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ASTA. DES FORCES TELLURIQUES EN AMOUR ET EN ISLANDE

Asta. Un seul et même chemin mène au bonheur et au désespoir. De manière magistrale qui force à la patience, Jon Kalman Stefansson enchevêtre les récits, enjambe les époques, croise les lieux pour élever l’amour en ce qu’il a de plus beau et de plus tragique.

ASTA STEFANSSON

L’auteur commence avec le récit de la conception d’Asta. Avec sa sœur aînée, elles sont le fruit de l’amour fou entre Helga, une jeune femme de dix-neuf ans, encore plus belle qu’Elizabeth Taylor et Sigvadi, peintre en bâtiment trentenaire qui veut se faire une place dans la société. Nous sommes à Reykjavik dans les années 50. L’Islande est encore un pays archaïque qui s’éveille peu à peu à la modernité.

En un clin d’œil, nous nous retrouvons trente ans plus tard. Sigvadi est allongé sur un trottoir de Norvège, il vient de chuter de son échelle de peintre en bâtiment et raconte sa vie à une passante. Il vit à Stavanger avec sa nouvelle femme, Sigrid et Sesselja, la fille d’Asta.

ROMAN

Dès le premier souvenir, le présent n’est plus linéaire. L’esprit recule puis revient. L’auteur entremêle passé et présent. Car les individus sont faits de toutes leurs expériences, de la somme de leurs désirs et de la souffrance de leurs erreurs.
Le présent c’est Sigvadi blessé sur ce trottoir, Asta qui écrit des lettres à un amour absent et un écrivain solitaire face à la nouvelle modernité de l’Islande prête à tout pour attirer le touriste en quête d’aventures spartiates.

Le passé se fissure des conséquences la beauté tragique d’Helga et des amours manqués de Asta, car, elle est bien la fille de sa mère faisant passer ses besoins et ses rêves avant tout le reste.

Est-il possible de se fuir soi-même ? … s’il n’existe aucun chemin qui mène hors du monde… Toute chose a sa fin, et pourtant, continue. C’est le paradoxe. L’implacable sentence.

Blessant un garçon qui voulait la déflorer, Asta, quinze ans est envoyée dans une ferme des fjords de l’Ouest. Auprès du taiseux Arni et de sa mère déphasée, elle découvre les vulgaires gestes de l’amour charnel mais aussi la poésie du tendre amour avec le jeune Josef.

«  Josef était le genre de personne à qui j’osais tout dire. Il se dérobait et cachait ses blessures en se livrant à toutes sortes de pitreries et de pirouettes. »

Jamais, elle ne prendra en compte la valeur d’un amour présent. Les regrets affluent dans l’absence d’une nourrice si aimante, d’une sœur adorable, d’un père remarié ou d’un garçon romantique.
Mais qui peut se targuer d’avoir la bonne vision du monde. Nous n’en voyons que les fragments. Par petites touches, l’auteur donne de la profondeur à son récit en insérant les moments forts de la vie de tous ceux qui gravitent autour de Sigvadi, Helga et Asta.

Imprégné des forces de son pays, l’écrivain islandais, Jon Kalman Stefansson conte une grande histoire d’amour originale, énergique et regorgeante de poésie. Un roman envoûtant par sa beauté narrative. Et le monde s’agrandit de tous ces destins qui de la naissance à la mort sont chamboulés par l’amour, parfois si difficile à apprécier quand il est là. Ne passez pas à côté de ce grand roman.

Parution :
29/08/2018
Pages :
496
Format :
140 x 205 mm
Prix :
23.00 €
JK Stefánsson – La maison de la poésie (Paris)
12/10/2018

Jón Kalman Stefánsson est né à Reykjavik en 1963. Son premier roman paraît en 1997 en Islande, mais c’est avec la trilogie romanesque composée de Entre ciel et terre, La Tristesse des anges et Le Cœur de l’homme, qu’il s’impose dans le monde entier comme un écrivain de premier plan. Il a reçu de nombreuses distinctions dans l’ensemble des pays où son œuvre est traduite. En France, son roman D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds (Gallimard, 2015), prix Millepages, Meilleur livre étranger 2015 Lire, a été finaliste du prix Médicis étranger.

Prix Médicis sélections
Ásta de J. K. Stefánsson et trad. Eric Boury et Miss Jane de B. Watson et trad. M. Amfreville sont sélectionnés en littérature étrangère.

FILM WE WANT SEX EQUALITY, ESPRIT DE LUTTE ANGLAISE EN 1968

Le film We want sex equality de Nigel Cole pourrait être sous-titré comment l’esprit de lutte est venu à certaines femmes d’outre-Manche en 1968… Sorti en 2010, ce long métrage avait remporté une belle moisson de récompenses, notamment à Dinard (Hitchcock d’Or, Prix du meilleur scénario, Prix du Public). We want sex equality garde toute son actualité en ces temps où, plus que jamais, l’égalité entre les sexes fait partie des combats et enjeux politiques majeurs.

We want sex equality, inspiré de faits réels arrivés en 1968 en Grande-Bretagne, intitulé dans sa V.O. « Made in Dagenham », raconte l’aventure d’une équipe d’ouvrières anglaises des usines Ford de la ville de Dagenham, proche de Londres, chargées de fabriquer des sièges de Ford Escort. Exaspérées d’être payées infiniment moins que leurs collègues mâles, elles décidèrent de faire grève, pour revendiquer une stricte égalité salariale. Un slogan récurrent jalonnera alors tout le film : « Equal pay !».

A la tête du mouvement, les ouvrières choisirent l’une des leurs, une femme jusqu’alors effacée et silencieuse. Peu à peu, notre héroïne passera du statut d’ouvrière de base à celui de leader aussi incontournable que redoutable, et redoutée aussi bien par les cadres dirigeants de l’usine, tous des hommes, que par les responsables les plus haut placés de la hiérarchie syndicale, tous des hommes aussi. Car la réserve, puis l’hostilité, face à cette rébellion sera tout autant le fait du syndicat que du patronat, tous les deux ancrés dans le préjugé de la supériorité masculine dans l’organisation pyramidale du travail. « En tant que syndicat, on a des priorités» dit l’un des syndicalistes, celle de faire passer les revendications des hommes avant celle des femmes, of course ! Quant aux patrons de Ford, la simple perspective de voir des femmes revendiquer et faire grève était à cent lieues de leur schéma de pensée, voire de leur imagination ; et pour cause, les femmes n’ayant jamais fait grève dans leur usine à ce jour.

La dramaturgie montera ainsi en puissance dès lors que la grève de l’atelier de montage des sièges bloquera peu à peu toute la chaîne de fabrication des voitures et entraînera chômage technique, effondrement des salaires, chute des bénéfices de l’entreprise. La revendication salariale sera portée aussi par une autre volonté, tout simplement humaine, celle-là: à « Equal pay» s’ajoutera un autre slogan, « We want respect». Et c’est bien là le fond du film : celui de l’inégalité entre hommes et femmes constituée, renforcée par le mépris masculin, d’où qu’il vienne. Heureusement, en la personne de la Ministre du Travail elle-même, Barbara Castle, sorte de Margaret Thatcher de gauche (la ressemblance physique dans le film est d’ailleurs troublante), femme explosive et combative face au patronat de la firme américaine et même face à Harold Wilson, Premier Ministre (travailliste) du gouvernement, nos ouvrières finiront par trouver avec elle un appui décisif qui aura raison de l’hostilité farouche des patrons et de la passivité décourageante du « Labour Party ». Une loi sur l’égalité salariale (l’«Equal Pay Act») s’ensuivra, votée en 1970 par le Parlement britannique.

Le film We want sex equality, magnifique de justesse (et de justice) humaine et sociale, tour à tour bouleversant et joyeux, dramatique et optimiste, est porté par une mise en scène dynamique et sans faiblesses et un scénario sans temps morts. Et joué par des actrices tout à fait épatantes, en particulier la frêle Sally Hawkins, dans le rôle de simple salariée et femme au foyer devenue « révolutionnaire en mascara», pour reprendre la formule des hommes qu’elle exaspère et qu’elle domine de son volontarisme et sa pugnacité. Un film exemplaire et majeur, par sa qualité artistique d’une part, et la force de son message d’autre part. Un message plus que jamais à l’ordre du jour.

WE WANT SEX EQUALITY

 

 

EXPO REPORT IMAGES, 104 PHOTOS DANS LE METRO DE RENNES

Report’Images, c’est treize reportages photos de photojournalistes exposés sur les murs de quatre stations du métro rennais (Poterie, Fréville, République et Pontchaillou) du 1e au 28 octobre 2018.

expo photos rennes métro
Marcel Mochet Le grand métier

Ces photoreportages racontent un embarquement sur un navire de pêche, des enfants dans une décharge en Inde, un sauvetage de migrants en Méditerranée à bord del’Aquarius, ou encore la vie d’une communauté autonome en Bretagne.

photos metro rennes
Mathieu Pattier Donbass : là où les armes ne se taisent jamais

Les photos de presse sont très présentes dans les médias, mais les journalistes et photographes qui réalisent les reportages sont souvent méconnu.es du grand public. Nombre d’entre eux et d’entre elles travaillent à la pièce, en tant qu’indépendant.es, par choix ou par contrainte. C’est leur travail et leur talent que le Club de la Presse de Bretagne souhaite mettre à l’honneur, à travers une exposition photographique annuelle : REPORT’Images.

expo report'images rennes métro
Guy Pichard Marielle Franco, assassinat d’une icône brésilienne

Report’Images, ce sont 104 clichés de treize photojournalistes qui sont exposés en octobre sur les murs de quatre stations de métro de Rennes durant tout le mois d’octobre : Fréville, République, La Poterie et Pontchaillou.

