Décembre, la magie de Noël va commencer. Plaisir ou corvée, il faut trouver le meilleur cadeau pour chacun. Les livres proposés par la rédaction s’adaptent à tous les budgets et toutes les passions.
Pour les amateurs d’art, ce beau livre ne peut que déclencher un soupir d’admiration aussitôt le cadeau déballé. Une exposition à la fondation Louis Vuitton nous rappelle qu’il fut une icône du New York des années 80. Jean-Michel Basquiat (Taschen) : cette monographie grand format rassemble les œuvres les plus marquantes de l’artiste dans des reproductions exceptionnelles. Ce peintre d’avant-garde, pionnier de la mouvance underground, mort d’une overdose à l’âge de vingt-sept ans laisse des peintures explosives aux multiples résonances.
La photographie en noir et blanc se révèle aussi un art dans le superbe album de Melani Le Bris, Dans l’oeil du chat (Zulma, octobre 2018). Les amoureux des chats retrouveront dans ces clichés l’animal sauvage et indépendant qui semble ici nous regarder. Trois grands écrivains, Ananda Devi, Hubert Haddad et Carole Martinez y ajoutent une histoire inspirée de leurs perceptions félines.
Côté cuisine, soyons dans l’ère du temps avec Les chefs cuisinent Vegan (La plage, octobre 2018). Plus de 40 recettes, simples ou sophistiquées, toujours gourmandes.
Découvrez 90 évasions pédestres à travers les plus beaux endroits de la planète. Les plus beaux endroits où marcher (Gründ, octobre 2018) est un livre grand format enrichi de photos spectaculaires qui invitent au voyage, et d’informations pratiques indispensables pour préparer vos expéditions.
Pour continuer sur la découverte et le respect de la nature, offrez aux passionnés de lecture le dernier roman de Richard Powers. Grand prix de la littérature américaine 2018, L’arbre-monde (Cherche Midi, septembre 2018) est un récit polyphonique grandiose qui rappelle l’urgence de l’action pour sauver la nature face aux besoins de prospérité perpétuelle du consommateur.
Mais s’il y a un roman à offrir cette année, c’est bien Le lambeau (Gallimard, avril 2018) . Dans ce récit intimiste, profondément touchant, Philippe Lançon, rescapé de l’attentat de Charlie Hebdo en 2015 raconte la douleur physique et morale mais surtout le long chemin de reconstruction de son visage et de son état mental. Ce livre a reçu le Prix Femina et le Prix spécial Renaudot 2018.
Pour les petits budgets, les éditions Poche revêtent leurs habits de fête. C’est l’occasion d’offrir des romans intemporels qui ne peuvent que plaire aux lecteurs curieux et avides de belles histoires. Folio propose de retrouver Le coeur cousu de Carole Martinez, une histoire d’héritage matriarcal dans l’Espagne du XIXe siècle. Chez 1018, laissez-vous embarquer par Le garçon sauvage de Paolo Cognetti en version collector.
Je finirais avec deux albums à offrir aux plus jeunes, deux récits illustrés indispensables pour enseigner des valeurs d’humanité.
Le premier est l’adaptation graphique du roman culte de Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, adapté et illustré par Fred Fordham (Grasset, octobre 2018). Un livre essentiel pour comprendre le respect, la tolérance avec Scout, une fillette espiègle et curieuse. Notamment lorsque son père avocat s’engage dans la défense d’un homme noir accusé de viol.
Khaled Hosseini, auteur et Dan Williams, illustrateur, envoient Une prière à la mer (Albin Michel, septembre 2018). Un père raconte à son fils la légende de Homs, qui n’est autre que leur histoire familiale, celle d’un exil dangereux. Une manière de parler aux plus jeunes de la vie des migrants.
(Aux inconnus qui comme moi…) ou quand Alain CADEO s’inscrit dans notre quotidien par des petits textes qui font mouche à chaque mot, à chaque phrase.
Exercice pour le moins complexe et risqué de chroniquer un livre d’Alain Cadéo, comme ce fut le cas pour ses deux derniers romans, Zoé et Chaque seconde est un murmure, parus chez Mercure en 2015 et 2016. Car on n’aborde pas Cadéo aussi facilement. C’est qu’il écrit si merveilleusement le bougre qu’on n’ose s’y frotter sous peine de paraître bien pâlot, voire totalement hors les clous sinon ridicule. Mais comme Alain Cadéo sait aussi manier l’humour, il ne tardera pas à tourner en dérision les petits marquis, les petits fats que sont parfois les journalistes. Nonobstant, le bonhomme est charmant, mais sans pitié pour les pantins.
Et c’est encore le cas avec Des mots de contrebande. Cette fois, le maestro – et ce n’est en rien une flatterie -, car il manie aussi bien la plume que le clavier de son piano, planqué dans ses montagnes du Var, nous offre un florilège de ses réflexions, de courts textes qui sont le reflet de son regard bleuté sur l’existence, le temps qui passe, la nature, ses rencontres, ses réflexions, ses lectures et sa passion : l’écriture. Tout en poésie, tout en vérité, tout en mots, il « plumette » et griffe le vélin à propos de rien, mais à propos de tout et surtout cette étrange comédie humaine qui anime la vie des uns comme des autres.
Ce que l’on perçoit rapidement, et c’est ce qui force l’attachement tant à ses pastilles qu’au poète auteur c’est cet art qu’il cultive depuis toujours à mettre du sens là où nous n’en mettons pas ou plus, à mettre de la couleur dans un monde de plus en plus diaphane, à mettre de la mélodie dans des quotidiens de plus en plus cacophoniques, à mettre des saveurs dans des existences de plus en plus insipides.
Photo issue de la page Facebook d’Alain Cadéo
Cadéo n’est pas un homme du passé, un adepte du « c’était mieux avant », mais avec grâce, il nous propose par petites touches un retour à l’essentiel : le luxe de la simplicité. Cadéo est un philosophe antidote à l’ennui, à la vitesse du temps qui passe et nous dévore, Cadéo est une invitation au voyage, un voyage vers une paix intérieure alors que le monde gronde de toutes parts, alors que les uns ne rêvent que de pouvoir sur les autres. Cadéo c’est la passion des mots qui n’ont qu’une seule destinée : nous toucher pour nous apaiser à nous autres tourmentés.
Embarquer pour Des mots de contrebande, c’est accepter de se retirer de tout ou presque pour se poser, rêver, réfléchir, lire et relire, et relire, et seulement prendre du plaisir. Un plaisir qu’il offre sans artifices, défait de tous ses oripeaux, un plaisir pur pour notre plus grand bonheur. Et c’est heureux !
(extrait) Mérite de la discrétion Il y a ceux qui se battent comme des chiffonniers pour un lopin d’autorité. Et ils ont du mérite. Il y a ceux qui couinent, vocifèrent et klaxonnent à tous les coins de rue, perpétuels insatisfaits. Et ils ont du mérite. Il y a ceux qui grommellent des lois dans leurs bureaux climatisés. Et ils ont du mérite. Il y a enfin les silencieux. De leurs grands yeux étonnés, ils regardent ce monde qui n’est pas tout à fait le leur, puis se retournent et disparaissent dans l’ombre de leurs derniers sous-bois, pleins de questions, prenant bien soin que personne ne les suive, effaçant la moindre trace de leur fuite. Et eux n’ont qu’un mérite, celui d’être discrets.
« Alain CADEO mouche le mot, le verbe, pour ne retenir que le souffle de son être, se saisir de sa beauté.
Sang bleu, sang d’encre, dès matines, la main grave sur le papier la grandeur humaine, sa complexité…
C’est tellement merveilleux de voir les pleins et les déliés façonner l’ombre de l’homme qui marche, qui tourne le dos au monde… »
Préface : Willy LEFEVRE
Des mots de contrebande. Alain Cadéo. Éditions La Trace .140 pages. Parution : décembre 2018. 16,00 €.
Sculptures, installations et œuvre sonore, la saison 2018-2019 de la Galerie du Crous de Rennes se poursuit en trois dimensions. Du mercredi 5 au mercredi 19 décembre 2018, l’espace blanc et vitré du 20 rue Saint-Hélier exposera le travail de cinq étudiants en arts à Rennes et Quimper : Julia Berrubé, Johanna Cartier, Anatole Pinel, Tarquin Pons et Reda Boussella. Présentation.
Les photographies et bandes dessinées de l’exposition Nuit Blanche laisseront prochainement la place aux sculptures et installations de l’exposition Catastase initiée par cinq étudiants, pour la majorité en fin de cursus.
Comment donner une unité à des travaux venus d’horizons différents ? Comment écrire une histoire à partir d’œuvres sans réelle connexion entre elles ? Leurs précédentes expositions, réalisées dans le cadre de leur formation, les ont menées à s’interroger sur la notion de collectif, l’unité d’une exposition et le dialogue entre les œuvres. Préoccupations qui n’en sont qu’aux prémices puisque le projet s’inscrira dans une continuité courant 2019.
Terme d’origine grecque qui désigne la troisième partie d’une comédie dramatique ou tragédie, la catastase correspond à la partie où l’intrigue se noue. Elle succède à l’épitase, le développement central de l’action… c’est cette montée en puissance dans l’histoire que les étudiants ont choisie pour contextualiser leur exposition. À l’image d’une pièce de théâtre, les œuvres seront mises en scène et joueront le rôle d’acteurs statiques. Un arrêt dans le temps et l’espace avant que l’action ne rebondisse, donnant ainsi l’occasion de découvrir les projets : s’en approcher, les contourner, les éviter… au final composer en fonction de leurs volumes et de l’espace libre.
Avec une sculpture de la chute d’un cheval sculpté grandeur nature, Reda Boussela – seul étudiant à l’EESAB de Quimper – interroge le construit et « les persistances rétiniennes anachroniques ». La légèreté de la bâche en plastique rencontrera la lourdeur du plâtre dans un jeu de perception. Entre mouvement et paralysie, l’étudiant-artiste questionne la définition de la sculpture classique et détourne l’image de l’équidé – maintes fois reprise dans l’Histoire de l’art.
Les sculptures abstraites en plâtre de Tarquin Pons contrasteront avec le figuratif de la majorité. Issu de la Science-fiction, son répertoire de formes devient un outil pour se jouer de la mémoire et des stéréotypes de l’Art.
Tirant son inspiration du combat de chien, Johanna Cartier met en exergue ce sujet tabou, mais bien réel. La référence au théâtre se matérialisera par l’utilisation d’un rideau comme médium et son activation automatique aléatoire ou manuelle. Son pendant, une sculpture de chien de concours, tisse un fil rouge entre les deux œuvres. En opposant la fluidité du rideau de la première à la lourdeur du béton de la seconde, elle pointe du doigt la maltraitance animale à travers des disciplines qui (malheureusement) perdurent. Une mise en scène abjecte de l’animal.
Artiste-étudiante pluridisciplinaire, Julia Berrubé s’intéresse à la rencontre entre la sculpture et la vidéo. Pour l’expositionCatastase, ses croquis colorés de mondes imaginaires géométriques deviendront sculptures dans un intérêt particulier pour le geste et le processus de création plus que le résultat.
Seule œuvre sonore, Antoine Pinel matérialisera son répertoire de sons dans l’espace de la galerie. Projet énigmatique en cours de production, il sera visible seulement au moment de l’exposition…
Exposition Catastase, du 5 au 19 décembre 2018 – Vernissage le mercredi 5 décembre à 18 h
Infos pratiques :
Galerie du Crous de Rennes
20 rue Saint Hélier
35000 Rennes
Vivez un week-end en ville à Rennes dedans dehors les 30 novembre, 1er et 2 décembre ! Telle est la proposition des Tombées de la Nuit faite aux Champs libres qui les accueillent avec le soutien des Dimanches à Rennes. Il y a la ville que l’on se contente d’habiter, passivement, parfois tristement, celle que l’on regarde avec indifférence, voire avec aversion. Et il y a celle que l’on décide de voir autrement, les petites histoires cachées à lire, dont on choisit de faire le décor de mille aventures poétiques et humaines. C’est cette ville que, le temps d’un week-end, d’installations en performances, de parcours en concerts, du dedans au-dehors, Les Tombées de la Nuit et Les Champs Libres invitent à parcourir.
LA CITÉ-TUBE COMPAGNIE LE PHUN (FRANCE) – Maquette imaginaire et tubulaire de Rennes en 2050
Des boites de conserve usagées, des végétaux et un vrai travail de prospective urbaine bâtissent en maquette et en imaginaire le Rennes de 2050. Soit une magnifique installation plastique, écologique, théâtrale et politique, fomentée par Phéraille et son équipe de réflexion urbaine évolutionnaire.
VEN 30 NOV 2018
12:00 > 19:00
Muséocube
SAM 1er DÉC 2018
14:00 > 23:00
Muséocube
DIM 02 DÉC 2018
14:00 > 19:00
Muséocube
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles. Renseignements au 02 23 40 66 00.
LA CULTURE SUR LA PLACE PUBLIQUE KUB (FRANCE) La création en contexte
Les Tombées de la Nuit et le média en ligne culturel breton KuB s’associent et entament, avec ces quatre premiers films web, une réflexion sur la place de la culture dans l’espace public, la prise en compte du contexte dans le processus de création.
VEN 30 NOV 2018
12:00 > 19:00
Musée de Bretagne – Espace Dreyfus
SAM 1er DÉC 2018
14:00 > 23:00
Musée de Bretagne – Espace Dreyfus
DIM 02 DÉC 2018
14:00 > 19:00
Musée de Bretagne – Espace Dreyfus
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements. au 02 23 40 66 00.
KALÉIDOSCOPE VITRINE EN COURS (FRANCE) Installation et projection en argentique dans l’espace public
Les exhibitions performances de Christophe Raclet et Nicolas David utilisent exclusivement diapositives et films 8 et 16 mm dans un grand jeu inventif et tourbillonnant de compositions en images argentiques. Un unique et éphémère kaléidoscope urbain, à partir de la Maison de la Consommation et de l’Environnement.
VEN 30 NOV 2018
17:30 > 23:00
Bd Magenta et esplanade du Champ-de-Mars (derrière Les Champs Libres)
SAM 1er DÉC 2018
17:30 > 23:00
Bd Magenta et esplanade du Champ-de-Mars (derrière Les Champs Libres)
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
THINKER’S CORNER LE CORRIDOR (BELGIQUE) Conférences philosophiques de poche
Des stands de démonstrateur, une roue aléatoire, des comédiens relayant avec oreillettes et micros la parole innovante de citoyens du monde : héritées des Speaker’s Corner (coin des orateurs), ce singulier dispositif de la Belge Dominique Roodthooft invente des conférences de poche pédagogiques et décalées.
SAM 1er DÉC 2018
14:30 > 17:30
Musée de Bretagne – Mur Bleu
SAM 1er DÉC 2018
19:00 > 22:30
Musée de Bretagne – Mur Bleu
DIM 02 DÉC 2018
14:00 > 18:30
Musée de Bretagne – Mur Bleu
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles. Renseignements au 02 23 40 66 00
À travers une sélection d’œuvres architecturales et urbaines, Aître vous propose un voyage dans Rennes, en trois couleurs : – Imaginaire classique et nouvelles perspectives. Le classicisme français s’imagine à Rennes et, depuis 400 ans, ouvre nos formes. – Le choc moderne ! La modernité à l’ouest, un peu à la traîne, va vite prendre de la hauteur et élargir les horizons. – La recomposition contemporaine. Comment rassembler les forces en formes poreuses aux discernements citoyens.
SAM 1er DÉC 2018
14:30 > 15:30
Place du Parlement de Bretagne, Rennes
Accueil des Champs Libres
SAM 1er DÉC 2018
16:30 > 17:30
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Accueil des Champs Libres
DIM 02 DÉC 2018
16:00 > 17:00
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Accueil des Champs Libres
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
MR KROPPS COMPAGNIE GRAVITATION (FRANCE) Pièce forum implicative et utopique
Avec cette mise en scène collaborative d’un débat sur l’habitat collectif, la compagnie Gravitation élabore une alternative au « forum scénique » où se croisent les grandes thématiques sociales et politiques contemporaines.
SAM 1er DÉC 2018
15:00 > 16:30
Salle Anita Conti Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
SAM 1er DÉC 2018
19:30 > 21:00
Salle Anita Conti Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
DIM 02 DÉC 2018
14:30 > 16:00
Salle Anita Conti Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
1h30. Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
TES MOTS DANS MA BOUCHE ANNA RISPOLI, LOTTE LINDNER, TILL STEINBRENNER (ITALIE / BELGIQUE / ALLEMAGNE) L’amour et le désir en lecture publique
Un dialogue basé sur des conversations à propos de l’amour et du désir enregistrées à Bruxelles entre novembre 2017 et avril 2018. Une réflexion sur la question de la cohabitation dans une société européenne à la base très fragile.
SAM 1er DÉC 2018
15:00 > 16:00
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Inscription à l’accueil
SAM 1er DÉC 2018
17:00 > 18:00
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Inscription à l’accueil. À partir de 16 ans. Renseignements au 02 23 40 66 00
ARCHITECTURAL SONARWORKS CÉDRIC BRANDILLY ET ROMAIN DUBOIS (FRANCE) Cartographie musicale et sensible de la ville
En créant un langage musical et sonore basé sur des relevés cartographiques et des caractéristiques architecturales appartenant à un espace défini, Cédric Brandilly et Romain Dubois imaginent l’architecture comme une partition.
SAM 1er DÉC 2018
17:00 > 17:45
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Salle de conférences
SAM 1er DÉC 2018
21:15 > 22:00
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Salle de conférences
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles. Renseignements au 02 23 40 66 00
LEO PRUD’HOMME (FRANCE) Performance musicale et argentique
Leo Prud’homme interprètera, au pianet, plusieurs études personnelles inspirées de la musique minimaliste américaine des années 70. Avec lui, un diaporama de clichés domestiques et citadins projeté autour et par-dessus les spectateurs, pour illustrer les mélopées imaginaires d’un panorama urbain.
DIM 02 DÉC 2018
15:00 > 15:45
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Lieu secret
DIM 02 DÉC 2018
16:00 > 16:45
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Lieu secret
DIM 02 DÉC 2018
17:00 > 17:45
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Lieu secret
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
DES LIONS POUR DES LIONS (FRANCE) Puissant quartet de rue
L’univers tribal, iconoclaste et incantatoire de ces quatre Angevins secoués explose le monde de la fanfare et de la rue, dans une transe électrique (dobro) et acoustique (saxophone, trombone, percussion) concassant Tom Waits et Fela, Nusrat Fateh Ali Kahn et The Ex. Une fosse aux lions puissante et trippante.
SAM 1er DÉC 2018
18:00 > 18:45
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Hall
SAM 1er DÉC 2018
22:00 > 22:45
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Hall
45mn
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
FUSÉE DE DÉTRESSE #1 L’ÂGE DE LA TORTUE (FRANCE) Paroles de migrants en lecture musicale
Prolongeant son travail sur le projet collaboratif européen L’Encyclopédie des migrants, Paloma Fernàndez-Sobrino réunit, pour cette première création de cette lecture musicale participative, amateurs Rennais et choix de lettres intimes dédiés à l’exil autour du gamelan javanais Kyai Bremånå.
DIM 02 DÉC 2018
16:30 > 17:15
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Salle Anita Conti
45mn
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
L’ORCHESTRE D’HOMMES-ORCHESTRES JOUE À TOM WAITS (CANADA) Foire d’empoigne musicale et foraine
Le quatuor de Québec se plonge dans l’univers et le riche répertoire de Tom Waits pour transformer ses chansons en une symphonie harmonique et percussive d’objets trouvés et bricolés et de quelques vrais instruments.
DIM 02 DÉC 2018
17:45 > 19:00
Les Champs Libres, Cours des Alliés, Rennes
Salle de conférences
1h15
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles Renseignements au 02 23 40 66 00
Raconter la naissance du sentiment amoureux chez des adolescents, sans caricature ou cliché, n’est pas chose facile. Lorsque les adolescents sont deux garçons, la tache est encore moins aisée. Pourtant la BDAu plus près, réussit avec une justesse de ton remarquable, ce pari. Un bijou de retenue et de sobriété.
Des BD donnent parfois l’impression d’être coloriées avec des crayons de couleur. Cela permet d’exprimer une forme de violence enfantine comme dans des pages exceptionnelles de Blast de Manuel Larcenet. Cela décrit aussi souvent la force de sentiments primaires, forts et nouveaux. Ces couleurs, mêlées à l’aquarelle, la dessinatrice suédoise Anneli Furmark, les met au coeur du roman graphique Au plus près, adapté du roman de l’écrivaine norvégienne Monika Steinholm.
Des sentiments forts, juvéniles, d’amour intense sont en effet suivis « au plus près » dans cette BD qui raconte la naissance et l’acceptation de l’amour réciproque de deux jeunes gens, Jens, roux et rond et Edor, blond et mince. Tout oppose ces deux jeunes Norvégiens; leur physique mais aussi leur histoire personnelle et leur caractère. Jens découvre son homosexualité dans un milieu familial tolérant et compréhensif. Edor, qui a le poids supplémentaire d’un lourd secret familial, combat ses pulsions face à un père hostile et à la volonté d’être « normal », d’être amoureux d’une fille comme tout le monde. Admis ou non par l’entourage, cette découverte assumée par Jens, et refoulée par Edor n’en reste pas moins un immense séisme dans leur univers mental personnel.
Par le biais de petits chapitres, le lecteur passe, par un va et vient incessant, des états d’âme de chacun des deux protagonistes, confrontés à leur propre regard et à celui des autres.
Cet aller-retour, usant, éreintant, mais délicatement raconté et montré, est aussi, et surtout, celui de Edor, Edor qui flirte avec Beate dans un équilibre impossible, proche d’une chute finale qu’il envisage parfois.
Il faut que je reprenne le contrôle. L’équilibre! Tout est là.
Comme les touches d’aquarelle qui éclairent les magnifiques paysages norvégiens, toile de fond d’un été torride et exceptionnel dans cette région du monde, le récit décrit avec minutie et réalisme les souffrances psychologiques de ces deux jeunes hommes qui se découvrent. Autour d’eux, de superbes personnages, apportent le contre point du regard extérieur et racontent la vie. Parfois complice et bienveillant comme l’oncle de Jens, Torstein qui vit en couple avec Phil. Parfois incompréhensif et violent comme Cliff, le copain de Edor, aux sentiments ambigus. Par de petites touches colorées et des mots vifs, tout est raconté avec justesse et finesse embrassant tout ce qui touche à l’apparition des sentiments et de la sexualité chez des adolescents.Très lourds sont les sentiments, très léger est le récit qui fuit toute caricature et parle aussi des relations garçons et filles aux prises avec leur mal être d’adultes naissants.
Ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi bien. J’avais des papillons dans le ventre à chaque tournant, l’impression de voler. Le coeur tranquille et l’esprit au repos, Jens regarde la mer.
Avec cette révélation amoureuse de la page 61 de la BD, qui en compte 220, on pourrait croire que tout se termine bien pour les deux jeunes gens sous un ciel bleu d’azur immaculé. En fait tout commence et les 160 pages restantes décrivent les souffrances à venir mêlées à la découverte du plaisir. Toujours ce va et vient entre bonheur et souffrance, acceptation et rejet, exaltation et désespoir. Entre la chaleur de l’été et les orages des dernières pages, la pluie effaçant peut être les terreurs passées.
Les éditions « Cà et Là » poursuivent avec Au Plus Près leur ligne éditoriale originale de publications de BD, au graphisme souvent innovant, d’auteurs étrangers comme Marcello Quintanilha ou Joff Winterhart dont l’album Courtes distances est assurément l’une des plus belles publications de ces derniers mois. Un travail remarquable d’édition loin des parutions aseptisées et normalisées. Une réussite à découvrir et à encourager.
BD Au Plus Près. Dessin de Anneli Furmark d’après un roman de Monika Steinholm. Éditions Ça et Là. 220 pages. Prix de vente : 22 euros. ISBN : 978-2-36990-261-4
Titre original : Närmare kommer vi inte (Suède) Traduction de Florence Sisask
Anneli Furmark est née en 1962 à Vallentuna et a grandi à Lulea (Suède). Elle a fait ses études à l’Académie d’Umea, où elle est ensuite devenue enseignante. Peintre et auteure de bandes dessinées, elle a publié son premier album en 2002. Elle a participé à de nombreuses anthologies et a réalisé sept romans graphiques à ce jour. Son travail a été primé à deux reprises au festival de Kemi, en Finlande. Son premier livre publié en France, « Peindre sur le rivage » (Les Éditions de l’An 2 / Actes Sud, 2010) a été suivi du « Centre de la Terre » (çà et là, 2013), puis de « Hiver Rouge » (çà et là, 2015, Sélection Officielle Angoulême 2016). Anneli Furmakr vit à Umea.
Monica Steinholm
Monika Steinholm (née le 26 mai 1983 à Tromsø) est une écrivaine norvégienne. Elle a publié trois romans publiés également au Danemark et en Suède.
À quoi ressemble la Bretagne ? C’est pour répondre à cette question que Benjamin Keltz est parti sur les routes et revient avec dans sa besace 30 histoires bretonnes. Un carnet de route de trente reportages afin de décrire notre région et avec le souhait d’être au plus proche de ses habitants. Pari réussi ?
Le livre « J’ai rencontré la Bretagne » est paru le 10 novembre.
C’est l’histoire de la RN12 de Rennes à Brest, d’un loto à Tinténiac, d’une vie sur une île à Ouessant et à Houat… ce sont des histoires de Bretons. Des histoires qui ne sont pas choisies au hasard par Benjamin Keltz, journaliste et éditeur :
C’était surtout des intuitions. Par exemple, je savais que sur les îles on allait évoquer les problèmes insulaires et le coût de l’immobilier explique l’auteur.
Dans un chapitre consacré à l’île d’Ouessant, les habitants racontent leur quotidien, mais aussi les difficultés d’être coupés du monde. Benjamin Keltz s’immisce alors dans les vies sans en perturber la routine afin de rendre authentiques les témoignages. « Je ne suis pas le premier à faire ça. Le but était d’aller à la rencontre des gens sans forcément avoir d’approche sociologique ». L’auteur raconte la Bretagne, ses Bretons, ses villages, ses événements, loin des clichés des cirés jaunes et des bonnets rouges.
« Depuis des mois, je sillonne la Bretagne pour écouter ses habitants. Je ne prépare rien. Je choisis simplement un endroit banal et je débarque à l’improviste ».
Car l’objectif était de répondre à la question À quoi ressemble la Bretagne ? pose en avant-propos. Une interrogation qui a donné à l’auteur l’idée de lancer cette série de reportages. « C’est compliqué d’y répondre. Il n’y a pas une Bretagne, il y a des Bretagne. Ce sont des gens qui réagissent tous différemment. Un habitant proche de la RN12 ne réagira pas comme un habitant d’une résidence secondaire à Saint-Malo. Pourtant ils ont tous cet attachement à la région », explique Benjamin Keltz.
D’Ouessant à Nantes, en passant par Baud et Callac, le journaliste ratisse larger. Même la Loire-Atlantique. Y compris des endroits reculés peu médiatisés.
« J’ouvre mon livre avec le bar à Gourin, dans le Morbihan. C’est le reportage qui synthétise le plus ce que je raconte ensuite. Car on y croise les histoires du médecin, d’un syndicat… Dans ce reportage on y voit vraiment un brassage de la population locale ».
Les récits campent bien les personnes ; le lecteur a l’impression de rencontrer chacun des protagonistes rencontrés.
Les îles (comme ici l’île de Houat) sont les décors de trois chapitres sur les 30 proposés.
De simples descriptions de vie ? Oui, mais pas uniquement. Derrière chaque sujet se cache une problématique. À Gourin, c’est le vieillissement de la population et les commerces qui se ferment. À Ouessant, ce sont les problèmes de liaisons avec le continent. Parfois, un lieu suffit pour décrire une ville, tel le tramway à Brest. C’est là le reproche premier qu’on fera à J’ai rencontré la Bretagne : on aurait bien aimé en savoir un peu plus… Comment tel ou tel problème impacte les Bretons ? Certaines anecdotes citées dans le livre cachent de véritables difficultés vécues quotidiennement par les habitants :
« Alors lorsque l’inspectrice de l’académie a laissé un message sur le répondeur de la directrice quelques jours avant la rentrée, Nadia a tremblé. Elle a craint une nouvelle fermeture de classe ».
Ce passage traduit un problème trop courant en Bretagne et en France. Malheureusement, il n’est évoqué qu’ici. En revanche quelques pages plus loin, Benjamin Keltz décrit avec précision 15 minutes d’une partie de foot lors d’une récréation. Cela démontre que l’auteur s’est montré proche de ses témoins, mais on aurait apprécié savoir comment les professeurs s’adaptent aux changements imposés…
C’est avec un sentiment de frustration que le lecteur referme l’ouvrage. Il a voyagé, même s’il connaît déjà par cœur les paysages, il a souri, il a été ému, il a rigolé, il a sauté quelques pages aussi au regard des longueurs. Et il aurait tellement aimé en savoir davantage à propos des réels problèmes du quotidien des Bretons. Benjamin Keltz justifie ce manque d’approfondissement par les « 15.000 signes imposés pour le magazine. Il reste encore plein de choses à découvrir ». Voilà le meilleur de cet ouvrage : donner envie au lecteur de partir en voyage à la rencontre de ces gens dont on ne parle que rarement.
Benjamin Keltz : J’ai rencontré la Bretagne, éditions Du coin de la rue. 10 novembre 2018. 20€. 310 pages.
Après avoir filmé le TNB dans son dernier film, Plaire, aimer et mourir vite (2017), Christophe Honoré investit directement les planches du théâtre rennais avec sa dernière création, Les Idoles. Co-montée avec le TNB et donnée du vendredi 23 au 30 novembre, la pièce marque la clôture du festival et la reprise de la saison régulière. Le cinéaste, écrivain et metteur en scène Christophe Honoré y fait revivre une génération d’artistes et d’intellectuels frappée par l’épidémie du SIDA, ses idoles parties trop tôt.
Ces idoles, ce sont Cyril Collard, Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert, Jacques Demy, Jean-Luc Lagarce et Serge Daney. Des auteurs, des penseurs, des artistes. Génération informelle rassemblée de façon ténue par une homosexualité plus ou moins acceptée, réunie dans la maladie et la mort, une première fois, comme une tragédie, par le SIDA, puis une seconde fois, comme une comédie, par la création de Christophe Honoré.
