la morale de bien-pensants souvent coincés dans leur certitude ou sous le diktat d’une religion, d’une politique, il n’en est pas moins généreux et doté d’un cœur immense, animé par le respect, la tendresse et la main tendue.
Mais pour partager cette expérience quelque peu surprenante pour un personnage en apparence si sage, il faudra l’accompagner dans son voyage initiatique, oui initiatique, oui celui-là même qu’il ne s’était pas autorisé en d’autres temps !
À lire pour sourire… À lire aussi pour réfléchir quant à nos trajectoires, nos désirs, nos frustrations…
Harold Cummings prend la tangente, Steven BOYKEY SIDLEY. Éditions Belfond – 270 pages. Parution : octobre 2018. Prix : 20,90 €. Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Catherine Gibert.
Fondée par le danseur et chorégraphe rennais Mike Hayford, Zombeavers est une compagnie de danse hip-hop bretonne composée de six danseurs parmi les plus titrés de la région. En première partie de la pièce Elektrik de la chorégraphe Blanca Li, Zombeavers donnera en avant-première une nouvelle création vendredi 7 et samedi 8 décembre 2018 au Triangle, cité de la Danse. Déjà 20 ans de carrière pour le fondateur de Zombeavers, Mike Hayford. Rencontre avec un danseur à la réputation internationale.
Unidivers : Avant de parler de l’actualité de la compagnie Zombeavers, j’aimerais revenir sur votre carrière. La culture hip-hop a toujours été votre drogue que consommez sans modération…
Mike Hayford : Inconsciemment, la danse a toujours été une passion. J’ai baigné dans cet univers pendant toute mon enfance. Mon père – collectionneur de vinyles – m’a fait découvrir la culture funk, hip-hop et rap. Il était passionné de danse et a enseigné à mon grand frère, devenu un grand danseur dans les années 80. Ma grande sœur danse également. Comme tout enfant, je voulais ressembler à mon grand frère et les voir danser me donnait envie de faire de même. Sans oublier la base de tous les garçons au monde : Michael Jackson (rires). J’adore les films à effets spéciaux et la gestuelle et la mécanique du robot m’ont servi d’inspiration pour développer mon style.
La maison de quartier de Villejean proposait des cours de hip-hop animés par le professeur de danse André Descamps… Tout a commencé là, j’avais 14 ans.
Unidivers : Vous êtes multichampion du monde de popping et surnommé depuis « le roi » du popping. Comment passe-ton de votre expérience locale à Rennes à une renommée internationale ? Le changement n’a pas été trop brutal à l’époque ?
Mike Hayford : L’ascension a été soudaine, et je n’ai pas forcément vu les choses arriver. Quand j’ai intégré le collectif Imperial 35, j’étais très jeune. Nous avons participé à plusieurs concours, notamment le titre le plus prestigieux du Grand-Ouest, le Breizh Battle. Parallèlement, je suis entré dans la compagnie Rencontre du 3e style avec mon ami d’enfance Bruce Chiefare. Ces expériences m’ont permis de me perfectionner en tant que danseur professionnel. Rencontre du 3ème style est le premier groupe breton à s’être externalisé hors de Bretagne pour concourir dans des compétitions au niveau national. Les battles s’organisaient par catégories à cette époque, la mienne était le popping – du funk style, du hip-hop debout.
En 2002, Bruce Ikanji (organisateur du grand battle de l’événement Juste Debout) faisait partie du jury et la même année, j’ai remporté le Popping Contest, championnat de Bretagne Popping. Juste Debout venait à peine d’être créée et il m’a invité à participer. Malgré son jeune âge, l’événement est devenu national l’année suivante. Nous avons remporté la compétition avec une danseuse parisienne. La récompensée, un billet d’avion vers la destination de notre choix, m’a permis de participer à la compétition la plus prisée du monde : B-Boy Summit (Los Angeles). J’ai approfondi mes techniques et ai remporté le prix… ce qui a entrainé une renommée plus internationale. Dans la foulée, j’ai remporté le prix du U.K B-Boy championship de Londres (2005).