yann peucat
Yann Peucat Finlande, le raid de l’extreme

Le 2 octobre, des visites gratuites menées par les photographes auront lieu à 19h à la station République, et une conférence sur le photojournalisme le 15 octobre, 18h, à l’espace Ouest-France.

exposition photos rennes
Martin Bertrand Oasis Kerlanic, au cœur d’une communauté autonome en Bretagne

Les photographes exposés et leurs sujets à Report’Images : Gaël Cloarec Ouganda : ici ou là-bas, Guy Pichard Marielle Franco, assassinat d’une icône brésilienne
, Julien Ermine 1 sur 5 : les conditions de vie des enfants pauvres en Inde, Julien Joly Islande : horreur boréale, Lucie Lautrédou Frontière liquide, Marcel Mochet Le grand métier, Martin Bertrand Oasis Kerlanic, au cœur d’une communauté autonome en Bretagne, Mathieu Pattier Donbass : là où les armes ne se taisent jamais, Nicolas Legendre La Monument valley kazakhe, Sylvie Legoupi Le goût des autres, Tien Tran L’homme et la mer, Xavier Dubois Plein feu sur la Saint Goustan, Yann Peucat Finlande : le raid de l’extrême, 100 % féminin.

report'images rennes
Julien Ermine 1 sur 5 : les conditions de vie des enfants pauvres en Inde

CHARLES AZNAVOUR EST MORT APRÈS PLUS DE 1200 CHANSONS EN HAUT DE L’AFFICHE

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Charles Aznavour, né Shahnourh Varinag Aznavourian le 22 mai 1924 à Paris, est mort le 1er octobre 2018. L’auteur-compositeur-interprète, acteur et écrivain français d’origine arménienne bien-aimé des Français s’est éteint dans la nuit de dimanche à lundi à l’âge de 94 ans. Il restera longtemps en haut de l’affiche. Mémoire éternelle.

Au cours d’une carrière commencée en 1946, il a enregistré plus de mille deux cents chansons interprétées en plusieurs langues : en français, anglais, italien, espagnol, allemand, arménien (Yes kou rimet’n tchim kidi), napolitain (Napule amica mia), russe. Il a écrit ou coécrit plus de mille chansons, que ce soit pour lui-même ou d’autres artistes.

Il est l’un des chanteurs français les plus populaires, et le plus internationalement connu. Décrit comme « la divinité de la pop française » par le critique musical Stephen Holden, Charles Aznavour a été consacré « chanteur de variété le plus important du xxe siècle » par CNN et Time devant Bob Dylan, Frank Sinatra et même Elvis Presley.

Sans renier sa culture française, il représente l’Arménie dans plusieurs instances diplomatiques internationales à partir de 1995N 1, et obtient la nationalité arménienne en 2008. Il est nommé au poste d’ambassadeur d’Arménie en Suisse, son pays de résidence, et le représentant permanent de ce pays auprès de l’ONU.

Charles Aznavour a composé près de 1 300 chansons et vendu plus de 100 millions d’albums dans le monde entier.

 

charles aznavour

NOUVEL ALBUM DE DOMINIQUE A TOUT EN FRAGILITE

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Quelle est La fragilité de Dominique A ? Depuis la sortie en 1992 de La fossette, l’artiste n’a cessé de se réinventer à travers 12 albums studio. L’année 2018 avait été marquée par la sortie en mars de Toute latitude, avec comme toile de fond la saison hivernale. Dominique A nous expose le 5 octobre La fragilité, un album de 12 chansons traversées par l’introspection, la contemplation et l’évocation de la nature.

DOMINIQUE A LA FRAGILITE
Photo : Vincent Delerm

Visiblement, 2018 aura été une année prospère pour Dominique A (de son vrai nom Dominique Ané). Deux ans après Eléor (2015), il est revenu avec pas moins de 24 chansons qu’il a souhaité présenter sous la forme de deux albums. Le premier, intitulé Toute latitude, était paru en mars dernier et était construit pour l’essentiel sur des sonorités électroniques et des programmations de la boîte à rythmes Tanzbär, qui se faisaient l’écho d’atmosphères extrêmement tendues ou nostalgiques. C’est une logique différente qu’il semble avoir suivie pour écrire les chansons qu’il a incluses dans La fragilité.

Dès la chanson La poésie, la première de l’album La Fragilité, on découvre une instrumentation plutôt épurée, concentrée sur le jeu des guitares folks et de la guitare électrique, même s’il il y résonne quelques notes de synthétiseur dont la réverbération donne une tonalité assez rêveuse à la chanson. Il s’agit effectivement d’un opus à dominante acoustique que Dominique A a décrit lui-même comme directement inspiré de la musique folk, en particulier celle de Nick Drake et Léonard Cohen. Les paroles de cette première chanson en font une ode quasi romantique à la poésie et un superbe hommage rendu à Léonard Cohen. Elle fut écrite le 9 novembre 2016, deux jours après le décès du célèbre musicien canadien. Son ombre semble d’ailleurs y planer, à travers le son si familier de la guitare sèche sur laquelle joue Dominique A, instrument qu’il possède depuis l’enregistrement de son 3e album La mémoire neuve (1995). On ressent effectivement cette inspiration dans les chansons dont l’instrumentation est la plus centrée sur la guitare acoustique (Comme au premier jour et Le ruban).

La poésie, donc, est au centre du propos de Dominique A, notamment dans les deux premières chansons de La fragilité (La poésie et Comme l’encre). De même, son écriture relève également de cette poésie et dégage un lyrisme palpable qui s’apparente à celui du romantisme. Mais comme les représentants de ce mouvement culturel, ses textes célèbrent également la nature, recherchée à travers ses aspects les plus purs et parfois menacée par les excès de la civilisation. C’est ainsi ce qu’inaugure Le grand silence des campagnes, la troisième chanson de l’album La fragilité, qui évoque avec nostalgie et désenchantement l’urbanisation des zones rurales.

DOMINIQUE A LA FRAGILITE
Photo : Philippe Lebruman

À l’écoute des chansons de La fragilité, on découvre progressivement que chacune d’entre elles retraduit une atmosphère qui lui est propre. On peut néanmoins décrire leur esthétique instrumentale comme condensant les influences les plus importantes qui ont jalonné l’éducation musicale de Dominique A. Les morceaux les plus acoustiques sont basés sur un style folk similaire à celui des années 50 à 70, dont on retrouve les principaux éléments. Y est employé, en outre, l’incontournable procédé du « picking » que Dominique A manie avec aisance dans des chansons comme Comme au premier jour et Le ruban. De même, dans la plupart de ces chansons, il recourt à la structure strophique jadis présente dans les Lieder de la musique romantique allemande, par exemple dans ceux du Voyage d’hiver de Franz Schubert.

DOMINIQUE A LA FRAGILITE
Photo : Philippe Lebruman

Parallèlement au son acoustique de la guitare sèche, l’instrumentation de certaines chansons de La fragilité fait intervenir d’autres sonorités similaires à celles développées dans le cadre de la new wave et de la pop des années 80. En effet, il n’est plus un secret que l’artiste natif de Provins compte parmi ses influences des groupes comme Joy Division, The Cure et les Stranglers, qu’il écoutait pendant son adolescence. On peut ainsi déceler ce qui apparaît comme des résonances de ces esthétiques, à travers certains éléments caractéristiques : en premier lieu les boites à rythmes, auparavant omniprésentes dans Toute latitude, sont la trame de chansons comme Le grand silence des campagnes et Le temps qui passe sans moi. De même, les parties martelées de basses et les sonorités électroniques, présentes dans certaines de ces chansons, peuvent également rappeler ces esthétiques. Hormis Comme au premier jour, seule la chanson La route vers toujours semble échapper à cette démarche. On est même plutôt étonnés d’y entendre une partie de piano qui, superposée à la voix de Dominique A et son jeu satiné de guitare, rend le timbre de cette chanson plus délicat et renforce sa mélancolie. En effet, l’artiste semble y relater le cheminement de la vie d’un homme et évoque la mort à travers le chemin « sans retour ».

Pour la composition des chansons de La fragilité, il semble avoir réutilisé une démarche assez similaire à celle de Nick Drake, sur son album Five Leaves Left (1969), à savoir la combinaison d’un jeu de guitare acoustique folk et épuré avec des arrangements plus élaborés. Les parties instrumentales additionnelles sont ici assurées à la guitare électrique, aux synthétiseurs et au moyen de boites à rythmes. De fait, certaines des chansons dans cet album présentent des parties instrumentales aux rythmes assez contrastés, mais qui s’avèrent complémentaires : des valeurs rythmiques courtes aux guitares et aux boites à rythmes, superposées à des rythmes plus longs à travers les nappes jouées au synthétiseur. On perçoit notamment cet aspect à l’écoute de la chanson La splendeur. Elle s’articule notamment autour d’une boîte à rythmes sur un tempo modéré » qui est presque similaire à celle du trip hop des années 90, parallèlement à des nappes d’accords joués au synthétiseur, à la temporalité assez floue.

DOMINIQUE A LA FRAGILITE
Photo : Vincent Delerm

C’est également avec plaisir que l’on retrouve la voix si particulière de Dominique A, de par son phrasé fluide (quoique parfois légèrement entrecoupé), son léger vibrato, son timbre chaleureux et ses intonations qui semblent traduire un lyrisme discret. Elle semble presque se faire l’écho d’une certaine sensualité, parfois à la limite du chuchotement. Cela semble être cas, par exemple, dans Comme au premier jour, La splendeur et Le soleil. Mais par moments, elle semble exprimer davantage un sentiment de fébrilité, aspect qui va de pair avec ce que Dominique A considère comme un aspect indissociable de notre humanité : la fragilité. Cette même fragilité, dont il a donné le nom à son album et à sa chanson conclusive, au propos explicitement centré sur cet aspect de notre être, que la vie en société aurait bannie. L’expression de cette fébrilité est d’ailleurs accrue par le recours de l’artiste à ce qui s’apparente à une forme de sprechgesang (« chanter parlé »). Il faut également souligner le caractère éminemment expressif des silences, qui jouent dans La fragilité un très grand rôle. Ils confèrent à la vocalité de Dominique A une ponctuation personnelle et très éloquente, même si elle pourrait apparaître comme apaisée à la première écoute.