Car le sujet pourrait s’annoncer grinçant, morbide, voire scolaire : « Le cinéaste et metteur en scène revient sur leurs œuvres et leurs vies, sur ce qui fut leur façon, à chacun différente, de traverser la maladie », nous dit la description du spectacle. La réunion fictive de six artistes terrassés par le virus du SIDA aurait pu laisser présager de longues discussions sur l’art et la mort. La pièce regorge bien d’informations didactiques sur la vie, l’œuvre et la pensée d’une génération artistique des années 1980-1990, sur le phénomène historique et socio-sanitaire qu’a représenté le SIDA et ses répercussions idéologiques dans le contexte politique de cette époque et dans le milieu artistique. Elle donne un aperçu de l’histoire récente des arts. La création de la pièce a d’ailleurs bénéficié de l’aide d’étudiants du master d’écritures comparées de Rennes 2 qui, sous la direction du dramaturge, Timothée Picard, ont mené des recherches bio-bibliographiques sur les différentes idoles. Récités par les acteurs, des extraits de leurs écrits personnels émaillent l’action de la pièce et donnent à entendre la voix posthume des fantômes sur scène.
Pourtant, loin de l’exercice intellectuel ou de la plongée abyssale dans les maux du SIDA, Les Idoles surprend par sa mise en scène à la fois sobre et multiple, alternant le sérieux et le burlesque. Sans sombrer dans l’excès d’impureté, elle emprunte ponctuellement à la danse, à la comédie musicale, au cinéma amateur érotique, au chant, créant des moments de spectacle dans le spectacle. L’interprétation et la langue très vivante des acteurs ne laissent pas de surprendre et d’apporter une légèreté rafraîchissante qui marque la volonté du metteur en scène d’orienter son hommage vers la célébration de la vie de ses idoles.
Alors que dans son dernier film, il décrivait avec réalisme la dégradation physique et la souffrance des malades atteints du SIDA, Christophe Honoré joue ici à plein de l’illusion théâtrale : ses personnages sont des fantômes qui badinent gaiement de leur mort. Réunis dans un hors-lieu évoquant les terrains de drague homosexuelle, arrêt de bus, bouche de métro, hangar désaffecté, piliers sur lesquels prendre la pause, les six hommes, dont deux sont joués par des femmes, Hervé Guibert (Marina Foïs), et Jacques (Varda-)Demy (Marlène Saldana, qui interprète aussi par moment une exubérante Liz Taylor), s’adonnent à leur fantaisie, au point parfois de faire apparaître ce purgatoire théâtral en maison de fous.
Les Idoles ne suit pas une continuité narrative. Ressuscités par le rêve d’un auteur, les personnages composent une série de tableaux, parfois sérieux, parfois délirants, dont la numérotation et le titrage apparaissent sur deux téléviseurs suspendus au plafond. La pièce débute dans l’obscurité. La voix de Christophe Honoré se fait entendre. Il se présente et entame le récit d’un souvenir de jeunesse. Le souvenir d’avoir assisté à une représentation du ballet Jours étranges, peu de temps après la mort de son créateur, Dominique Bagouet, malade du SIDA, lui aussi. Sur une musique des Doors, les acteurs, apparus peu à peu sur scène, rejouent le ballet. Après ce premier hommage, les personnages débutent leur conciliabule. Ils discutent finement, débattent avec humour, se disputent avec subtilité. Ils comparent leurs expériences, règlent des comptes artistiques ou personnels, rejouent ensemble des films ou des moments de leur vie intime ou publique. Ils rêvent ensemble, ils se séduisent, se provoquent, se réconcilient. Parfois, un mur d’enceinte glisse par magie sur scène et les entraîne dans une danse folle qui leur ferait presque oublier leur propre mort.
Christophe Honoré présente Les Idoles comme le troisième acte de sa réaction d’artiste à l’éruption de haine homophobe dont a été témoin la France lors de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Dans Ton Père (Mercure de France, 2017), des photos de Hervé Guibert, Serge Daney, Jean-Luc Lagarce, Jacques Demy ou Bernard-Marie Koltès ponctuaient déjà le portrait romancé d’un père homosexuel. Plaire, aimer et mourir vite raconte l’histoire d’un écrivain parisien atteint de la même maladie, de sa rencontre avec un jeune étudiant rennais, de leur amour fugace et de sa mort douloureuse. Tout en illustrant la pratique artistique multiple de son créateur, qui passe, pour s’exprimer, de l’écrit à l’écran, puis à la scène, le spectacle Les Idoles s’inscrit dans cette continuité thématique. Mais la pièce extirpe la question du SIDA du cercle de l’intimité pour l’aborder dans la sphère publique, sur les planches du théâtre, où même la maladie se prête au jeu.
YOUSSOUF ABI-AYAD Bernard-Marie Koltès
HARRISON ARÉVALO Cyril Collard
JEAN-CHARLES CLICHET Serge Daney
MARINA FOÏS Hervé Guibert
JULIEN HONORÉ Jean-Luc Lagarce
MARLÈNE SALDANA Jacques Demy
Et la participation de TEDDY BOGAERT Bambi Love
Livret et mise en scène CHRISTOPHE HONORÉ
Scénographie ALBAN HO VAN
Assistant dramaturgie
TIMOTHÉE PICARD Lumière
DOMINIQUE BRUGUIÈRES Costumes
MAXIME RAPPAZ Assistanat à la mise en scène
TEDDY BOGAERT
AURÉLIEN GSCHWIND
Assistant création lumière
PIERRE GAILLARDOT
Salle Vilar. Durée 2h25
VEN 23 11 21h00
SAM 24 11 15h00
LUN 26 11 20h00
MAR 27 11 20h00
MER 28 11 20h00
JEU 29 11 19h30
VEN 30 11 20h00
Photo : Raphael Neal
Étudiant à Rennes dans les années 90, Christophe Honoré est ensuite devenu le réalisateur de Les Chansons d’amour (2007), comédie musicale avec son acteur fétiche Louis Garrel, La Belle personne (2008), transposition de La Princesse de Clèves de nos jours, Non ma fille, tu n’iras pas danser (2009) avec Chiara Mastroianni, Les Bien-aimés (2011). Une filmographie bercée par les compositions musicales d’Alex Beaupain. Son dernier film Plaire, aimer et courir vite, tourné pour partie au TNB, est sélectionné en compétition au Festival de Cannes.
Robin McKelle est l’une des voix les plus renommées du jazz actuel. Depuis son premier album Never Let Me Go (1999) sorti en indépendant, elle poursuit avec succès sa carrière. Elle a su exploiter des influences musicales éclectiques, principalement issues du folklore populaire afro-américain. Elle donnait le 16 novembre 2018 un concert à la MJC Bréquigny.
Photo : Philippe Colliot
La salle était comble vendredi dernier lors du concert de Robin McKelle, interprète réputée du jazz contemporain, dont la venue au festival était attendue depuis longtemps. Sa prestation fut l’occasion pour elle de faire découvrir au public une partie des chansons de Melodic Canvas, son dernier album sorti en avril dernier. Elle débuta son spectacle par Do You Believe, le titre d’ouverture de ce récent opus, à l’accompagnement pianistique entre jazz et blues et à la ligne de basse affirmée. L’artiste interpréta également des chansons assez personnelles, dont les thématiques résonnent toujours dans l’actualité. Parmi elles, figure A Simple Man, dans laquelle Robin McKelle raconte l’histoire de son grand-père venu jadis, comme beaucoup d’autres migrants, trouver un avenir meilleur aux États-Unis. Elle nous a également offert quelques très belles reprises, dont une de la célèbre chanson de Nicoletta, Il est mort le soleil. Si elle fut traduite en anglais par Ray Charles, c’est pourtant la version française originale que Robin McKelle a choisi d’interpréter, et ceci avec beaucoup de sensibilité et de justesse.
Lors de sa performance, elle a aussi démontré sa capacité à adapter son style vocal à des esthétiques diverses, qui apparaissent finalement comme associées. Ainsi, certaines de ses chansons témoignent de son influence du jazz, venue vers l’âge de 13 ans et qui marquait notamment ses deux premiers albums enregistrés avec des big bands. Cela est notamment flagrant au vu de sa reprise du standard Lullaby of Birdland durant laquelle elle était uniquement accompagnée de Rashaan Carter à la contrebasse. De même, l’aspect improvisé caractéristique des différents courants du jazz traverse la plupart de ces morceaux. Sur Lullaby of Birdland, par exemple, elle a montré un certain talent pour le « scat », technique d’improvisation vocale en onomatopées qu’elle a employé sur certains titres. Elle était également entourée de musiciens talentueux dont les solos attestaient également de leur grande maîtrise dans ce domaine.
Photo : Philippe Colliot
Si la première partie de sa carrière fut marquée du sceau du jazz, Robin McKelle, avec Mess Around, avait commencé dès 2010 à exploiter un registre plus orienté vers ses premières influences : la soul et le r&b. Il est vrai que son timbre de voix, souvent comparé à celui d’Ella Fitzgerald, est à la fois clair et puissant et évoque davantage, par moments, celui d’interprètes comme Whitney Houston. En témoigne notamment So It Goes, issue de l’album Soul Flower (2012). Pendant cette chanson, le batteur Kush Abadey jouait un rythme régulier et marqué, parfois proche de celui de la musique funk. Pendant ce temps, le jeu du claviériste Mike King sur le piano électrique Rhodes, alternant avec des interventions « funky » à l’orgue, évoquait également l’esthétique de la soul classique des années 60 et de la « neo soul » des années 90. Lors de cette interprétation, Rashaan Carter a également démontré sa virtuosité à travers un solo de basse étourdissant. Dans le set de Robin McKelle, on notera également une version jazzy et véritablement transformée du Back To Black d’Amy Winehouse ainsi qu’une réinterprétation tout en douceur de No Ordinary Love de Sade, l’une de ses principales références. Lors de cette reprise, son timbre vocal, délicieusement suave et délicat, pouvait rappeler celui de la chanteuse emblématique de la « neo soul », tout en conservant des inflexions communes avec le jazz vocal. De même dans Lyla, sa vocalité est davantage marquée par des mélismes plus présents et des voix de tête plutôt impressionnantes, éléments récurrents dans les esthétiques soul.
Contrairement à l’image austère attribuée habituellement aux publics des concerts de jazz, celui de Jazz A L’Ouest semble avoir été très réactif au dynamisme et à la ferveur partagée par Robin McKelle et ses musiciens. Vers la fin du concert, au terme de You’re No Good, la chanteuse s’est lancée dans un véritable « call and response » avec les spectateurs rennais qui n’ont pas boudé leur plaisir. Lors de cette chanson, on a également pu savourer un solo grandiose de Mike King au piano électrique, dont le jeu à l’orgue évoquait également le style de musiciens tels que Ray Charles et Booker T. Jones de Booker T. & The MG’s. Enfin, c’est sur une interprétation très « groovy » et passionnée du standard de gospel Swing Low Sweet Chariot qu’elle a conclu son concert, recevant une véritable ovation. A notre sens, elle fut méritée…
Photo : Philippe Colliot
La tournée européenne de Robin McKelle se poursuit. Elle passera le 7 décembre prochain au centre culturel Jacques Duhamel de Vitré (35).
Son dernier album « Melodic Canvas », sorti le 20 avril dernier chez Doxie Records, est toujours disponible dans les bacs et à l’écoute sur les plateformes d’écoute.
Comme Pierre Lemaitre, d’abord passé par le thriller et le roman policier avant d’être récompensé par le Goncourt avec Au revoir là-haut, Nicolas Mathieu, tout dernier lauréat du plus prestigieux des prix avec Leurs enfants après eux, est entré en littérature par la voie du roman noir. Un seul à vrai dire, et le premier de ses romans, tant l’écrivain est encore dans la jeunesse, et la genèse, de sa création littéraire. En 2014, il publiait en effet Aux animaux la guerre, repris en 2018 dans la collection Babel Noir d’Actes Sud, roman qui nous plonge dans la sombre lumière d’un hiver vosgien et le lourd climat du déclin ouvrier et industriel dévastant peu à peu l’est de la France dans les années 80.
Roman noir qui s’ouvre sur la scène glaçante d’horreur, sobrement écrite et extraordinairement puissante, de l’assassinat d’un couple de modestes Oranais à leur domicile, perpétré par deux activistes de l’OAS à la fin du conflit algérien, Pierre Duruy et Louis Scagna. Deux meurtriers qu’on retrouvera tout au long du roman, quelques années plus tard, figures subreptices de rapatriés échoués là dans l’est de la France, au milieu d’une classe ouvrière abandonnée, détruite par les fermetures d’usines et un chômage endémique, laissée-pour-compte d’une mondialisation inéluctable et aveugle qui délocalise sans foi ni loi, hors celles d’un pur capitalisme financier, et finit par transformer hommes et femmes malades de cette peste économique et sociale en animaux errants, perdus et sauvages.
Depuis longtemps, ils le savaient, on leur avait dit à la télé : ils n’en mourraient pas tous, mais tous seraient frappés. […] Ailleurs d’autres hommes qui prenaient leur place, Chinois, Indiens, Roumains, Tunisiens, métèques innombrables et invasifs […]. Des feignants pourtant, il suffisait de voir leur comportement dans les collèges en Seine–Saint-Denis, partout dans la télé. Mais ceux-là, bronzés, bridés, plombiers polonais avaient le grand mérite : ils ne coûtaient pas.
Ce roman est noir en effet, noir comme les effets de la crise sur ces populations désemparées, et toutes « ces vies brisées par le boulot, des corps rognés, tordus, des existences écourtées, des horizons minuscules », des vies d’ouvriers déclassés qui finissent par honnir dans un même mouvement les patrons, les riches, les Arabes, les immigrés, les assistés.
Ce roman est choral aussi, qui mêle et relie plusieurs personnages, qui multiplie points de vue et petites histoires personnelles et donne corps à un roman formidablement construit, fait d’une écriture précise et sans failles que vous ne lâchez pas jusqu’à la dernière page.
1ère édition de ce roman noir
Martel est l’une des figures essentielles de ce roman : délégué du personnel respecté, mais endetté par les frais de maison de retraite de sa mère, gestionnaire quelque peu laxiste de la caisse du comité d’entreprise où il puisera pour se sauver de sa délicate situation financière, et près d’être démasqué s’il ne trouve pas très vite de quoi renflouer les comptes du CE. Alors, pour se refaire un peu, il fait équipe dans des coups foireux avec Bruce, l’intérimaire un peu voyou, trafiquant de coke dans la cité, musculeux adepte de la « gonflette » et des stéroïdes, un gars dont « personne n’avait envie de croiser les pupilles comme des clous, et les épaules monstrueuses ». Bruce est le petit-fils de Pierre Duruy, l’ancien activiste à qui il a dérobé le vieux colt 45 qui tua les deux malheureux Oranais en 1961. Une arme qui retrouvera du service entre ses mains. À eux deux, Martel et Bruce vont former un tandem de circonstance aux allures bancales et catastrophiques quand ils se verront contraints d’enlever et de livrer une jeune fille à la bande des Benbarek, notoires truands et proxénètes régnant entre Épinal et Nancy.
L’autre personnage important du livre est Rita, fille d’une émigrée espagnole, inspectrice du travail, appelée sur le terrain pour démêler le conflit entre ouvriers, DRH et patrons de l’usine qui va fermer. Une fille d’ouvriers, elle aussi. « Rita appartient à ce monde où les gens meurent au travail. Elle voit ces gens qui ferment leur gueule, encaissent, grattent à la fin du mois et qui ne trouvent presque rien à y redire. Pourvu qu’ils finissent dans leurs murs, le pavillon comme résumé des peines, trente ans de dette et puis crever. Elle en est quoiqu’elle fasse ».
Rita est du côté des ouvriers, bien sûr. Martel, le solitaire, se rapprochera de cette belle femme qui le trouble un brin. Elle l’aidera aussi à découvrir ce qu’est l’arme du droit, « cette chose toute nouvelle, abstraite et brutale, d’une force inimaginable. Il suffisait d’en connaître un bout et les volontés adverses se brisaient net. Martel venait de découvrir les rapports de force. Avec deux articles du Code du travail, on érigeait des murs, on emmerdait le monde, c’était magnifique ». Las ! Rita et Martel ne pourront finalement pas grand-chose pour aider tous ces malheureux qui iront tous pointer au chômage, ou presque.
Florent Dorizon interprète Bruce
Ce roman foisonne de personnages qui font tous vivre, sans briser le fil, ce sombre et beau texte. Et l’image de la jeunesse, perdue et prisonnière du carcan de la famille et de l’usine, peut y être bouleversante quand Jordan plonge dans la surprise et les délices sensuels d’une étreinte de l’entreprenante et tendre Lydie, tous les deux tapis dans un coin de grenier, loin du regard inquisiteur du grand-père de la jeune fille, Pierre Duruy, encore lui.
Ce roman noir du déclassement montre comment inéluctablement le libéralisme, et la seule valeur argent qui l’anime, mène à l’abandon des solidarités ouvrières et au désespoir d’une société déliquescente repliée sur elle-même, laissant la haine et la violence remplir le vide où on l’abandonne. Ce texte toujours vif et juste, empathique dans le malheur d’une classe sociale sans espoir, est magnifiquement dialogué et mis en scène. On imagine ce que l’art d’un Quentin Tarentino aurait fait de la terrifiante séquence initiale du meurtre d’Oran qui ouvre le livre. D’ailleurs, le cinéma ne s’y est pas trompé et Nicolas Mathieu en a signé l’adaptation télévisée en plusieurs épisodes, réalisée par Alain Tasma, pour France Télévision. Roshdy Zem et Olivia Bonnamy y jouent les rôles de Martel et Rita.
À lire absolument. Et à découvrir sur petit écran.
Aux animaux la guerre par Nicolas Mathieu, Éditions Actes Sud, collection Babel Noir, 444 pages, 2018.
Dernière édition : Babel Noir. Janvier, 2016. 448 pages. ISBN 978-2-330-05864-7. 9, 70€
Babel noir n° 147.
1ère édition : Actes Sud Littérature. Actes noirs. Mars 2014. 368 pages. ISBN 978-2-330-03037-7. 22, 50€. Genre Romans policiers.
Prix Mystère de la critique – 2015 prix Erckmann-Chatrian – 2014 prix Transfuge du meilleur espoir Polar – 2014
La série de France 3 a été réalisée par Alain Tasma.
avec : Roschdy Zem, Olivia Bonamy, Tchéky Karyo, Rod Paradot, Michel Subor, Eric Caravaca, Florent Dorizon, Lola Le Lann
séries dramatiques | 49min | 2018 | déconseillé aux -10 ans.
Avec le tome 5 de la série Les Beaux Étés, Zidrou et Lafebre nous ramènent en 1979 quand les Pink Floyd faisaient rêver les adolescents. Nostalgie et tendresse garanties.
Il est en BD comme en amour des rendez-vous que l’on attend avec impatience. Les auteurs des quatre premiers tomes de la série Les Beaux Étés, Zidrou et Lafebre, nous avaient annoncé un nouvel album pour les fêtes de fin d’année. C’est donc avec un plaisir renouvelé que les lecteurs ont retrouvé les tribulations de la famille Faldérault. Inutile de tourner autour du pot : ce dernier album ne vous procurera pas un sentiment de transe ou d’addiction. Pas de suspense haletant, pas de crimes à élucider. Le scénario peut se résumer au titre La Fugue et à ces quelques mots : hiver 1979, Pierre et sa femme Mado décident de partir au soleil pour Noël. Seulement Louis, adolescent aux cheveux longs et aux idées courtes (?), décide de leur fausser compagnie sur l’autoroute pour se rendre à Londres, assister à un concert des Pink Floyd, pour lequel il a obtenu des billets à la sueur de son front en accomplissant des petits boulots.
Les auteurs reprennent les recettes qui ont si bien fonctionné auparavant, basées sur la tendresse, la répétition des évènements familiaux, que facilite une chronologie chaotique, permettant de découvrir des personnages dans le désordre de leurs âges et de leur évolution.
Quand Lupano et Cauuet agitent avec Les Vieux Fourneaux l’humour caustique, politique et actuel, Zidrou et Lafebre préfèrent verser dans la nostalgie du temps d’avant et dans les plaisirs simples des vies de famille.
Ce qui touche finalement le lecteur, c’est l’intimité que créent la simplicité des scénarios et l’identification à des situations que nous avons tous vécues, à la manière d’une chronique quotidienne, rythmée par les paroles des chansons de l’époque. Les parties de Mille Bornes s’accompagnent des préoccupations d’ados, en conflit avec des parents qui ont une vie de « frustrés ». Mam’zelle Estérel, 4 L de Luxe, 6 glaces, modèle 1962 est toujours le support des rêves d’évasion vers un soleil que ne voit guère le Manneken frites à la frontière, où l’on déguste des fricadelles sous une pluie battante.
Ce registre de tendresse, le dessin de Lafebre l’accompagne à la perfection avec de larges cases qui accueillent les frimousses polissonnes, boudeuses, gouailleuses des quatre enfants de la famille qui, comme tous les enfants de toutes les familles, râlent, rêvent, pestent, détestent et aiment leurs parents. À la manière de Franquin, quelques personnages secondaires traversent agréablement chaque nouvel album, pour fournir une galerie de portraits savoureuse.
On aime ces petits riens qui font un « grand beaucoup » et cet album refermé, on pense certainement tous à des moments de notre enfance ou de notre jeunesse. Il faudra simplement que les auteurs désormais élargissent leur scénario. La descente en voiture vers le sud ne pourra pas toujours suffire à renouveler le plaisir de la lecture. Même si ce voyage, fait pour oublier treize jours de vacances sous la pluie bretonne estivale, avec quatre ados « luttant pour le Testostérone d’Or » ne manque pas de charme et de tendresse. Même si en fin d’album, le conte de Noël de Paulette Faldérault « La maison qui rêvait de partir en vacances » prolonge agréablement la lecture en inventant des maisons susceptibles d’amener toute la famille en vacances et de créer des étincelles dans les yeux des enfants devant le sapin de Noël.
BD Les Beaux Étés, Tome 5 : La Fugue. Scénario : Zidrou. Dessin : Lafebre. Éditions Dargaud. 56 pages. 14 €.
Nouvellement installés au 30 rue Saint-Melaine, Les Ateliers Éco sont à l’image du monde de demain. Fabriquer un shampoing solide, des lingettes lavables ou profiter d’un moment relaxation entre midi et deux… Holly Deline convie les Rennais à partager des ateliers éco-responsables & bien-être. La particularité des Ateliers Eco de Rennes : réunir dans un seul lieu un large éventail d’activités DIY (« do it yourself »).
« Un lieu unique à Rennes pour découvrir, apprendre et partager DANS UN ESPRIT DIY »
« Quand ma famille et moi avons commencé à adopter une démarche plus respectueuse de l’environnement, j’ai rapidement été confrontée à la difficulté de se lancer sans avoir les conseils avisés d’un professionnel » explique Holly Deline, créatrice des Ateliers Éco.
Nouveau rendez-vous des Rennais !
Depuis le 1er octobre 2018, un nouvel établissement souffle un esprit bien-être dans la rue Saint-Melaine. La devanture au logo blanc et vertdissimule en son sein un lieu cosy à la décoration 100 % récup à l’image des valeurs véhiculées par la propriétaire du local. « J’avais envie de me lancer dans un projet positif qui correspond à mes valeurs ».
L’ancienne chef de projet web a lancé cet automne Les Ateliers Éco, un lieu unique dont le partage d’expériences, la découverte et l’apprentissage orienté DIY sont la marque première. Grâce à son expérience professionnelle, Holly Deline, d’origine anglaise, a lancé une enseigne écologique et bienveillante qui invite les Rennais.es à découvrir de multiples thématiques écoresponsables.
Plutôt que de changer de lieu à chaque atelier, Holly Deline et les intervenants proposent un nid douillet facile d’accès où « les activités développent l’autonomie, la créativité, l’esprit de partage et de convivialité » comme le souligne Maya, formatrice de Qi Cong. La gaieté naturelle d’Holly Deline traduit les valeurs de cette nouvelle enseigne. Des ateliers intimistes – entre quatre et six participant.e.s – aussi ludiques que professionnels sont proposés autour de grandes thématiques écoresponsables & de bien-être : la cuisine végétarienne, les cosmétiques maison, les ateliers brico et couture, la dégustation de bières artisanales, l’éducation positive et la relaxation.
Croyez-vous que la conception par vous-même de produits ménagers et cosmétiques soit impossible ? Ce n’est pas l’avis d’Émilie. « Fabriquer sa propre lessive ou son dentifrice n’est pas si compliqué ». Cette experte en dermato-cosmétique naturelle propose de vous en enseigner les bases dans une ambiance pédagogique et quasi familiale. Il en va de même pour les ateliers de créations textiles et de bijoux réalisés par les créatrices Sandrine et Annaig et de naturopathie dispensée par Delphine, naturopathe et herboristerie. « Ces ateliers permettent de prendre soin de soi avec des produits naturels avec leurs limites et leur contre-indication », précise la naturopathe.
« Les intervenants sont partie prenante du concept. Dans l’esprit de l’économie sociale et solidaire, mes ateliers promeuvent un enrichissement mutuel et positif – explique Holly Deline – tout le monde se retrouve et travaille en confiance dans une volonté partagée. Cette manière de penser me tient vraiment à cœur ».
« L’idée n’est pas de pousser les gens à devenir végétariens, mais plutôt de faire découvrir une autre façon de cuisiner »
Aux ateliers permanents – comme la cosmétique et la relaxation – s’ajoutent des séances plus ponctuelles. « Les ateliers d’éducation positive me paraissent tout aussi importants. Lucie est conseillère Montessori et sophrologue, elle propose des ateliers d’échanges autour de la posture de l’adulte et la communication avec les enfants : leur façon d’agir, leur bien-être et leur ouverture sur le monde ».
Chaque atelier s’attache à utiliser et mettre en avant des produits locaux, naturels et respectueux de l’environnement. Un esprit local qui est aussi proposé lors de réservations pour des événements privés tels que des anniversaires ou des enterrements de vie de jeunes filles.
Des ateliers de relaxation entre midi et deux !
Une envie de se détendre durant la pause déjeuner ? Des ateliers courts de sophrologie, relaxation et méditation sont proposés pour la somme de 15 €. « C’est difficile de ralentir le rythme quand on est tout le temps à 100 à l’heure. Ces ateliers offrent un moyen simple de se relaxer et de se recentrer sur soi… »
Avec les ateliers d’Holly, passez un Noël Éco DIY…
La période des fêtes arrive à grands pas. Avec les Ateliers Éco, Holly Deline promeut le DIY pour se faire plaisir et faire plaisir aux autres ! « Pour un noël responsable et durable cette année, l’idée est de fabriquer soi-même un cadeau en atelier, ou d’offrir un atelier grâce à une carte cadeau » (les cartes cadeau sont disponibles en ligne ou en boutique) : plutôt que d’acheter des objets standardisés (dont les enfants et adultes se lassent très vite), pourquoi ne pas penser originalité et fabrication éco-responsable ? Colliers en chambre à air, shampoing solide, crèmepour le visage, mais également des nouveautés comme la confection de bouillottes sèches ou de bougies naturelles parfumées.
Des ateliers de décoration pour enfants seront prochainement programmés et des cartes cadeaux entre 15 et 40 € sont déjà disponibles. Avis aux amateurs !
Finissons avec une belle particularité proposée par les Ateliers Éco : le repas de Noël Végan ! Il est de plus en plus courant d’avoir un proche qui a adopté le régime végan. Si vous êtes dans ce cas, inscrivez-vous à cet atelier afin de découvrir des recettes végan et faire plaisir à votre entourage. Assistés par une spécialiste en cuisine végan, les participants apprennent à cuisiner des plats grâce à des équivalents alimentaires qui procurent un apport gustatif et énergétique équilibré et subtil. « Avoir les explications derrière les recettes sert à mieux comprendre le régime alimentaire végan et on découvre ainsi de délicieux plats aux saveurs parfois inattendues ».
Le groupe écologiste a demandé à la métropole de Rennes la suspension de la 3g et 4g dans le métro. De fait, un taux anormalement élevé d’exposition au rayonnement électromagnétique a été constaté à la suite du déploiement de la 3g et 4g dans le métro. Les écolos estiment que le risque encouru pour la santé est trop important pour ne pas entraîner une suspension, au moins temporaire. La métropole de Rennes a refusé, mais s’est engagée à réduire le taux d’exposition avec l’entreprise TDF.
C’est à coup de communiqués que se répondent le groupe écologiste et la métropole de Rennes. Pour comprendre, il faut remonter au 1er octobre, date à laquelle le déploiement de la 3g et de la 4g s’est lancé dans le métro rennais. La métropole et le groupe écologiste ont voté pour sa diffusion avec un taux moyen de champs électromagnétiques en dessous des un volt par mètre en moyenne sans jamais dépasser les 3V/m.
La 3g et la 4g sont actives depuis le 1er octobre.
Mais d’après une étude de l’ANFR (l’Agence Nationale des Fréquences Radio), au 21 novembre, le taux dépasse 3V/m dans trois stations Kennedy, Villejean et Pontchaillou. Elle est même au-dessus des 10V/m à Kennedy avec 13,54V/m avec un pic de 24,53V/m. C’est aussi au-dessus des 1V/m comme s’est engagée la ville pour toutes les stations mesurées à ce jour par l’ANFR soit onze. Le groupe écologiste a donc demandé la suspension du réseau 3g/4g et exige un rapport d’expertise « Pour être dans le vrai, car jusque là il n’y en a pas eu », déplore Laurent Hamon, conseiller municipal délégué aux usages du numérique et membre du comité de suivi sur la mise en place de la téléphonie dans le métro.
L’instrument de mesure utilisé pour mesurer l’exposition aux radiations.
Moins d’une heure après, la métropole s’est empressée de répondre par un autre communiqué. Selon elle, la puissance mesurée est déjà bien en dessous des normes européennes et en dessous de la moyenne nationale. Elle ne compte pas supprimer, même temporairement, la 3g et la 4g dans le métro. En revanche, elle compte « baisser la puissance pour supprimer les points maximums ». Elle indique aussi être en relation avec TDF, l’entreprise en charge du fonctionnement du réseau, afin de « procéder dans les meilleurs délais aux corrections nécessaires ».
Deux lois, deux dates, deux points de vue
Ce conflit entre les deux groupes cache en réalité un problème d’envergure nationale voir européenne. Deux décrets entrent en contradiction. Un en 2002 et un en 2016. C’est aussi sans doute dû au manque de consensus scientifique sur la question. La ville se base sur celle de 2002, plus souple sur les taux de diffusion et à destination du grand public, et le groupe écologiste sur celle de 2016 qui expose les effets sur la santé à partir d’un taux précis d’exposition et qui s’adresse uniquement aux entreprises. Ce décret le plus récent indique les premiers effets dès 1.1 V/m quand le travailleur est exposé au long terme. « Les passagers du métro ne sont exposés en moyenne que six minutes, le temps d’un trajet », a réagi la métropole.
Les conséquences de la multiplication de ces fréquences sont multiples. Tout d’abord le taux d’exposition aux radiations qui en deviennent élevé et dangereux pour la santé, mais aussi le dysfonctionnement de matériels médical en cas d’urgence. Selon l’ANS, le risque est encore plus grand lorsque l’on travaille proche de ses sources de bande électromagnétique, car le temps d’exposition est durable, et ce même si la fréquence est faible.