Ma deuxième participation à Juste Debout en 2006 – avec Salah, vainqueur de l’Incroyable Talent – a également été un succès. Remporter le prix deux années consécutives était une première.
Unidivers : À partir de quand avez-vous ressenti l’envie de développer une association ?
Mike Hayford : C’est venu beaucoup plus tard. De 2006 à 2014, j’ai enchaîné les concours, les tournées et faisais partie de plusieurs compagnies : Force 7, Aktuel Force ou encore la Compagnie Moral Soul et EthaDam.
Lors des différentes conférences que j’ai animées, je me suis rendu compte que la nouvelle génération ne connaissait pas l’activité hip-hop en Bretagne. Cette constatation m’a fait l’effet d’une claque et l’idée d’une association m’a semblé légitime. En 2009, on a créé un groupe Groove Control – Ilioh Eketor (Danseur Hip-Hop au sol), Iron Mike (Danseur Hip-Hop debout), Diablo (Danseur Hip-Hop au sol), Cambo (Danseur Hip-Hop au sol), Lindux (Danseuse Hip-Hop debout), Skara’B (Danseur Hip-Hop au sol), Fresh (Dj), Simba (Rappeur), Oslim (Beatboxeur).
Le seul moyen de partager un savoir n’est pas seulement de parler, mais aussi de créer.
Le crew de renommée internationale Avengers Crew (créé en 2013) m’a également sollicité. Parallèlement West coast project est né en collaboration avec Doc Brrown en 2014. L’idée était d’organiser des stages, des soirées et des conférences quand l’occasion se présente. Je me suis rendu compte des connaissances que j’avais accumulées, mais pas assez partagé.
Unidivers : Une direction reprise dans Zombeavers avec qui vous allez vous produire en première partie de Blanca Li. Un peu stressé, sans doute ?…
Mike Hayford : En effet, et pour plusieurs raisons… Zombeavers – créé en parallèle de l’association – est constitué de six jeunes au potentiel incroyable avec qui j’avais envie de travailler. Lors de sa création, nous avons remporté le concours chorégraphique en Bretagne Hip Hop en scène à Quimper dans la catégorie Show. À la suite de cette victoire, la ville de Quimper et la Hip Hop New School d’Ali Ahamed nous ont accompagnées dans le développement de notre projet. Ali a permis à Zombeavers de répéter dans les locaux afin de présenter une version développée du premier show. Les invitations aux différents battles ont suivi – à Concarneau et au Hip hop International – et les danseurs ont vraiment commencé à passer pro dans pas mal de compagnies. Alors que je fête mes 20 ans de carrière, je souhaitais créer un événement.
Revenir en tant que chorégraphe émergent est un véritable honneur et un rêve qui se réalise. Je ne pensais pas cela possible.
Après un premier rendez-vous avec Sandrine Poutel, elle m’a proposé de participer à cette édition au caractère spécial. À l’époque, elle ne voulait pas me dire le nom de la chorégraphe (rires). Plus la date approche, plus je me rends compte de l’ampleur de cette représentation. Quand je vois la programmation, le résumé de Blanca Li, je repense au film Le Défi et à tout ce qu’elle a entrepris donc oui, une pression s’installe obligatoirement…
Mike Hayford
Unidivers : En vous écoutant, on comprend aussi que c’est important que l’événement se produise à Rennes, en Bretagne…
Mike Hayford : Indirectement, nous avons évolué ensemble avec Sandrine. J’ai un passé avec le festival et nous nous sommes souvent rencontrés sur différents événements. Elle était par exemple une des présentatrices au Breizh Battle. Le temps d’une nouvelle collaboration était venu. Elle m’a surtout senti prêt. C’est une pression autant pour elle que pour moi, car un coup de projecteur a été mis sur cet événement et je ne la remercierai jamais assez. Je me dois d’assurer par rapport à toute l’énergie et la confiance qu’elle a placée dans le groupe et moi. Je ne peux pas nous placer sur un pied d’égalité, mais être programmé dans la même soirée qu’une chorégraphe comme Blanca Li est extraordinaire.