L’atmosphère doucement mélancolique mise en musique par Dominique A dans son album La fragilité semble correspondre à la période automnale dans laquelle nous venons à peine d’entrer. Les plus rêveurs pourront se laisser porter par sa voix envoûtante et ses instrumentations parfois exaltantes. On en oublierait presque que le temps passe… sans nous.

DOMINIQUE A LA FRAGILITE

L’album La fragilité (Cinq7) sera dans les bacs dès le 5 octobre 2018. Vous pourrez voir et écouter la fragilité de Dominique A en concert dans le cadre de sa prochaine tournée, le 16 janvier 2019 à Redon et le 20 février 2019 au TNB de Rennes lors de l’édition d’hiver de La Route du Rock.

ACTUALITES ET PRIX LITTERAIRES OCTOBRE 2018

En octobre 2018, les seconde et troisième sélections des grands prix littéraires vont continuer à extraire le meilleur des romans parus cet été pour arriver au couronnement de quelques titres. Mais, loin des récompenses, les belles parutions continuent…

ROMAN

Côté littérature française, de très belles belles plumes s’annoncent en octobre.

LITTERATURE OCTOBRE 2018Le dramaturge Laurent Gaudé renoue avec la veine mythique d’un de ses premiers romans, La mort du roi Tsongor pour nous conter la légende de Salina, la mère aux trois fils, la femme aux trois exils, l’enfant abandonnée. Salina les trois exils (Actes Sud, octobre 2018), c’est le récit d’une héroïne mythique, une femme de larmes, de vengeance et de flamme.

ACTUS LITTERAIRES OCTOBRE 2018

Où vivre (Grasset, 3 octobre 2018), est un roman sur l’exil. Par l’intermédiaire de Marie, née en France dans les années 60, Carole Zalberg donne la parole aux membres d’une famille juive polonaise installée en Israël après la guerre. Un très beau récit sur les paradoxes d’Israël au gré des voix emmêlées de plusieurs générations.

LITTERATURE OCTOBRE 2018Avec La nuit du cœur (Gallimard, 4 octobre 2018), le poète Christian Bobin ouvre nos yeux sur la beauté du monde. Après une nuit à Conques, dans une chambre d’hôtel donnant vue sur l’abbatiale du onzième siècle, l’auteur revient à sa solitude et à ses souvenirs pour écrire une grande lettre d’amour sur les merveilles insoupçonnées de la vie.

LITTERATURE OCTOBRE 2018Octobre sera sans aucun doute le mois de Haruki Murakami avec Le meurtre du commandeur (Belfond, 11 octobre 2018), son nouveau roman qui déclencha la polémique à Hong Kong. Voici trois romans remarquables. Deux tomes pour une odyssée initiatique étrange, inquiétante, envoûtante, dans la lignée de 1Q84. Le maître Murakami y dévoile ses obsessions les plus intimes.

Mais laissons place à trois romans étrangers moins médiatisés :

LITTERATURE OCTOBRE 2018

William Boyle nous emmène avec tendresse à Brooklyn, dans le quartier de son enfance avec Le témoin solitaire (Gallmeister, 4 octobre 2018). Amy, jeune femme « rangée » après une jeunesse vouée aux turpitudes de la nuit se retrouve témoin d’un meurtre dans une rue déserte de Brooklyn. Ce roman est l’occasion pour l’auteur d’un retour aux sources.

LITTERATURE OCTOBRE 2018

Plongeons dans les années 60 au cœur de la famille Chance avec David James Duncan. Entre un père brisé et une mère bigote, Les frères K (Monsieur Toussaint Louverture, 4 octobre 2018) et les deux sœurs jumelles vont devoir trouver leur chemin dans une Amérique en pleine effervescence. Un roman ambitieux, intime et universel et surtout profondément humain.

LITTERATURE OCTOBRE 2018

Quittons l’Amérique pour Tel Aviv avec une comédie douce-amère de Eshkol Nevo. Les habitants d’un immeuble de Trois étages (Actes Sud, octobre 2018), paranoïaques et tourmentés par leur conscience se croisent peignant ainsi le portrait d’une société meurtrie par les affaires politiques et traversées par une profonde crise identitaire.

La météo d’octobre vous réservera-t-elle quelques frissons ? Rien n’est moins sûr… Par contre, vous pouvez compter sur quelques romans noirs.

LOLA THRILLER

Commençons par Lola (Seuil, 4 octobre 2018), un premier roman, celui de Melissa Scrivner Love, scénariste sur de grandes séries américaines (Les experts, Person of Interest), fille de policier dans la banlieue de Los Angeles. Autant dire qu’elle connaît le milieu. Lola est la copine d’un chef de gang, mais elle rêve de se faire un nom. Cette héroïne aussi dure que passionnée emmène le lecteur dans une course contre la montre, un thriller redoutable.

Sur le ciel effondré niel

C’est Sur le ciel effondré (Le Rouergue, octobre 2018) de la Guyane que Colin Niel, lauréat du Prix Landernau Polar 2017 avec Seules les bêtes (Le Rouergue, janvier 2017) vous entraînent dans le sillage de l’adjudante Angélique Blakaman. Promue grâce à une conduite héroïque en métropole, elle obtient sa mutation dans le Haut Maroni où elle a grandi. Immenses forêts, territoires ancestraux la changent de son décor urbain. Avec le capitaine Anato, prêt à enfreindre toutes les règles pour leur survie, elle s’engage dans la Guyane secrète pour défendre son village.

le dompteur de lions

Côté Poches, et pour continuer dans le roman noir, retrouvez le dompteur de lions (Babel, octobre 2018) de Camilla Läckberg. L’écrivaine Erica Falk déterre une vieille histoire du meurtre d’un dompteur de lions et son mari enquête sur l’accident en forêt d’une jeune fille retrouvée atrocement mutilée. Peut-être un des romans les plus violents de la reine du polar suédois.

La danse de l'araignée Folio Gallimard

Avec La danse de l’araignée (Folio, 18 octobre 2018), Laura Alcoba poursuit son récit autobiographique sur l’exil. Installée en France avec sa mère, la jeune fille vit son adolescence avec en arrière-plan les souvenirs d’Argentine, la correspondance avec son père emprisonné et la survenue de la maladie d’Amalia.

PARUTIONS BD EN OCTOBRE OU LE PASSÉ AU PRÉSENT…

Dans les parutions BD du mois d’octobre 2018, beaucoup de BD traitent de l’histoire du XXe siècle. Mais pas que. Petit inventaire subjectif…

LES PASSAGERS DU VENTPour un mois essentiel en termes de parution, il faut une locomotive. Celle-ci sera probablement la parution du tome 8 des Passagers du vent, grand classique de la BD de Bourgeon, qui débuta en 1979 et eut une interruption de près de 25 ans. Avec Le sang des Cerises (1) débute ce troisième cycle tant attendu qui va permettre aux lecteurs de retrouver Zabo, devenue Clara, non plus en Amérique, mais dans le Paris de la Commune. Succès garanti pour une série qui ouvrit les portes de la BD à des milliers de lecteurs et qui proposera une superbe édition luxe en noir et blanc.

DAVODEAU RURAL

Paradoxalement, en ce mois dévolu normalement aux nouveautés, les éditeurs proposent des rééditions de valeurs sûres devenues parfois introuvables. Largo Winch achève sa nouvelle réédition en doubles albums en proposant les dix dernières parutions (Albums 11 à 20), alors que Delcourt, profitant de la notoriété toujours croissante de Davodeau, publie à nouveau le triptyque superbe, Les Mauvaises Gens, Quelques jours avec un menteur et le magnifique Rural. Casterman publie de nouveau L’été indien de Manara et Pratt pour une édition 2018 appelée à séduire de nouveaux lecteurs.

BD SARBACANEPour de véritables nouveautés, on peut se tourner vers Sarbacane, qui édite un ouvrage étonnant avec Servir le Peuple où l’on retrouve le talentueux Alex W. Inker (auteur de Panama Al Brown) qui nous place en pleine révolution culturelle chinoise quand l’ordonnance d’un colonel de l’Armée populaire applique l’injonction d’accéder à tous les désirs de l’épouse de ce dernier. Un dessin, un thème et un objet totalement atypique qui devraient trouver ses lecteurs.

LE VOYAGE DE MARCEL GROB

Toujours tournées dans le passé, plusieurs BD ce mois-ci évoquent la Seconde Guerre mondiale. Chez Futuropolis, après Un maillot pour l’Algérie, le trio Javi Rey, Kris et Bertrand Galic mène une enquête passionnante sur la vie, réelle, d’une femme qui a traversé la moitié du XXe siècle avec rage, impudeur et scandale : Violette Morris, championne sportive française toutes catégories, qui trouvera la mort en avril 1944 dans une embuscade organisée par des résistants. « La Hyène de la Gestapo » méritait elle ce sort ? Ce premier tome d’un diptyque annoncé nous le dira. Chez le même éditeur, on attend avec impatience Le voyage de Marcel Grob qui raconte un autre destin, celui d’un jeune Alsacien de 17 ans, enrôlé dans la Waffen SS et qui, à 83 ans, devant un juge, se souvient.