Révolution au campus de Beaulieu. Deux navettesélectriques et sans conducteur vont être testées sur un parcours de 1,3 km de l’administration au restaurant universitaire. Il ne s’agit que d’expérimentation. Si le projet est impressionnant, beaucoup d’éléments méritent d’être améliorer…
Les navettes sans conducteur peuvent accueillir jusqu’à 15 personnes.
Gros dispositif à Rennes 1. Un grand dôme, deux bus soigneusement présentés et infographies aux murs. Il faut dire que c’est la première fois en France qu’une navette autonome est testée sur un tracé avec de la circulation aux alentours. La ligne 100 accueille une quinzaine de personnes et relie l’administration du campus de Beaulieu au restaurant universitaire. À son bord, juste un opérateur qui contrôle le petit bus, à l’aide d’une manette de jeu vidéo « au cas où ». Elle n’est pas très rapide, juste 15 km/h au maximum. Mais cela suffit pour démarrer une expérimentation qui durera 9 mois, du lundi au vendredi de 7 h 30 à 19 h.
David Alis (au centre), Emmanuel Couet (deuxième en partant de la droite), et Laurent Sénigout (tout à droite), dévoilant les navettes autonomes.
« C’est une révolution qui démarre aujourd’hui. Nous voulons faire de Rennes un laboratoire pour ce genre d’expérimentation », indique fièrement Emmanuel Couet, président de la métropole. Et quoi d’autre que le campus de Beaulieu, qui abrite un pôle technique important, pour tester cette navette autonome ? « C’est important que nos étudiants voient cette innovation en dehors de nos murs », insiste David Alis, président de l’université Rennes 1. « Ce n’est qu’une expérimentation, mais nous nous projetons déjà vers l’avenir ».
Laurent Sénigout de Keolis : « La prochaine étape sera d’agrandir le parcours »
Les opérateurs restent dans la navette pour assurer le contrôle à l’aide d’une manette de console de jeu.
Emmanuel Couet et David Alis sont bien conscients qu’il ne s’agit que d’un essai : « Ça ne remplacera jamais le bus », répètent-ils. Pour Laurent Sénigout, directeur général de Keolis-Rennes, qui gère ces navettes, c’est une aubaine pour tester ses deux véhicules. « Nous sommes sur un pôle technologique. Nous aurons l’œil des experts. De plus, c’est une route avec de la circulation, mais pas suffisamment pour qu’elle soit dangereuse ». Alors on a testé.
Ceinture obligatoire sinon danger !
Une fois à l’intérieur on se sent rapidement à l’étroit. Il n’y a que 11 places assises et le reste de la navette est très petit. Le bus s’allume, avance 5 m et percute un trottoir. Rassurant. « C’est parce qu’il n’est pas sur sa trajectoire d’origine », explique Laurent Sénigout. L’opérateur reprend alors les commandes. Le véhicule autonome se dévoile. Elle est étonnante quand elle roule seule, elle est impressionnante quand elle détecte les passages piétons, elle est bluffante quand elle klaxonne d’elle-même pour avertir d’un danger.
Mais on arrive rapidement au défaut principal : son freinage. Au moindre danger, de la voiture empiétant un peu sur le passage piéton au tracteur coupant la route, la navette pile brusquement. On comprend alors la ceinture obligatoire. Le moindre arrêt projette le passager en avant. « Il y aura beaucoup d’incidents à gérer », avance Laurent Sénigout. Mais alors quid de la sécurité des étudiants qui prendront régulièrement ce bus ? « Ce n’est pas fait pour une utilisation quotidienne », rappelle Emmanuel Couet.
Cette navette fonctionne grâce aux multiples capteurs disposés en haut, à l’arrière et à l’avant du véhicule. Ils analysent à l’aide des caméras à 360° qui anticipent les éventuels obstacles. Il y a également une partie qui contrôle la vitesse et qui l’adapte en conséquence.
Le poste de commande au cas où.
Une navette appréciée des étudiants
Retour au campus une semaine après son inauguration et loin du schmilblick installé. Les étudiants observent d’un regard interrogatif cette navette. Mais à l’intérieur, les opérateurs observent déjà les premiers habitués. « J’effectue très souvent le trajet. Ça permet d’éviter la marche et d’être dans le froid », explique Guillaume, étudiant à Rennes 1. Si le trajet à pied est plus court, il est évidemment plus confortable, et ce malgré les freinages très brusques. « On finit par s’y habituer », sourit-il.
L’opérateur à deux étudiants : « Accrochez-vous le freinage peut être brusque. Enfin, vous connaissez vous êtes déjà venus ! »
En réalité, il s’agit bien plus d’une navette semi-autonome. L’opérateur doit régulièrement reprendre les commandes pour éviter une voiture mal garée par exemple. « Elle ne sait pas encore se dédoubler », explique-t-il. « Elle a le temps de s’améliorer », observe Guillaume. Mais pas de gros risques à venir et une satisfaction globale est ressentie auprès des premiers usagers. « Si elle marche, c’est que des ingénieurs on fait en sorte que ça ne soit pas dangereux à priori » explique l’un d’eux.
Depuis sa mise en service, Keolis revendique 250 voyageurs par jour.
La navette est électrique, a une autonomie de 100 km et se recharge en 6 h.
Bretagne 58. Cela pourrait être le titre d’un film cherchant à montrer le visage disparate d’un territoire et d’une population. La période 1950-1964, entre le redémarrage et la prospérité économiques, se caractérise par l’expansion rapide du bâtiment et des travaux publics, des industries liées au tourisme et de la branche laitière ; par la déconcentration d’entreprises qui viennent en Bretagne pour profiter du calme social et politique.
Sous la IVe République française, dans le contexte de la création de la Communauté économique européenne en 1957, puis face au pouvoir jacobin de la Ve République qui s’installe à partir de 1958, le CELIB, Comité d’Études et de Liaison des Intérêts Bretons, insiste sur le « problème breton » et développe par son action non négligeable en matière d’équipement de la Bretagne un régionalisme de notables, soutenu par le Mouvement pour l’Organisation de la Bretagne (MOB), créé en 1957. C’est ainsi que la Bretagne bénéficie en 1956 du premier plan de développement régional, bien qu’imparfait. La culture bretonne, quant à elle, s’engage peu à peu vers une renaissance qui sera beaucoup plus marquée à partir des années 60, dans une période d’expansion économique et de contestation sociale (2).
Charles Vanel (1892-1989). Ici photographié en 1934.
En 1958, année par définition nationale du fait de la guerre d’Algérie et du passage constitutionnel de la IVe à la Ve République, des acteurs d’origine bretonne sont à l’écran. Parmi eux deux Rennais : Charles Vanel a déjà bien entamé sa carrière d’acteur (il a alors 66 ans) tandis que celle de Marcel Bozzuffi, dans des seconds rôles, est relativement récente. Le Malouin Alain Cuny est à l’affiche dans le sulfureux Les amants de Louis Malle alors que Daniel Gélin, Malouin d’adoption et jeune premier, commence à être éclipsé par la Nouvelle vague.
L’actrice Yvonne Clech, née à Saint-Brieuc, tourne dans La moucharde de Guy Lefranc, dans lequel on trouve aussi le confirmé Noël Roquevert, de Douarnenez. Le Morlaisien Julien Guiomard est encore au théâtre de Jean Vilar. Jean Rochefort, d’une famille liée à Dinan et à Saint-Lunaire, débute à peine. Le Brestois Pierre Brice fait de brèves apparitions dans Les tricheurs de Marcel Carné ; il sera bientôt beaucoup plus connu par le public allemand que par le public français pour son rôle récurrent de l’Indien Winnetou.
Le Nantais Jacques Demy s’installe peu à peu dans le cinéma français, d’abord comme réalisateur de courts métrages tels que le beau documentaire Le sabotier du Val de Loire (1955) et Le musée Grévin qu’il tourne en 1958, « fantaisie cinématographique » sur un scénario de Jean Masson qui ne l’inspire pas. Le Vannetais Alain Resnais est connu comme réalisateur de documentaire : après Nuit et Brouillard sorti en 1956, il sort en 1958 Le chant du styrène, film de commande du groupe Péchiney, mais très esthétique. Le Fougerais Georges Franju, après des courts métrages réussis, tourne son premier long métrage, La tête contre les murs. Philippe Durand, rappelé pour la guerre d’Algérie et blessé, s’apprête à tourner le court métrage Secteur postal 89 098, qui sera censuré en 1961, tandis que le directeur de la photographie, né à Brest, Yann Le Masson, est sur le tournage de La récréation de Paul Carpita, court métrage de réflexion sur l’inutilité des guerres coloniales.
L’Allemand Volker Schlöndorff, futur réalisateur du Tambour en 1979, a quitté Vannes, où il avait suivi sa famille et son père médecin quelques années auparavant, pour Paris et l’IDHEC, la grande école du cinéma. Le décorateur nazairien Bernard Evein vient de travailler avec Louis Malle et Claude Chabrol et s’apprête à le faire avec François Truffaut 4. Si ces quelques trajectoires individuelles ne peuvent suffire à cerner continuités et ruptures en ce qui concerne le rapport entre la Bretagne et le cinéma autour de 1958, elles s’inscrivent pourtant déjà dans un jeu d’échelles. Les trajectoires individuelles engendrent des trajets entre les territoires, car il s’agit bien de « monter à Paris », elles supposent des désirs de filmer et de jouer, quitte à ce que cela ne soit pas en Bretagne. Parfois, certains y reviennent dans le cadre de leur métier : Charles Vanel, Jean Grémillon. Or, en matière d’histoire régionale, notamment sociale et culturelle, c’est plus le va-et-vient, « le principe de la variation qui compte, non le choix d’une échelle particulière 5 ». Variation dans le temps et l’espace, variation des regards et des représentations aussi.
L’article de l’organe de presse Breiz du 15 novembre 1957, intitulé « Pour le cinéma la Bretagne est encore une terre à découvrir » pose la problématique : la Bretagne est-elle une terre de décors ou un territoire d’une création respectueuse de la réalité bretonne, qu’elle soit le fait de Bretons ou pas ? Dans les années cinquante c’est une question chère aux trois frères Caouissin, cinéastes semi-professionnels, qui réalisent dès 1952-1953 Le mystère du Folgoët, fresque historique autour du Saint Salaün ar foll, et qui sont persuadés que le cinéma peut saisir l’âme et le visage du peuple breton (6).
Qu’en est-il, en 1958, des rapports entre le cinéma et la Bretagne (dans une définition historique, Loire-Atlantique comprise) ? Cinq axes peuvent être envisagés en intégrant quelques exemples de films : 1° 1958 est l’année culminante de la distribution de films dans les salles bretonnes par l’intermédiaire du GASFO ; 2° La Bretagne est utilisée comme décor dans le film Les Vikings ; 3° Les Bretons sont cependant au cœur du dispositif cinématographique avec le documentaire La mer et les jours. 4° Les films amateurs (7) sont de plus en plus nombreux, des films de famille aux reportages ou documentaires voire aux fictions. Ces films sont réalisés, dans le cadre d’une pratique culturelle ordinaire, en individuel ou par des citadins aisés dans un club. Le milieu et les films amateurs témoignent-ils d’une spécificité socioculturelle ou pas par rapport au tissu français (8), dans leur rapport à la télévision, au cinéma d’ailleurs avec le Festival national amateur de Saint-Cast ? Il y a lien entre l’histoire locale et l’histoire locale du cinéma. Celles-ci participent de la tendance notée par Richard Rorty visant à réintroduire dans l’histoire « des existences et des singularités (9) ». Pour autant ces histoires ne correspondent pas nécessairement à une « histoire en miettes » sans lien avec l’histoire nationale (10). 5° Enfin, le regard partisan sur la guerre d’Algérie avec Algérie en flammes de René Vautier confirme l’engagement politique et culturel d’un cinéaste breton par et dans un cinéma immersif et « d’intervention ».
1958 : l’apogée du GASFO
Depuis 1949, date de sa création sous forme de coopérative catholique, le GASFO, Groupement des Associations Familiales de l’Ouest (qui succède à la Fédération des Associations des Cinémas de l’Ouest de l’avant-guerre), dont le siège est à Rennes, ne cesse de se développer face aux distributeurs nationaux et au Cinéma Éducateur de la Ligue de l’Enseignement. Le nombre de salles affiliées est dense : 220 salles en 1951, 320 en 1958. Toutefois, le groupement est peu ou pas présent dans le centre des grandes villes. La concentration des salles se fait dans les quartiers périphériques des villes (Rennes, Nantes, Quimper, Saint-Brieuc, Brest, Lorient, Vannes), les petites villes et les bourgades rurales (dans les cinq départements de la Bretagne historique et dans celui de la Mayenne). Ce qu’on y appelle le « bon film », selon une cote en vigueur, repose sur les critères suivants : la poésie, la morale et l’aspect commercial. Ainsi, la « Nouvelle vague » du cinéma français est refusée, car considérée comme « cinéma de l’immoralité qui ne met en scène que des voyous et des délinquants (11) ! »
À côté du GASFO, les ciné-clubs ruraux confessionnels de l’association Film et Culture (25 en 1957), liée à la Jeunesse Agricole Catholique et plus spécialisée dans les films à interrogation rurale, permettent un peu plus de liberté dans le choix des films à projeter. Film et Culture, dont le siège est à Quimper, est aussi au service des Directions de l’enseignement catholique des Évêchés de Quimper et de Vannes. Fort de son succès, Film et Culture crée en 1958 quelques ciné-clubs en ville sous l’appellation de ciné-clubs populaires (entre autres dans un café de Lorient-Keryado, dans trois quartiers de Brest, dont celui de Lambézellec, à Quimper (12).
Cependant, du milieu des années cinquante au milieu des années soixante-dix, au total, le Finistère perd 40 salles, la Loire-Atlantique 36, le Morbihan 6 et les Côtes-du-Nord 413. Fabrice Montebello a montré en quoi 1958 peut être « comprise comme date de remise en cause du mode de consommation des films en salles (14). » En 1957, 411 millions de spectateurs français sont comptabilisés, dont près de 5 millions en Bretagne, alors qu’une ville comme Rennes est encore dotée de 13 cinémas (15) ! Depuis la baisse du nombre de spectateurs et de salles est générale. Plus particulièrement, Michel Lagrée a écrit une synthèse éclairante sur la crise du cinéma de patronage de la fin des années cinquante : « Alors que la télévision fixait à domicile le public adulte ou âgé, l’exode rural et la mobilité nouvelle (cyclomoteurs, voitures) drainaient les jeunes vers les salles commerciales de centre-ville, plus attractives et confortables, bénéficiant de l’exclusivité des nouveaux films et des progrès technologiques (CinémaScope, etc.). D’ailleurs l’évolution des mentalités, marquée en Bretagne par une rapide émancipation religieuse et culturelle, aboutissait à une dépréciation du cinéma paroissial en tant que tel auprès de son propre public.
Ce phénomène a coïncidé, selon l’intéressante hypothèse de J. Erhel-Lamandé, avec la loi Debré sur l’enseignement privé, et la suppression d’une finalité essentielle pour le cinémade patronage : le financement de l’école catholique. Enfin la raréfaction du clergé conduisait à un abandon progressif des charges non directement pastorales, et à la relative clôture d’un cycle d’activisme social dans les “Œuvres” ouvert dans les années 1890. De 1958 à 1963, le nombre des salles paroissiales du GASFO, dans l’Ouest, passa de 320 à 195. Encore était-on loin ici des déserts cinématographiques comme la Lozère (4 salles) et la Creuse ou le Cantal (6 salles). Le cinéma de patronage avait vécu, et avec lui le grand projet de mariage de l’image lumineuse et de la pastorale catholique, conçu dans les années 1930 (16). » Toutefois, le GAFSO se réorganisera en Société Rennaise de Diffusion Cinématographique en 1968, ce qui ralentira plus ou moins le déclin de certaines salles.
En 1958, l’abbé Joseph Lemarchand, dit Jean Sulivan, anime depuis dix ans le ciné-club rennais La chambre noire, un des plus importants ciné-clubs de province, haut lieu de cinéphilie qui se réunit dans la salle de cinéma Le Français. Cela continuera encore dix ans jusqu’au départ de l’abbé pour Paris (17). Les séances se multiplient dans la semaine, entre 1957 (ciné-conférence du réalisateur américain Preston Sturges : Hollywood cinéma) et 1960 (ciné-conférence intitulée Jean Grémillon. Cinéaste de l’équilibre symphonique) (18). Ce ciné-club qui entame sa marche vers le cinéma Art et essai est, à cette époque, de plus en plus prisé par les intellectuels rennais à la culture littéraire comme en témoigne le lien avec la librairie réputée Les nourritures terrestres, la première à réserver à Rennes un rayon entier aux ouvrages sur le cinéma (19). La chambre noire est une référence pour le Cinéma éducatif, créé par la direction diocésaine de l’Enseignement catholique au début de l’année scolaire 1957-1958 et qui concerne les élèves de collège (20). Mais les militant-e-s de la Jeunesse Ouvrière Catholique trouvent les débats de La chambre noire trop intellectuels et créent leur propre ciné-club, Voir et Juger, en 1950, dans les locaux du GASFO puis dans La Maison du peuple. Jugé à son tour trop cinéphile, ce ciné-club disparaît en 1957 (21).
Dans la Bretagne de 1958, il y a bien longtemps que la domination de l’Église est un fait : elle n’est concurrencée que par le goût de spectateurs tournés vers les films sentimentaux ou comiques et non vers les films catholiques, moralisateurs, les films éducatifs ou à l’esthétique exigeante. Tangui Perron note « des retards laïcs » et des « tentatives ouvrières », faute notamment de « la faiblesse du mouvement ouvrier (22) ». Une exception cependant : l’Office régional des œuvres laïques de l’enseignement par l’image et par le son (OROLEIS), dont le siège est à Rennes et qui organise des séances scolaires et postscolaires dans l’académie de Rennes (23). Rennes est d’ailleurs un lieu d’éducation cinématographique laïc auprès des jeunes dès 1922, avec le Cercle, dont l’installation puis la rénovation d’une salle de cinéma associatif est soutenue par la municipalité (1922 et 1945) (24). La section cinémaamateur du cercle Jules Ferry est créée à Saint-Malo en 1957 (25). Ainsi, des instituteurs, comme des prêtres, filment les événements festifs et le quotidien locaux.
Une Bretagne-décor ?
Dans le mensuel Breiz du 15 novembre 1957, F. Choquet publie l’article « Pour le cinéma la Bretagne est encore une terre à découvrir ». Breiz est l’organe de presse de Kendalc’h, confédération culturelle créée en 1951, qui regroupe la BAS (constituée des musiciens traditionnels des bagadou), Ar Falz, organisation laïque pour l’enseignement du breton et le Bleun Brug, association culturelle et sociale catholique et la Jeunesse étudiante bretonne. Par une mise en perspective des représentations de la Bretagne au cinéma depuis l’entre-deux-guerres, période pendant laquelle les cinéastes viennent tourner en Bretagne des extérieurs dans les décors naturels, l’article s’intéresse aux « possibilités cinématographiques » de la Bretagne (26). Ainsi on peut lire : « Ces possibilités qui n’en dresseraient tout de suite l’inventaire : grandioses paysages maritimes, décors champêtres plein de caractère, ports colorés, vieilles villes, traits humains demeurés d’une vigoureuse originalité, là même où la langue et le costume ont disparu. Terre foisonnante de richesses pour la caméra, la Bretagne n’a pourtant guère inspiré de grands films comme, par exemple, la Provence. »
Dans une production médiocre, voire injurieuse selon le journaliste, seuls deux réalisateurs, non « bretons cinéastes », mais « cinéastes bretons » (27), trouvent grâce aux yeux de l’auteur : Jean Epstein avec Finis terrae (1929) et Mor vran (1930), qui « rudes et dépouillés, ont précédé d’une quinzaine d’années le néo-réalisme » ; Jean Grémillon avec Tour au large (1927), Gardiens de phare (1929), Remorques (1939-1941), encore diffusés dans les ciné-clubs et à la télévision à cette époque. F. Choquet espère en l’avenir, à propos de Lancelot du lac, que prépare Robert Bresson. « Le réalisateur du Journal d’un curé de campagne serait venu discrètement en Bretagne cet été pour y rechercher, avec sa minutie habituelle, l’âme de Brocéliande dans les paysages de notre pays et les visages de ces habitants. » Finalement, il faudra attendre 1973 pour le tournage de ce film, à Noirmoutier en Vendée ! Un petit encart est consacré à un film sous le titre « On va tourner en Bretagne Les naufrageurs. Le tournage est prévu pour 1958 par Charles Brabant, ce qui n’emballe pas F. Choquet, qui reconnaît toutefois intéressant que le scénariste soit Roland Laudenbach, sensible à la Bretagne. En fait, R. Laudenbach se charge de l’adaptation et des dialogues (le scénario est de Gwenn-Aël Bolloré, d’Ergué Gabéric, homme d’affaires et producteur du film). Dany Carrel, Charles Vanel, Renée Cosima, épouse de G.-A. Bolloré, sont parmi les acteurs de ce récit de naufrage provoqué en 1852 par des îliens affamés. Le tournage a lieu du 13 mai (!) au 23 juillet 1958 dans le Finistère : à Tronoën, où le village fictif du film est entièrement reconstitué « en dur » autour de l’église et du calvaire, à Kérity pour les scènes d’intérieurs dans les grottes et maisons de pêcheurs ; à Bénodet pour le naufrage de la goélette (28). L’actrice Dany Carrel se souvient d’un tournage festif et des difficultés rencontrées par le réalisateur pour tourner la scène du pardon breton, avec des figurants locaux. Après une nuit particulièrement alcoolisée, certains des figurants tombaient au cours de la procession, « perdues dans les brumes du chouchen (29). » La première mondiale a lieu à Quimper le 18 novembre 1958 (30).
Le journaliste de Breiz poursuit son tableau sur la Bretagne au cinéma avec les courts métrages, pour lesquels il est plus clément, le vrai visage de la Bretagne y apparaissant davantage : par exemple dans Pêcheurs de goémons de Yannick Bellon (1948), Prélude à la Bretagne d’Étienne Lallier, récemment présenté aux Journées du cinéma de Rennes, et Penn ar bed du Breton Roger Moride. Bien entendu l’association cinématographique, folklorique et culturelle Brittia Films, créée en 1952 par les frères Caouissin, qui tente « avec courage de créer un véritable cinéma breton », est citée à propos du mystique Mystère du Folgoët, reconstitution historique de 1953, tournée en Bretagne, dans les paroisses du Léon, avec de nombreux figurants et Jarl Priel, acteur professionnel dans le rôle du saint breton Salaün ar foll. Le film est vu par près d’un million de spectateurs.
Pourtant, vers 1956-1957, Brittia Films n’existe plus vraiment malgré des productions aussi disparates que Le camp de Conlie (en hommage aux Bretons du général de Kératry, parqués en 1870 dans la boue du camp par le républicain Gambetta), que La côte de granit rose (31). C’est la fin du rêve d’un cinéma culturel breton indépendant envisagé dans les années quarante (32), à cause d’un amateurisme économique et technique trop prégnant. Pierre Caouissin fait ainsi le bilan : « Mon expérience de cinéaste amateur au Club des cinéastes amateurs de Brest m’a aidé, mais nous nous sommes lancés dans une aventure un peu au-dessus de nos forces. C’était du professionnel, notamment sur les plans technique et financier. C’est là que le saut a été difficile. Ça n’avait plus rien à voir avec l’amateurisme. Tous nos ingénieurs de son, nos monteurs étaient des professionnels. C’était très dur. Je ne connaissais pas, et pour cause, le montage du son : il y avait trois bandes, celle de la musique, celle du dialogue, celle du bruit. Et il fallait mettre tout cela en route ! J’avais abandonné mon métier, je travaillais jusqu’alors avec mon frère Ronan qui avait une imprimerie-librairie à Landerneau. Nous nous sommes dit que nous allions faire du cinéma breton et qu’on essaierait de vivre avec cela. Herry faisait le scénario, Ronan faisait le régisseur et moi j’avais la caméra 16 mm. Nous avons surmonté ainsi les difficultés pendant quatre ans. À l’auditorium parisien où nous montions nos films, une fois la curiosité passée, les professionnels nous aidaient. Il faut dire que nous payions cash. Dans l’ensemble, les relations avec les professionnels ne se passaient pas trop mal. Les ingénieurs du son travaillaient sérieusement. Nous, nous voulions un bon son et puis c’est tout. Nous voulions être des cinéastes indépendants, nous ne faisions pas partie du cinéma professionnel de Paris. Ceci dit, le cinéaste amateur est beaucoup plus libre que le cinéaste professionnel. Le cinéaste amateur fait ce qu’il veut (33) ». Et F. Choquet de conclure que les « devis considérables et la concentration de l’industrie cinématographique à Paris permettent de mesurer les difficultés qu’il y aurait à mettre en œuvre à partir de chez nous un grand film qui honorerait la Bretagne dans son authenticité et serait susceptible de couvrir le marché français et étranger. C’est le seul rayonnement de notre pays qui peut aujourd’hui attirer spontanément un producteur, un réalisateur, un scénariste et faire naître une idée de film. » Par là, il est acté que la vaine opposition entre cinéma breton et films tournés en Bretagne, pour suivre Jean-Pierre Berthomé, pourrait être dépassée. C’est qu’il « n’est pas nécessaire d’être Breton pour s’inscrire intimement dans la Bretagne et en exprimer la singularité (34) ».
En 1958, six films sont réalisés en Bretagne. Quatre longs métrages de fiction : Les naufrageurs (Charles Brabant), Pêcheur d’Islande (Pierre Schoendoerffer), Tant d’amour perdu (Léo Joannon pour une adaptation libre d’Eugénie Grandet de Balzac par Roland Laudenbach une nouvelle fois) et Le voyage en ballon (Albert Lamorisse pour un tour de France en ballon qui permet de voir la rade de Brest, Locronan et Carnac vus du ciel (35) ; deux courts métrages documentaires : De mon temps de Claudine Lenoir (36), dont le commentaire qui s’adresse à une vieille Bretonne nostalgique tente de montrer le caractère immuable de la Bretagne à partir de la confrontation d’images de l’époque et des années vingt, comme si le cinéma pouvait ralentir la course du temps ; le lyrique La mer et les jours (de Raymond Vogel et Alain Kaminker sur le thème des relations des habitants de l’île de Sein à la mer (37).
Deux fictions tournées en 1957 sortent sur les écrans en 1958 (38) : Une vie (d’Alexandre Astruc, adaptée de l’œuvre de Guy de Maupassant, entre autres par… Roland Laudenbach), pour laquelle le lieu de tournage de la baie de Saint-Brieuc évoque la Normandie, et Les Vikings (de Richard Fleischer). L’année ne fait pas exception à la tendance repérée sur le temps long : le net déséquilibre entre l’Armor (le littoral) et l’Argoat (l’intérieur). Comme l’écrit Jean-Pierre Berthomé : « Comment s’en étonnerait-on ? Pour le meilleur comme pour le pire, la Bretagne des cinéastes reste celle de ce qui fait sa différence visible, son imaginaire pittoresque qu’on vient justement solliciter : ports, plages, îles ou rochers fouettés par la mer (39) ». Cela est d’autant plus vrai que le tourisme balnéaire se développe en Bretagne. Le film éducatif En Bretagne, daté de 1958, résume bien cela : au gré des images, les rares commentaires disent : « Les paysans vivent pauvrement », « Beaucoup de Bretons sont pêcheurs » et « La Bretagne est surtout le pays de la mer. Les côtes sont célèbres pour leur beauté », « Pendant les vacances beaucoup de gens viennent en Bretagne » et « Pendant l’été, hôtels et commerces profitent du séjour des baigneurs (40) ».
Ainsi Pêcheurs d’Islande est la troisième adaptation du roman de Pierre Loti, après celle de 1924 par Jacques de Baroncelli et de 1933 par Pierre Guerlais. Le film de 1958, produit par Georges de Beauregard et dont la photographie est celle de Raoul Coutard, n’est pas tourné à Paimpol, mais à Concarneau et à Beg-Meil. De plus, le film se caractérise, dans un souci commercial, par un happy end pour les amants, loin du sort tragique initial. Charles Vanel, qui incarnait en 1924 le jeune marin Yann, se voit confier alors le rôle de l’armateur, Mével, père de la jeune paimpolaise Gaud !
The Vikings, film de l’Américain Richard Fleischer, distribué par The United Artists, sort sur les écrans le 17 décembre 1958. Adapté d’un roman, ce film est produit par la Bryna Prod de l’acteur Kirk Douglas, qui y joue le rôle principal, Einar, aux côtés de Tony Curtis et de Janet Leigh. Sur fond de razzia au Xe siècle, le film brutal aux couleurs sanguines dues au talentueux directeur de la photographie Jack Cardiff, raconte la lutte fratricide entre les deux personnages masculins. D’avril à septembre 1957, l’équipe de tournage se rend à Bergen (Norvège), à Munich, à Fort-La-Latte et au Cap Fréhel, dans les Côtes-du-Nord. Plus précisément ce sont les extérieurs de la dernière séquence, celle du combat entre les deux hommes, au sommet du château du roi anglais de Northumbrie, qui sont tournés à Fort La Latte (41). Ce n’est pas la première fois que les studios d’Hollywood se délocalisent en Bretagne à la recherche de décors extérieurs.
Dès 1953, Raoul Walsh est venu à Concarneau pour réaliser Sea devils (La belle espionne), film d’espionnage sous Napoléon 1er avec Rock Hudson et Yvonne De Carlo. Le critique américanophile Jacques Lourcelles, auteur d’un subjectif Dictionnaire du cinéma en 1992, tient Les Vikings comme « le chef-d’œuvre de Fleischer, non surpassé depuis par lui ou par quiconque (42) ». Le grand spectacle hollywoodien est sur l’écran, mais n’est pas en reste au moment du tournage qui dure trois semaines durant le mois de juillet (43). L’équipe est constituée de 500 personnes au total. Deux DCA 4, dont un présente l’inscription « The Vikings Special », transportent les hommes et le matériel. Plus d’une centaine de figurants de Plévenon et du pays de Dinan regrettent le manque de communication en dehors du fameux « Action ! » Pourtant, le dimanche 14 juillet se tient à Lamballe le gala des Vikings, soi-disant offert par les vedettes internationales du film. Se succèdent des numéros de hache, d’armes blanches, d’arcs et de lasso (44). La force est exaltée, à l’image de celle qui se dégage dans le film. En 1980, la critique régionaliste verra dans le bélier en carton-pâte, construit pour l’occasion et que l’on peut alors encore voir sur le site, « le symbole pourrissant d’un pays relégué à l’état de studio, puis de poubelle… (45) », mais gageons que la plupart des spectateurs de l’époque y ont vu un spectacle d’aventures divertissant et pourquoi pas parfois une certaine beauté lyrique à laquelle les à-pics bretons et la mer grondeuse ont contribué.