Le premier challenge est envers Rennes. Il va me découvrir sur différentes formes que juste compétiteur.
Unidivers : Sans trop en dire, à quoi doit s’attendre le public qui va assister au spectacle ?
Mike Hayford : Ils s’imaginent peut-être un spectacle spécialisé dans ma catégorie. La particularité de Zombeavers est le développement de styles différents. Chaque danseur dévoile son identité tout en s’insérant dans un univers commun, unis sur une même scène. J’aimerais juste qu’ils ne s’attendent pas à un spectacle commun, celui que l’on peut retrouver tous les jours dans les shows et festivals de pur Hip-Hop.
Cette création propose un univers différent, l’univers de la Bretagne. Zombeavers a été fondé afin de valoriser cet aspect-là. Les danseurs ont toujours su mettre en avant l’originalité des Bretons dans les compétitions. Quand Junior, Linda (Hayford), Bruce (Chiefare) et moi-même nous sommes faits connaître, nous avions certes une catégorie connue, mais nous proposions une nouvelle manière de bouger et d’appréhender le hip-hop. Nous n’avons pas formé toute la nouvelle génération, mais elle a indirectement suivi cette impulsion… Cette particularité est propre à la Bretagne et a toujours fait partie de nos points forts.
Zombaevers s’installe dans ce nouvel univers avant tout grâce aux danseurs et aux choix que j’ai faits en sachant le potentiel qu’ils avaient en étant plus jeunes et qui s’est confirmé avec les années. Le show est basé sur des critères hip-hop, mais il montrera également à quel point le hip-hop peut être élevé. De nombreux chorégraphes doivent le dire, mais si nous avons le même message c’est pour une raison, ouvrir les yeux aux gens qui pensent que c’est une discipline limitée.
Unidivers : Un avis sur la culture hip-hop à Rennes, notamment la nomination du collectif FAIRE à la direction du Centre Chorégraphique National qui prend ses fonctions en janvier 2019 ?
Mike Hayford : Une grande vague culturelle s’est soudainement élevée à Rennes, j’ai l’impression. Je ne parle pas seulement de la danse, mais également en termes de restructuration. Différents projets ont été créés : la Compagnie Engrenages, le Triangle, la Compagnie Frénétik, l’événement Vortex, la danse hip-hop à l’opéra grâce à Stan. D’autres se renouvelaient, l’asso West coast project, Bruce avec la compagnie Flocus, Linda avec la compagnie Insid’out ou encore Engrenages qui fête ses 15 ans. Cette renaissance de la culture hip-hop est importante à relever.
À cette Période La Bretagne a retrouvé sa richesse au niveau hip-hop.
Au même moment, le choix de la nouvelle direction du CCN a été annoncé. Les choses renaissaient avant qu’ils arrivent, mais le collectif va pouvoir accompagner et donner de l’impulsion aux futurs projets intéressants développés sur Rennes. De nouvelles perspectives s’ouvrent. La culture hip-hop va certes évoluer, mais le fait qu’un collectif hip-hop reprenne les commandes ne signifie pas que seule cette discipline sera valorisée. Leur nomination va permettre de passer à un niveau supérieur et la France regardera plus en direction de l’Ouest. C’était déjà le cas au niveau des danseurs, mais vis-à-vis des événements et de la structuration de la danse, les choses ne peuvent qu’évoluer…
Zombeavers en première partie de Elektrik, Blanca Li – Le Triangle, cité de la danse, Boulevard de Yougoslavie, Rennes. Vendredi 7 décembre 2018 à 20 h et samedi 8 décembre 2018 à 18 h. Durée 1 h + 1ère partie 15 minutes.
Le choix des cadeaux de Noël approche, mais comment choisir parmi les centaines de BD parues ces dernières semaines ? Unidivers vous aide en vous suggérant quelques albums incontournables. Par genre et par paire.