BD GALLIMARD

Gallimard n’est pas seulement l’éditrice de la collection au liseré rouge de la NRF, mais publie parfois aussi des BD. Deux ouvrages ce mois. Heimat, loin de mon Pays de Laura Krug raconte comment le simple fait d’être citoyenne allemande la relie à l’Holocauste, la dépossédant d’un quelconque sentiment d’appartenance culturelle. Après douze ans passés aux États-Unis, et alors qu’un non-dit plane sur la participation de sa propre famille à la guerre, elle part à la recherche de la vérité… Entre bande-dessinée et album photo, une enquête intime stupéfiante au cœur de l’Allemagne nazie.

BD SWAN GALLIMARDAvec le tome 1 de Swan de Nejib, on continue de se promener dans le domaine de l’histoire, mais celle de l’art, cette fois-ci. Tout juste débarqués de New York, Scottie et sa sœur Swan n’ont qu’une idée en tête : intégrer les Beaux-Arts de Paris. Guidés dans la capitale par leur cousin Edgar Degas ils rencontrent Ingres, Manet, Fantin Latour…. L’auteur remarqué de Stupor Mondi nous propose avec le buveur d’absinthe le début d’une série prometteuse.

BD AUTEL CALIFORNIA

Avec la parution en coffret de Autel California des deux tomes parus, l’Association, remarquable maison d’édition, met en valeur le talent de l’autrice Nine Antico qui dessine le phénomène des groupies dans la culture américaine des années 50-70. Magnifique et original.

BD

Autre maison d’édition valeureuse et défendant une BD indépendante, Steinkis qui publie Si je t’oublie Alexandrie, un album de Jérémie Dres où l’auteur fait de la recherche de ses origines, un véritable reportage d’investigation exhumant une mémoire en voie de disparition, celle d’un monde arabe cosmopolite.

BD

On a commencé avec un grand nom de la BD avec Bourgeon, on ne peut terminer ce petit inventaire qu’avec une autre signature majeure : Juillard qui avec son compère Yann au scénario, dans le prolongement de leur album Mezek raconte une histoire d’amour pendant la guerre civile espagnole entre un aviateur russe et une belle milicienne espagnole. Le trait de Juillard demeure unique et superbe pour ce Double Sept.

Et puis il y’a …. et encore …… Plongez dans les bacs de livres et trouvez votre bonheur. Bonne lecture et bonne pioche.

CINÉMA. QUAND UN ESAT REVISITE LA LÉGENDE DU MENHIR DE DOL

En coopération avec l’ESAT de Belle Lande*, l’Association UnisVers7 produit, à Dol de Bretagne, un court-métrage fantastique. Sous la réalisation d’Éric Valette, ce film de 7 minutes a la particularité de rassembler sur un même plateau des travailleurs handicapés de l’ESAT et des professionnels du cinéma qui guident ces derniers dans le processus de création.

La légende :

Près de Dol se trouve le menhir du Champ-Dolent.  La légende raconte qu’un jour le Diable, voyant Saint-Samson construire la cathédrale de Dol-de-Bretagne, tenta de la détruire en lançant un rocher arraché au Mont Dol. Il manqua sa cible et la pierre n’atteignit que la partie supérieure d’une tour de l’édifice (aujourd’hui encore manquante) avant de se planter en terre à quelques kilomètres de là.

MENHIR CHAMP DOLENT

Ce projet marque entre autres la volonté, notamment portée par Hélène Pravong (directrice de l’association) d’étendre l’accessibilité de la culture aux handicapés, non plus seulement en tant que spectateurs, mais aussi en tant que créateurs. Le court-métrage intitulé Le menhir du Champ-Dolent sera diffusé hors compétition au festival de cinéma fantastique Court Métrange, à Rennes, le samedi 13 octobre au cinéma Gaumont, et c’est gratuit ! Nous nous sommes rendus sur un des lieux du tournage pour une rencontre en vidéo.

« On ne pense pas souvent à nous »

Olivier, travailleur à l’ESAT de Belle Lande, exprime avec émotion sa fierté de participer à un tournage de cinéma, car, dit-il « ça montre que les handicapés aussi peuvent faire des films ». « On ne pense pas souvent à nous… », ajoute-t-il.
Et en effet, sur quoi nous interroge un tel projet ? Pas tant sur les capacités des personnes handicapées à produire un film, nous en imaginons autant la difficulté que la faisabilité. Il nous questionne davantage sur nos propres capacités à inclure. À inclure un personnel qui ne soit pas « le plus efficace », mais le plus nécessiteux d’inclusion. À inclure, non pas seulement pour faire tourner une équipe de professionnels chevronnés, mais aussi pour tisser des liens nouveaux, primordiaux entre les groupes de personnes, les domaines de profession, les citoyens.

MENHIR CHAMP DOLENTÉtendre le champ des possibles en matière d’accessibilité et pourquoi pas, en matière d’Art. Montrer que c’est possible, pour inspirer d’autres projets et rendre commun l’inhabituel, le dérangeant. Nous nous en doutons, sur un projet aussi hors normes ce n’est pas la rentabilité ni le génie du film qui prévaut, c’est le geste en lui-même. Nous imaginons pourtant que, rendue commune la méthode (d’inclusion, de transversalité), s’épanouiraient des œuvres non plus marginales, mais originales. La beauté de la cause se changerait en beauté de l’effet.

MENHIR CHAMP DOLENT

Pourtant l’avènement de l’accessibilité demande un renversement profond des valeurs sociétales qui sont les nôtres. Nous pouvons nous satisfaire qu’un tel projet ait trouvé une voie de réalisation, mais la route a été ardue et le financement difficile à percevoir, comme nous l’explique Hélène Pravong, directrice de production du court-métrage.

La solidarité peut-elle ne tenir qu’à la volonté acharnée de certains, à contre-courant d’une société en marche vers d’autres idéaux ?

Hélène Pravong, co-fondatrice et directrice d’Unis Vers 7 Arrivé et du festival de cinéma fantastique et d’horreur, Court Métrange. Principale impliquée dans le rapprochement entre l’ESAT de Belle Lande et le Festival Court Métrange, elle en dirige la production. Elle conduit, du 16 au 21 octobre 2018, sa dernière édition du festival, avant de prendre un nouveau départ, pour d’autres projets. Nous l’avons rencontré pour un entretien, peu avant le tournage du court-métrage Le menhir du Champ-Dolent.

Helene Pravong

Entretien avec Hélène Pravong

Unidivers : Bonjour Hélène, tu viens d’annoncer publiquement ton départ de la direction du festival Court Métrange… comment te sens-tu ?

Hélène Pravong : Forcément ça remue un peu, parce que c’est ma dernière année et que j’ai co-monté ce festival avec Steven [Pravong], il y a 15 ans. Ce n’est pas rien, mais je suis sereine par rapport à ça, ma décision est actée depuis longtemps. Je suis dans la joie de ce départ.

U : Tu quittes à la fois l’association et le festival…

H. Pravong : Je veux pouvoir laisser vraiment toute la place à la personne qui va me remplacer. Si je suis encore là, je vais vouloir mettre mon nez dedans (rires). Il faut qu’il y ait du sang neuf, c’est important. Je pense que ça va donner beaucoup de force au festival, une nouvelle impulsion. Non qu’on soit sur nos acquis, mais quand même… On a remarqué cette année, avec Cédric Courtoux (directeur artistique du festival), que l’on disait souvent « Oui, mais on faisait comme ça par le passé », et puis on réfléchissait et on se disait « Certes, mais qu’est-ce qui nous empêche de faire autrement maintenant ? ». Cette ouverture au changement est hyper importante, de plus en plus pour le festival et l’association. Il faut vraiment qu’il y ait un nouveau souffle. Et pour moi aussi du coup.

U : Vers quoi te diriges-tu suite à ce départ ?

H. Pravong : Depuis 5 ans j’essaye de développer l’accessibilité à Court Métrange pour les personnes handicapées. Au travers de tous les projets auxquels on a pu les inclure, je vois tout le parcours qu’elles ont pu faire grâce à nous. En particulier un groupe de travailleurs de l’ESAT qui m’ont écrit une lettre me demandant d’écrire et de réaliser un film avec eux [Le menhir du Champ-Dolent]. C’était vraiment touchant. Et quand je vois le bonheur que cela génère chez eux, ça me donne envie d’imaginer des projets pour eux. Donc je vais voir si je peux proposer des choses de ce côté-là, toujours dans le culturel, le cinéma, car c’est vraiment ma tasse de thé.
Ça peut être de la production d’œuvre ou autre, l’important c’est de faire de l’éducation à l’image. Décrypter une image.

U : Parle-nous de ce film avec les travailleurs de l’ESAT

H. Pravong : J’ai monté ce projet de A à Z. Les travailleurs de l’ESAT voulaient qu’on écrive et réalise un court-métrage ensemble. J’ai réuni les fonds de janvier à mai. Ça a été très long avant d’avoir des réponses, mais on a eu la fondation de France, la fondation SNCF, l’Adapei et la DRAC. C’est la moitié du budget… on va faire avec.
Il y aura des professionnels encadrants à tous les postes-clés, qui encadreront le groupe de travailleurs. Ils sont une huitaine. Le but est qu’ils fassent eux-mêmes le film. Ce sont des handicaps psychiques pas trop sévères. Une personne est illettrée, il n’y a pas d’autisme lourd, mais un rapport à la réalité très distancé. C’est intéressant et il faut trouver le moyen de simplifier d’expliquer les choses. Et puis déjà : comment on écrit un scénario ? Comment on construit des personnages ? Quelle histoire veut-on raconter ? Il y a des contraintes aussi : pas de tournage de nuit, des horaires à respecter, pas d’effets spéciaux, car pas les moyens, etc. Donc on part déjà des contraintes en essayant d’être créatifs avec elles. C’est pourquoi 5 jours de tournage pour un film de 7 minutes, c’est confortable.menhir champs dolent film

 

U : De quoi parle le film ?