La mer et les jours ou mourir pour des images
Dans les années cinquante, les courts métrages documentaires, éducateurs, promotionnels, artistiques font florès. La télévision n’est pas encore dans de nombreux foyers. Aux yeux des historiens et cinéphiles bretons on compte deux courts-métrages qualifiés de chefs-d’œuvre dans les années 45-60 : L’un d’eux (46) est La mer et les jours, documentaire en noir et blanc d’une vingtaine de minutes, réalisé par Raymond Vogel en collaboration avec Alain Kaminker (47) et dont les images sont d’André Dumaître (48), habitué des tournages de courts métrages sur la Bretagne et la mer. En 1950, le long métrage Dieu a besoin des hommes de Jean Delannoy (49) a contribué un peu plus à faire connaître l’île, bien que le tournage ne se soit pas toujours bien passé entre l’équipe et les habitants. Le documentaire est sombre, tant par la mort omniprésente dans le quotidien des pêcheurs de l’île de Sein que dans la lumière captée par le chef opérateur Dumaître. La mort d’Alain Kaminker pendant le tournage, emporté par une lame lors d’une tempête, contribue un peu plus à cette ambiance. Ainsi, dès le début du film les dédicataires sont les marins de l’Anne-Gaston, péris en mer le 15 novembre 1958, et Alain Kaminker, « qui filma leur naufrage et participa au sauvetage des survivants, péri en mer le 11 décembre 1958 en achevant cette chronique (50) ». Les dures journées s’égrènent, au fil des plans et séquences montés par Henri Colpi et Jasmine Chasnay, accompagnés par la musique de Georges Delerue et le texte de Chris Marker. Avec réalisme, entre documentaire et fiction, entre « l’intimité des morts » et « la pudeur des vivants », le film magnifie les vies minuscules des îliennes, dans l’attente du retour de leur marin ou déjà veuves : « les petites filles savaient qu’elles trouveraient la mer toujours devant elles, que leur vie serait toujours modelée par la mer et menacée par elle ». Il magnifie aussi les vies des îliens, Lech Richard et Henri Le Gall notamment, sur la mer ou la scrutant telles des « sentinelles de la mer » pour savoir s’ils vont sortir. Trois séquences sont particulièrement fortes : celles des « exercices d’acrobatie » des gardiens de phare d’Ar Groac’h (La Vieille) et d’Ar Men, transbordés par la Velléda, vedette des Ponts-et-Chaussées ; celle de la tempête dans laquelle est pris le canot de sauvetage qui emmène sur le continent une petite fille qui a une fracture du crâne et qui endure une traversée de trois heures ; celle des corps des deux marins pêcheurs noyés de l’Anne-Gaston, dans la mer puis sur leur lit de mort. Pas de voyeurisme pour autant, la caméra est respectueuse et le commentaire sobre.
Porter la voix des plus défavorisés dans un respect et une estime mutuels : c’est le sens de l’hommage rendu par René Vautier dans son documentaire 16 mm en noir et blanc de 1971, Mourir pour des images, premier film de l’Unité de Production Cinéma Bretagne (UPCB), cofondée avec la photographe Nicole Le Garrec : l’équipe du tournage, Alain Kaminker en particulier, a su s’intégrer aux Sénans et partager leur vie quotidienne. André Dumaître voulant abandonner le tournage, les marins du canot de sauvetage l’ont retenu : il faut qu’on termine le film, on va t’aider, il ne faut jamais laisser la mer gagner. » Alain Kaminker est enterré dans le cimetière de l’île, avec sur sa tombe l’inscription « Péri en mer 51 ».
La comparaison avec le film amateur sonore couleur tourné en 16 mm la même année par le médecin parisien Roger Dufour, fils d’armateurs dunkerquois (52), mérite qu’on s’y arrête un instant. Ar Groac’h raconte pendant 15 minutes 30 la vie quotidienne des gardiens du phare au large de l’île de Sein (53). L’année précédente, il a tourné Finis Terrée, « avec ceux de Sein et des feux du Raz », où il aborde déjà le ravitaillement et la relève des phares (54). Dans Ar Groac’h, filmé en mars 1958, on retrouve H. Le Gall, le patron de la Velléda, mais c’est aussi l’occasion de faire connaissance, entre autres, avec Messieurs Lazbleiz, gardien-chef du phare et Poullinec, ancien ravitailleur. Comme La mer et les jours, Ar Groac’h s’inscrit dans un cinéma éducateur, mais dans des cercles amical et associatif, à la diffusion limitée aux échelles des espaces amateurs (du club local au groupement régional [55], les festivals nationaux, les festivals internationaux). Le commentaire insiste beaucoup sur l’amitié entre les quatre hommes. Ainsi, à l’intérieur du phare, sur l’image du docteur mangeant du pain et levant son verre de vin, on peut entendre « Invité par mes amis, je partage avec joie leur repas ». Il s’en félicite même : sur l’image du retour du phare, focalisée sur le canot à l’arrière du bateau qui s’éloigne du phare, il commente : « Cette vie pour eux est celle qu’ils ont choisie. Peu de gens la connaissent. J’ai cette chance et celle de compter parmi leurs amis. » L’intérêt du film, au demeurant classique dans sa conception pour le milieu amateur de club (entre reportage et documentaire, avec fond musical permanent et commentaire explicatif plutôt abondant), réside dans le fait d’entendre les voix enregistrées, au fort accent, des hommes, qui se contentent souvent de confirmer dans leurs réponses les informations de la question posée par le respecté R. Dufour, « sur les lieux mêmes où se situe l’action (56) ». Elle réside aussi dans l’évocation par Monsieur Poullinec d’un sauvetage en mer effectué en 1926. Le film devient alors pleinement « lieu de mémoire » d’une parole conservée, projeté dans les clubs d’amateurs. Le film insiste sur le courage et l’exploit au quotidien des hommes, et contrairement à La mer et les jours, la mort n’y est pas abordée : le naufrage de 1926 se termine bien. Il ne s’agit absolument pas d’opposer La mer et les jours à Ar Groac’h. Ces deux films de qualité sont les deux faces d’un même milieu représenté, centré sur la mer et ses dangers, vécu au quotidien, dans des dispositifs social et artistique de tournage différents qui génèrent deux points de vue différents. En 1959, le médecin obtient des premiers prix au festival international du cinéma amateur de Carcassonne et au festival national du film amateur de Saint-Cast. Toujours en mars 58, son amour pour l’île amène R. Dufour à mettre en images, avec pour actrice Marguerite Goachet, le poème Mère noire, ode à la femme sénane, dont le portrait apparaît souvent en gros plan, qui regarde le cimetière des hommes entre l’île et la pointe du Raz (57).
Avant Télé Bretagne
En France, le nombre de téléviseurs passe de 600 000 en 1957 à 2 500 000 en 1961 (58) ! Il faudra attendre 1964, l’année de naissance de l’ORTF, pour qu’une télévision régionale, Télé Bretagne, soit créée. Dans La mer et les jours, si les images de tempête sont spectaculaires, il est à noter que le son du vent déchaîné et de la mer qui se brise sur les rochers est issu d’une émission de la Radiodiffusion-Télévision Française (RTF), Là où finit la terre (59). À propos de la Bretagne, la télévision aborde beaucoup le thème de la mer. Cinq épisodes du Tour de la France par deux enfants, adapté par Claude Santelli à partir du livre de G. Bruno, concernent la Bretagne (Saint-Nazaire, Saint-Malo) et sont diffusés à la fin de l’année 1958 : tout en gardant l’aspect pédagogique de l’ouvrage scolaire de la fin du XIXe siècle-début du XXe siècle, le feuilleton hebdomadaire a l’allure d’un récit d’aventures autour notamment d’un naufrage sur des récifs (60). Des reportages sont aussi consacrés au monde de la mer dans des magazines : « Le centre nautique des Glénans » dans Aux quatre coins du monde (61), « À Concarneau » dans Répondez Monsieur X (62). L’industrie est tout de même abordée avec « Les chantiers navals » dans Travail des hommes (63). De plus, les journaux télévisés comme Les Actualités françaises, au cinéma, permettent de couvrir d’autres sujets (64). Après 1958, dans un contexte économique et social évolutif, entre réussite et crise, la Bretagne des terres apparaîtra un peu plus : par exemple dans le magazine Cinq colonnes à la une, avec le portrait d’Édouard Leclerc de Landerneau en 1959 et le portrait d’une agricultrice en 1960 (65).
À la fin des années cinquante, la télévision reste, comme à ses débuts, une aventure qui rassemble des hommes, des cameramen, venus de tous les milieux. À la télévision on tourne alors en 16 mm. En 1958, le journal télévisé cherche, dans chaque département, des amateurs susceptibles d’être désignés comme « correspondants » avec mission de filmer des actualités locales. Le remboursement de la pellicule et le paiement de 400 francs par mètre de film passé sur l’antenne en sont les conditions (66). Marcel Jouanneau, libraire, un des fondateurs du Club des Cinéastes Amateurs de Brest en 1949, a ainsi travaillé comme pigiste pendant de nombreuses années pour la télévision française et occasionnellement pour la chaîne américaine CBS. L’amateur raconte : « Paris m’appelait pour me demander de couvrir tel ou tel incident, catastrophe, ou événement marquant de la région, parfois jusqu’à Pontivy. Le montage se faisait à Paris, puis à Rennes à partir de 1964, lors du lancement du journal télévisé régional. Les équipes de Paris ne se déplaçaient que pour des événements inhabituels comme la venue du Président de la République ou pour des reportages de plusieurs jours pour lesquels le son demeurait indispensable. » Dans ce contexte de recrutement télévisuel, la Fédération Française des Clubs de Cinéma d’Amateurs (FFCCA), méfiante, écrit dans le mensuel Ciné Amateur de mars 1958 : « […] des règlements peuvent être imposés, soit à nos clubs, soit à nos amateurs, pour délimiter leur champ d’action, les empêcher de filmer des reportages, empêcher même la projection de tels films dans nos clubs ou nos concours, nous attirer une surveillance de la part de la T.V.F. ». Et de conclure : « Nous devons rester “amateurs” dans toute la force du terme, c’est-à-dire libres et sans recherche d’un but lucratif (…) Il va sans dire que les amateurs devenus “correspondants” seront immédiatement radiés de nos concours (67). » Cela ne sera pas systématiquement suivi d’effets.
Le cinéma amateur, un cinéma des villes ?
Dans les années cinquante, à la fin de la période de reconstruction et au début des Trente Glorieuses, l’augmentation progressive du niveau de vie et l’ouverture progressive sur la civilisation du loisir ou tout au moins le loisir de masse, cause et conséquence du développement de la consommation, tout en rendant possible l’expression personnelle (68), explique l’essor du cinéma amateur. Les caméras 9,5 mm Pathé, alors en déclin, 8 mm Kodak, principales concurrentes, sont très maniables. Le 16 mm, format semi-professionnel, peut être acquis par des catégories sociales aisées (médecins, professions libérales par exemple (69). En 1950, « la plus faible mise initiale de fonds atteint encore environ trois fois le salaire minimum vital (70) ». Si la pratique du cinéma amateur n’égale pas en nombre celle de la photographie en amateur, si les amateurs font d’abord et surtout des films de famille, et si l’enregistrement sonore est une difficulté majeure, les clubs d’amateurs affiliés à la FFCCA connaissent malgré tout un certain essor.
En 1958, il existe en Bretagnehistorique 16 clubs amateurs (71). C’est une période unique en matière de répartition sur le territoire breton, car les nombreuses créations de clubs des années 60 et 70 concerneront surtout Nantes et Rennes tandis que dans les années 80 les ateliers vidéo se répandront surtout dans de petites communes. Si la section nantaise du Cinamat, club parisien, est attestée dès 1933 et la section cinématographique de la Société photographique de Rennes dès 1938 (peut être 1934 selon les sources orales), le premier club de cinéastes amateurs à part entière est né à Quimper, en 1939, mais la déclaration de guerre ne permet pas au Club des cinéastes amateurs de Cornouaille de commencer ses activités.
Tableau des caméra-clubs créés dans la Bretagne historique entre 1945 et 1960 (72)
1945 : le Club des cinéastes amateurs nantais
1946 : la Société dinannaise de photo et de cinéma
1946-1947 : le Club ciné photo de la côte d’Amour (Saint-Nazaire)
1949 : le Club des cinéastes amateurs de Brest (CCAB), dont le président est Corentin Beauvais, pharmacien
1950 : – le Club des cinéastes amateurs de Cornouaille. C’est sa deuxième naissance.
– le Club des cinéastes amateurs de Lorient
– le Ciné amateur club SNCF de Rennes
– le Caméra club de Saint-Brieuc, dont le président est Léon-Jean Dechartre, ingénieur en génies électrique et mécanique
1952 : – le Caméra club de Paimpol
– le Ciné-club vitréen, dont le président est Alain Soyer, chirurgien dentiste
1953 : le Club des cinéastes et photographes amateurs de Morlaix
1954 : l’Écran fougerais
1955 : le Club des amateurs cinéastes de Rennes (CACR), ancienne section de la Société photographique de Rennes, dont le président est le docteur Louis Cathala73
1956 : – le Caméra club de la Côte d’Émeraude est attesté sous l’appellation du Cercle Jean Charcot (Saint-Servan)
– le Caméra club nantais naît à partir de l’équipe du film amateur Le baladin, fiction rendant hommage à l’humour de Charlot et de Buster Keaton, de Pierre Guérin, dessinateur aux Ponts et chaussées
1957 : – le Caméra photo club de Concarneau
1958 : – le Ciné-club de Paimbœuf
1959 : le Groupe des amateurs brestois cinéastes (A.B.C.)
1960 : premiers films de Treger Film, fondé par Roger Laouenan, clerc de notaire, qui va réaliser des actualités bretonnes hors du circuit télévisuel et les projeter dans la campagne trégoroise lors de veillées (74) !
Les pôles urbains, du grand au petit, sont les lieux de naissance de ces caméra-clubs. Nantes compte même deux clubs lors de la décennie 50, dont le plus récent, moins bourgeois, va devenir une référence en matière de dynamisme et de production (75). Les clubs des trois grandes villes bretonnes disposent d’un bulletin d’information interne, qui rend compte régulièrement des activités (séances de visionnement, séances techniques, galas) et des réflexions sur le cinéma amateur : Le cinéaste brestois à partir de 1950, à Rennes au moins dès 1952, le Flash du Caméra club nantais à partir de 1958 (76). Ces clubs, qui ont entre une centaine et une dizaine d’adhérents (77), ne peuvent compter que sur un petit noyau de membres vraiment actifs. Dans cet univers masculin, les femmes sont en très grande majorité assistantes de leur mari, colleuses, monteuses, comédiennes.
Les dirigeants sont issus de la bourgeoisie urbaine comme en atteste leur profession : médecins et dentistes, pharmaciens, ingénieurs, directeurs d’entreprise, commerçants, notaires notamment. S’ils affirment ainsi une distinction sociale, d’autant plus qu’ils utilisent le 16 mm plutôt que le 9,5 mm et le 8 mm, ils cherchent à développer le cinéma plus en tant que cinéastes qu’en tant que cinéphiles. La plupart du temps, les clubs sont affiliés à la FFCCA, qui a pour but d’« encourager le goût et l’art cinématographique dans l’amateurisme en favorisant la formation de réalisateurs par le développement de la culture, de la technique et du sens artistique cinématographiques ». À ce titre, une lettre de l’Inspection générale de la Direction générale de la jeunesse et des sports (qui dépend du ministère de l’Éducation nationale) de 1950 reconnaît la FFCCA comme « un ferment essentiel des recherches artistiques les plus hardies et les plus utiles. » Elle ajoute : « Dans ces clubs le cinéma est un moyen d’expression culturel au sens où nous l’entendons dans les perspectives de l’Éducation populaire (78). »
Les films réalisés dans les clubs sont surtout des reportages ou documentaires, parfois un peu trop proches des films de vacances, mais aussi des fictions (appelées scénarios) et des chansons filmées. Pour la saison 1957/1958, citons parmi les films réalisés et remarqués : Rouzic, l’île aux oiseaux de Louis Guezennec (Caméra club de Saint-Brieuc), Argile, terre vivante d’Adolphe Kerisit et Alain Henriot (la fabrication de la faïence, Club des cinéastes amateurs de Cornouaille), Rivages lusitaniens d’Albert Deval (les pêcheurs de Nazaré, Caméra club nantais), Vent sous vergues de Corentin Beauvais, E. Le Bozec et R. Pluet (le départ de la course-croisière de grands voiliers, Club des cinéastes amateurs de Brest (79), La crique du pirate de Jean Le Goualc’h (scénario sur le thème de la chasse au trésor avec de nombreux plans sous-marins, idem (80) : « J’ai réalisé ce film, se souvient l’amateur, avec mon fils qui avait alors huit ans. À ce moment-là, nous plongions avec des bouteilles. La principale difficulté était la clarté de l’eau. Il fallait tenir compte de la marée. Les scènes de La crique du pirate ont été tournées à cinq, six mètres de profondeur, mais sans lumière artificielle » (81). Citons enfin Môssieu Imbu, satire politique du Briochin et comédien Louis Le Meur (alors membre du Club des Amateurs Cinéastes de France-Paris), d’après l’écrivain anarchiste Gaston Couté : « La scène dont je suis le plus fier, dira-t-il, est celle du 14 juillet. À Pordic, un copain a filmé depuis le premier étage d’un bistrot le défilé autour du Monument aux Morts. J’ai regroupé les acteurs devant le Monument aux Morts de Saint-Brice-en-Coglès et ils ont été filmés. J’ai ensuite fait le montage des différents plans (82). » Les clubs participent tout autant à l’approche folkloriste des traditions bretonnes qu’ils permettent de voir d’autres horizons de la Bretagne et d’ailleurs, lors de leurs galas notamment. Ils font ainsi le lien entre le tissu socio-économique local auquel ils sont alors parfaitement intégrés (83) et l’extérieur : s’ils n’ont pas vraiment de légitimité cinématographique ils ont alors une légitimité culturelle par les actualités (84) (comme à Vitré) ou les reportages tournés lors de fêtes ou d’événements locaux.
Les clubs participent à la vie locale en filmant des images que l’on ne voit pas au cinéma plutôt focalisé sur la mer, stéréotype visuel de l’époque. Dès lors, par leur pratique de production culturelle et en rendant compte, même auprès d’un public limité en nombre, de l’évolution et de la diversité de la réalité économique et sociale bretonne, les cinéastes amateurs regardent et reproduisent une autre réalité, qui s’ajoute et complète la représentation dominante. Si certains documentaires professionnels comme Penn ar bed (1953) (85) ou La Bretagne de Raymond Bricon (195 986) s’intéressent à côté de la mer, toujours très présente, à d’autres éléments de la réalité bretonne et en particulier à l’Argoat, les sujets sont généralement rapidement passés en revue. Ainsi, les amateurs travaillent l’identité bretonne (87). Marcel Réaubourg, prothésiste, Léon-Jean Dechartre, ingénieur, et Yves Blin, photographe, tous trois du Caméra club de Saint-Brieuc, ont réalisé en 1953 Chair de poule (20 minutes, 16 mm, couleur) sur le thème des premiers élevages intensifs de poussins en Bretagne, près de Quintin, qu’ils dénoncent sur un ton ironique. En 1957, M. Réaubourg et Y. Blin s’en prennent à la Mi-carême de Saint-Brieuc (18 minutes, 16 mm, couleur) dans ce qu’elle occulte ou récupère de la spécificité bretonne (88). Cette dimension critique qui interroge l’évolution de la Bretagne et les choix économiques est nouvelle et dépasse l’humour bonhomme du cinéma amateur des classes aisées.
Dans les années soixante, le cinéma militant va se nourrir de cela, quitte à dénoncer un cinéma amateur en partie indolent et bourgeois, au nom d’une liberté dont il ne profiterait pas (89). Il est tout de même frappant de constater que F. Choquet dans l’article de Breiz, considérant « le court métrage authentiquement breton » cite sept exemples dont Brittia Films, le professionnel R. Moride et cinq amateurs, membres de clubs (Ange Vallée du CACR, L. Le Meur, le Quimpérois Le Grand, L.-J. Dechartre, et Pierre Galbrun, photographe d’origine parisienne, mais très impliqué dans le mouvement folkloriste breton (90), auxquels il ajoute quelques lignes plus tard le Brestois Pierre Perron avec le film d’animation Tonnerre de Brest (91).
Sous l’effet de l’individualisme montant dans la société française, la commercialisation du format Super 8 meilleur marché et plus facile d’utilisation et de la difficulté des clubs à se rendre attirants, le nombre d’adhérents des associations va stagner puis décliner au cours des années 60. Pourtant, la politique culturelle de certaines villes comme Rennes, sous l’effet de la petite bourgeoisie locale, membre d’associations devenue responsable municipale, cherche à émanciper l’ensemble de la population, en particulier les couches populaires qui se développent dans la ville en expansion, en matière de cinéma comme dans d’autres activités (92). À Brest, le Groupe A.B.C. est créé dans l’esprit de tourner des sujets simples avec peu de moyens et grâce à des films-clubs mobilisant cinq personnes au plus (93). Durant la décennie 60, les clubs connaîtront aussi une contestation intérieure, la politisation et l’érotisation de certains films amateurs se développeront jusqu’à l’anticonformisme : elle sera le fait de quelques membres, particulièrement à Nantes et à Saint-Nazaire, en lien avec un cinéma indépendant.
Le festival de Saint-Cast (1953-1966) : du cinéma amateur au cinéma africain
Le festival a été l’initiative du Castin passionné, L.-J. Dechartre, président du Caméra club de Saint-Brieuc. En 1955, il a été l’initiateur de Sur le sable de la dune, moyen métrage collectif de 55 minutes, en 16 mm couleurs, auquel participèrent les membres du Caméra club. Ce film retrace l’histoire de la région de Saint-Cast, du débarquement anglais de 1758 au milieu des années 50. Des centaines de figurants locaux vinrent aux nombreuses reconstitutions, notamment celle de la spectaculaire bataille de Saint-Cast et celle de l’époque 1900, époque des premiers trains départementaux (94).
Chaque année, de 1953 à 1966, pendant cinq jours aux alentours du 14 juillet, le Festival National du Film Amateur de Saint-Cast est, avant de se déplacer à Dinard, puis de devenir le Festival International du Film et d’Échanges Francophones ouvert aux jeunes professionnels, le lieu de rencontre de centaines de cinéastes amateurs. Les bénévoles du Caméra club de Saint-Brieuc projettent d’abord dans le grand salon de l’hôtel Ar Vro, puis au Palais des Fêtes inauguré en 1957 :
À chaque fois, les rencontres se déroulent sous la devise « Loyauté, Amitié », vieux principe des caméras-clubs. Les cinéastes viennent donc de Bretagne, de Paris, de Mulhouse, de Boulogne-sur-Mer, de Limoges, de Strasbourg, Montbéliard, Reims, Saint-Étienne et de la France d’outre-mer. Il s’agit de permettre aux cinéastes de valeur de confronter leurs techniques et aux débutants de se faire une idée des possibilités du cinéma, qu’ils soient membres d’un club ou indépendants – on compte 30 % d’indépendants au festival de 1956 (96). Afin d’améliorer la technique des cinéastes amateurs, les membres des jurys ont ainsi l’idée d’établir des fiches d’appréciation remises aux concurrents (97). De plus, comme le rappelle le journaliste de Ouest-France en 1959, ce festival « a été créé dans un but de propagande cinématographique et culturelle et, par conséquent, toutes les séances de projection sont entièrement libres et gratuites, le but étant de présenter à un grand public les meilleures productions des cinéastes amateurs français (98) ». Le public reste toutefois restreint, puisqu’il passe d’une dizaine de spectateurs en 1953 à plus de la centaine par la suite. Pourtant, grâce à la qualité sans cesse accrue des films projetés, dont fera état un article paru le 13 juillet 1966 dans Le Monde, de nombreux représentants de l’État et du cinéma acceptent de faire partie du jury : André Cornu, Secrétaire d’État aux Beaux-Arts, et René Pleven, ministre de la Défense, en 1953 ; le représentant du ministre de la France d’outre-mer à partir de 1954 ; Pierre Cardinal de l’IDHEC en 1957, Monsieur Martin de la Direction de la Jeunesse et des Sports en 1959 ; Monsieur Esnault, historien du cinéma et ancien collaborateur d’Abel Gance, en 1960 ; Jean Mitry, historien du cinéma, critique, réalisateur, professeur à l’IDHEC, président du festival en 1961. Enfin, les réalisateurs Jean-Pierre Melville et Marcel Carné participeront respectivement en 1964 et 1966. Initiative privée, le festival de Saint-Cast ouvre le cinéma d’amateur au grand public, aux autorités, et permet des rencontres sérieuses avec des cinéastes professionnels, ce que le concours national, toujours organisé par la fédération française, ne réalise jamais ou peu. La réussite de L.-J. Dechartre, organisateur de talent, est de faire reconnaître l’existence de cinéastes amateurs de qualité, capables de réaliser de bons films éducatifs, touristiques ou autres. Mais dès lors, l’image de l’amateur s’adonnant à sa passion sans vouloir faire de profit, diffusée jusqu’alors par les clubs, est en train d’éclater.
L’originalité de l’idée de L.-J. Dechartre réside cependant dans l’élaboration d’un concours spécialement réservé aux films venus de la France d’outre-mer, alors en pleine turbulence. Dix-sept des 120 films présentés en 1957 viennent des colonies, notamment de Lomé, Nouméa et Tamatave (99). Le festival apparaît donc aujourd’hui comme un terrain culturel, fertile en mots d’ordre politiques, diffusés par les médias, journaux et RTF. En pleine guerre d’Algérie, lors de la clôture du festival de 1957, Monsieur Jean Berault, délégué du ministre de la France d’outre-mer, déclare son souhait de voir les amateurs se tourner vers les préoccupations matérielles de la France en outre-mer. « Au moment où notre pays est si injustement attaqué, continue-t-il, il faut grouper les efforts développés par notre nation dans les pays sous-développés dont nous avons la charge (100). » Dans un discours prononcé le 20 août 1958 sur le stade de Tananarive, le général de Gaulle définit la Communauté française, regroupant les territoires encore français et les États nouvellement indépendants. Du coup, lors du festival de 1959, le concours de la France d’outre-mer devient celui de la Communauté. En 1960, alors que les drapeaux du Congo, du Gabon, du Tchad, du Niger, de la République centrafricaine, du Mali, de la Haute-Volta, de la Côte-d’Ivoire, du Dahomey, de la Mauritanie et de Madagascar flotteront dans le ciel castin, une douzaine de films seront présentés au concours de la Communauté, devant un jury présidé par Monsieur Charpentier du Secrétariat d’État à la Communauté, et auquel participera le capitaine Prunac, directeur du journal Le Soldat d’outre-mer. Il y aura même, cette année-là, un exposé du chargé de mission, auprès de la présidence de la Communauté, du Mali, indépendant depuis peu. Ainsi, après le temps de la compréhension mutuelle entre les peuples colonisés et la métropole, sera venu celui de l’amitié entre les pays africains indépendants et la France.
À partir de 1961, deux jurés noirs figureront aux décisions prises au concours de nouveau appelé d’outre-mer, du fait de la présence accrue des DOM-TOM. À l’issue du festival, tous deux, dont le Camerounais N’Dongo, délégué de l’Association des Étudiants Africains, émetteront le vœu qu’à l’avenir des courts-métrages soient présentés par les Africains eux-mêmes (101). Jusqu’alors, trois types de films étaient réalisés, comme en 1958 : le premier consacré à la vie coutumière agricole de l’Africain, le deuxième aux coutumes et aux traditions, le troisième enfin aux voyages et aux reportages touristiques. Seuls les Français, touristes ou résidents en Afrique, tournaient ces films. Ce ne sera que huit ans après la création du festival d’outre-mer, que Saint-Cast accueillera le premier auteur africain à présenter un film africain en France. Le Nigérien Mustapha Alassane recevra le prix du film ethnographique pour Aouré (Mariage). Festival national du cinéma d’amateur, le festival de Saint-Cast apparaît également peu à peu comme le lieu où le cinéma africain se révélera à la France. Le festival accompagne l’Afrique qui regarde alors de plus en plus vers l’indépendance, parfois au prix du sang comme en Algérie.
René Vautier en Algérie
Dans l’Algérie de 1958, des colons tels que Albert Weber filment en amateurs. Entre 1937 et 1963, des Monts Ouled-Naïls à la vallée du M’Zab, il enregistre la présence et l’influence métropolitaines et il observe la culture de la minorité mozabite (102). Pendant ce temps, entre mai 1957 et juin 1958, le médecin colonial Louis Derriennic filme et monte des images d’Aïn Lina dans le Constantinois. On y voit la guerre : une mechta qui brûle au loin, trois hommes exécutés par l’armée française portés à dos d’ânes. Le film, monté et titré Mission de pacification sera projeté à l’automne 1961 dans une salle de la mairie de Dinan lors d’une séance de la Société Photo Cinéma. Micro à la main, il commentera en édulcorant la réalité brutale pour ne pas malmener le public et les appelés qui partent encore (103). Le Breton René Vautier, résistant alors qu’adolescent puis diplômé de l’IDHEC et cinéaste engagé au PCF, tourne Algérie en flammes. Il est alors âgé de 29 ans. S’il n’est pas cité par F. Choquet dans l’article de Breiz, il faut dire que le cinéaste professionnel camarétois n’a alors tourné qu’un film en Bretagne, Un homme est mort, en 1951 (104). Les autres concernent la colonisation tels que Afrique 50, considéré comme le premier film anticolonialiste français, violente dénonciation du colonialisme français en Afrique noire, dont la première projection publique a eu lieu dans le gymnase municipal de Quimper et qui lui a valu un an de prison. Ses films engagés sur les luttes sociales bretonnes ne dateront que de 1971 avec l’UPCB (105). « J’ai commencé à m’intéresser à la situation de l’Algérie en 1953 », a pu dire R. Vautier. Dans le commentaire du film Une nation l’Algérie, réalisé en 1954 à partir de textes et images sur les débuts de la colonisation en Algérie trouvés à la BnF, « je disais que l’indépendance des trois départements français d’Algérie était inéluctable, et qu’il était grand temps de discuter des termes de cette indépendance avant que trop de sang ne coule de part et d’autre de la Méditerranée (106) […]. À partir de 1957, je me suis retrouvé aux côtés des maquisards algériens, dans les montagnes des Aurès (les Aurès-Nementchas, à la frontière algéro-tunisienne, près de la ligne Morice électrifiée et minée) où j’ai tourné un premier film, Algérie en flammes. Je leur donnais la parole pour qu’ils expliquent pourquoi ils se battaient et l’image témoignait de leur combat (107). » Il réalisera encore dix films au sujet de l’Algérie, entre 1961 et 1988 (la plupart des documentaires), dont en 1972 Avoir vingt ans dans les Aurès, fiction à partir de témoignages d’appelés (108). Si Algérie en flammes est un montage des premières images de l’intérieur des maquis algériens, il s’agit pour le cinéaste, blessé trois fois lors du tournage, dont la dernière fois à la tête où se loge définitivement un morceau de caméra (109), de poser les bases d’un dialogue pour la paix et l’indépendance entre Français et Algériens en montrant la proximité de l’Armée de Libération Nationale (ALN) et du peuple algérien. Le film, support de reconnaissance de la légitimité du Front de Libération Nationale (FLN) est diffusé à travers le monde (800 copies en 17 langues différentes) excepté en France (la première projection aura lieu en 1968, dans la Sorbonne occupée (110).