Commençons par deux albums graphiques au style inimitable et résolument avant-gardiste. Brecht Evens et Les Rigoles (Actes Sud) est incontestablement l’une des surprises majeures de cette année. Enchaînant les doubles pages explosives de vie et de couleurs, dans un graphisme unique, le dessinateur met en place de multiples personnages dont le destin va se croiser dans une brasserie quartier des Rigoles. Une jubilation graphique majeure.
Même caractère d’exception pour Cyril Pedrosa qui, avec le tome 1 de L’Âge d’or (Dupuis, collection Aire Libre), aidé par Roxane Moreil au scénario, atteint les sommets. Portugal, Équinoxes avaient déjà montré l’extrême diversité du talent de l’auteur. Cette fois-ci, il s’empare d’un roman médiéval pour écrire une œuvre politique et poétique actuelle, où se côtoient le féminisme et les rêves d’une société meilleure. Enluminures dignes d’une saga historique, une BD majeure pour un auteur majeur.
En matière de roman graphique, ce genre en vogue, nous vous proposons la BD Serena de Pandolfo-Risbjerg (Sarbacane) où le dessin apporte le meilleur à un texte d’un romancier important. L’écriture de Ron Rash, dans la tradition des romans noirs américains, décrit le portrait d’une femme prête à tout pour réussir au lendemain de la Grande Dépression. Quand le dessin et la mise en page subliment un récit lourd et poignant.
Même force de récit avec Malaterre (Dargaud) où Pierre-Henry Gomont, sans l’aide d’un texte d’écrivain comme dans Péreira prétend démontre sa maîtrise d’un récit élaboré avec une signature graphique originale. Il décrit un salaud que l’on aime bien, inconséquent, mais touchant. L’occasion aussi de dessiner de magnifiques planches où le fouillis apparent dissimule un trait précis et juste.
Changeons de registre avec des armes à feu qui pétaradent et tirent à tout va. Près de nous les années 1980 sont le cadre de l’album Il faut flinguer Ramirez (Glénat) où Nicolas Pétrimaux flingue de la première à la dernière page, à la manière cinématographique de Tarantino. Un contrat passé par un cartel mexicain sur Ramirez, et tout explose dans une richesse de dessins et de mise en page haletante. Une BD que l’on ouvre et que l’on ne referme pas. Pas d’armes à feu sans western. Nous vous proposons « Texas Jack » de Armand et Dubois (Le Lombard), récit efficace et superbement mis en image d’une célébrité locale, à la précision et rapidité de tir sans égal, qui doit un jour se confronter au terrible Gunsmoke. La réalité dépassera-t-elle le spectacle ? 120 planches efficaces seront nécessaires pour donner la réponse dans ce récit qui reprend tous les codes du genre.
Après ce monde de brutes et de violence, une petite pause avec de l’humour et de la tendresse. On peut classer dans cette catégorie le tome 4 de L’Arabe du Futur de Riad Sattouf (Allary éditions) dont l’objet va bien au-delà de ces thèmes, mais qui sait les utiliser pour traiter un sujet plus sérieux. Présentation supplémentaire inutile compte tenu d’un succès mérité. On reste dans les mêmes hautes sphères de tirages avec le tome 5 des Vieux Fourneaux (Dargaud). Cauuet et Lupano poursuivent leur aventure avec nos trois vieux compères anars qui cette fois-ci se rebellent à Paris dans un épisode convaincant et qui utilisent toujours les mêmes ingrédients : formules à la Audiard, révolte contre l’ordre établi et un zeste de tendresse.
Gravir les sommets, c’est ce que fait Jean Marc Rochette avec le coup de cœur d’Unidivers de ces derniers mois : Ailefroide. Altitude 3954 (Casterman). Le dessinateur alpiniste raconte sa passion pour la montagne, les rencontres amicales qui en résultent, les joies et la mort fréquente au bout de la route. Servie par un dessin où le bleu inonde l’espace, cette BD séduira les initiés, mais aussi tous les amoureux de nature et de destinée humaine. Un succès mérité consacré par l’édition récente d’une parution de luxe grand-format en noir et blanc.