H. Pravong : Ce sera bien sûr un film fantastique, puisqu’il a vocation à être diffusé hors compétition au festival Court Métrange. On est parti d’une légende pour le scénario, celle du menhir du Champ-Dolent. 90 % du scénario c’est eux et moi. Après il y’a quand même eu besoin de trouver des enchaînements logiques donc on a peaufiné de notre côté. Et puis j’ai travaillé sur les dialogues avec les comédiens.
Tout va être dans l’expression de ce qu’est un plan, comment il se construit, faire des propositions artistiques et puis leur demander de choisir et de s’exprimer.
La scripte et le premier assistant ont fourni un document que je trouve génial. Il y est écrit en grosses lettres les personnages qui sont présents dans la scène, et dans la colonne « accessoires » tout est illustré par des images. Ça donne un plan de travail accessible à tous. Je trouve ça magnifique qu’ils aient fait ça, ça me (émue)… parce que c’est pas évident pour ces professionnels-là. Et ils ont compris tout de suite.

U : Revenons au festival Court Métrange. Après des premières éditions relativement underground, le festival connaît aujourd’hui un grand succès. Est-ce que ça a changé votre façon de faire ?

H. Pravong : Non, c’est toujours une nouvelle aventure. Déjà on n’est pas dans nos petits chaussons, on n’est jamais à l’abri d’une subvention qui s’en va, d’un partenaire qu’on perd. On est toujours sur le qui-vive.
C’est vrai que la question financière est très importante. En 15 ans d’existence et malgré le succès, on a un budget de 130 000 € seulement. Avec un salarié. Donc on est tout le temps en train de s’accrocher. C’est ce qui fait notre créativité, mais c’est épuisant aussi.
Après toutes ces années, je trouve dommage qu’on n’ait pas plus de reconnaissance publique, qu’on rame encore autant pour obtenir le moindre argent. Cette année plus particulièrement. On a eu une aide régionale pour mon poste, qui s’arrête aujourd’hui au bout de 4 ans, sans relève ni rien. Nous sommes capables de financer un poste à hauteur de 50 %, pas plus. Et pourtant à côté de ça on embauche des intermittents sur le temps du festival, on a 2 CDD en plus, l’attaché de presse et Cédric Courtoux (directeur artistique). Et puis là on se rend compte qu’on va être obligé de supprimer des postes, juste pour en faire vivre un seul.

U : Comment expliquerais-tu cette difficulté à obtenir des ressources financières ?

H. Pravong : J’ai tenu ce festival, comme on me l’a souvent dit « comme une bonne mère de famille ». Et ça a été mon gros défaut, je crois… Il m’a toujours importé d’équilibrer les comptes. On devait faire des bénéfices, disons entre 500 et 1000 € et c’était notre marge de manœuvre pour démarrer l’année. Autant dire, rien. Donc il m’importait d’équilibrer. Et puis je ne pouvais pas m’endormir le soir tranquillement si on n’équilibrait pas. Mais si tu équilibres et que tu envoies un bilan positif à la fin du festival, ce qu’on te dit c’est : « Très bien, vous n’avez donc pas besoin de plus d’argent. ». Mais moi j’estime et je suis convaincue qu’en démontrant des comptes sains, on devrait avoir plus de chances de nous aider à nous développer. Si on démontre qu’on est négatif tous les ans ça veut dire quoi ? Est-ce juste une stratégie pour demander plus d’argent ? On demande à se développer, mais on ne se développe pas sur du négatif, sur des problèmes, si ? On se développe justement parce qu’il y a un engouement du public et une bonne gestion. C’est ma logique en tout cas.

SPOILERS RENNES

U : Comment est né le festival Court Métrange ? On le sait être atypique dans le panorama européen...

H. Pravong : Avec Steven Pravong, mon mari de l’époque, on est parti d’un simple constat : il n’y avait pas de festival, en France et en Europe, dédié au court-métrage de genre. C’est lui qui m’a dit : pourquoi on ne monterait pas un tel festival ? J’ai adoré ce moment-là parce que ça s’est fait à une vitesse grand V en fait. Et c’était un peu ça, nous deux, il partait d’une idée et je la mettais en place. Il a trouvé le nom « Court Métrange » que je trouve être un super beau titre. J’étais alors enceinte jusqu’au cou et je démarchais de partout en ville, les financeurs, les partenaires, etc. Et la première édition est née l’année d’après. Notre fille a le même âge que le festival, 15 ans en fin d’année.

U : C’est un festival engagé alors ?

H. Pravong : Engagé, réflexif. C’est-à-dire qu’il n’était pas question de faire du cinéma de divertissement. On voulait démontrer qu’il y avait dans le cinéma de genre une vraie vision artistique et de la part des auteurs une véritable envie de parler de leur culture, leur histoire, leurs malaises, et d’un pays à l’autre c’était tellement différent… C’est une richesse cinématographique qu’on voulait vraiment mettre en avant. C’était dur de les montrer parce que les critiques et les subventionnements n’en avaient rien à faire du cinéma d’horreur/fantastique. Et puis pas tant que ça, en fait. Et le public lui était là tout de suite, c’est ça qui était bien aussi. On connaît la suite. Mais voilà, j’ai adoré ce début, cette mise en place, l’idée. En fait ce sont souvent des gros challenges qui me portent et me tiennent à cœur.

court metrange
RENNES COURT MÉTRANGE 2018 : 17-21 OCTOBRE 2018

U : Qu’espères-tu pour les prochaines éditions ?

H. Pravong : J’aimerais que l’accessibilité reste en place. L’accessibilité pure et dure est arrivée il y a 5 ans, quand on a mis en place des projections audiodécrites et sous-titrées pour le public non voyant. On continue les séances sous-titrées pour les sourds et malentendants. L’inauguration est signée (sourds et malentendants), il y a aussi une master class qui est signée. Je m’inspire beaucoup du Festival de cinéma de Douarnenez (Finistère) où il y a une grosse communauté de sourds et malentendants, et des dispositifs intelligents mis en place pour faciliter l’accessibilité. Mais tout ça est un travail de longue haleine, ce n’est pas encore gagné. Je pense qu’ils conserveront ça, oui. Après, la nouvelle directrice proposera un nouveau projet, j’ai hâte de l’entendre d’ailleurs. Mais elle sait combien c’est important, même pour le festival, le développement des publics et sans doute elle en tiendra compte.

U : Qu’est-ce qu’on te souhaite ?

H. Pravong : J’aimerais voyager, partir au Mexique pendant 1 mois (rires). J’adore la civilisation ancienne, et les civilisations mayas et aztèques c’est un rêve d’enfant de les découvrir.

Le menhir du Champ-Dolent est un projet extraordinaire pour des personnalités peu ordinaires, où la maîtrise de la technique, la précision et la concentration sont de mises. Un film à découvrir en avant-première le samedi 13 octobre 2018, à 11 h, Gaumont, Rennes.

MENHIR CHAMP DOLENT

L’objectif de ce projet en collaboration avec les travailleurs de l’ESAT la Belle Lande Dol de Bretagne est l’inclusion de personnes en situation de handicap dans l’écriture et la réalisation d’un court métrage fantastique. Elles ont été accompagnées par des professionnels de l’audiovisuel : le réalisateur Éric Valette (réalisateur de La proie, Une affaire d’État, Le serpent aux mille coupures et de séries comme Braquo et Crossing Lines), une équipe technique 100 % bretonne et les comédiens Marie Murat, Cédric Courtoux, Klervie Casteret et Emma Pravong. Le tournage s’est tenu du 17 au 21 septembre, à Dol-de-Bretagne. Le film finalisé sera sous-titré pour sourds et malentendants.

*ESAT : établissement et service d’aide par le travail. C’est un établissement médico-social de travail protégé, réservé aux personnes en situation de handicap et visant leur insertion ou réinsertion sociale et professionnelle. L’ancienne appellation était : CAT.

Avec le soutien de la Fondation de France, la Fondation SNCF, l’Adapei Les papillons blancs d’Ille-et-Vilaine et la Drac, Direction des Affaires Culturelles et l’ARS, Agence Régionale de Santé de Bertagne, dans le cadre de l’appel à projet « Culture – Santé ».

Le menhir de Champ Dolent (Champ de douleur) est situé sur la commune de Dol de Bretagne / Ille-et-Vilaine. C’est l’un des plus grands menhirs du Massif armoricain : 9,30m de haut pour 8,70m de circonférence. Son poids est estimé à 120 T. Il provient du filon granitique de Bonnemain, situé à un peu plus de 4 km de là.

ALEKO ET IOLANTA INAUGURENT LA SAISON DE L’OPÉRA DE RENNES

Pour sa rentrée, l’opéra de Rennes offrait un programme alléchant. En première partie ALEKO, œuvre de jeunesse de Sergueï Rachmaninov, puis IOLANTA de Piotr Ilich Tchaïkovski. Deux œuvres en un acte, lesquelles, en trois heures et cinq minutes, ont convaincu le public rennais.

Aleko est une œuvre surprenante, la tension y est permanente, et si à l’époque les critiques l’avaient trouvée un peu abrupte dans sa chronologie, personne n’a eu l’idée d’en contester la musique. Son histoire est intéressante et a sans doute un peu orienté notre écoute. Rachmaninov, alors âgé de 19 ans, devait pour clore son cycle d’études de composition au conservatoire de Moscou composer un opéra, une symphonie et plusieurs pièces chantées. Élève de Anton Stépanovich Arenski, c’est avec ses compagnons, Nikita Morozov et Léonide Conus, qu’il s’est vu imposer le thème d’Aleko, basé sur une nouvelle de Pouchkine intitulée « Les tziganes ». Le livret en a été écrit par Nemirovitch-Dantchenko, cofondateur du théâtre d’art de Moscou.