C’est le fait que le Parti communiste ait voté les pleins pouvoirs au Président du conseil SFIO Guy Mollet qui révulse R. Vautier et l’amène à rejoindre les maquis du FLN via la Tunisie, au départ pour quelques mois, laissant femme et enfants en Seine-et-Oise et bravant les risques, dans l’idée de montrer les images dans les réunions des comités pour la paix en Algérie. Il tourne auprès des combattants de la zone V, wilaya 1, avec l’aval d’Abbane Ramdane, responsable de l’information du FLN. Le film est monté en RDA, dans les studios de la Defa, à Berlin Est. Si la version française est sous la responsabilité de R. Vautier, la version arabe, assurée par son protecteur, est rédigée dans le but de mobiliser les peuples arabes autour des objectifs du FLN. En mai 1958, une projection est organisée au Caire, mais en l’absence d’A. Ramdane, exécuté par d’autres membres du FLN. R. Vautier écrit : « Après les félicitations collectives pour les qualités du film, je suis arrêté et transféré, dans la malle arrière d’une Opel, du Caire à Tunis, où je suis incarcéré dans une prison du FLN, au Mornag puis à Denden. En juillet 1960, je suis libéré avec les excuses du GPRA [Gouvernement provisoire de la République algérienne], et une grande projection d’Algérie en flammes est organisée, en ma présence, dans un cinéma de l’avenue Bourguiba à Tunis. Pendant tout ce temps, j’étais recherché en France par la police française, en Algérie par l’armée française, pour aide au FLN ». Le ministre de l’information algérien explique alors le sort du cinéaste par une intoxication des services secrets français qui auraient fait passer l’homme pour un agent de Moscou (au moment où le FLN cherchait le soutien des États-Unis à l’ONU) (111).
Le film, par le commentaire et les images, s’inscrit dans une culture cinématographique communiste basée sur les notions de peuple en lutte, de solidarité et de fraternité, d’adresse au peuple de France et d’apport de preuves, élaborée dès les années trente lors de la guerre d’Espagne. Mais à l’origine du film on trouve l’initiative d’un homme à la forte personnalité, pas d’un groupe ni d’un appareil politique. Pourtant, aucun nom n’apparaît au générique du film, c’est un film collectif présenté comme « né de la collaboration entre l’état-major de l’Armée de libération algérienne nationale et du collectif defa Studio für Wochenshau auf Dokumentarfilme ». Très vite, sur des images de combattants de l’ALN, le commentaire annonce : « Aux côtés de l’Armée de libération nationale le peuple algérien lutte pour sa liberté et sa dignité contre la brutalité des envahisseurs français dont la domination coloniale s’exerce depuis 150 ans. » Étudiants, paysans, maçons sont ainsi rassemblés dans les montagnes pour lutter et envisager la construction des lendemains. À la fin du court métrage, les deux plans du paysan qui laboure la terre avec en arrière-plan les soldats de l’ALN, qui se recueillent sur les morts au combat, sont encore le symbole de l’armée et du peuple qui ne font qu’un. L’unanimité, la solidarité sont portées par les images fortes de la présence des femmes dans l’ALN, le lien entre les soldats et les paysans, particulièrement les réfugiés, dont les images des victimes du bombardement aérien français sur le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef, le 8 février 1958. Ces images légitiment celles des combats qui les précèdent et les suivent. Les plans des réfugiés qui fuient les camps de regroupement, des civils morts, de l’hôpital de campagne ainsi que la pellicule qui saute lorsque R. Vautier est blessé, ce qui empêche de filmer la prise du fort français attaqué, apportent le réalisme dont le cinéma militant a besoin. Le film commence quasiment par le sabotage d’un train qui n’est pas sans rappeler les actes des résistants face à l’occupation nazie en Europe ; ce déraillement est d’ailleurs repris comme dernier plan. Réalisé dans des conditions difficiles avec une caméra 16 mm, avec des images inédites du maquis algérien, si le film peut être qualifié, comme Afrique 50, de film collectif, car réalisé à l’écoute des gens, tentant de comprendre ce qu’ils veulent montrer d’eux (112), il n’en véhicule pas moins le discours du FLN-ALN, centré sur la lutte unanime du peuple, allant jusqu’à parler de « génocide », que les historiens (113) français et algériens ont remis en cause depuis. De plus, les soldats de l’ALN sont présentés comme des vainqueurs. Or s’ils le sont psychologiquement, ils ne le sont pas sur le plan militaire. Et que dire de cette fraternisation entre soldats de l’ALN et soldats algériens de l’armée française qui ont déserté, pour le moins mise en scène en partie ? La réalité de la guerre est plus complexe, l’histoire que l’on écrit, même tout de suite, aussi. Le discours contre-propagandiste, parfois lyrique, face à une désinformation officielle, se sert des images de contre-information qui se suffiraient à elles-mêmes, car s’il est vrai que dans la wilaya 1 on reconnaît l’ALN, c’est beaucoup moins le cas pour le FLN et du jacobinisme d’A. Ramdane (114).
Au nom du collectif, certaines images serviront de stock-shot et seront utilisées pour d’autres films. Ce sera le cas pour Djazaïrouna, premier film produit en 1961 par le service cinéma du GPRA et projeté à l’ONU (115). En 1963, dans la première partie de Peuple en marche, réalisé par le Centre audiovisuel d’Alger, centre de formation des futurs cinéastes algériens créé par R. Vautier, de nombreuses images d’Algérie en flammes sont reprises, notamment celles des réfugiés (avec en voix off la parole d’une paysanne chassée de son village), et des morts du village tunisien. La marche a commencé en 1954 et se poursuit avec l’indépendance et au-delà, dans la mémoire des morts. Celle-ci va servir de support à l’histoire officielle du FLN. Avec Algérie en flammes, R. Vautier, caméra au poing, au nom de l’émancipation, s’est alors situé entre images à prendre coûte que coûte et idéologie, convaincu de la force de la masse organisée. Mais ne fallait-il pas « essayer de faire quelque chose (116) » ? Le documentaire Guerre aux images en Algérie (117), produit en 1985 par la Radio Télévision algérienne et la Coop ouvrière Ciné Océanique (Bretagne) éclaire un peu les motivations et les conditions du tournage. Le cœur du film est la reprise dans son intégralité d’Algérie en flammes dans sa version arabe et commentée en off par le cinéaste.
Il affirme : « sans tromperie j’ai essayé de faire passer l’impression qu’était la mienne ». Il poursuit, lui qui n’a jamais porté d’autre arme que sa caméra : « J’ai partagé les marches, les attentes des combattants algériens et je l’ai fait, je dois le dire, sans aucun problème de conscience », car montrer par l’image c’était sa façon à lui de hâter la prise de conscience de l’opinion publique d’une indépendance irréversible malgré la répression, de « hâter la paix ». Des faits, rapportés au début ou à la fin du documentaire, permettent de préciser les relations entre les chefs du FLN-ALN et R. Vautier, partagé entre idéalisme et réalisme : le fait que des soldats français soient épargnés lors du déraillement s’expliquerait par un imprévu de dynamitage selon le chef de la wilaya et non par « humanisme » selon R. Vautier ; pour autant, le cinéaste ne s’autocensure pas, alors que le lui suggère un responsable FLN, à propos des plans montrant des soldats ALN pleurer à la mémoire de leurs morts, et n’est pas dupe du discours du ministre algérien minimisant son emprisonnement. Si 1957-58 sont bien des années de répression du pouvoir colonial français pour garantir des images au service de sa présence en Algérie, à laquelle R. Vautier échappe, le militant cinéaste, sincèrement acquis à la nécessité de l’indépendance du peuple algérien, donne à voir des images vraies dans un esprit que le FLN-ALN n’a pas ou plus (118).
En 1974, dans la fiction inspirée de faits réels, La folle de Toujane, produite par l’UPCB, R. Vautier intègre de nouveau des plans des victimes du bombardement du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef. Il fait le récit d’un jeune instituteur breton, qui, témoin des luttes pour l’indépendance tunisienne et algérienne, prend conscience de la nécessité de la lutte culturelle et économique des « colonisés de l’intérieur » face à un État parisien centralisateur. Le contexte aidant, le cinéaste ajoute au cinéma anticolonialiste le cinéma régionaliste, tout en développant « le cinéma d’intervention sociale (119) », qui consiste à « filmer ce qui est pour agir sur le développement de cette réalité (120). » La démarche de l’utilisation de la caméra réside dans « Je dis ce que je vois, ce que je sais, ce qui est vrai », cité quasiment au début de Peuple en marche. L’esprit du cinéma d’intervention sociale était déjà dans Afrique 50 puis dans Un homme est mort. Il aura fallu le tournage dans le maquis algérien en 1958 pour envisager la mise à disposition de la caméra auprès des personnes concernées par le film, les soldats de l’ALN, qui ne filment pas pour Algérie en flammes, mais auxquels il donne une rapide formation pendant le tournage (121). Il ira ensuite encore plus loin avec les ouvriers bretons des années 70, dont l’association aux films en cours de l’UPCB les amèneront à se servir de la caméra pour y intégrer des images (122), dans le but de leur utilisation immédiate, avant même qu’elles ne deviennent des sources pour l’histoire.
Conclusion : la Bretagne ? Une terre ouverte au cinéma !
Dans un article annonciateur et publié en 1958 dans les Annales, l’historien Robert Mandrou, qui appelle de ses vœux une histoire sociale du cinéma, écrit que « les mentalités des hommes du XXe siècle sont directement – et de plus en plus – filles du cinéma ; de ses mirages ; de ses réalismes (123). » C’est pourquoi il souligne l’aspect novateur de Le cinéma ou l’homme imaginaire (124) du jeune sociologue Edgar Morin, à la recherche d’une sensibilité cinématographique collective. Selon l’historien, il semble encore « possible d’affirmer que l’homme de cinéma reste encore, chez nous, aujourd’hui, le cinéma des grandes villes (125). » Il poursuit : « C’est la grande ville qui suscite “la consommation” la plus importante, avec des salles bien équipées qui offrent aux spectateurs un choix, toujours apprécié, sans parler des études et rétrospectives de ses ciné-clubs (126). » Cependant, bien que R. Mandrou (127) fait état de « l’insuffisance de l’équipement électrique » qui expliquerait une « résistance » bretonne au cinéma, cela ne convient pas ou plus à la Bretagne de 1958.
Si l’implantation des clubs de cinéma amateur est urbaine, le propre des grandes villes et villes moyennes, ce que R. Mandrou n’aborde pas, car les histoires du cinéma ne s’intéressent pas à cette pratique encore récente et déconsidérée dans le milieu cinéphile, il n’en reste pas moins que le réseau des salles, de patronage et laïques, contribue à la diffusion de l’imaginaire cinématographique dans les campagnes. En outre, les amateurs, s’ils sont continuateurs d’une pratique commerciale du cinéma par l’achat de matériel plutôt onéreux et la réalisation de films qui reprennent, plus ou moins adroitement, ce qui domine la production professionnelle des fictions et documentaires (128), ils sont aussi porteurs d’images et de voix qui complètent, nuancent, voire critiquent les images de la Bretagne souvent mises en avant par les professionnels. La télévision, dans un souci de proximité auprès de son public qui ne cesse de croître, va même se rapprocher à partir de la décennie 60 des images subjectives des documentaires amateurs. Mais elle ne diffusera pas, au début de cette décennie, les images de contre-information tournées par Treger Film, sous le coup de poursuites du Centre National du Cinéma pour projection illégale, puis dans les années 70, celles des ouvriers bretons auxquels R. Vautier confie la caméra…
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Gilles Ollivier est agrégé d’Histoire-Géographie et enseignant dans le Secondaire. Titulaire d’un DEA en 1990, soutenu à l’Université de Rennes 2, avec un mémoire intitulé Du regard à la mémoire. Essai sur l’histoire et la sociologie du cinéma d’amateur, de 1922 aux années soixante, 161 p., il est chercheur associé à la Cinémathèque de Bretagne, dont il est aussi membre du Comité scientifique et d’éthique. Il anime des ciné-conférences et rédige des articles sur l’histoire du cinéma amateur et les films amateurs, sources pour l’historien. Parmi ces articles, on peut citer :
– « Le cinéma amateur : pratiques, patrimoine et identité bretonne », Bretagne plurielle. Culture, territoire et politique (Nathalie Dugalès, Yann Fournis, Tudi Kernalegenn dir.), Rennes : PUR, 2007, pp. 69-94.
– « Portrait de l’amateur en franc-tireur (1). Histoire(s) de l’amateur en cinéma : une figure ordinaire en quête de liberté ? », pp 29-42 ; « Portrait de l’amateur en franc-tireur (2). Histoire(s) de l’amateur en cinéma : une quête de liberté pour un cinéma extra ordinaire ? », pp.43-58, Passage à l’amateur. Enjeux politiques et esthétiques d’un autre cinéma (Yola Le Caïnec, Jean-Louis Comolli, Gilles Mouëllic dir.), Atala, n° 19, Rennes : Lycée Chateaubriand, 2016.
Cet article est issu d’un numéro spécial de En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, consacré à l’année 1958 en Bretagne et vient en complément d’un ouvrage collectif publié sous la codirection d’Erwan Le Gall et François Prigent sur le sujet.
Dans l’enfer des tranchées, sous les pluies de bombes, dans le chaos de la Grande Guerre, Xavier-Marie Bonnot réussit à évoquer le bonheur : un exploit littéraire autant qu’une démarche humaniste.
Que la guerre est belle ! Mensonges, tout ça.
Qui est Philippe Moreau ? Un troufion, un pauvre petit sergent victime de la décision des puissants, bon pour le service, les tranchées, la boucherie de la Grande Guerre, l’ineptie de quelques-uns qui veulent découdre et qui enflamment l’Europe (et notamment la France)… D’où vient-il ce jeune homme qui ne connaît rien d’autre de la vie que ses parents, paysans de l’Est de la France, que sa sœur déjà enrôlée en tant qu’infirmière, que son boulot à la ferme, que ses planches à dessin ? Philippe Moreau, à peine sorti de l’enfance, vient de là-bas, de ces régions qui seront écrasées quatre ans durant par les Boches, les Teutons et qui laisseront derrière eux près d’1,5 million de morts.
Dans les boyaux, le jeune sergent obéit avec célérité aux ordres venus d’en haut. Comme ses potes d’infortune, il fait ce qu’il peut, comme il peut, mal nourri, aviné chaque jour parce qu’on sent un peu moins l’odeur de la mort quand la gnôle vous désoriente; il avance mètre après mètre, fusil et baïonnette en avant pour tuer rapidement l’ennemi, en face, qui ne comprend pas plus ce qu’il fout au milieu de ce marasme. Tous la peur au ventre. Pendant qu’ils attendent, les gars essaient de dormir un peu, rongés par les puces, les morpions, attaqués par les rats, se partageant les maigres rations. Ils sculptent de petites figurines pour les uns, usinent de petits objets pour les autres, picolent encore et encore, tapent la carton ou parlent–dans un langage de charretier–des femmes sur lesquelles ils fantasment, de celles qui sont restées au pays, de celles qu’ils pensent aimer secrètement. Mais la plupart d’entre eux n’ont jamais connu l’amour. Et ne le connaîtront jamais. Parce que chaque jour ou chaque nuit, les uns comme les autres disparaissent dans des flots de sang. Tel en va le quotidien de Philippe Moreau, petit héros ordinaire de la Grande Guerre, celle-là même dont on fête actuellement le centenaire de l’armistice.
Apollinaire en 1916
Son sous-lieutenant est un drôle de type. Un poète, un militaire toujours sapé qui passe son temps disponible (tout es relatif) à écrire des textes qui riment : parfois le sujet c’est la guerre, souvent le sujet c’est l’amour. Parce que les femmes qu’il a connues, ou qu’il
connaît à Paris ou en Afrique l’inspirent toujours. Étrange nom pour ce type venu de l’Est : Wilhelm Kostrowitzky, apatride, en attente de naturalisation. Son nom francisé : Guillaume Apollinaire. Pas plus pas moins.
Charles Péguy (1873-1914)
Apollinaire, celui qu’on célèbre aujourd’hui comme ses amis poètes ou écrivains ont aussi donné dans les tranchées du côté de Verdun, de la Somme, de l’Aisne. Certains en sont revenus, mutilés, comme Cendrars; d’autres y ont laissé la vie comme Péguy. D’autres sont passés au travers car trop vieux ou pistonnés… Ces deux-là vont donc mener le combat et plutôt bien s’entendre. Tous deux un jour de crasse blessés, ils se retrouveront un peu plus tard dans le Montparnasse de cette abominable période.
Dans la deuxième partie de ce roman immensément puissant, c’est dans le Paris des poètes, des intellectuels que nous sommes plongés. Et Philippe Moreau va peu à peu réaliser son parcours initiatique artistique auprès de figures emblématiques du surréalisme, du cubisme, du théâtre et se frotter aux ego des uns comme des autres. Ainsi, tout comme le lecteur, il côtoiera Breton, Soupault, Jacob, Cocteau, Cendrars, bien d’autres… Et bien sûr Apollinaire, qui finira anéanti par la grippe espagnole. Et puis il retrouvera la femme de sa vie, l’infirmière qui a pris soin de lui sur le front.
Toute la maestria de Xavier-Marie Bonnot est d’avoir réussi avec une précision d’orfèvre à plonger le lecteur à la fois dans l’enfer de cette guerre immonde et cataclysmique et dans une récurrence poétique et lumineuse, même au plus profond des ténèbres. On ne sort pas de là indemne et c’est là la magie de la vraie littérature. Bonnot est décidément est un grand écrivain ! Le tombeau d’Apollinaire est un grand roman qu’il faut lire comme une nécessité.
Le tombeau d’Apollinaire, Xavier-Marie Bonnot. Éditions Belfond. 400 pages. Parution : octobre 2018. 19,00 €. Couverture : Anton Lenoir. Photo auteur Xavier-Marie BONNOT.
Voyageurs sans bagage ? Oui mais pas que… NOUS NE SAURIONS CONNAÎTRE LE GOÛT DES ANANAS PAR LA RELATION DES VOYAGEURS. Marseille, mars 1941. Le cargo qui mouille dans le port s’apprête à quitter la Méditerranée pour rallier La Caraïbe, Fort de France. Jusque-là rien de vraiment extraordinaire, un navire qui est sensé faire la navette pour exporter ou apporter des vivres dans les Antilles, pour rapporter des denrées exotiques, cela se nomme le commerce et même en temps de guerre, le commerce a continué.
Oui mais… Oui mais, le Capitaine Paul-Lemerle va transporter des passagers autres que de seuls marins, que quelques quidams qui souhaitent profiter du voyage. Ce cargo ressemble étrangement à une arche qui abrite des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants qui fuient tous la guerre pour tenter de trouver la paix outre-Atlantique. Certains souhaitent s’arrêter aux Antilles, d’autres envisagent les USA et d’autres encore se dirigent vers l’Amérique du Sud. Qui sont ces gens-là ? Des opposants politiques au régime de Vichy, des dissidents menacés de mort, des juifs bien entendu, des intellectuels… Des gens qui souhaitent laisser la France au mauvais sort que lui promettent les nazis, les collaborateurs, le régime de Vichy, avec aux commandes Pétain, Laval et toute une clique de sinistres personnages.
Ainsi de Marseille à Oran, d’Oran à Gilbraltar, du Détroit au cœur de l’Océan et jusqu’à Fort de France, le lecteur est invité à bord à vivre ces semaines de navigation aux côtés de personnages aussi inconnus qu’illustres qui séjournent les uns sur le pont, les autres en cabine, d’autres encore en cale. Et guidé souvent par un narrateur de choix, Victor Serge, l’apatride.Sur ce vieux rafiot, en fonction des aléas de la mer et de la Nature, nous tremblons ; souvent on pense à juste titre qu’on n’arrivera jamais à destination tellement cette embarcation relève d’une vieille boîte rouillée qui se démantibule vague après vague.
Aussi, le capitaine ne semble pas sûr de grand-chose même s’il en a sûrement vu d’autres. Quidams lecteurs et quidams voyageurs vont ainsi fréquenter de loin (car Adrien Bosc, avec génie, arrive à recréer les classes sociales que l’on connaît sur la terre ferme à bord dans les espaces décrits) de grandes figures de l’intelligentsia du XXe siècle : Claude Levi-Strauss, André Breton, Wifredo Lam, Anna Seghers… Certains regagneront la France, d’autres poursuivront outre-Atlantique.
Autre moment fort, le temps de transition en Martinique et les conditions dans lesquelles ces MIGRANTS sont accueillis. Cela n’est pas sans rappeler le présent brûlant qui occupe une Europe du début de notre XXIe siècle, déchirée. Le racisme et le rejet de l’autre sont au programme. Antisémitisme, racket, insultes noircissent encore le quotidien déjà triste de ces gens en danger. Parallèle pertinent et fort de la part de l’auteur. Ce qu’Adrien Bosc ressuscite dans ce roman c’est un temps d’hier qui ressemble aussi à notre aujourd’hui. Un souvenir tel qu’il brille à l’instant du péril.
Dans le cadre du Festival TNB, du 6 au 24 novembre 2018, la chorégraphe d’origine cap-verdienne Marlène Monteiro Freitas a proposé une lecture très libre des Bacchantes – tragédie grecque d’Euripide datant du Ve siècle av. J.-C. – au Triangle, Cité de la danse. Le public rennais a pu assister à Bacchantes, prélude pour une purge, étrangeté chorégraphique intense qui n’a pas laissé le public indifférent.
Né du dieu Zeus et de la mortelle Sémélée, Dionysos – ou Bacchus dans la mythologie romaine – a grandi en Lydie avant de revenir à Thèbes, la patrie de sa mère. Le dieu de l’ivresse et du théâtre veut instaurer sa religion orgiaque et punir ceux qui renient sa filiation avec le dieu suprême.
De cette pièce de théâtre antique, Marlène Monteiro Freitas en tire l’essence et signe Bacchantes, prélude pour une purge : imbroglio chorégraphique de deux heures où la raison combat la folie dans une cacophonie, un désordre méticuleusement organisé.
La plongée dans l’étrangeté artistique de la chorégraphe débute dés l’attente à l’accueil du Triangle. Des notes de trompettes annoncent l’imminence de la représentation… Y verrons-nous par là une référence au parodos du théâtre antique – premier chant entonné par le chœur ?
Symbole du chaos et de la régénération du monde et des êtres, Marlène Monteiro Freitas extrait de sa fascination pour la singularité et la transgression des carnavals de rue, les principales caractéristiques. Parmi lesquelles l’exubérance caricaturale et la dimension satirique.
Au milieu des micros, tabourets et supports de partitions, les interprètes s’amusent du moindre élément présent sur la scène. Machines à écrire, fusils, lunettes 3D ou allusion phallique, les artistes livrent un spectacle déjanté qui peut dérouter plus d’un néophyte. Le culte dionysiaque prend vie à chaque nouvelle note musicale enrichie par le corps de trompettistes, dont la maîtrise de l’instrument est à relever.
Du quatuor de musiciens au boléro de Ravel, la musique fait partie intégrant et semble devenir un personnage à part entière. Elle accompagne cet étrange ballet et contrôle les treize interprètes, danseurs et musiciens. Une alarme incendie, le calme revient et la folie s’arrête ; une musique, elle s’insinue de nouveau dans leur esprit… pour un chaos chorégraphique maîtrisé jusqu’à la fin.
Patients d’un hôpital psychiatrique, expérience extatique due à des psychotropes ou simple démonstration de l’Homme à son état primitif, les émotions humaines et la part animale de l’Homme sont mises en exergue et provoquent un ras de marée aussi bien sur scène que dans les gradins.
Le boléro de Ravel donné en final ravit les spectateurs, cloués à leur siège : déboussolés face à cette époustouflante bizarrerie à digérer, le verdict tombe au moment du salut : une ovation méritée !
Marlene Monteiro Freitas est née au Cap Vert où elle a cofondé la troupe de danse Compass. Elle a fait des études de danse à P.A.R.T.S. (Bruxelles), à E.S.D. et à la Fundação Calouste Gulbenkian (Lisbonne). Elle a travaillé avec Emmanuelle Huynn, Loïc Touzé, Tânia Carvalho, Boris Charmatz, parmi d’autres.
Elle a créé Jaguar (2015) ; d’ivoire et chair – les statues souffrent aussi (2014) ; Paradis – collection privée (2012-13); (M)imosa (2011), une cocréation avec Trajal Harell, François Chaignaud et Cecilia Bengolea, Guintche (2010), A Seriedade do Animal (2009-10), Uns e Outros(2008), A Improbabilidade da Certeza (2006), Larvar (2006), Primeira Impressão (2005), des œuvres dont le dénominateur commun est l’ouverture, l’impureté et l’intensité.
Elle a cofondé P.OR.K, structure de production basée à Lisbonne.
Elle aime le carnaval, se grimer et semer le trouble. Une moustache postiche, deux poils de barbichette et la voilà métamorphosée en Prince. Sauf qu’elle exhibe ses seins nus et que toute ressemblance avec le chanteur de Minneapolis cesse au niveau du col. « J’aime les créatures hybrides », s’amuse-t-elle. Galerie hallucinante de grimaces et de déformations du visage, Marlene Monteiro Freitas ne cesse de jouer sur l’étrangeté. Elle s’essaie à diverses tentatives de rassemblements, de compositions, de juxtapositions de disciplines artistiques tout en proposant des pratiques collectives et un espace de recherche.
En cette période hivernale, une BD formidable vous réchauffera le coeur. Elle se passe dans le Nord Est du Groenland…mais l’humanité et l’humour de personnages perdus dans la nuit polaire alimenteront vos zygomatiques.
Dans sa jeunesse, Rembrandt dessine des «Tronies», de petits portraits qui cherchent à saisir des expressions dans les visages, à coups de crayon ou de pointe sèche. Ce sont ces «têtes d’expression», ou ces «trognes» auxquelles on pense lorsque l’on ouvre Racontars arctiques.
Cette BD est avant tout une collection formidable de personnages hirsutes, déglingués
ou ravagés aux nez proéminents, aux ventres dégueulant, aux fronts plissés de soucis ou
d’inquiétude. Des trognes inoubliables. Ils s’appellent Valfred, Anton, Lodvig, Herbert ou encore William le Noir. Ils vivent seuls, totalement isolés, dans le Nord Est Groenland et sont sortis du vécu et de l’imagination du romancier danois Jorn Riel, qui passa 16 années dans cette région dans le cadre d’expéditions scientifiques, pour en tirer une oeuvre littéraire mondialement reconnue.
De ces personnages du bout du monde, qui partent sur leurs traîneaux pour raconter à leurs
lointains voisins des histoires, le jeune Lasselille devine, lors d’une inoubliable digression sur le
sens de l’Histoire Universelle, que «les gosses devront lire des choses à notre sujet et nous
serons juste un tas de noms et d’années dont personne n’arrivera à se souvenir».
Hervé Tanquerelle au dessin et Gwen de Bonneval au scénario veulent donner tort au jeune chasseur-trappeur. Et le trio d’auteurs réussit parfaitement dans une sarabande, drôle et poétique à nous faire pénétrer la vie intérieure d’individus, curé d’enfer ou peintre sans crayon, amoureux de coq ou Comte déclassé, qui cherchent dans l’obscurité polaire à survivre à la solitude et à l’absence de cet être fantasmé: la femme.
Emma, tiens, c’est comme si elle était faite qu’avec des beignets aux pommes. Les fesses, les seins, les joues et tout et tout. Rien que des beignets mon garçon. Et au milieu de toute cette pâtisserie, deux yeux bleu ciel et une moue rouge.
Les histoires s’enchaînent les unes après les autres, comme des fables de La Fontaine, révélant au bout de quelques pages des morales que le lecteur s’inventera lui même car comme le confie Jorn Riel, un racontar «c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse». L’humour, la dérision, sont présents au détour de chaque page et la BD s’associe parfaitement aux récits multiples pour raconter les silences de taiseux, soumis à l’absence de lumière, ou aux bavardages incessants et ininterrompus d’hommes qui rêvent et créent une «vierge froide» imaginaire prête à réchauffer leurs corps mais aussi leurs âmes.
Parfois alors, ces êtres hâbleurs deviennent sans le savoir de petits philosophes capables de
sombrer dans une profonde tristesse pour ressurgir plus vivant que jamais grâce à un tatoueur qui va créer un gigantesque dragon sur le dos d’un vieil homme, tatouage redonnant force et joie de vivre. La BD pétille, naviguant entre poésie et tendresse, drôlerie et âpreté. C’est vivant, gai, revigorant. Les personnages sont dessinés avec un trait précis et rigoureux.
Mais lorsque les hommes, las de solitude, partent en traîneau pour raconter de nouvelles histoires à d’éloignés voisins, le dessin se fait ample et flou, de vastes lavis noir et blanc d’encres de chine, rendent majestueux des paysages où les ours blancs côtoient les phoques. La nuit polaire, la neige, le vent d’est qui refroidit les ardeurs sexuelles, deviennent des personnages à part entière, et comme pour Rembrandt, les scènes de clair-obscur, où la respiration de l’ours blanc nous frottent le visage, sont magnifiques.
Il se trouve qu’il en va ainsi en Arctique : jamais on ne rejette une idée a priori, primo parce que cette idée pourrait, à y regarder de plus près, se révéler intéressante, secundo parce qu’on y voit toujours l’occasion de longues conversations et de discussions instructives entre chasseurs.
Racontars arctiques nous ramènent ainsi au temps des veillées de chez nous, celui où la parole et le silence valaient de l’or, au temps des relations humaines riches et fortes. Alors, « pourquoi pas se fader une bouteille ? On y voit un peu plus clair quand on a sifflé une bouteille entre copains. »
Y voir plus clair pour avoir chaud au coeur. On y revient.
Racontars Arctiques. L’intégrale à tirage unique réunit trois BD préalablement éditées séparément. Jørn Riel, Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle. Éditions Sarbacane. 384 pages. 29,90 €.