Dans le même registre du récit vécu, même si le ton est plus léger, on ne peut oublier Dans la combi de Thomas Pesquet (Dargaud), ouvrage de Marion Montaigne, qui dans une approche « humoristico-vulgarisatrice », raconte les joies et les vicissitudes du célèbre spationaute français. Un mélange réussi qui permet au lecteur de s’immerger complètement dans l’action d’un tel engagement professionnel.
Côté Histoire, avec un grand H, le discret Jean Dytar a frappé un grand coup avec Florida (Delcourt). On connait le sens de la précision et de la justesse historique du créateur qui avec son dernier album aborde de manière intelligente la conquête des Amériques par les huguenots. Géopolitique, débuts de la cartographie, dans cet album l’ancien professeur d’Arts plastiques évoque de manière moderne des thématiques anciennes avec une justesse de ton qui est sa marque de fabrique.
Histoire aussi, mais celle de l’impressionnisme cette fois-ci que Néjib débute avec Swan : Le Buveur d’absinthe (Gallimard). Le dessinateur de Stupor Mundi n’hésite pas à reprendre un thème mille fois traité, mais qu’il renouvelle avec son trait minimaliste replaçant la naissance du mouvement pictural dans un monde en totale effervescence. Allez sans hésiter du côté de chez Swan.
Deux inclassables pour terminer : Moi ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris (Monsieur Toussaint Louverture). Succès mondial imprévu pour ce journal intime tenu par une jeune fille fascinée par des êtres monstrueux. Un dessin, une narration qui laissent pantois et sans voix. À découvrir d’urgence.
Autre “bizarrerie” pour terminer, l’inclassable Courtes Distances de Joff Winterhart (Cà et Là) qui raconte à travers la rencontre de deux personnages que tout oppose, une balade quotidienne pleine d’empathie, de poésie et de mystère dans la banlieue londonienne. Les cases silencieuses valent des milliers de traités de psychologie dans cette balade qui cherche au profond de l’âme humaine.
Et n’oubliez pas : l’emballage compte, mais le contenu est essentiel. Bonne(s) lecture(s).
Du 8 au 22 décembre se tiendra une double exposition « Putov et les Poètes » aux médiathèques de Plélan-le-Grand et Paimpont. Alexander (dit Sacha) Putov est un peintre russe, qui a vécu et travaillé en France à partir de 1986, et en Bretagne, dans le village de Plélan-le-Grand à partir de 2000.
Sacha Putov
D’abord émigré en Israël en 1973, où il participe à de nombreuses expositions, il se lie à Paris au mouvement « Art-Cloche », et fait partie intergrante de la vie artistique underground parisienne, travaillant dans les squats avec des artistes du monde entier. En Bretagne, il peint des paysages dans le Finistère et en Brocéliande, ainsi que de nombreux dessins épurés, créés malgré la maladie de Parkinson qui est diagnostiquée en 2003. Il décède en novembre 2008 à l’hopital Pontchaillou de Rennes.
En octobre 2017, Louise, la fille de l’artiste est partie sur les traces de son père dans les différents pays où il a crée : Russie, Israël, Suisse, Canada, afin de recueillir des témoignages, retrouver les œuvres éparpillées de par le monde, et promouvoir l’oeuvre de son père. De retour au pays, elle a l’idée d’organiser une exposition à la médiathèque de Plélan-le-Grand, dernier lieu d’habitation du peintre, en commémoration des 10 ans de son décès. L’idée est vite amenée d’organiser une double exposition dans les médiathèques de Plélan-le-Grand et Paimpont, sur le thème des poètes.
Nous avons fait le choix de ce thème, au vu de l’importance des textes lus et de la fréquentation des poetes sur l’évolution du chemin artistique de Putov. Au cours de sa vie, il a illustré une vingtaine de poètes différents dont Mandelstam, Dante, Khlebnikov, fréquenté et travaillé avec des poètes maintenant très connus en Russie (Alexei Khvostenko, Henri Volokhonsky, Leonid Goubanov), et composait lui même des textes en relation avec ses dessins.