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Il va sans dire que l’histoire n’a retenu qu’une œuvre sur les trois. Opus de jeunesse, c’est vrai, il ne faut toutefois pas oublier qu’à cette époque Rachmaninov avait déjà à son actif un nombre impressionnant de compositions, dont un premier concerto pour piano et l’ébauche inachevée d’un opéra « Esméralda », basé sur un thème très similaire. La présentation de son œuvre recueillit, de la part de ses examinateurs, un accueil enthousiaste qui lui valut une médaille d’or et la création de son œuvre le 9 mai 1893. Pourtant Rachmaninov n’y croyait guère, « Mon opéra a été accepté au théâtre Bolchoï de Moscou. Pour moi la représentation sera à la foi agréable et désagréable . Agréable, car ce sera une bonne leçon de voir mon opéra sur scène et mes fautes théâtrales. Désagréable, car cet opéra est voué à l’échec. Je dis cela en toute sincérité. Les choses sont ainsi tout simplement. Tous les opéras des jeunes compositeurs connaissent l’échec, et pour la raison suivante : ils contiennent une multitude d’erreurs que l’on ne peut corriger parce qu’aucun de nous ne comprend vraiment la scène ». La suite des événements lui donna tort.

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C’est sous la baguette du chef Andrei Galanov que l’orchestre symphonique de Bretagne, les chœurs des opéras de Rennes et Angers-Nantes, les solistes du théâtre de Minsk (Biélorussie) nous ont proposé une interprétation alternativement vigoureuse et apaisée. Elle est cohérente avec la construction de l’œuvre et c’est très rapidement que l’on oublie tous les bavardages sur les prétendues erreurs de jeunesse, tout simplement parce que c’est beau. Une véritable fête. Il est vrai que les solistes de Minsk n’y sont pas pour rien. Les voix sont puissantes, graves et belles comme dans les liturgies orthodoxes. À ce jeu, Vladimir Gromov, dans le rôle d’Aleko, tire avec talent son épingle du jeu. L’orchestre symphonique de Bretagne, placé au-dessus des chanteurs, nous offre une interprétation énergique et brillante. Pour nos deux premiers violons, Anatol Karaev et Nicolaï Tsygankov, cette soirée sous le signe de la Russie éternelle doit avoir un retentissement particulier. Tous nous tiendront sous leur coupe jusqu’aux dernières notes, s’éteignant progressivement dans une émouvante douceur.

aleko

Si le propos n’est en aucun cas d’établir des comparaisons, il est juste de reconnaître que le second opéra, Iolanta, est très différent. Tchaïkovski, se basant sur une pièce du dramaturge danois Henryk Hertz « La fille du roi René » nous raconte l’histoire un peu déroutante d’une jeune fille qui ignore qu’elle est aveugle. S’il est difficile de croire qu’une telle chose puisse se produire, la musique et le texte du livret sont si accomplis que l’œuvre se déroule sans que l’on s’en rende compte tant l’ensemble est achevé et cohérent. Les solistes de Minsk y font, cette fois encore, montre de leurs grandes qualités et c’est Iryna Kuchinskaya qui par son interprétation sensible de la jeune Iolanta nous fait tout oublier et nous entraîne dans un monde imaginaire et sombre que, soudain, l’espoir vient éclairer.

aleko

Le chœur de 46 exécutants est plus utilisé et apporte une puissance assez habituelle dans la musique russe, mais qui ne manque pas de bousculer une assistance médusée et admirative. Si parfois le niveau sonore  atteint des sommets proches de la saturation, l’admiration reste entière et les ovations et autres rappels viendront ponctuer une ouverture de la saison lyrique placée sous le signe du succès.

iolanta opéra

L’opéra de Rennes, toujours attentif à s’ouvrir à tout public, et dans le cadre de son action culturelle, a permis à 32 élèves des classes de seconde, première et terminale option russe du lycée Chateaubriand, non seulement d’être reçus pour une visite personnalisée de l’opéra l’après-midi, mais encore d’assister à la représentation et d’y rencontrer les chanteurs russes pour d’échanger avec eux dans leur langue maternelle. Belle occasion pour leur professeur, Madame Gorodkoï, de donner à son enseignement une application vivante et motivante. Les quelques élèves interrogés semblaient plutôt satisfaits de cette double expérience.

En conclusion, une saison qui commence sous les meilleurs auspices et qui nous promet, cette année encore, de beaux moments musicaux.

Aleko et Iolanta seront donnés à l’Opéra de Nantes à partir du 30 septembre 2018 ainsi qu’à Angers à partir du 6 octobre.

AVEC FAILLE THIERRY MICOUIN ET PAULINE BOYER ENCHANTENT LE SENSIBLE

Dans le cadre du projet « Corps et Espaces sensibles », Thierry Micouin et Pauline Boyer ont présenté dimanche 16 septembre 2018, dans les jardins du domaine de Kerguéhennec, leur dernière collaboration, la pièce chorégraphique Faille. Profondément enracinée dans l’œuvre du peintre Pierre Tal Coat dont le travail est très présent au sein du domaine, Faille est un voyage sonore et visuel qui nous transporte du vivant et du concret à une danse très abstraite et belle. Dans le même cadre, une deuxième représentation de Faille est prévue le 30 septembre 2018 sur un autre site, les dunes de Kerver de Saint-Gildas de Rhuys.

Créé dans le cadre du projet « Corps et Espaces sensibles » pour lequel quatre sites sensibles du Morbihan proposent aux artistes de construire une expérience, un dialogue sensible avec les espaces naturels du département, Faille est l’occasion de se réjouir de la collaboration entre Pauline Boyer et Thierry Micouin. Celle-ci a commencé en 2014, les deux artistes ont créé Double Jack, Synapse et Backline. Thierry Micouin crée les chorégraphies et Pauline Boyer les dispositifs sonores et scéniques.

faille thierry micouin

Le rapport à la nature étant au centre du projet présent, il était logique que Pauline Boyer et Thierry Micouin renforcent l’utilisation de la suite de Fibonacci qu’ils avaient déjà mis en place pour Backline sur une partie du dispositif. Thierry Micouin, qui dans ses pièces précédentes utilise volontiers des gestes narratifs s’inscrivant totalement dans la danse contemporaine, rend hommage avec Faille au travail de Pierre Tal Coat. Ainsi les gestes de Faille sont inspirés par la position des corps des toiles du peintre. Ces positions ont quelque chose d’anti naturel, car Pierre Tal Coat a toujours voulu représenter la venue du mouvement à lui.et non le mouvement lui-même. « Je serais plutôt fait par la ligne que moi je ne fais la ligne », disait-il. C’est précisément l’objet de Faille, non pas de représenter naïvement la nature, mais plutôt le chemin subtil, les mouvements qui précèdent l’éveil à la sensation.

faille thierry micouin

Les corps hyper stylisés sont comme suspendus dans l’espace, ils sont parfois représentés dans des positions obliques comme interrompus dans une chute. Les corps des danseurs Marie-Laure Cadarec et Thierry Micouin révèlent des espaces qui se juxtaposent dans la marche puis se rencontrent dans l’arrêt de ces corps dans ces stations obliques. Puis c’est une marche complètement artificielle qui se met en place, une marche qui fut décrite comme étant celle empruntée par le peintre lorsqu’il se préparait à travailler. Pierre Tal Coat se promenait alors en pliant les jambes de façon à ce que le haut de son corps soit vingt à trente centimètres plus bas que la normale.

faille thierry micouin

Pour Faille, la danse est très comptée. C’est à dessein que Thierry Micouin met en place cette pratique qui n’est plus utilisée dans la danse contemporaine actuelle et encore moins dans celle du chorégraphe. Le décalage est renforcé par le cadre idyllique du domaine de Kerguéhennec où la nature est certes domptée dans son enceinte, mais libre tout autour de ses limites, libre et ouvrant au sensible. Le sentiment d’étrangeté intensifie l’abstraction et la réflexion à laquelle la danse convie celui qui la partage en la regardant. Les corps fondent, tombent, tentent des envolées qui n’aboutissent pas. Mais si les pièces chorégraphiques de Thierry Micouin sont toujours teintées de la cruauté de notre monde contemporain, ce n’est pas une lente descente aux enfers à laquelle nous sommes conviés, mais bien une invitation toujours renouvelée à la résistance par le sensible, à la beauté de ce même monde.

En parallèle, Pauline Boyer diffuse des sons qu’elle a collectés : les sons amplifiés d’une clôture électrique, des oiseaux (on est amusé de se rendre compte au bout de quelques minutes que ce ne sont pas ceux des arbres aux alentours, mais bien des sons enregistrés) ; le voyage sonore se poursuit par une oscillation de sons identifiables et d’autres, plus énigmatiques. Des cliquetis métalliques ou de pierres, des bruits d’eau qui s’écoule sont suivis d’aboiements de chiens (enregistrés dans un chenil situé au milieu de la forêt non loin du domaine), puis de distorsions (qui sont en fait ceux des éoliennes que l’on peut croiser en chemin, le long de la route nationale qui mène au domaine). La conjugaison de ces plages sonores avec la danse engendre une dynamique particulièrement évocatrice des perceptions qui nous parcourent lorsque l’on s’immerge dans un espace naturel. Les sons vont du concret à l’énigmatique quand l’œil du spectateur tente de trouver une lecture de l’accumulation des gestes des danseurs qui rappellent par certains aspects les Accumulations de Trisha Brown.

C’est tout l’art du trio formé avec Marie-Laure Caradec dont on sent l’osmose dans Faille, révéler l’odyssée qui opère en chacun de nous

À noter : Pauline Boyer a créé un site où chacun pourra faire revivre tous les sons qu’elle a collectés pendant la phase préparatoire de Faille :

Faille
Conception : Thierry Micouin et Pauline Boyer
Interprétation : Marie-Laure Caradec et Thierry Micouin
Musique/dispositif interactif : Pauline Boyer
Regard : Pénélope Parrau

Faille sera dansé le 30 septembre 2018 Dunes de Kerver à Saint-Gildas de Rhuys. Rendez-vous à 16h sur le parking de la plage de Kerver.