L’auteur
Jørn Riel est né au Danemark en 1931. Il a passé seize ans au Groenland, où il a côtoyé Paul-Émile Victor. Écrivain, ethnologue, c’est aussi un conteur fabuleux. Le succès de ses fameux Racontars Arctiques, puis celui de trilogies comme Le Chant pour celui qui désire vivre ou Le Garçon qui voulait devenir un Être Humain, lui ont apporté la reconnaissance. Il vit actuellement en Malaisie.
L’illustrateur
Hervé Tanquerelle sort 1998 sort son premier livre, La Ballade du Petit Pendu, chez l’Association. Suit une collaboration avec Hubert sur la série Le Legs de l’Alchimiste. En parallèle, il reprend le dessin de la série Professeur Bell de Joann Sfar. Il est le dessinateur de l’adaptation littéraire des Racontars Arctiques de Jørn Riel, en collaboration avec Gwen de Bonneval : série en 3 tomes chez Sarbacane. Il a publié Groënland Verigo chez Casterman (2017). Il vit à Nantes.
Le scénariste
Gwen de Bonneval est né le 9 janvier 1973 à Nantes où il vit. Il dessine – entre autre – pour son complice Fabien Vehlmann, Les Derniers Jours d’un immortel (Futuropolis, 2010), qui reçoit le prix du meilleur album de SF aux Utopiales en 2010, et collabore avec Hervé Tanquerelle à « La Vierge froide et autres racontars » (Sarbacane, 2009-2013), l’adaptation en BD des Racontars Arctiques de Jörn Riel.
En juin 2017, une mesure a bouleversé le monde du sport amateur. Il s’agit de la réforme du certificat médical. Désormais, les pratiquants ne sont plus obligés de passer par la case médecin pour renouveler leur licence. Les clubs de sport et les joueurs sont ravis, les médecins inquiets…
La loi est passée inaperçue. Pourtant, les députés ont mis cinq ans à trancher. Entrée en vigueur en juin 2017, la réforme du certificat médical offre la possibilité de renouveler sa licence sans avoir besoin de l’attestation de son médecin. Cette licence est valable 3 ans. Dans un questionnaire, le sportif coche ses pépins physiques survenus au cours des 12 derniers mois. Ce papier se base donc sur la confiance. « C’est dommage il n’y a pas de question sur le tabac. C’est un élément qui peut évoluer en 3 ans et qui a des incidences sur le cœur », déplore le docteur Jérémy Cadiou, spécialiste de médecine du sport. « Mais je comprends que cela alourdit les traditionnels papiers administratifs d’avant-rentrée ».
Désormais, ce questionnaire suffit pour être apte à pratiquer un sport.
Cette loi a été adoptée le 26 janvier dans un but de favoriser la pratique du sport. C’était la volonté de Patrick Kanner, alors Ministre des sports : « [L’ancienne disposition] décourageait bon nombre de personnes à participer à ces activités, qui sont souvent organisées dans une optique d’échanges et de solidarité et dans un esprit bon enfant ». Seuls les sportifs amateurs et les dirigeants sont concernés par cette réforme. Les entraîneurs, les arbitres les professionnels ont un certificat qui n’est valable qu’un an.
Pour certains médecins, c’était une loi très attendue. « On était l’un des derniers pays à renouveler un certificat tous les ans », explique François Carré, professeur spécialisé dans la cardiologie et un des représentants des médecins dans la rédaction de la loi. Plusieurs études dans le monde médical, les pays scandinaves ainsi que le Canada et l’Allemagne, vantent le succès du questionnaire. « Il n’y a pas besoin de certificat médicaux si une bonne visite est faite tous les trois ans ». Et François Carré insiste sur la qualité de celle-ci : « Il faut que les médecins généralistes prennent le temps de faire un contrôle avec un électrocardiogramme. Il permet de détecter une maladie cardiovasculaire à 85% contre 15% sans ».
Et les sportifs en sont satisfaits. En effet, outre la contrainte administrative, c’est aussi un avantage financier. « On n’a ni besoin d’aller chez le médecin payer 25€ et c’est plus rapide », explique Camille, footballeuse amateure. « Mais il est vrai qu’une personne qui a de nombreux problèmes et qui veut absolument faire du sport peut mentir et ça peut être dangereux » avoue t-elle. Samuel pratique aussi le football et souffre régulièrement de soucis au genou. Il a été honnête sur sa liste : « si on a vraiment des problèmes de santé, il faut l’indiquer, et ne pas faire semblant de ne rien avoir pour ne pas passer de visite médicale« . François Carré insiste sur la responsabilisation des sportifs : « Le sportif qui veut mentir, mentira aussi à son médecin. Avec cette fiche on veut encourager le sportif à se responsabiliser ».
Même si ça n’est pas le cas de tout le monde, le docteur Cadiou ne ressent pas la fraude. « En tant que médecin du sport, on continue de recevoir les sportifs. On ne voit pas de changement. Et quand ils ont un doute, ils reviennent quand même ». Pour lui, cela leur permet de « faire le point » surtout quand ils sont régulièrement sujets à des pratiques intensives.
Selon François Carré, il a fallu un temps d’adaptation pour les clubs. « Ils ont été en colère au début car il y a eu beaucoup d’incompréhensions. C’est vraiment le sportif qui prend la responsabilité et non le club ». La principale lacune de cette loi selon le spécialiste vient du rapport entre l’école et la compétition.
Un enfant qui pratique un sport avec son école n’a pas besoin de certificat. En revanche avec son club il en a besoin. C’est un peu étrange.
Responsabiliser davantage pour mieux détecter, c’est le pari de cette réforme. « Les maladies cardio-vasculaires sont très difficiles à détecter », rappelle François Carré.
Dans le cadre de son projet Le Chant du Blosne, l’association Ars Nomadis présente l’exposition « Les Visages du Blosne », du 12 au 30 novembre 2018 à l’Hôtel de Rennes Métropole (métro Clémenceau). Projet artistique participatif sur trois ans, le Chant du Blosne a pour but d’« interroger et valoriser l’histoire du quartier du Blosne au travers du patrimoine musical de ses habitants. ». Nous nous sommes rendus au vernissage de l’exposition.
Le projet
Le Chant du Blosne est un projet de longue haleine. Durant trois ans, jusqu’en 2019, une équipe artistique rencontre des habitants du quartier du Blosne, à Rennes, afin de réaliser une série de portraits vivants et de composer les musiques qui les encadrent. À terme, ces portraits forment une mosaïque à l’image du quartier – qui fête bientôt ces cinquante ans – en jouant de la relation poétique et mémorielle que chacun entretient aux chants (chants traditionnels, berceuses, chansons liées à des souvenirs, chants ouvriers…) à son histoire propre et à celle vivante et mouvante du territoire.
À terme, des bornes sonores permanentes doivent être placées au sein même du quartier, formant un parcours et invitant à la découverte de ce quartier et de ses habitants.
L’exposition
Les Visages du Blosne : 20 portraits sonores accompagnés de 12 portraits visuels. Ces portraits ont été réalisés par les volontaires (en service civique) de l’association Ars Nomadis et interrogent les habitants sur leur histoire au Blosne et sur les musiques, chants et mélodies qui ont marqué leur vie dans ce quartier.
L’exposition est accompagnée de la « borne nomade » [photo ci-dessous] permettant l’écoute des portraits sonores. Conçue par le designer Edgar Flauw ce dispositif d’écoute est un élément mobile que l’association transporte dans ses différents lieux d’intervention – elle a déjà été placée au Carrefour 18, au Triangle, etc… Assis sur les sièges de la borne, le visiteur se munit du casque audio et se laisse bercer par les voix d’Alphonsine, Yassine, de Marie-Jo et des autres.
La borne nomade diffuse les portraits sonores des habitants du Blosne
D’une durée de 5 minutes chacun, les portraits sonores racontent les histoires des habitants et dressent en filigrane un portrait du quartier. Le fil rouge est la musique et plus particulièrement le chant. Les habitants l’évoquent dans leur portrait respectif. Le chant, expression d’un sentiment personnel qui peut devenir l’hymne de tous. Individuel et unificateur, comme la langue, qui est une autre des thématiques explorées par l’exposition. Une façon de mettre en avant la mixité culturelle du quartier.
Dans son portrait sonore, Besma (résidente du Blosne), d’origine tunisienne, entonne un chant arabe avant de nous parler de la sagesse de sa grand-mère. Colette, elle, nous raconte le centre social et sa passion pour la musique sud-américaine.
La réalisation des portraits sonores s’est faite en coopération avec les élèves du Conservatoire de Rennes. Partant de la parole de l’habitant, ces musiciens en herbe accompagnent les mots d’une ambiance musicale qui vient à la fois l’illustrer et le porter à un niveau supérieur de sensibilité. Dans le portrait de Rahim, ingénieur son vivant dans le quartier du Blosne, la musique imite une ambiance urbaine mécanique faite d’une cacophonie de percussions tandis que la parole se mêle à la mélodie du violon.
« C’est une plongée dans le quartier, au travers du patrimoine musical de ses habitants » nous résume Sarah Le Quéré, ex-volontaire en service civique de l’association, qui a réalisé les portraits photographiques des habitants. Au nombre de 12, ils sont présentés sous forme de panneaux rigides, incluant une citation de l’habitant présenté. « On s’est dit qu’il fallait mettre des visages sur ces voix ». Sur chaque panneau se trouve un code QR, que les propriétaires d’un smartphone peuvent flasher afin de découvrir le portrait sonore de l’habitant de leur choix sur le Soundcloud du projet.
La rencontre
C’est paradoxalement dans les quartiers les plus peuplés qu’il est parfois le plus difficile de se connaître. Un quartier populaire comme le Blosne, fort de ses 20 000 habitants (7 140 hab./km²), ne connaît pas la valorisation (sociale, artistique, politique..) que connaissent des quartiers historiques comme Sainte-Anne ou République. C’est dans la revalorisation d’un territoire riche en personnalités et en activités que ce projet s’inscrit. L’idée du Chant du Blosne est de changer la vision qu’ont les habitants de leur propre quartier, par la rencontre de ceux qui comme eux le composent.
Dans cette optique, le choix de la Métropole de Rennes peut sembler obscur. Les habitants du quartier s’essayeront-ils à la découverte d’une exposition dans ce grand bâtiment institutionnel ? Agathe, volontaire auprès d’Ars Nomadis voit la chose sous un autre angle. « Des centaines de personnes travaillent ici, passent dans ce hall tous les jours. Cela va contribuer au rayonnement du quartier dans l’ensemble de la métropole » et répondre ainsi au besoin de valorisation.
« L’exposition est nomade, aujourd’hui elle est ici, mais elle est passée par différents lieux, pas forcément dédiés à la culture. On cherche plutôt des lieux de passage, comme ici ou comme les différents centres sociaux du quartier », visant ainsi un public autre que celui des expositions artistiques rennaises.
« Un village écoute désolé le chant d’un oiseau blessé » Jacques Prévert
Pour faire honneur à la thématique musicale de l’exposition, le vernissage s’est doublé d’une performance musicale toute symbolique. Véronique, habitante du Blosne, accompagnée par le violoncelle de Mattéo, élève du Conservatoire, a repris de grands titres de la chanson populaire française du siècle dernier, tels que « La Vie en rose » d’Edith Piaf. Elle a aussi mis en chanson des poèmes comme « Le chat et l’oiseau » de Jacques Prévert, recueillant l’adhésion d’un public venu en quête de récits.
Exposition Les Visages du Blosne par Ars Nomadis. Hôtel de Rennes Métropole, 4 Avenue Henri Fréville (métro Clémenceau)
La parole est le langage articulé humain destiné à communiquer la pensée et la volonté. Dans sa nouvelle expérience scénique intitulée Tes mots dans ma bouche, Anna Rispoli transvase la parole d’un humain dans la bouche d’un autre, en quête d’un rapprochement entre les membres parfois si différents d’une même société européenne. Un spectacle politico-intimiste, participatif, présenté du 22 au 24 novembre dans le cadre des Tombées de la nuit et du festival TNB de Rennes.
Anna Rispoli
Née en Italie, vit et travaille à Bruxelles.
Anna Rispoli utilise les espaces communs de manière inattendue, via des pratiques participatives. Elle remet en question les possibilités conceptuelles et options esthétiques entre espaces publics et privés.
Anna Rispoli, en coopération avec les Allemands Lotte Lindner et Till Steinbrenner, a recueilli la parole de huit Bruxellois, aux origines très diverses. Lors d’entretiens individuels et collectifs, l’artiste leur a proposé de s’exprimer sur des thématiques allant du très intime au politique. De cette parole elle a tiré un texte, comme une pièce de théâtre, qui conserve la parole exacte de chacun. Ce texte sera mis dans la bouche de huit personnes d’un public. Ils prêteront leurs voix et incarneront les personnages.
L’oeuvre se présente comme un exercice de démocratie affective questionnant les limites de nos bulles sociales. Par la mise en bouche des mots de l’autre, favoriser l’empathie et la cohésion, dans la contexte sociétal d’une Europe aux bases fragiles.
Nous avons rencontré l’artiste italienne Anna Rispoli afin d’éclairer Tes mots dans ma bouche qui arrive à Rennes.
« imaginer une conversation impossible »
Unidivers : Comment est née l’idée de cette… expérience ?
Anna Rispoli : « Tes mots dans ma bouche » est le deuxième chapitre d’une série de pièces qui marchent selon le même dispositif. Le premier chapitre avait un titre allemand qui veut dire sensiblement la même chose : Dein wort in meinem mund.
L’idée est née à l’époque des attentats de Bruxelles, en 2016. Je me rendais compte que je n’arrivais pas à parler avec mes voisins de ces questions de « ce que l’on partage », de l’espace public, des cultures différentes… et de l’intime. Donc petit à petit a commencé à naître cette réflexion sur ce qu’était « l’espace politique-affectif ».
Et l’envie a émergé de permettre le dialogue entre des citoyens, qui d’habitude ne se parlent pas, n’ont rien à se dire ou ont du mal à s’imaginer parler de questions intimes avec les autres. Finalement, imaginer une conversation impossible.
Unidivers : Pourquoi impossible ?
Anna Rispoli : Parce qu’ordinairement il n’existe pas, dans une ville, de lieu si ouvert qu’il puisse accueillir des paroles aussi variées, aussi diverses, pour une conversation sur des sujets intimes.
On a cette habitude d’aborder la question de l’intimité et de l’affectivité dans des espaces qui sont fermés, protégés. Pour moi, faire l’effort de mettre en contact ces deux dimensions que sont l’intime et le public, voire le politique, c’est l’exercice que notre société devrait faire un peu plus souvent, pour humaniser, ré-humaniser la politique.
Unidivers : Comment avez vous mené vos recherches pour le texte ?
Anna Rispoli : Je me suis intéressée à Bruxelles comme étant une métropole cosmopolite, dans laquelle la notion de différence, aussi bien culturelle qu’affective, est très marquée. Un espace où il devient donc possible de créer des prototypes de réflexion sur le sujet.
Je suis allée chercher des personnes aux profils très différents. Parfois dans mon cercle de connaissances. Parfois ce sont des rencontres qui se sont faites par hasard. Parfois j’ai dû aller à la rencontre de certains profils de personnes, car je voulais des profils très divers.
J’ai commencé par des entretiens à deux, puis à trois ou quatre. Mais il n’y a pas eu d’entretien à huit comme je l’aurais souhaité. Ce qui met bien en valeur notre questionnement de départ : pourquoi est-il si difficile d’avoir une discussion avec tout le monde ?
Unidivers : Comment avez vous travaillé au dialogue de ces personnes, malgré cette distance physique ?
Anna Rispoli : Lors des entretiens, j’ai employé une technique de « possession ». Je me faisais posséder par les mots de l’un ou de l’autre. Les entretiens étaient construits avec beaucoup de questions et je demandais par exemple à Jean François s’il avait des questions pour Ella. Quand je rencontrais Ella, je lui posais les questions de Jean François (en essayant même de respecter sa façon de parler) puis Ella me posait des questions pour Princesse. Cela formait une chaîne de curiosité et d’appétit mutuel, dans laquelle je me faisais porte-parole.
« C’est un exercice d’empathie radicale »
Unidivers : Pourquoi faire lire le texte par le public ?
Anna Rispoli : Pour moi, la proposition politique ou disons sociétale était justement là.
C’est un exercice d’empathie radicale. Avoir les mots de quelqu’un qu’on ne connait pas dans sa bouche, c’est un rapprochement abrupt. Ressentir ce qu’il ressent, découvrir son sentiment et s’imaginer toute la distance qui nous en sépare. C’est l’expérience qui est intéressante, celle de s’entendre parler avec des mots étrangers, qui sont comme bizarres dans notre bouche et avec des propos qui ne sont pas les nôtres. Qui entrent même parfois en conflit avec notre pensée. Être l’acteur de quelqu’un d’autre.
Unidivers : Ne craignez vous pas que le texte perde de sa force sans l’interprétation d’acteurs professionnels ?
Anna Rispoli : Je pense que la fragilité du dispositif, à savoir le fait d’avoir des non-acteurs, choisis parmi les spectateurs, qui sont confrontés à un texte pour la première fois, crée une sorte de complicité avec le public. Il y a une sorte de soutien empathique envers celui qui lit, parce qu’on aurait pu être à sa place. On s’entraide, avec une écoute qui est un peu plus bienveillante. On ne juge pas la virtuosité ni le talent de l’interprétation. C’est sans filet de protection, sans direction d’acteurs et il y a cette ambiance d’être un peu tous dans la même aventure.
Dein wort in meinem mund
Unidivers : Le texte aborde des questions parfois en marge, notamment sur les questions conjugales, en abordant la question des relations libres, de l’échangisme, du polyamour, etc… Est-ce une orientation délibérée de votre part ?
Anna Rispoli : La notion de polyamour m’intéressait beaucoup. Imaginer des relations humaines qui partent du pré-concept de l’abondance, d’un point de vue qui dit que « plus d’amour, c’est possible ». Et cette idée de confiance mutuelle, de partage… Pas dans le sens du partage d’un gâteau, en plusieurs tranches. Plutôt l’idée d’un partage qui multiplie. Pour moi c’est fascinant.
Par ailleurs, je fais depuis environ un an l’expérience de partager mes revenus avec ceux de 10 autres personnes. On a créé un portefeuille commun, avec un compte commun, où chacun y met et y prend ses besoins pour tous les jours. Cette expérience permet de tester ses propres frontières sur plein de sujets : la propriété privée, l’accès à la ressource, le détachement vis à vis de ces questions etc…
L’intérêt premier est de voir comment notre relation à l’argent change, mais par la suite on voit comment toute une série d’autres notions commencent à devenir possibles. Par exemple, après cette expérience de partage des revenus, j’ai des idées de ne plus habiter uniquement avec ma famille mais de cohabiter avec une autre famille. Il y a toute une série de choses qui s’ouvrent.
Unidivers : Ce travail de décloisonnement dans « Tes mots dans ma bouche », est-ce pour vous un questionnement en cours ou une conviction que vous cherchez à transmettre ?
Anna Rispoli : En tant qu’artiste quand on propose une œuvre, c’est toujours un questionnement. Je ne donne pas de réponse au travers de ce projet. Tout mot dans ma bouche n’a pas une position qui est finale. Toutes les vérités sont subjectives, toujours remises en question par les autres.
D’un point de vue personnel j’ai mes propres vérités, mes opinions, plus ou moins activistes. Mais je n’essaye pas de représenter mes points de vue au travers d’un projet qui serait conclusif ou qui aurait une rhétorique affirmative. Ça deviendrait très ennuyeux d’un point de vue dramaturgique et un peu arrogant. Je trouve ça plus intéressant de chercher à déstabiliser.
Chacun se fera sa propre idée sur ce projet. C’est aussi pour ça que les mots ne sont pas retravaillés. On a gardé les erreurs de prononciation, de grammaire, la façon de parler, les accents pour marquer le fait que ce sont des vrais gens qui s’expriment, leur véritable parole… ce ne sont pas des propos préformatés ou des discours politiques.
Unidivers : Comment se sont passé les premières représentations ?
Anna Rispoli : Le texte a été déjà joué à Bruxelles, plus récemment à Clermont-Ferrand et en Italie. On le présente dans des conditions très différentes, parfois avec une grande jauge, d’autre fois dans des ambiances beaucoup plus intimistes. On l’a même présenté dans une piscine, en maillot de bains (rires). Chaque situation est vraiment unique, ce qui me met aussi en position de fragilité, car je ne peux pas vraiment les contrôler.
C’est très stressant mais aussi très excitant, on est vraiment hors d’une parole morte ou d’une parole écrite, qu’il faudrait faire revivre; c’est une parole vraiment vivante. On a eu de belles expériences, d’autres plus difficiles mais même ces difficultés-là ont beaucoup de sens.
Réservation à la billetterie du TNB, 1 rue Saint Hélier • Renseignements au 02 99 31 12 31
Un simple sujet de conversation ? Ô que non, Lou est un hymne à la tolérance.
«Lou, y es-tu?»
Oui, Lou est là. Elle prépare ses armes.
«M’entends-tu?»
Non, Lou n’entend plus. Elle gronde.
«Elle s’appelle Lou et demain elle change de tanière. Elle prend ses louveteaux dans sa gueule pour les emmener ailleurs. Elle défait son couple. Elle déconstruit une famille. Elle va bâtir sa vie.»
Lou quitte Marc son mari, l’homme de sa vie. Pourquoi ?
Parce que Lou, femme libre a rencontré quelqu’un. Ce sont des choses qui arrivent même aux personnes en apparence les plus accrochées, les plus fidèles, les plus inscrites dans une sorte de schéma instauré depuis toujours. Le coup de foudre n’est pas une nouveauté. Et pourtant, pour Lou, c’est un grand chambardement. Elle va tout remettre en question et avant tout, elle-même. Son quotidien, ses jours ses nuits, son présent son avenir. Ses relations avec les siens, avec les autres. C’est la peur au ventre qu’elle avance Lou. La peur de se tromper, la peur du regard de l’autre, des autres, de ses gosses, de son mari qu’elle aimera toujours malgré tout. Cette boule qu’elle trimballe au fond des ses tripes est-elle justifiée alors qu’elle est amoureuse et totalement éprise de la personne qu’elle a rencontrée ?
Peut-être ? Peut-être pas…
Qui sait ? Qui peut juger Lou en dehors d’elle-même ? Personne ! Tout le monde !
Pourquoi ? Parce que Lou est amoureuse de Lucie, la belle Lucie. La battante Lucie. La tempête Lucie. Cataclysme dans la tête de Lou. S’imaginait-elle avec une femme, totalement dingue d’une femme ? Que vont penser les autres ? Comment va-t-elle se projeter avec une femme ? Comment peut-elle aimer le corps, les courbes, le sexe d’une femme, elle qui était presque «acquise» à l’hétérosexualité ?
Julie Gouazé. Photo : Thierry Rateau
Julie Gouazé, avec une véritable délicatesse, une crudité parfois, une criante vérité, nous
entraîne dans une histoire d’amour, celle de Lou et Lucie, dans une réflexion sur le
contrôle ou l’absence de contrôle des vaisseaux du cœur, de ces choses que l’on ne
maîtrise pas, tomber amoureux d’une autre, d’un autre, du même sexe que soi. Elle lève le
tabou et bouscule la rhétorique des bien-pensants, de celles et ceux qui clament haut et
fort–à tort parfois voire souvent-, que la sexualité des être est définitive. Hétéro ou
homo, on l’est pour un jour donc pour toujours. En réalité les choses sont plus subtiles,
plus complexes. L’auteure défend avec honnêteté et justesse la thèse selon laquelle on
tombe d’abord amoureux d’une personne pour ce qu’elle est et non de son identité
sexuelle. Le corps c’est une autre histoire. L’amour c’est tout ce qui se passe en dehors du
sexe, il n’y a qu’à relire les recherches d’éminents psychanalystes.
Comme dans un conte pour enfants, faussement naïf et terriblement cruel, Julie Gouazé
livre avec force et authenticité le combat de Lou contre l’homophobie, révélant le courage
de tout laisser derrière soi alors que l’on avait tout pour soi.
Un roman d’une pertinence inouïe.
Quand on parle de Lou, Julie Gouazé. Éditions Belfond, 155 pages. Parution : octobre 2018. Prix : 17,00 €.
Anne Dary, directrice sortante du musée des beaux-arts de Rennes, est l’invitée du Carré VIP (VieillePie), l’émission de radio dédiée aux femmes de plus de 50 ans (mais pas exclusivement !). Codiffusée par RCF Radio Alpha et Unidivers.fr, retrouvez Marie-Christine Biet et ses invitées deux fois par mois à la radio et sur le web.
Anne Dary porte sa «déclaration» à sa fille, Louise Bossut, photographe, dont on a vu le travail à la galerie Art et Essai à Rennes, en 2015.
Pour son coup de Coeur, nous avons exceptionnellement accepté qu’il soit dédié à un homme ! Jean-François Le Garrec, comédien et metteur en scène, basé à La Roche-sur-Yon, viendra donner sa dernière création en juillet 2019 à Chantepie.
On a beaucoup aimé les choix musicaux d’Anne Dary :
Strange fruit par Billie Holiday Marcia Baila par les Rita Mitsouko Faces and Names par Lou Reed & John Cale
Organisé par l’association Petits frères des pauvres dans le cadre des Journées Nationales Prisons (JNP), un ciné-débat se tiendra au Théâtre de la Parcheminerie de Rennes jeudi 22 novembre 2018 à 19h30 (entrée gratuite). Sur la thématique du vieillissement en milieu carcéral, il sera illustré par le documentaire « Vieillir à l’ombre », suivi d’une table ronde en présence de bénévoles et de professionnels du milieu carcéral. Cette projection sera l’occasion d’ouvrir la parole sur un sujet qui rassemble et divise à la fois, entre justice et humanité.
Les Journées Nationales Prisons
Les Journées Nationales Prisons (JNP) visent à sensibiliser le grand public aux thématiques carcérales à travers de nombreuses manifestations et événements. Du 22 au 25 novembre, la thématique de cette année est « La peine de corps »; comprendre donc que la peine morale infligée par la justice peut dans certains cas s’accompagner d’une peine physique non-prévue par la condamnation. « De la place du corps en prison à l’impact de la prison sur les corps, la prison se lit aussi sur les corps » affiche l’événement, qui connaîtra à Rennes quelques événements, parmi lesquels un ciné-débat.
PURGEANT DE LONGUES PEINES OU INCARCÉRÉS À UN ÂGE AVANCÉ, LES DÉTENUS ÂGÉS SE RETROUVENT SANS HORIZON POSSIBLE.
« VIEILLIR À L’OMBRE » NOUS FAIT PARTAGER LEURS RÉFLEXIONS, LES MONDES CERCLÉS D’HABITUDE QU’ILS SE SONT RECRÉÉS EN DÉTENTION, LES LIENS TÉNUS ET BOULEVERSANTS AVEC L’EXTÉRIEUR QU’ILS SONT ARRIVÉS À MAINTENIR.
La cage du Temps
Dans le cadre de cette thématique, le film diffusé s’intitule « Vieillir à l’ombre » (de Johanna Bedeau, 2014). Loin des ordinaires histoires d’évasion ou de gangsters, la cinéaste propose un regard sensible sur l’humain derrière le prisonnier ; sur le temps long et la pensée de ceux qui vieillissent en prison. Rarement dans notre société le prisonnier a la possibilité de s’exprimer, de nous parler de sa condition et nous de l’écouter. Pourtant, que l’on soit pour ou contre l’enfermement carcéral à long-terme, ce dialogue peut et devrait nous intéresser.
« J’ai vu les détenus longues peines vieillir en prison ; l’abandon progressif des familles fait naître un désespoir terrible, et il n’y a pas de réelle réinsertion possible, encore moins pour les vieillards. », décrit-elle, tandis qu’elle s’interroge sur le peu d’accompagnement dont bénéficie les détenus sur le plan psychique.
Photo de Henri Cartier Bresson
CELA DÉRANGE DE PARLER DE LA VIEILLESSE, CELA DÉRANGE AUSSI DE PARLER DE L’INCARCÉRATION… ET LES DÉTENUS VIEILLISSANTS EN DEVIENNENT INVISIBLES AUX YEUX DES » VIVANTS « .
Son témoignage interpelle : « Au centre pénitencier de Liancourt, quinze détenus ont plus de 60 ans et le plus vieux vient de fêter ses 80 ans. On estime que près de la moitié des détenus ne veulent plus sortir de prison. La plupart sont malades, handicapés, ou simplement trop vieux pour avoir un emploi. Quand on leur demande : « Qu’est-ce que tu vas faire quand tu vas sortir? » Ils répondent : « Rien. ». Penser à sa vie à l’extérieur sans avoir quelqu’un à qui parler est terriblement pesant, disent-ils »
La société peut-elle remettre en question son système carcéral lorsqu’il s’agit de personnes âgées ? Quels sont au contraire les intérêts d’un maintien en détention ? Faut-il encourager les libérations conditionnelles dans certains cas ? Autant de question que le film pointera du doigt et sur lesquelles le public présent pourra réagir.
La dignité sous écrou
L’association Petits frères des pauvres (P.F.P.) est à l’initiative de cette soirée consacrée au vieillissement en milieu carcéral. Elle lutte contre l’isolement des aînés et cherche à reconstruire du lien social avec celles et ceux qui en ont le plus besoin. Pour cela, les P.F.P. organisent des visites de bénévoles dans des maisons de retraite, des EHPAD et depuis 2002 dans des prisons. Pourquoi dans les prisons ?
L’isolement c’est une double peine.
Le nombre de détenus de plus de 60 ans a sextuplé (x 6) entre 1990 et 2015 en France, représentant aujourd’hui près de 3.5% des détenus, contre 1% à peine en 1980. On parle même d’un « papy-boom » derrière les barreaux. Si ce vieillissement trouve des explications d’ordre social et judiciaire, elle pose également des questions sur comment adapter le système carcéral à cette nouvelle population.
« C’est la question de la fin de vie. La question de la dignité. La question de la chaleur humaine également. » commente Frédéric Mary (salarié de l’association P.F.P) pour qui la décision judiciaire, si elle n’est pas contestable, ne devrait pas annihiler la dignité de la personne mise sous écrou. « On pourrait penser qu’il est normal que ces personnes soient seules, car jugées et punies. Mais l’isolement c’est une double peine. La prison c’est la privation de liberté, et rien d’autre. Il faut chercher comment rendre cette peine vivable, surtout chez les individus les plus fragiles, comme les personnes âgées. »
D’autant que cette question du vieillissement en prison n’est qu’un spécimen, grossit par son contexte si particulier, des questions sur le vieillissement global de la population française. Les questionnements qui s’y posent s’appliquent également à « nous », citoyens libres, comme on a pu le constater récemment lors des différentes actualités ayant trait au manque de personnel et de moyens alloués aux EHPAD en France. Des établissements qui ne se disent plus toujours en mesure d’assurer la sécurité et la dignité de leurs patients… Réfléchir ensemble à des solutions pérennes et respectueuses, c’est aussi ce que proposent les J.N.P.