L’exposition de Plélan, « Le Chemin poétique d’Alexander Putov », retrace les différents thèmes et périodes de l’oeuvre de Putov liée aux poèmes : compréhension sensitive de l’oeuvre (travail sur Mandelstam, Dante et Khlebnikov, et poèmes d’Alexander Putov illustrant ses dessins), Création commune (travail en commun avec Alekcei Khvostenko, Henri Volokhonsky, Andrei Lebedev, Mikhail Bogatyrev), Virtuosité (illustration des poèmes de Jean-Pierre Rosnay, Leonid Goubanov, Vadim Delaunay, Victor Krivouline, livres peints).
L’exposition de Paimpont, « dialogue du peintre et du poète » se concentre sur le travail sur l’oeuvre de Velimir Khlebnikov en 1989-90, dont Putov illustre les 250 pages du livre « Créations » à même le livre, travail suivi d’une série de 43 peintures sur carton illustrant les poèmes. Une belle occasion de découvrir un poète desormais mythique en Russie, et le regard du peintre sur son œuvre.
Vernissage le samedi 8 décembre à la médiathèque de Paimpont, à 18h, avec lecture de poèmes de Khlebnikov en bilingue.
En marge de l’exposition : Exposition-Vente d’oeuvres d’Alexander Putov, toiles, dessins, sculptures, livres, cartes postales, le dimanche 9 décembre à la grande salle de l’Inter’val, Plélan-le-Grand. Pour toutes les bourses – Prix entre 2 et 1000 euros. Catalogue des oeuvres visible sur www.alexanderputov.fr/décembre2018
Exposition visible du 8 au 22 décembre aux horaires des médiathèques.
Spécial programmation TRANSMUSICALES ET BARS EN TRANS 2018 à Rennes les 5,6, 7, 8 et 9 décembre 2018. Culture Club pose ses caméras au bar Quai13 de Rennes, quai Lamennais. Invités : Jean-Louis BROSSARD des Transmusicales, Philippe LEBRETON des Bars en Trans. En live, découvrez REDEYE. Un partenariat TVR / Unidivers.
« Nées en 79, les Rencontres Trans Musicales de Rennes sont vite devenues bien plus qu’un festival. Et, avec l’Ubu dans l’aventure comme nouveau terrain d’action au quotidien depuis 87, elles ont changé leur manière de se penser, de se mettre en oeuvre et de se vivre.
Alors aujourd’hui, nous actons cette transmutation particulière où deux n’en font plus qu’un. Le festival et la salle au service d’un même projet où nous explorons la musique, curieux de tout ce qu’elle peut nous apporter, avec cette conviction que l’inconnu vaut toujours la peine d’être vécu et que le futur se décide au présent. Et, tout simplement, pour dire ces convictions autrement, notre nom : LES TRANS ! » (Jean-Louis Brossard des Transmusicales)
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« Depuis plus de 20 ans, Bars en Trans s’emploie à dénicher les groupes français dont on parlera demain. Rendez-vous les 6, 7, 8 ET 9 décembre 2018 !
Vingt ans. Le bel âge. Vingt ans que l’association 3 P’tit Tour organise Bars en Trans et vingt ans que chaque année en décembre on se plie en quatre pour que le rock, la pop, l’électro, le rap, la chanson investissent en masse ces lieux qui nous sont chers à tous, les café-concerts et les bars de notre centre-ville..
Vingt ans, c’est le bel âge, mais aussi celui où tout commence. Pour vous, comme pour nous. Alors une fois encore, nous comptons sur vous pour montrer que l’esprit Bars en Trans n’a jamais été plus vivant que maintenant en investissant en masse les rues et les cafés de notre ville pendant ce festival que nous prenons autant de plaisir à fabriquer que vous en avez à le vivre. » (Philippe Lebreton des Bars en Trans)