RENNES MUSÉE DES BEAUX-ARTS JEAN-ROCH BOUILLER NOMMÉ DIRECTEUR

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Nathalie Appéré, Maire de Rennes, a nommé Jean-Roch Bouiller à la direction du Musée des Beaux-arts de Rennes sur proposition unanime du jury. Il prendra ses nouvelles fonctions en janvier 2019.

RENNES. JEAN-ROCH BOUILLER PRÉSENTE SON MUSÉE DES BEAUX-ARTS

Jean-Roch Bouiller, 44 ans, est docteur en histoire de l’art contemporain. Conservateur en chef responsable du secteur art contemporain au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) de Marseille depuis 2011, il a participé à la création du nouvel établissement, contribué à la conception des expositions permanentes et réalisé de nombreux commissariats d’expositions. Auparavant, il a été conservateur des Monuments historiques à la Direction des affaires culturelles (Drac) de Provence-Alpes-Côte d’Azur et conservateur chargé des collections contemporaines à la Cité de la céramique à Sèvres.

Conservateur reconnu, notamment après avoir pris part à la création et au développement du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) de Marseille, il mettra toutes ses compétences au service du Musée des Beaux-arts de Rennes, dans la continuité du travail engagé par Anne Dary, actuelle directrice du musée, qui fait valoir ses droits à la retraite. Il continuera à faire rayonner cette institution culturelle et lui donnera une nouvelle impulsion.

Très attaché à l’ouverture du musée à différentes disciplines et formes artistiques, Jean-Roch Bouiller entend contribuer à placer le musée au cœur de la vie de la cité. Il développera un programme d’expositions d’envergure et sera ouvert aux initiatives multiples des acteurs culturels rennais. Il s’attachera au développement et à la valorisation de l’ensemble des collections du musée.

Il poursuivra l’ouverture du musée à l’art contemporain. L’enjeu est de renforcer le rayonnement culturel de Rennes et de contribuer à faire de la Bretagne une destination autour de l’art contemporain.

Jean-Roch Bouiller
Jean-Roch Bouiller

LIBYE ANATOMIE D’UN CRIME, VIOL DES HOMMES ET ARME DE GUERRE

Dans les conflits contemporains, un crime, silencieux, ne cesse de croître. En Libye, il a trouvé son terrain d’expression idéal. Pour la première fois, victimes et militants osent dénoncer le viol des hommes comme arme de guerre, afin que justice soit rendue…

C’est l’histoire d’un film qui n’aurait pas dû exister, celle d’une parole impossible à recueillir. Depuis la chute de Khadafi, le dictateur du désert, la Libye est une poudrière. Plus d’État. Deux gouvernements. Des ministres qui siègent un pistolet sur la tempe. Des centaines de milices armées qui kidnappent, rançonnent, torturent. Et violent, massivement.

Sur cette terre sans loi, ceux qui osent parler du viol disparaissent ou sont condamnés à l’exil. Dans les coulisses d’une enquête menée par une poignée de résistants en exil – Emad et Ramadan, deux militants de terrain – tentent de collecter les preuves d’un crime indicible.

Pas à pas, leur travail dévoile le chaos, la multiplication des cas, l’horreur des prisons clandestines où ce crime se pratique de manière systématique, dans un cycle infernal de vengeance où les victimes d’hier se transforment en bourreaux de demain. Leur chemin croise parfois celui d’hommes blessés. Yasine, violé par les troupes khadafistes au début de la Révolution, n’aura jamais la force de les rencontrer. Nazir, enlevé et violé par vengeance par les nouveaux maîtres de la Libye en 2012, finira par livrer quelques bribes de son histoire. Quand Ahmed accepte de raconter, sa parole décrit enfin pour les enquêteurs l’implacable mécanique du viol, la généralisation des méthodes de torture visant spécifiquement les hommes.

Enfin Ali, détenu dans une dizaine de prisons, tout juste libéré, racontera la généralisation du viol des hommes partout en Libye… et le ciblage systématique des ressortissants de la dernière tribu noire de Libye – les Tawarga.

Mais la multiplication des témoignages ne constitue pas un dossier recevable juridiquement. Une juriste, spécialisée dans les questions de crimes de guerre et de justice pénale internationale, Céline Bardet (présidente de l’ONG We Are Not Weapons of War), qui depuis vingt ans parcourt les terrains de conflit, vient à la rescousse des militants et va les aider à prouver la récurrence du crime.

Comment prouver un crime de guerre lorsque l’on part de rien ? Lorsque les témoins se terrent ? En tissant les paroles de victimes, de bourreaux, qui se mêlent à la lutte obstinée des résistants, le film raconte la lente éclosion d’une vaste enquête internationale, sur un crime que l’histoire tente encore d’effacer.

libye viol guerre

Entretien avec la réalisatrice
Lauréate du prix Albert Londres 2015, Cécile Allegra travaille depuis 15 ans comme documentariste et reporter à travers le monde. Ses films ont été sélectionnés et primés dans de nombreux festivals en France et à l’étranger (Primed, Festival des Films du Monde de Montréal, FIFDH, NYCIFF)

Cécile Allegra
Cécile Allegra

Qu’avez-vous voulu démontrer à travers ce documentaire ?
Cécile Allegra : À l’origine, le projet portait sur la question du viol de guerre de façon générale. Avec ARTE et Céline Bardet (présidente de We Are Not Weapons of War), nous voulions faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’un
dommage collatéral, mais d’une arme à part entière.
En tant que réalisatrice engagée, je m’interdis de travailler uniquement sur le pathos. Ce qui m’intéresse est d’inscrire dans une narration la démonstration du viol comme système, pensé et organisé. Pour qu’un spectateur accepte de voir en face la mécanique de l’horreur, j’ai choisi de raconter une histoire inédite : comment deux militants libyens, seuls et sans appui, vont peu à peu faire émerger un crime d’une ampleur sans précédent. En Libye, il y avait eu des rumeurs de viol lors de la chute de Kadhafi, mais aucune ONG n’avait réussi à apporter des preuves substantielles de l’existence d’un tel système.

Vous révélez qu’en Libye, les hommes sont ciblés prioritairement…
Au départ, je pensais que les victimes étaient surtout des femmes. De toute façon, personne ne voulait me parler. Au bout de six mois d’enquête infructueuse, j’ai tenté une autre approche. Je savais que les victimes n’avaient pas accès aux soins. J’ai donc fait distribuer sur place les extraits d’un ouvrage de sophrologie donnant des outils pour soulager les symptômes du stress post-traumatique liés à la guerre. Deux semaines plus tard, j’ai reçu les premiers coups de fil. Tous venaient d’hommes.

Qu’est-ce que cela signifie ?
Dans les conflits, le viol des femmes reste le fléau le plus répandu. Mais une femme, on peut la faire disparaître, ou la marginaliser. En Libye, le viol des hommes a émergé en pleine guerre civile. C’est une arme qui ne laisse pas de cadavres, peu de traces visibles. Un homme violé est un « souillé » qui n’a plus de place sociale, n’a plus droit
à la parole dans l’espace politique. Surtout, le système génère sa propre protection : un homme, chef de famille, chef de tribu, ne parlera jamais, de crainte que la souillure ne s’étende à ses proches, à sa descendance, et n’en
fasse des parias. Dès qu’une victime sort de geôle, un cycle de vengeance s’enclenche : on cherche quelqu’un du camp adverse à violer. Et ce cycle, sans fin, s’amplifie aujourd’hui. En Libye, depuis 2011, le viol est donc bien utilisé comme une clé de voûte de la stratégie militaire.

Votre film a mis en route une enquête internationale…
À ma connaissance, c’est sans précédent. Mais je n’y serais pas parvenue seule. J’ai d’abord suivi le travail de ces deux militants libyens exilés en Tunisie, puis celui de Céline Bardet, spécialiste du viol de guerre. Rapidement, Céline a été convaincue que le crime relevait bien d’une mécanique généralisée. Elle se bat depuis pour monter un dossier recevable, qui structure les témoignages épars. Sans ce dossier, qui précisera la chronologie des faits et les responsabilités de chacun, il ne peut pas y avoir de justice.
Propos recueillis par Lætitia Moller

libye viol

Repères chronologiques
Février 2011 : Après la Tunisie et l’Égypte, la Libye est à son tour touchée par un mouvement de contestation contre le règne de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969. Plusieurs villes de l’est de la Libye, dont Benghazi, tombent aux mains des manifestants anti-Kadhafi.

Mars 2011 : Les forces pro-Kadhafi reprennent plusieurs villes et en assiègent d’autres.
Le 17 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU vote en faveur d’un recours à la force contre les troupes pro-Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes.

Le 27 mars, l’OTAN prend officiellement le commandement des opérations militaires menées dans le pays.

Mai 2011 : Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), demande aux juges de délivrer des mandats d’arrêt contre Mouammar Kadhafi, son fils Seif Al-Islam, et le chef des services de renseignements Abdallah Al-Senoussi pour crimes contre l’humanité. Un mandat d’arrêt international à l’encontre de Mouammar Kadhafi est lancé, pour les crimes commis en Libye depuis le 15 février.

20 Octobre 2011 : Mouammar Kadhafi meurt des suites de ses blessures après des frappes aériennes de l’OTAN sur son convoi qui tentait de fuir Syrte.
2012 : Kadhafi ayant laissé derrière lui un vide politique, et un pays dépourvu d’institutions réelles, d’armée structurée, et de traditions démocratiques, la Libye apparaît bientôt comme un pays très instable, en proie au désordre et à la violence.