« Chaque citoyen doit pouvoir espérer vivre dans une sécurité suffisante, mais chaque citoyen doit aussi pouvoir bénéficier d’une Justice respectueuse des droits de l’homme. » Les J.N.P
Une table ronde sera donc animée par Mathieu Lozanne, suite à la projection, en présence de deux représentants de l’administration pénitentiaire, de bénévoles des P.F.P intervenant au centre pénitentiaire de Fresnes et d’une assistant sociale en poste à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Y seront débattues les questions autour du vieillissement en milieu carcéral.
Ciné-débat le 22 novembre 2018, de 19h30 à ??.
– « Vieillir à l’ombre » de Johanna Bedeau, projection à 20h
– Table ronde animée par Mathieu Lozanne
Au Théâtre de la Parcheminerie, à Rennes (23 rue de la Parcheminerie, 35000 Rennes)
Le compte à rebours a commencé. Les lumières encore endormies des rues de Rennes et les maisonnettes aux toits pas encore enneigés attendent l’heure fatidique et les visiteurs émerveillés. L’esprit de Noël rend visite à plus de 10 communes de la métropole de Rennes au mois de décembre. Plongez dans la magie des fêtes de fin d’année avec les multiples marchés de Rennes Métropole !
Le marché de Noël du Mail
Le Mail Mitterrand sera une nouvelle fois en fête en cette fin d’année. Aux côtés du marché bio (le mercredi de 15 h à 20 h), 44 maisonnettes aux toits enneigés attendent l’heure fatidique pour se réveiller et animer la partie est du mail. Après une petite balade afin de dénicher le cadeau idéal, les visiteurs – réchauffés par un verre de vin chaud ou de douces friandises – pourront se laisser tenter par la grande roue ou le manège de chevaux de bois. Du vendredi 20 novembre au lundi 31 décembre 2018. De 10 h 30 à 20 h (jusqu’à 22 h les vendredis et samedis)
Le village de Noël du Colombier
Pour la cinquième année consécutive, l’esprit de noël réjouira la place du Colombier. Plus de 20 chalets proposeront de la maroquinerie, des vêtements et des bijoux qui trouveront peut-être une place sous le sapin… Pour les amateurs de transports vintages, un petit train embarquera petits et grands dans un voyage à travers les maisonnettes illuminées (le Pôle Nord étant malheureusement un trop long voyage). Du vendredi 23 novembre au lundi 24 décembre 2018. Du lundi au samedi de 10 h à 20 h et le dimanche de 15 h à 19 h (jusqu’à 20 h les dimanches 16 et 23 décembre)
Le marché de Noël des créateurs
Organisé par l’association Renn’arts, le marché de Noël de la place Hoche regroupera 45 artisans de Bretagne, dont 15 nouveaux. Une occasion de dénicher le cadeau idéal, 100 % breton. Du vendredi 30 novembre au lundi 24 décembre 2018. Tous les jours de 10 h à 19 h (exceptionnellement jusqu’à 16 h 30 le lundi 24 décembre)
Le marché de Noël de l’Élabo
Les artisans locaux du Collectif Artistique de l’Élabo reviennent les trois premiers weekend de décembre. Au vue de la qualité des créations locales de l’année dernière, ce petit marché de noël excentré promet de belles surprises… Que vous soyez en famille ou entre amis, n’hésitez pas à aller y faire un tour. Du samedi 1er au dimanche 16 décembre 2018. De 14 h à 20 h. 17 bis av. de Chardonnet (Jorge Semprun), 35000 Rennes
Le marché de Noël du Papier Timbré
Le samedi 22 décembre 2018 annonce le retour du marché de Noël du Papier Timbré ! Livres, disques, fanzines, cartes & illustration, confitures, broderies et céramiques : de quoi trouver vos cadeaux de dernière minute dans une ambiance plus chouette qu’une galerie surchauffée éclairée par des néons sans âme.
12 marchés de Noël dans Rennes Métropole !
Du vendredi 30 novembre au dimanche 2 décembre 2018
Chantepie : Pendant trois jours, vingt-cinq artisans créateurs se créent un nid douillet dans le complexe sportif des deux ruisseaux. La deuxième édition de ce marché de Noël associatif de créateurs locaux accueillera notamment Putcho, le clown magicien, sculpteur de ballons. (samedi et dimanche de 14 h à 18 h dans le hall de l’entrée du complexe). Avis aux enfants amateurs ! De 10 h à 18 h 30. Entrée gratuite.
La Mézière : Producteurs et artisans créateurs exposeront pour le 18ème marché de Noël dans la salle culturelle Cassiopée, rue de Textue, 35 520 La Mézière. De 10 h à 18 h. Entrée gratuite.
Dimanche 2 décembre 2018
Betton : 15ème Marché de Noël du Monde de la Solidarité. Remplir sa hotte de cadeaux originaux et soutenir les actions de solidarité des associations exposantes semblent de bons arguments pour aller faire un tour à Betton le dimanche 2 décembre 2018. Place Charles de Gaulle, 35 830 Betton. De 10 h à 18 h. Entrée payante : 1 € (gratuit pour les moins de 15 ans)
Pacé : La Salle Louison Bobet se met aux couleurs de noël le samedi 2 décembre. Les 50 exposants artisans, créateurs ou artistes (Décoration, Créations originales,…) et à la Gastronomie (Produits Alimentaires, vins,…) vous accueilleront de 10 h à 18 h. Il est également prévu une petite visite du Père Noël à 15 h 30… Salle Louison BOBET, Avenue Brizeux, Le Pont de Pacé. De 10 h à 18 h. Entrée gratuite.
Parthenay-de-Bretagne : Pour la 3ème édition du Marché de Noël, quarante exposants vous donnent rendez-vous à la salle des fêtes ! Rue de la Fontaine, 35850 Parthenay-de-Bretagne. De 10 à 18 h. Entrée gratuite.
Samedi 8 et dimanche 9 décembre 2018
Bruz : Organisé en plein centre de la ville, l’événement se tiendra sur la Promenade Pagnol le samedi 8 (10h-19h) et le dimanche 9 décembre (10h-18h). Il accueillera 60 exposants sous une halle couverte et chauffée, 10 exposants à l’extérieur de la halle. Le marché est ouvert aux artisans d’art, créateurs, producteurs et fabricants non revendeurs.
Les lutins de noël de Fénicat seront aussi présents avec leurs poneys.
Dimanche 9 décembre 2018
Bain-de-Bretagne : À deux semaines du réveillon, le Père Noël réservera une journée sur son emploi du temps surchargé et rendra visite aux visiteurs du marché de noël de la Salle du Clos Loisel (de 11 h à 12 h et de 15 h à 16 h 30). Distribution des livres et chocolats de Noël aux enfants de l’école. Salle du Clos Loisel, 35470 Bain-de-Bretagne. De 10 h à 17 h. Entrée gratuite.
En salle le 21 novembre 2018, le nouveau film de Mikhaël HERS (Memory Lane, Ce sentiment de l’été,…) met notamment en scène Vincent LACOSTE et Stacy MARTIN. Remarqué à Venise pour avoir été le premier film a faire intervenir les attentats de Paris dans son intrigue, AMANDA a également d’autres cordes à son arc, dont le réalisateur s’est entretenu avec nous…
Paris, de nos jours. David, 24 ans, vit au présent. Il jongle entre différents petits boulots et recule, pour un temps encore, l’heure des choix plus engageants. Le cours tranquille des choses vole en éclats quand sa sœur aînée meurt brutalement. Il se retrouve alors en charge de sa nièce de 7 ans, Amanda.
D’une rive à l’autre
L’histoire de David (24 ans, Vincent Lacoste) et de sa nièce Amanda (7 ans, Isaure Multrier) est d’abord celle de la traversée d’un deuil. Leur vie respective est un long fleuve tranquille, jusqu’à la tragédie qui emporte la mère de la jeune enfant. Étant le seul parent qu’il lui reste, David accepte sa garde. Non sans difficulté, car à 24 ans, lui qui était le « gentil tonton » n’a rien d’un père de famille, mais doit soudainement le devenir.
Comme dans son précédent long-métrage [« Ce sentiment de l’été », 2015] le réalisateur parisien Mikhaël Hers choisit de parler de la reconstruction faisant suite à la perte d’un proche. Il nous fait spectateurs d’un monde sentimental et social qui implose, au travers de personnages ordinaires et attachants. Réaliste dans le traitement et frontal dans l’exposition des émotions, le film est pourtant d’une étonnante légèreté, presque lumineuse, ainsi que d’une grande pudeur dans la mise à l’image des sentiments douloureux qui l’habitent.
La traversée du film et celle du deuil se font sans bruit, sans rebond dramatique qui viendrait spectaculairement éluder la tragédie. Cette tragédie, David et Amanda doivent l’affronter directement, impuissants qu’ils sont face au marasme de la Grande Histoire. Leur but est de tenir bon, reconstruire sur les ruines du passé, en attendant patiemment que le temps viennent cicatriser les blessures (comme celle de Léna, ou d’Axel) et que la tempête laisse place à un nouveau soleil. De là le film tire sa sensibilité, en nous présentant un malheur qui ne dépend pas de la volonté des hommes, hommes pour qui la seule échappatoire au chaos est l’espoir, la persévérance sur le chemin de la vie.
Amoureux de Paname
Lorsque le deuil est en jeu, au cinéma, l’hiver et la pluie sont rarement très loin… Mais une fois n’est pas coutume pour Mikhaël Hers, le décor d’Amanda est un Paris estival, avec le vent chaud qui caresse les arbres des boulevards et le soleil fixé à son zénith. Sa lumière jaune inonde l’architecture parisienne et une aura verte émane des parcs publics, poumon de la ville et lieu de ressource pour les personnages. Cette tendresse du décor, ce Paris idéalisé, poétisé, accentue la distance qui se creuse entre David (endeuillé) et le reste du monde, qui n’arrête pas sa marche tranquille. Dans son désespoir, David est coupé de cette joie de vivre, qui l’entoure pourtant. La quête du film consiste en la reconquête de cette communion avec l’été parisien.Amanda traite évidemment de liens familiaux, mais aussi amicaux et amoureux. La présence ou l’absence de l’autre (une mère, une sœur, une compagne) est l’un des principaux moteurs du scénario. C’est dans l’affection reçue ou donnée à l’autre que les personnages trouvent la force de se (re-)construire. Par exemple, la petite Amanda est le meilleur prétexte qu’a David pour avancer dans la vie après le décès de sa sœur. De la même manière, l’absence de la mère (celle de David, puis celle d’Amanda) est un des nœuds de réflexion du film. Des liens se tissent entre les personnages qui traversent la souffrance ensemble (Léna et David, Axel et Raja), d’autant plus forts et durables que l’épreuve est rude. Les tragédies cicatrisent et finalement ne demeurent que leur œuvre : un monde neuf, repeuplé, où les absences ont fait place à de nouvelles présences. Comme pour David et Amanda, pour qui tout aura changer.
Attentats
Si la tendance de l’oeuvre de Mikhaël Hers est déjà au naturalisme (représentation d’un ordinaire banal, dialogues du quotidien,…), avec Amanda le cinéaste pousse jusqu’au réalisme historique. C’est une première en France : l’inclusion des attentats de Paris dans la trame narrative [pas de spoil, cette scène arrive tôt dans le film]. Lors d’une scène d’une grande justesse -sans doute la plus marquante du film- des hommes masqués et armés déciment les promeneurs d’un parc public de la capitale. Si ces attentats ne sont pas la réplique exacte de faits réels, ils font évidemment référence aux événements survenus à Paris en 2015. La tragédie survient dans un parc, lieu de paix par excellence dans l’œuvre du cinéaste, qui explose donc en son propre cœur.
La présence de la mère d’Amanda dans ce parc au moment des attentats est un grand hasard, tout comme Sasha décédait par jeu du sort dans « Ce sentiment de l’été » (Mikhaël Hers, 2015). Au travers de son œuvre, le cinéaste nous parle donc également de la fragilité inhérente à la vie, qui peut finir à tout instant, et esthétise la bataille perdue d’avance que l’Homme mène contre le Destin, ainsi que son inaltérable espoir qui lui fait se relever toujours.
Amanda n’est sans doute pas le film français de l’année, mais sa tendresse et son audace en font une oeuvre d’intérêt, pertinente et sensible. Vincent Lacoste, que l’on a souvent vu dans un registre comique semble avoir très bien senti sa reconversion, et la jeune Isaure Multrier lui renvoie savamment la balle.
Alors qu’une avant-première avait lieu au Cinéma l’Arvor de Rennes, nous avons rencontré le réalisateur d’Amanda, Mikhaël Hers, qui nous a offert quelques éclairages sur son film…
Mikhaël Hers, à Rennes le 12/11/18
Unidivers : Vous travaillez le thème du deuil pour la troisième fois en trois films. Que représente le deuil dans votre oeuvre ? Quelle différence entre l’histoire d’Amanda et les deux précédentes ?
M. Hers : J’imagine que je dois avoir des choses à régler avec ça, même si c’est une question que l’on porte tous depuis l’enfance. Dès que je me mets à écrire, ça parle beaucoup de la question des lieux, de l’absence, de la disparition. La différence majeure dans Amanda, c’est la frontalité du traitement. Disons que celui-là est plus assumé dans son côté mélodramatique.
Unidivers : Pourquoi inclure les attentats de Paris au sein de l’intrigue ?
M. Hers : Mon but était de m’emparer du contexte contemporain par le prisme d’une tragédie intime. Mais que ce contexte apparaisse de manière allusive, par des petites touches, sans jamais phagocyter le film. Qu’on ne se dise pas que c’est un film à sujet ou un film « dossier ». C’était le défi que de faire un film à échelle familiale appartenant malgré tout à un contexte. Ce n’est pas du tout un film sur le fanatisme religieux, bien que le fanatisme religieux en soit une composante, très périphérique.
Unidivers : Est-ce que la scène de l’attentat était nécessaire à votre film ? La mère d’Amanda aurait-elle pu mourir différemment ?
M. Hers : Elle aurait pu oui, mais ça n’aurait pas été le même film. J’avais envie que ça témoigne quand même de quelque chose du présent. Donc si elle avait été fauchée par un bus, ça n’aurait pas été le même film. Il y aurait eu plein d’éléments en commun bien sûr mais malgré tout, dans ce que je voulais dessiner en creux, ça n’aurait pas été la même chose.
Unidivers : Est-ce qu’on vous a reproché ce choix, de représenter cette tragédie ?
M. Hers : Non, ça se passe très bien à ce niveau-là. À aucun moment jusqu’ici la question n’a éveillé d’agressivité, ni dans les critiques ni dans les débats avec le public. Ce n’est pas à moi de dire ça mais je pense que les gens sont raccords avec la manière dont on l’a abordé. Le choix du lieu, le parti pris que ce ne soit pas un attentat réel, mais un attentat fictif, etc… Il faut dire qu’on est aussi plutôt exposé aux retours positifs, donc il y a peut-être des gens pour qui ça tique. En tout cas je n’y ai pas été confronté pour le moment.
Unidivers : Vous avez fait tourner plusieurs actrices que l’on n’avait pas vu à l’écran depuis longtemps (Greta Scacchi, Marianne Basler, Elli Medeiros,…). Pourquoi ce choix ?
M. Hers : Je ne suis pas tout jeune, mais je reste un jeune cinéaste, dans le sens où je n’ai pas fait beaucoup de films. Et il y a toujours quelque chose de gênant dans le fait de recevoir en casting des gens qui ont cent fois plus de métier que vous. Alors, depuis mes débuts, je choisis directement des acteurs dont j’aime la filmographie, dont j’aime le jeu et cela m’évite de leur faire passer un casting. Je sais par avance qu’ils vont être bien. Greta Scacchi, Marianne Basler, ce sont des figures du cinéma de mon adolescence, j’avais déjà une affection pour elles.
Unidivers : En tout cas on voit que vous adorez Paris.
M. Hers : J’espère (rires).
Unidivers : Vous pourriez tourner en campagne ?
M. Hers : Peut-être que je pourrais, mais c’est vrai que la ville c’est pour moi là où j’ai grandi, là où j’ai vécu, et comme jusqu’à présent j’ai fait plutôt des films à partir des choses que je connais, je me retrouve immanquablement à filmer les villes. J’aimerais filmer à la campagne oui, mais c’est vrai que je connais moins… donc j’ai l’impression que je serais moins légitime et surtout que j’aurais moins de prise sur les choses.
Unidivers : On a cette impression d’un Paris vidé de sa population, de son agitation, est-ce intentionnel ?
M. Hers : Pas intentionnel, non. Je pense que ce sont des images qui se contaminent les unes les autres, parce que pour ma part, quand je peux tourner sans figurant, je le fais. J’immerge directement mes personnages dans les lieux réels, qui continuent à vivre, dans un mode proche du documentaire. On l’a fait à Saint-Pancras (Londres) comme à la Gare de Lyon (Paris). Donc il n’y a aucune volonté de ma part de vider les lieux ou de les rendre plus évanescents, au contraire. Mais comme dans le film il y a beaucoup d’espaces verts et des lieux un peu déserts, peut-être que dans le regard du spectateur les choses s’uniformisent et donnent une impression de quiétude. Qui plus est on a tourné en été, avec la lumière qui va avec et un côté moins trépidant dans Paris à cette période.
Unidivers : Il y a toute une réflexion sur le temps qui passe. Beaucoup de choses se jouent hors-champ…
M. Hers : Il y a le film que l’on voit et le film que l’on peut s’imaginer, qui se loge dans les ellipses, les interstices. Ces « deux films » progressent ensemble. Quand j’écris, il y a certaines scènes qui, je sais, doivent apparaître visuellement dans le film. Par exemple, il était pour moi inconcevable de ne pas inclure la scène de l’attentat ou bien le moment où David annonce à Amanda qu’elle a perdu sa mère. Ça aurait été de l’évitement, une fausse pudeur. Mais il y a d’autres scènes qui n’appartenaient pas du tout à mon film, même si elles appartiennent à l’histoire, par exemple les funérailles de la mère. Un film c’est toujours des choix. Malgré tout, j’espère que le spectateur peut s’alimenter de ces scènes invisibles et se raconter lui-même les pans du film qu’il a envie de se raconter.
Unidivers : Avez vous laissé vos deux acteurs principaux gérer leur relation ou bien les avez vous guidés ?
M. Hers : Un peu des deux. Vincent est très jeune et n’a pas d’enfant dans son entourage, donc il ne savait pas vraiment comment se comporter avec une enfant. Il avait une gêne, une maladresse en lui, qui correspondait assez bien au trajet de son personnage. Et au fur et à mesure que le tournage progressait, la complicité entre Vincent et Isaure aussi grandissait. Donc d’une certaine manière le trajet des acteurs rejoignait celui des personnages. Mais c’est un beau hasard, on n’a pas choisi Vincent pour ça.
Unidivers : Est-ce que c’est compliqué de faire pleurer une enfant ?
M. Hers : Il faut la pincer très fort (rires). C’est une relation de confiance en fait. Isaure avait lu le scénario avant et elle en comprenait tous les enjeux. Elle appréhendait beaucoup ces séquences émotionnellement chargées et je pense que quand le tournage arrivait, elle évacuait ça en pleurant. Pour le personnage c’était de la tristesse, pour elle c’était aussi de la décompensation. En revanche, par exemple, la dernière séquence à Wimbledon, c’est aussi la dernière séquence que l’on a tournée. Donc elle a pu se servir à la fois de la grande joie du travail accompli et de la tristesse de savoir qu’elle allait revenir à sa vie normale, juste après cette scène.
Unidivers : Merci M. Hers.
AMANDA, de Mikhaël Hers. Sortie le 21 novembre 2018. Avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin, Ophélia Kolb, etc… Production – Nord-Ouest Films
Éreinté(e) par Facebook et son mur infini ? Épuisé(e) par les tweets de Donald Trump, sans envie pourtant de vous isoler dans la déconnexion ? Comme beaucoup, vous préféreriez que les réseaux sociaux soient un peu plus « sociaux » et favorisent la rencontre réelle entre les personnes. Il existe justement des réseaux sociaux alternatifs dont la priorité est de créer du lien, à taille humaine. Un exemple : mesvoisins.fr
« Mesvoisins.fr est une plateforme de voisinage qui permet de rencontrer ses voisins et de faire vivre son quartier. » (page facebook de mesvoisins.fr)
Tout est dans le titre. Mesvoisins.fr s’adresse au voisinage. On pourrait le qualifier de réseau social local. De circuit court de l’internet mondial. Son but : que des personnes proches géographiquement puissent aisément entrer en contact. Pour quoi ? Pour ce qui bon leur semble : « se rencontrer, emprunter, échanger, s’aider, s’informer, s’organiser » énonce Élise Magnin, la créatrice du site.
Élise Magnin a créé mesvoisins.fr en septembre 2017, en Ile-de-France. La jeune femme vient d’un petit village du Beaujolais où tout le monde se connaît. En se déplaçant pour ses études, elle rencontre les grandes villes françaises et européennes, ainsi que l’anonymat qui y règne. Suite à des études à Sciences-Po Strasbourg, elle s’intéresse à l’entrepreneuriat social (= qui place l’efficacité économique au service de l’intérêt général) et sur le modèle d’un site allemand (nebenan.de) naît le projet d’un réseau social à l’impact réellement positif sur la vie des gens. Elise Magnin voit deux intérêts principaux dans son action : l’un pratique et l’autre social. Pratique car elle favorise l’entraide. Social, car elle ouvre les portes et fait franchir les paliers.
« Grâce à cette plateforme, nous rendons les quartiers plus dynamiques et conviviaux ; nous renforçons les liens intergénérationnels et encourageons la mixité sociale ; nous permettons aux habitants de faire des économies et d’être plus écolo au quotidien en empruntant plutôt qu’en achetant… «
Il suffit d’entrer son code postal et la plateforme connecte en quelques clics les habitants d’un même quartier. Sur ce réseau, pas « d’amis » particuliers, mais la possibilité d’échanger par messages privés ou de créer des groupes à l’instar de ceux de Facebook. Les voisins voient en priorité les offres et demandes des personnes de leur quartier mais peuvent aussi consulter celles des quartiers voisins. Les publications des utilisateurs sont catégorisées selon leurs sujet : Publications, Petites annonces, ou Événements; elles apparaissent selon leurs choix sous forme de Question, d’Information, de Conseil (ou Autres).
Une application existe également, gratuite elle aussi.
Une particularité de ce réseau social est qu’il n’est pas axé sur l’individu mais sur le collectif. On n’y publiera pas chaque jour ses photos personnelles, non plus qu’on y cultivera un « mur » en bonne et due forme. Après avoir renseigné une photo de profil, sa localisation et ses centres d’intérêts, toute la place est à l’interaction, à la rencontre.
Un peu plus d’un an après son lancement, la plateforme est déjà active dans toutes les grandes villes de France et même dans la plupart des villes moyennes et ne demande qu’à s’étendre encore. Son succès fait preuve du besoin auquel elle répond.
Il semble que le réel ait pris un coup de vieux, tout comme les relations interpersonnelles de voisinage. Alors que nous vivons de plus en plus amassés, qui voit régulièrement ses voisins ? Qui a déjà partagé un simple apéritif avec eux ? Et après tout, pour quoi faire ? Serait-on en droit de se demander. Parfois c’est une voisine que l’on croise dans le hall, ou bien l’enfant d’un voisin qui vient nous vendre des brioches pour la classe verte de son école. On ne le reconnaît d’ailleurs que vaguement…
Internet répond à presque tous nos besoins directs. On y trouve un plombier, un micro-onde, des cadeaux de Noël, les informations et son futur club de sport ou de théâtre. D’un point de vue pratique, Internet est un rêve éveillé. C’est d’un point de vue humain que le bât blesse. Avoir des relations humaines saines et régulières avec ses voisins; former une communauté locale; éventuellement défendre des intérêts communs; sont des capacités qui se perdent dans le « chacun chez soi » du monde en ligne. Alors, après s’être évertué à tisser la toile du web, le siècle n’a-t-il pas une mission de redonner de la vie aux réseaux « réels », de revenir à un peu plus d’humain et de solidaire ?
Nous avons recueilli le témoignage d’une nouvelle utilisatrice rennaise, Laura, qui utilise mesvoisins.fr depuis quelques mois seulement.
Quartier Bourg l’Evesque – Saint Cyr : 203 « voisins » inscrits à ce jour (octobre 2018)
Unidivers : Bonjour Laura, quand as-tu découvert mesvoisins.fr ?
Laura: Au lendemain d’une soirée, alors que j’étais au fond de mon canapé (rires). C’est là que j’ai remarqué la pub pour mesvoisins.fr, sur un papier que des voisins nous avait laissé dans la boîte aux lettres. Il était là depuis des semaines. Comme je m’ennuyais à mourir je me suis dit « tiens je vais installer ça pour voir »…
Unidivers : Tu utilises plutôt l’application ou le site ?
Laura: L’application. Elle est gratuite et ne prend pas beaucoup de place. Et je trouve ça plus simple de tout faire depuis mon téléphone.
Unidivers : Comment as-tu trouvé ça, au premier abord ?
Laura: J’ai trouvé ça très rigolo… et un peu voyeur aussi ! (rires) De voir où est-ce que les gens habitaient, leur photo, etc… Et comme j’avais besoin d’aide pour m’aider à réparer mon vélo, ça pouvait être vraiment utile.
Comme on a accès à la liste des inscrits qui habitent dans le même immeuble que nous, j’ai pu remarquer que j’étais voisin avec un ancien camarade de classe. Un garçon du collège, du Morbihan, où on était à peine 300 élèves ! Sur l’application, avec l’adresse et la photo, ça m’a confirmé que c’était bien lui.
Unidivers : As-tu déjà répondu à des publications ou publié toi-même sur le site ? Qu’est-ce que les utilisateurs près de chez toi publient ?
Laura: J’ai publié une fois, pour mon vélo. En général je regarde simplement ce que les gens postent, pour voir s’il y a quelque chose qui m’intéresse. J’ai vu plusieurs fois des personnes qui en recherchaient d’autres pour aller avec eux à la salle de sport. J’ai vu beaucoup de gens qui cherchent des perceuses électriques, il y a une grosse demande de ce côté là (rires). Et puis pas mal d’événements organisés par des voisins, pour que le voisinage se rencontre, partage un repas ou un verre.
Unidivers : Toi, tu irais à un événement comme cela ?
Laura: Franchement pourquoi pas ! D’un autre côté je suis ce genre de fille qui a peur des situations gênantes, j’ai tendance à les fuir… Je pense que je pourrais y aller mais pas toute seule.
Unidivers : Donc ça n’empêche pas d’avoir les mêmes peurs qu’avec un réseau « classique » ?
Laura: Oui… Avec en plus le rôle de la proximité. Par exemple si tu ne t’entends pas avec quelqu’un ou qu’il y a un malaise. Ça peut être perturbant de se dire que la personne sait où tu habites. Ou simplement que tu risques de la croiser en bas de chez toi.
Unidivers : Est-ce que c’est quelque chose qui te gêne le fait d’être géolocalisée ?
Laura: Non. Chacun est obligé de mettre son adresse. Donc à partir du moment où j’ai accès à la localisation des autres, ça ne me dérange pas qu’ils aient accès à la mienne. Il y a un certain lien de confiance…
Unidivers : A quelle fréquence utilises-tu le site/l’application ?
Laura : C’est le genre d’application que j’ouvre une fois par semaine, voire toutes les deux semaines. Il faut dire que je ne suis pas une adepte du « parler pour parler » via les réseaux sociaux, je ne tchatte pas beaucoup, je préfère rencontrer les gens. Je trouve que tout est beaucoup mieux en vrai. D’ailleurs les gens sont parfois si différents du virtuel au réel…
Unidivers : Est-ce que le rapport à l’autre est plus aisé dans le monde virtuel ?
Laura: Je trouve que oui. Tu peux vraiment dire ce que tu veux, puisqu’en général tu l’écris. Tu n’es pas obligée de répondre immédiatement. Tu as le temps de réfléchir à ce que tu vas exprimer… Ça rend le contact beaucoup plus facile, plus serein.
Par exemple, si tu rencontres un voisin dans la cage d’escalier tu ne vas pas forcément lui demander de t’aider, ce serait un peu inconvenant, un peu bizarre je trouve… Tandis que via le site ou l’application, la personne n’est pas obligée de répondre.
Pour les rencontres aussi ça facilite les choses. C’est très commun de se rencontrer via internet de nos jours. Personnellement, j’ai plusieurs amis que j’ai connu comme ça.
Unidivers : Le « réel » reste-t-il plus important ?
Laura: Oui, toujours. Tu t’en rends compte en rencontrant les gens. Des personnes qui mettent beaucoup d’humour à l’écrit seront peut-être beaucoup plus sérieuses en vrai. Et cette nuance est importante, ça t’informe de deux choses totalement différentes sur l’individu et ça te permet de dresser un portrait plus juste de celui-ci. Le virtuel ça peut aider, beaucoup même, par exemple pour connecter les gens… mais il faut qu’il y ait une finalité autre. Une finalité réelle derrière ce virtuel, parce que sinon quel intérêt ? Le virtuel pour moi c’est un moyen, pas une fin.
Unidivers : Pourquoi restes-tu inscrite ?
Laura: Je reste pour le côté pratique du réseau social. Si un jour j’ai besoin de quoique ce soit, d’un coup de main… voire même si j’ai besoin d’un petit job par exemple, comme du baby-sitting : je sais qu’il y a beaucoup de gens qui se servent de ce réseau pour trouver un baby-sitter près de chez eux.
Et puis un peu par malice aussi, je suis une voyeuse, je l’avoue (rires). J’adore voir ce que les gens publient. J’ai trouvé ça très marrant dès le début, maintenant je trouve ça juste sympa.
Unidivers : Une anecdote en rapport avec mesvoisins.fr ?
Laura: J’en ai une bonne ! Lorsque j’ai demandé de l’aide sur le site pour réparer mon vélo, un gars m’a envoyé un « message privé » disant qu’il pouvait m’aider. On a commencé à discuter. J’avais vu sur l’application qu’il habitait la même adresse que moi. Je lui ai donc demandé dans quel bâtiment il était. Surprise : on habitait dans le même ! Je lui demandé son étage, et de fil en aiguille on s’est rendu compte qu’on habitait juste au-dessus l’un de l’autre, sa chambre juste sous la mienne ! Alors il m’a écrit : « Attends ne me dis pas que c’est toi la sorcière que j’entends rigoler tous les soirs ? ». A ce moment là j’étais en train de chanter et de danser dans ma chambre. J’ai coupé le musique, je me suis assise sur ma chaise et n’ai plus osé bouger pendant 15 minutes (rires). A l’heure actuelle c’est mon petit copain ! Comme quoi, pas besoin d’aller en chercher un à l’autre bout de la France. (rires)
L’association Descibel a été fondée en 1991, au sein de l’école de commerce Rennes School of Business. Désireuse de promouvoir la musique auprès des étudiants de l’école, elle organise le 23 novembre le Concert Against Cancer, qui fut créé en 2010 à l’initiative de Pascal Briot, le directeur général du centre Eugène Marquis. Le responsable de la programmation et le vice-président de l’association sont venus à notre rencontre pour expliquer leur démarche.
À Rennes School of Business, comme dans toute école de commerce, les associations sont légion et investissent tous les domaines : certaines, par exemple, rassemblent des passionnés d’automobile ou de sports extrêmes, tandis que d’autres mettent à l’honneur la photographie ou le 7e art. Parmi les 25 associations que compte l’école de commerce de Rennes figure Descibel, dédiée à la musique et présente depuis 23 ans. Composée de 25 à 27 membres, elle mobilise à l’année quatre personnes investies dans la mise en place d’évènements musicaux rennais : parmi eux, l’actuel vice-président Léo Claveyrolas et Joshua Groleas, le responsable de la programmation de cette année.
Joshua Groleas et Léo Claveyrolas, organisateurs du Concert Against Cancer (photo : Emmanuelle Volage)
Le but premier de cette association est d’initier les étudiants à certaines esthétiques musicales parfois éloignées de leurs habitudes d’écoute. Mais cette année, elle semble avoir amplifié cette approche, en mettant en exergue des styles plus diversifiés : « Les anciens membres de l’association étaient très investis dans la techno. De notre côté, nous voulions au contraire sensibiliser les spectateurs à des styles un peu différents. Nous savions, par expérience, qu’arriver de façon brute avec uniquement de la techno (notamment la techno industrielle) ne pouvait pas marcher. C’est pour cette raison qu’en arrivant, nous avons plutôt voulu essayer d’amener les spectateurs vers d’autres styles de l’électro ». C’est cet objectif que suivent personnellement Joshua Groleas et Léo Claveyrolas, officiant également comme Djs au sein de leur propre collectif Nozvezh, dont ils ont allié les sets à l’association. Lors de leurs mix, ils explorent ainsi des esthétiques différentes de la techno, bien que connexes : « Je mixe généralement de la disco, de la funk et de la house au début des sets. » décrit Joshua Groleas. « Après, les autres DJs enchaînent avec des morceaux plus house, tech house et techno. Récemment lors de mes sets, j’ai placé des morceaux comme Freed From Desire de Gala, un grand classique que tout le monde connaît. L’ambiance commence alors à s’installer et il est plus facile d’enchaîner par la suite avec un morceau que les spectateurs ne connaissent pas et qu’ils peuvent découvrir sereinement. » Cependant, cette évolution assumée ne remet pas en cause la « signature électro-techno » qui définit l’association de Rennes School of Business.
Au-delà de ce fort ancrage dans l’électro, Descibel organise plus largement des évènements de diverses natures autour du domaine musical. C’est notamment ce que rappelle Léo Claveyrolas : « Nous avons également créé d’autres évènements comme “Jazz & Wine” et avons même été invités par l’association Enjoy à la Techno Parade de Paris. Lors de cet évènement, nous y avions notre propre Char Breton et cette visibilité a contribué au développement de Descibel. La semaine dernière, nous avons également organisé à Rennes une conférence autour des métiers de la musique. Nous y avions reçu Vincent Carry, le directeur général d’Arty Farty qui s’occupe également des Nuits Sonores, ainsi que Charles Moukouri Bell, le responsable des brandings et des partnerships d’Universal Music en France. Le directeur des conservatoires de Rennes, Maxime Leschiera, avait également participé à cette rencontre. »
Parmi ces évènements, le Concert Against Cancer reste pour Descibel le plus important de l’année. Il s’agit d’une manifestation annuelle dont les bénéfices sont entièrement reversés au Centre Eugène Marquis pour la lutte contre le cancer. Son fondateur, Pascal Briot, après s’être investi dans la mise en place de cet évènement, en a confié l’organisation à l’association Descibel qui assume cette mission depuis 2012. D’un point de vue musical, la programmation était orientée à ses débuts vers des styles plus tournés vers le rock, style qu’affectionne Pascal Briot. Mais une fois le flambeau passé à Descibel, les organisateurs ont choisi de la rediriger vers des esthétiques musicales davantage tournées vers l’électro.
Anetha (Photo ; source Facebook)
En amont du concert eut donc lieu un « tremplin électronique » qui s’est déroulé le 25 octobre dernier au Cactus Café. Il a opposé plusieurs artistes de la scène électro, le vainqueur étant ensuite chargé d’assurer la première partie du concert. Cette année, la tâche revient à Hidden Paradise, DJ rennais de deep house, qui évolue également sous son autre pseudonyme Morgasm, ainsi que comme producteur. Quant au concert en lui-même, il aura lieu le 23 novembre prochain à l’Étage. La « line up » de la programmation, outre la participation d’Hidden Paradise, réunit des artistes phares de la scène techno internationale : côté français, elle est notamment marquée par la présence de Manu Le Malin, DJ de techno hardcore renommé sur la scène électro bretonne. Poursuivant une carrière débutée en 1992, il viendra ainsi sous son nom techno The Driver. Nous noterons également la présence d’Anetha, l’une des représentantes de la nouvelle scène française de techno et connue également comme résidente des soirées Blocaus à Paris. Elle avait notamment sorti son premier clip et un premier EP, Ophiuchus, il y a 3 ans. Participera également à cette soirée Daniel Steinberg, l’un des artistes les plus reconnus de la scène house et tech house allemande.
The Driver alias Manu Le Malin (photo : Ray Flex)
Destiné à l’origine aux étudiants de Rennes School of Business, la portée de cet évènement, loin de tout élitisme dépasse désormais le cadre de l’école de commerce : « Lors des évènements que nous organisons tout au long de l’année, 90 % des personnes qui y participent sont des Rennais qui ne sont pas forcément issus de l’école de commerce » analyse Joshua Groleas. « Nous sommes vraiment devenus une association qui n’est plus seulement rattachée à Rennes School of Business mais plus largement à Rennes, à l’égal de collectifs comme l’organisme Texture par exemple. ».
Si vous aimez les ambiances musicales électrisantes et que vous souhaitez apporter votre aide pour lutter contre la maladie, nous vous recommandons chaudement de marquer de votre présence le Concert Against Cancer. Rendez-vous donc à l’Étage, le 23 novembre…
La billetterie de la 8e édition du Concert Against Cancer est désormais ouverte. Vous pouvez dès maintenant réserver vos places en cliquant sur le lien indiqué sur la page Facebook de l’évènement : https://www.facebook.com/ConcertAgainstCancer/
Jongler pendant quelque 150 pages avec des prénoms épicènes (qui peuvent définir autant le féminin que le masculin) n’était pas nécessairement gagné, d’autant que cela aurait pu perdre le lecteur. Mais Nothomb dans sa grande prudence a limité la torture à un huis clos très resserré, très court. Court comme d’habitude. Court. Trop. Trop court.
La personne qui aime est la plus forte.
Même si le titre de l’ouvrage est suivi du mot « roman », il s’agit aussi d’un « conte » singulier, particulièrement cruel qui ne débute pas nécessairement par « Il était une fois… » encore que, et qui ne s’achève pas non plus par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », non juste ils avaient eu un(e) enfant et pas n’importe qui, Épicène. (car c’est son prénom). Il fallait oser, Nothomb l’a fait.
Quand Dominique rencontre Claude, on pense : ô la belle histoire, même si cet amour semble soudain, rapide, voire même franchement rapide comme un coup tiré à la hussarde. Et pourtant ces deux-là se marient, s’installent et donnent naissance à Épicène, non sans difficultés. Le couple souhaite entrer dans la « bonne » société et rêve de briller parmi les gagnants, marquises et marquis venimeux rive gauche de Paris, dans ce VIIͤ arrondissement si prisé. Le Panthéon, ô Le Panthéon ! Alors ils en rêvent depuis la rue Étienne-Marcel, rive droite de la capitale. On ronge son frein, on mange son chapeau… Et puis les choses vont peu à peu se bousculer… Le bonheur illusoire va frapper à leur porte.
Et puis le couple et la famille tout entière va nous entraîner dans un huis clos des plus féroces. Parce que Claude n’est pas la personne que Dominique avait épousée. Parce que Dominique n’est pas aussi crédule que Claude imaginait. Entre trahison, mensonge, tromperies en tout genre et vengeance, Nothomb va pousser le cynisme et le sadisme au paroxysme. Et c’est sans compter sur Épicène, en pleine adolescence qui va participer au coup de grâce.
À lire rapidement, aussi rapidement que se déroule cette histoire construite tout en jeux de mots et de miroir.
Les prénoms épicènes. Amélie Nothomb. Éditions Albin Michel. 160 pages. Parution : août 2018. Prix : 17,50 €.
Petit journal de bord d’un séjour à San Francisco, à la découverte d’une ville mythique et aussi à la recherche des fantômes de la Beat Generation, des idées et du son des années hippie, du Grateful Dead, du Jefferson Airplane et de Janis Joplin bien sûr.
13th Day.
Le BART est un genre de RER qui dessert toute la baie de San Francisco. Aujourd’hui, pour aller à Berkeley, on plonge avec le BART sous l’eau pendant une vingtaine de minutes. Les wagons sont vieillots et on est sérieusement remués. Les habitués continuent de lire leur journal sous la lumière blafarde et avec cinquante mètres d’eau du Pacifique au-dessus des têtes, quand même… Autant dire qu’on est contents de retrouver la lumière du jour du côté de West-Oakland et enfin Berkeley !
Dès la porte de la station franchie, on est dans le bain. Un petit robot sur roues nous accueille puis il prend de la vitesse comme pour nous dire « Suivez-moi ! ». Il file son petit train de sénateur (la vitesse d’un marcheur ) sur les trottoirs. Apparemment les piétons sont habitués et ils s’écartent. Nous rencontrons d’autres robots du même type qui partent dans d’autres directions. Notre petit robot respecte le code de la route et traverse au bonhomme vert, comme les enfants ! C’est un « Kiwi », entièrement autonome, qui va chercher les plats dans les restaurants et les livre aux clients, chez eux. Les livreurs de pizza à bicyclette ont du souci à se faire…
Berkeley, la plus grande université publique des USA : 750 ha, 36000 étudiants et une vingtaine de prix Nobel parmi les profs. Une véritale fourmillière à la reprise des cours de 14h. Tout est ici ouvert. On entre dans un bâtiment. On pousse une porte. Un labo de chimie apparemment avec ses paillasses. « Bonjour. Comment allez vous ? Besoin de quelque chose ? Vous voulez voir ce qu’on fait ? » Inimaginable en France. Bibliothèques ouvertes, même la nuit.
Des affiches annoncent un meeting du nouveau parti communiste américain. D’autres proposent des stages de combat de rue éco-responsable (sic)… Sur un poster, Hillary sur son âne démocrate est poursuivie par un éléphant Trumpien hilare. Sur une affichette, une musulmane revendique le droit de porter un voile…transparent !
Comme si l’esprit contestataire des sixties était encore vivant dans ce lieu qui l’avait vu naître.
Pour cette 20e édition de Yaouank, artistes, danseurs, simples spectateurs, passionnés, amateurs, jeunes initiés de la musique bretonne, étaient 10 000 à fouler les parquets du Parc des Expositions au hall 5 et 9 à Rennes. Plus de douze heures de danse non-stop. Une soirée bien chargée qu’Unidivers vous propose de revivre heure par heure.
17 h 30 : « Before » dans le bus
Déjà de l’ambiance dans le bus au départ de l’esplanade Charles de Gaulle. « Comme tous les ans » sourit le chauffeur. Une famille fête les 15 ans de leur « panda » et compte bien prolonger leur journée festive déjà bien entamée. Ils mettent l’ambiance. Tandis que les autres apprennent (ou révisent) les pas de danse au hall 5 et 9. Il est 18 h, Yaouank peut vraiment commencer.
Comme l’an passé, 10.000 danseurs ont foulé les parquets de Yaouank.
18 h 30 :Little Big Noz : la musique bretonne moderne à son meilleur :
Un mélange de musique jazzy et bretonne, Little Big Noz rassemble de nombreux jeunes musiciens : « C’est la première fois qu’on joue à Yaouank. C’est vraiment une ambiance particulière qu’on voit nulle part ailleurs » décrit un des musiciens. Chez les danseurs, pas de temps à perdre. Une gavotte (type de danse bretonne) prend les derniers spectateurs récalcitrants aux pas à se mêler à la ronde. Difficile pour le chef d’orchestre de se faire voir de ses musiciens à travers ce bazar organisé
Little Big Noz, des musiciens venant de Saint-Nazaire, Vannes, Chateaubriand pour lancer la 20e édition de Yaouank.
19 h 20 : Iris Ha Papaotred, il n’y a pas d’âge pour chanter à Yaouank
20 ans de fest-noz pour Kendirvi au hall 9 et pendant ce temps, au hall 5, première scène du haut de ses 10 ans pour Iris. Le groupe Iris Ha Papaotred attire beaucoup de danseurs et est chaleureusement salué par le public. « Elle ne se rend peut-être pas encore compte, elle n’a que 10 ans. Mais ça lui fera un souvenir éternel », sourit son papa Fañch Lorik, très heureux du concert du groupe. Et il n’est que 19 h 45 !
La jeune Iris a épaté le public avec son groupe Iris Ha Papaotred, sous les yeux bienveillants de son papa Fañch.
20 h 15 : Carré Manchot, rassemblement de générations
Le hall 9 accueille maintenant des habitués. Carré Manchot emmène tout les danseurs avec un petit message en clin d’œil aux actualités en passant : « Ici pas besoin de gilet jaune ou de string. Tout le monde peut danser ». Une manifestation qui n’a d’ailleurs pas beaucoup perturbé l’arrivée des festivaliers ou même des artistes. Carré Manchot mélange les générations synchronisent les danses. Aussi beau à voir qu’à écouter.
Nouveau Yaouank pour Carré Manchot, groupe créé en 1986.
Fañch Lorik (Iris Ha Papaotred) : « Yaouank c’est une messe où tous les fidèles de la musique bretonne se réunissent chaque année »
21 h : Une (longue) pause bien méritée
Entre-deux concerts, une file d’attente gigantesque se dessine pour la galette-saucisse. Les plus de 300 bénévoles enchaînent les cuissons et les services. Les tables affluent et les fûts se vident et se remplacent. Une fourmilière se répand dans le hall 5. Mais très vite, les danseurs troquent leur gobelet pour des jetons afin de se débarrasser de leur main pour former les rondes autour de Jean-Charles Guichen dans le hall 9…
Bonne ambiance et bonne humeur dans les rondes.
22 h : Jean Charles Guichen assure son statut de tête d’affiche
Jean-Charles Guichen fait le show, Dan Ar Braz s’éclate, Denez Prigent assure, le Bagad s’amuse et les festivaliers sont en trans. C’était la tête d’affiche du soir et tout le monde a tenu son rang. Le public de danseurs s’est mêlé à celui de spectateur. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas uniquement d’un concert pour danser, mais d’un concert pour écouter la virtuosité de Jean-Charles Guichen et ses invités. On en demanderait encore.
Jean-Charles Guichen a fait le show Hall 9.
0 h : Pas facile d’apprendre…
Les groupes s’enchaînent. Bras en bras les danseurs lient les mains et alternent les mouvements. Sur la musique de Talskan, le public danse des Scottishs, Gavottes ou Laridés, les initiés apprennent aux plus débutants et tous finissent par rentrer en rythme. « J’essaie de suivre, mais chacun a son pas, donc ce n’est pas facile ! », s’amuse Hippolyte. « J’aime bien le fait que tout le monde soit ensemble ! ». C’est tout un art que chacun finit par maîtriser.
Le bruit du parquet s’est mêlé aux instruments des musiciens.
1 h : La belle surprise de Natah Big Band
Les rondes s’agrandissent devant Natah Big Band. Un grand groupe pour partager une musique bretonne très moderne. Parfaite pour des pas simples et ouvrir un peu plus cet accès à la musique bretonne parfois décriée comme trop fermée. « Big » par sa taille, mais aussi par sa musique. À la fois jazzy et celte, certains closent leur soirée déjà bien riche à la fin du concert. Mais il ne fallait pas partir trop vite ! Le groupe va réserver une surprise aux festivaliers avec l’arrivée de Hamon/Martin Quintet, célèbre dans le monde de la musique bretonne. Un beau moment pour fêter la 20e édition.
Natah Big Band salué avec Hamon/Martin
2 h 45 : Plantec invite la lutte bretonne sur scène
Les « survivants » s’amassent devant Plantec et leur musique bretonne électro. Eux aussi sont des habitués. Ce groupe formé en 2002, révélé à Yaouank, revient de nouveau après un passage en 2015. Sur scène, ils ont invité les lutteurs bretons (ou Gouren) à faire une démonstration impressionnante en musique. Il ne faut pas baisser le rythme, le festival est loin d’être terminé.
Plantec nous a offert un beau décor
3 h 15 : Les planants Valâar
Un nouveau groupe se montre. Encouragé par leurs quelques fans présents, Valâar clôt en douceur le hall 5. « Je suis captivé, mais je ne sais pas pourquoi », entend-on au pied de la scène devant les danseurs. Les introductions planantes ? La fatigue ? La virtuosité des cinq beaux-gosses ? Peut-être un peu de tout ça à la fois…
Valâar a offert une dernière danse au Hall 5
4 h : Zombieland dans le bus
Fin de la soirée pour le hall 5, place au Hall 9 et à Kaiffa pour les « derniers warriors », comme l’annonce le groupe. Certains dansent encore comme si c’était leurs premiers pas de la soirée. Question d’habitude sans doute. Ou alors pris dans le rythme comme l’impossibilité de s’arrêter. La preuve même lorsque la musique s’arrête, certains ne peuvent pas s’empêcher de continuer. Mais malgré les yeux fatigués, la navette n’est pas plus calme qu’à l’aller. Comme si tous, sont déjà prêts pour l’an prochain.
Des spectateurs réceptifs à la musique de Jean-Charles Guichen.
La galerie photo de cette 20e édition de Yaouank :
Jean-Charles GuichenPlantec pour garder éveiller le hall 9Jean-Charles Guichen et ses invités saluésIris Ha PapaotredLittle Big NozLe Gall-Carré/MoalIris Ha PapaotredUne petite attention pour les 300 bénévolesBeaucoup de monde aux tables pour la galette-saucisseJean-Charles Guichen Jean-Charles GuichenJean-Charles Guichen Bagad de PerrosDenez PrigentDenez PrigentDenez PrigentJean-Charles GuichenDan Ar BrazJean-Charles GuichenLe guitariste s’est éclaté sur « sa » scène Denez PrigentJean-Charles Guichen transportéLe Bagad de PerrosJean-Charles Guichen et Dan Ar BrazJean-Charles Guichen et Dan Ar Braz
Créée il y a deux ans, Splendid’s, la pièce d’Arthur Nauzyciel inspirée de l’œuvre de Jean Genet, est reprise durant le Festival du TNB. Quatre représentations en mémoire de Jeanne Moreau, dont la voix d’outre-tombe scande la destinée tragique de gangsters fantasmés…
Comme il est coutumier, Arthur Nauzyciel a voulu dans cette pièce faire cohabiter théâtre et cinéma. Alors que le public s’installe dans la salle du TNB de Rennes, une toile de projection suspendue fait office de rideau et dissimule en grande partie le décor de la scène. Seul objet discernable sous l’écran, un poste de radio complète cette association des médias.
Après s’être vu invité à éteindre les téléphones portables et à ne pas tousser trop fort… le public assiste à une projection de l’unique film de Jean Genet, un court-métrage muet et en noir et blanc intitulé Un Chant d’amour (1950) ; morceau caché de l’histoire du cinéma, soutenu clandestinement par Jean Cocteau et Henri Langlois, puis révéré en secret par les cinéphiles. Selon Genet, le cinéma est essentiellement impudique. En effet, Un Chant d’amour n’est jamais que la mise en scène d’un peep-show homosexuel, caressant avec sensibilité la pornographie, mettant en évidence la dimension voyeuriste d’un art cinématographique fondé, en l’absence de paroles ou de musique, sur le regard.
Sous l’œil curieux de leur geôlier, des prisonniers isolés dans des cellules individuelles, dont deux sont incarnés par des amants de Genet, se livrent à des rites onanistes et amoureux pour rompre leur solitude. Privés de caresses, ils se touchent, embrassent leur propre corps, dansent en agitant leur verge, et finissent immanquablement par glisser sensuellement la main sous leur vêtement, geste que reprendront plus tard les acteurs de la pièce. Le film glisse de l’onanisme à l’onirisme, les prisonniers rêvent d’évasion et de corps s’enlaçant enfin, dans une statuaire rappelant celle appliquée au corps des acteurs dans les mises en scène d’Arthur Nauzyciel. Pendant les dernières minutes du film, l’attention du spectateur est distraite par l’arrivée de jambes nues sur la scène, derrière l’écran. Les acteurs prennent position, leurs corps vivants remplacent l’artifice de ceux projetés sur la toile, même si une image du film inscrite dans le décor continue de les surveiller.
C’est alors que le cinéma laisse place au théâtre. L’écran est levé et dévoile un décor étonnant : le dernier étage du palace le Splendid’s est représenté par un angle de mur proéminent qui fait front devant le spectateur et qui scinde la scène en deux couloirs. L’un baigné d’une lueur rendue verdâtre par la couleur émeraude de la moquette, l’autre plongé dans l’obscurité. Un miroir placé à chaque extrémité semble les prolonger à l’infini.Le dispositif est d’autant plus curieux que l’on comprend vite que ces deux couloirs barrés de portes ne forment en réalité, dans cette réalité de l’illusion théâtrale, qu’un seul et même couloir.
Le dispositif scénique poursuit en fait l’indication didascalique de Genet qui interdit aux acteurs le contact physique : ici, non seulement « ils ne se touchent jamais », ou presque jamais, mais souvent, ils parlent sans même se voir, se mettent en joue sans savoir ce qu’ils visent. On comprend alors tout le travail de synchronisation des acteurs : leurs gestes et leurs paroles répondent à une chorégraphie précise, une « danse de mort sensuelle et spectrale », selon les mots d’Arthur Nauzyciel.
La voix posthume de Jeanne Moreau, dont la pièce fut la dernière de sa carrière, énonce la situation : « …car peu de chance qu’un tel événement subsiste. Si je décompose cette aventure, chacun des éléments, à la fin, se résorbera dans les autres. Longtemps avant qu’elle ne réussisse ce dernier kidnapping, “La Rafale” s’illustra par de multiples méfaits… ». D’emblée, l’imaginaire du gangster hollywoodien est contaminé par un discours métaphysique, la radio joue le rôle de chœur tragique qui annonce la mort prochaine des bandits. Étonnamment, et assez finement, les extraits de off des enregistrements de Jeanne Moreau (« c’était bien là, non ? », « je vais la refaire celle-là »), sont les seuls moments de vie dans la pièce. Face au crépuscule des idoles criminels, l’actrice iconique demeure, elle, vivante.
La Rafale, ce sont sept gangsters aux corps d’éphèbes qui brandissent des mitraillettes Thompson, arborent des tatouages complexes (dessinés par José Lévy en s’inspirant de ceux de prisonniers français des années 1930) rappelant celui du bellâtre d’Un Chant d’amour. Arthur Nauzyciel réalise les fantasmes hollywoodiens de Genet en confiant à la troupe d’acteurs américains avec qui ils travaillent depuis plusieurs années l’interprétation de ces gangsters glamours et sensuels, auxquels certains aimeraient ressembler…
Bougeant lentement leur corps, parfois en dansant, en reproduisant des gestes des prisonniers du film, ils déclament en anglais le texte de Genet traduit par Neil Bartlett. Les sous-titres qui s’affichent sur des écrans des deux côtés de la scène donnent l’impression d’une création hybride entre le théâtre et le film noir américain. Les bandits sont réfugiés au sommet d’un palace pour faire suite à une prise d’otage qui a tourné à la bavure. Assiégés par la police, ils vivent leurs derniers instants, hantés par le corps de leur victime, une jeune Américaine, apparemment très belle, dont certains paraissent épris, d’autres jaloux. Fasciné par leur image, un policier les a rejoints. Interprété par Xavier Gallais, le seul français de la pièce, son très léger accent (cet accent français qui cherche à sonner américain) fait résonner l’étrangeté du personnage et introduit une dissonance dans la langue des criminels qui en fait ressortir le caractère artificiel. Elle est une première fissure de leur figure idéale.
Dans ce huis clos morbide, face à l’assaut imminent, les bandits règlent leurs comptes, entre eux, mais aussi avec leur image, celle que la société leur a donnée en même temps qu’ils s’efforçaient eux-mêmes de l’affirmer. Ils tournent à la folie et au macabre, sombrant peu à peu dans l’abandon. Tour à tour, ils prennent place au milieu de la scène, face au public, au sommet de cet angle imaginaire dans leur couloir de la mort, et nous assènent les mots qu’ils ont jusque-là gardés enfouis. D’abord dénudés, ils finissent par enfiler complets et queue-de-pie pour affronter leur destin : une fusillade imaginaire, une bataille invisible à laquelle, redevenus enfants, ils se livrent. La dernière réplique de la pièce, prononcée par le policier, procède à un retour au texte français, comme pour mettre fin à l’illusion.
Alors que Jean Genet avait abandonné l’idée de mettre en scène la pièce et avait brûlé le manuscrit, Arthur Nauzyciel, à la suite de Stanislas Nordey, parvient à incarner le rêve de l’auteur et, surtout, la fin de ce rêve que signifie le réveil.
SPLENDID’S DE ARTHUR NAUZYCIEL
DURÉE 1H50 – SPECTACLE EN ANGLAIS – SURTITRÉ EN FRANÇAIS – FRANCE/ÉTATS-UNIS
AU TNB de Rennes :
JEUDI 15 novembre 21h00
VENDREDI 16 novembre 21h00
SAMEDI 17 novembre 21h00
DIMANCHE 18 novembre 15h00
L’exposition Women and queer in skinhead scene présentée à Sciences Po Rennes du 19 au 23 novembre 2018 revient sur le mouvement skinhead. Il apparaît à Londres au milieu des années 1960. Descendants des Mods, les précurseurs commencèrent dès l’année 1964 à porter simultanément ce qui deviendra l’uniforme skinhead : polo ou chemise, jean retroussé, bretelles, boots. Women and queers in skinhead scene est une exposition itinérante mais aussi un projet de deux étudiantes, Marion Cazaux et Lena Widehem.
Les skinheads voulaient casser la vision idéalisée de la jeunesse en mélangeant une élégance qui leur était propre avec des habits de travail pour rappeler leurs origines sociales prolétaires et exprimer leur rejet de la société. Leur rencontre avec les Rude Boys, issus de l’immigration Jamaïcaine, leur permettra d’enrichir leur contre-culture par un métissage culturel et musical qui donna véritablement naissance au mouvement skinhead, et dont le nom fût utilisé pour la première fois en 1969.
Jessica Sharville
Le mouvement skinhead est marqué, comme toutes contre-cultures, par l’importance de l’auto-représentation. La ou le skinhead se met en scène, en respectant les codes imposés au fil de son histoire : le style vestimentaire, les tatouages ou les références musicales sont partagés comme des symboles et permettent aux skinheads de se regrouper et de se comprendre.
Tatsiana Kaktus
De cette rigueur esthétique est née une véritable iconographie skinhead que plusieurs artistes reprennent en l’adaptant à leur technique et leur medium. La culture artistique liée à ce mouvement est intéressante en plusieurs points mais, ici, nous nous attarderons sur la question du genre. En effet le mouvement skinhead connaît une sur-visibilisation des hommes censés incarner la virilité et la force ; tandis que la skingirl est plutôt une figure passive et érotisée.
Celia Gonzalez Carrasco
Nous voyons donc plusieurs points de concordance avec l’histoire de l’art : sur-représentation des hommes symbolisant la figure du grand artiste, de l’artiste-créateur, tandis que la femme est reléguée au rôle de sujet, d’objet, au mieux d’assistante. Si le groupe des Guerilla Girls, par exemple, essaie de secouer le milieu de l’histoire de l’art et des musées pour retrouver les femmes artistes et les valoriser, qu’en est-il du milieu skinhead ?
Fleischwolf
Le sujet de cette exposition est de questionner la place des femmes, mais aussi des queer dans le mouvement skinhead, et d’en proposer des représentations et des interprétations. L’exposition déjà présentée à Pau, Lille, Bruxelles et Paris lors de sa première édition revient en version augmentée.
La programmation de Yaouank 2018 nous permet de voir ou revoir de nombreux habitués de la scène bretonne. Mais aussi de jeunes talents. Parmi eux, Iris, 10 ans, chantera hall 5 à 19h20 avec son groupe Iris ha Papaotred pour la première fois.
Fañch Loric est déjà presque un habitué des scènes bretonnes et des fest-noz. Pour la 20e édition de Yaouank, il est de retour avec un nouveau groupe : Iris ha Papaotred. Il y jouera à 19h20 sur la scène du Hall 5 au parc des expositions. Cet instant, qu’il connaît très bien, il va le partager avec sa fille de 10 ans, Iris. « Je suis un peu stressée, mais impatiente aussi », se confie la jeune chanteuse.
Pour Fañch c’est une suite logique. « Quand j’y ai joué en 2007, Iris était dans le ventre de sa mère. En 2011 elle était là, mais elle est trop petite pour s’en souvenir. Cette fois elle sera sur scène avec moi ». Il était aussi venu avec le groupe Breizh Asturies Project en 2013.
Cette programmation n’est pas due au hasard. Iris a Papaotred est le lauréat du tremplin du Roue Waroch à Plescop. C’est en toute logique qu’ils se retrouvent donc sur la scène de Yaouank. « On s’était inscrit un peu par hasard et à notre grande surprise on a gagné », avoue Fañch Loric, réparateur, vendeur et loueur d’accordéons à Plescop, justement. Iris devient la plus jeune artiste à chanter à Yaouank.
Fañch Loric : « Partager la scène avec sa fille ça a une saveur particulière, surtout l’année des 20 ans ».
Cette passion pour la musique bretonne est transmise. « En répétition, je lui apprends la justesse, mais aussi comment allier la danse et le rythme. Ce n’est pas évident avec l’accordéon », explique le père d’Iris. « On rigole bien avec les autres musiciens », raconte la jeune fille. Après Yaouank, le groupe sera aussi à Roue Waroch en mars 2019. Le début d’une carrière pour Iris ?