7 juillet 2012 : La première élection démocratique en Libye permet de désigner les 200 membres du Congrès Général National (CGN) chargé de remplacer le Conseil national de transition.

Le lendemain 9 août 2012 : Le nouveau Parlement élit son premier président, Mohammed Youssef el- Megaryef ; un opposant de longue date à Mouammar Kadhafi considéré comme un islamiste modéré.

11 septembre 2012 : Anniversaire des attentats de 2001, le Consulat des États-Unis à Benghazi est attaqué par un groupe armé. Quatre Américains sont tués, dont l’ambassadeur J. Christopher Stevens.

Mai 2014 : À Benghazi, lancement de l’opération « dignité » par le Maréchal Haftar, commandant de l’auto-proclamée Armée Nationale Libyenne, visant officiellement à combattre les groupes terroristes.

Juin 2014 : Les élections législatives recueillent moins de 30 % de participation. En août, le gouvernement et la Chambre des représentants, le parlement nouvellement élu — qui doit remplacer le Congrès Général National mais que les islamistes, battus aux élections, boycottent — déménagent à Tobrouk, à plus de 1 000 km de la capitale libyenne jugée trop dangereuse.

Fin août 2014 : La coalition « Aube de la Libye » (Fajr Libya) formée par les groupes islamistes, prend le contrôle de Tripoli et reforme le Congrès Général National. L’Égypte et les Émirats arabes unis mènent des bombardements répétés sur la capitale libyenne.

2015 : Le gouvernement de Tobrouk — seul à être reconnu par la communauté internationale — et celui de Tripoli se disputent dès lors le pouvoir, en même temps que le contrôle des puits de pétrole, tandis que le pays entier est en proie à la violence et aux affrontements de groupes armés, tribaux ou djihadistes. La déliquescence de la Libye contribue à faire du pays l’une des principales zones de transit de l’immigration clandestine à destination de l’Europe.

2015 : À la faveur du chaos politique, l’État islamique s’implante en Libye et lance des attaques, notamment à Misrata et à Syrte. L’ONU s’efforce d’amener les belligérants libyens à s’unir pour contrer l’État islamique.

10 juillet 2015 : Le gouvernement de Tobrouk signe finalement avec une partie des groupes armés un accord de paix proposé par l’ONU : celui de Tripoli rejette au contraire le texte et n’envoie pas de délégation à la signature. La Libye se retrouve alors de facto avec deux Parlements et deux gouvernements. 12 mars 2016 : Fayez el-Sarraj, avec le soutien de la communauté internationale, forme officiellement à Tunis un gouvernement « d’union nationale ». Le gouvernement s’installe à Tripoli à la fin du mois, obtient un vote de confiance en faveur de la majorité des parlementaires de Tobrouk, et s’installe progressivement en prenant le contrôle de divers ministères.

libye anatomie crime18 avril 2018 : À l’initiative de Céline Bardet, une plainte pour torture est déposée par Maître Ingrid Metton, contre le maréchal libyen Khalifa Haftar auprès du pôle « crime contre l’humanité » du tribunal de Grande Instance de Paris.

Libye Anatomie d’un crime, ARTE, mardi 23 octobre 2018 à 22.25 – Disponible en replay 60 jours et en VOD
DOCUMENTAIRE DE CÉCILE ALLEGRA, AVEC LA COLLABORATION DE CÉLINE BARDET COPRODUCTION : ARTE FRANCE, CINÉTÉVÉ (FRANCE, 2018, 1H10MN). Prix de l’OMCT (organisation mondiale contre la torture) – Section Grands reportages au Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains de Genève 2018 (FIFDH). Soirée présentée par Andrea Fies. Photos © Cinétévé

LE CONGO DU MONSTRUEUX ROI DES BELGES LEOPOLD II

En 2012, Éric Vuillard avait consacré son travail de mémoire au scandale géopolitique et humain que fut la colonisation ou la « privatisation » du Congo devenu, par la volonté et le caprice d’un seul homme, propriété personnelle de Léopold II, souverain de Belgique, unique et impitoyable seigneur et maître d’un immense territoire et de ses malheureux habitants.

CONGO

Éric Vuillard, d’une plume tour à tour chargée de colère et de révolte, d’humanité et de compassion, revient sur cet acte d’appropriation insensé, étendu de 1885 à 1908, qui mit à genoux une population asservie par un seul homme, et qui fit du Congo colonial l’un des plus effrayants exemples de l’exploitation de l’homme par l’homme.

CONGO
Le chancelier Otto von Bismarck, inattendu champion de la colonisation et pragmatique ministre du Commerce, invita le 15 novembre 1884 à Berlin, sous les ors et moulures du grand salon rococo du palais Radziwill, une cohorte de treize chefs d’État occidentaux à une importante conférence dans le but, bien propre aux appétits des pays de l’ère industrielle naissante et du libre-échange, de se partager les ressources de quelques terres lointaines, pas encore, ou peu, explorées, pas encore, ou peu, exploitées, pas encore, ou peu, asservies. L’Afrique fut ce continent, parcouru par Livingstone, qui attirait la curiosité et la convoitise de nos belles âmes dirigeantes, inquiètes de voir les riches terres ultramarines et américaines abandonnées désormais à d’aventureuses et fâcheuses indépendances politiques quelques siècles après leur conquête, et leur pillage en règle, par les Espagnols et les Portugais.

CONGO
Rapidement, le bassin du Congo, « une poche géante au milieu de l’Afrique », devint l’objet principal de la conférence, étonnamment convoité par le roi des Belges lui-même, Léopold II, imposant barbu tutoyant les deux mètres. Experts et géographes se disputèrent, sur le papier, la répartition des terres, des forêts, des rivières et des lacs, comme « des copropriétaires discutant de millièmes qu’ils ne possèdent pas encore ». Léopold hérita du « lot » congolais, heureux de son inattendue et vaste acquisition (« huit fois la Belgique ») comme un propriétaire terrien toujours avide d’élargir son patrimoine.

Il voulait le Congo pour lui tout seul […] contre le souhait du gouvernement belge lui-même.

Stanley, autre explorateur, contemporain de Livingstone, fut son fer de lance pour percer routes et accès à travers la forêt qu’il colonisa et créer des comptoirs en faisant signer de gré ou de force (« s’ils ne signent pas, on les zigouille ») des indigènes qui ne comprenaient rien à des papiers offrant au royal souverain l’exploitation de la terre, de l’eau et des arbres.

colonies afriqueLe Congo, pour notre entreprenant Léopold, ne devait pas être autre chose qu’une vaste entreprise privée, une société anonyme gérée comme telle, loin des tracas et inutiles subtilités diplomatiques des hommes politiques. Lemaire, lui, sera le brutal lieutenant et féroce bras armé du roi, imposant aux chefs de village de lui fournir vivres et hommes sous peine de « jeter des torches dans les huttes, de tout détruire, tout, tout, tout ! ». « Après Lemaire, il y eut Fiévez », autre exécuteur des basses œuvres et tortionnaire qui faisait couper les mains de ses victimes. « On raconte qu’une fois, on amena à Fiévez 1308 mains droites ». C’était le prix à payer par ces malheureuses populations et la rançon due aux lointains industriels européens avides du caoutchouc de la forêt équatoriale.

Pour parachever la besogne « colonisatrice », Léopold missionna les Goffinet, père et fils, qui jouèrent les négociateurs, les bâtisseurs et les administrateurs du « domaine royal ».
Éric Vuillard, en moins de 100 pages, d’une plume précise et incisive faite d’un mélange d’ironie mordante et de colère contenue, nous décrit un pays, le Congo, large part d’un fructueux continent, l’Afrique, dépecé par ces nouveaux conquistadors occidentaux, acteurs sans scrupules et sans limites d’un naissant et moderne capitalisme pilleur de richesses. Un bref et grand récit d’Éric Vuillard.
À rapprocher du roman de Mario Vargas Llosa, Le Rêve du Celte, paru en France en 2011, sur l’aventure du révolutionnaire irlandais Roger Casement, grand pourfendeur de ce roi des Belges qui mit en coupe réglée le pauvre Congo.

Congo, Éric Vuillard, Éditions Actes Sud, mars 2012, 112 pages. 17, 50 €

ISBN 978-2-330-00619-8
Prix Valery-Larbaud – 2013
Prix Franz-Hessel – 2012

Éric Vuillard, né en 1968 à Lyon, est écrivain et cinéaste. Il a réalisé deux films, L’homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de Conquistadors (Léo Scheer, 2009, Babel n°1330), récompensé par le Grand prix littéraire du Web – mention spéciale du jury 2009 et le prix Ignatius J. Reilly 2010. Il a reçu le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour deux récits publiés chez Actes Sud, La bataille d’Occident et Congo ainsi que le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre et le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet.

https://youtu.be/NEctecEqyuU

LE MOD KOZ, SPOT DE LA CULTURE BRETONNE, FÊTE SES 4 ANS À RENNES

Le Mod Koz a 32 ans, mais son actuelle propriétaire fête les quatre ans de son installation. Depuis ce café est devenu une institution pour les musiciens bretons et un lieu de rendez-vous et de retrouvailles pour la culture celtique. Son anniversaire sera célébré vendredi 28 septembre 2018 avec deux groupes : le duo Bouthillier/James et Sparfell.

Ce n’est pas un hasard si la conférence de presse de la 20e édition de Yaouank se déroulait dans ce lieu. Le Mod Koz est devenu une référence en termes de culture celtique. Entre les concerts, ses fest-noz, ses fest-deiz et ses sessions irlandaises, l’endroit regorge d’événements.

« C’est un haut lieu de la culture bretonne ».

« Il nous arrive d’avoir des concerts improvisés où tout s’organise dans les derniers instants », sourit Tiphaine, la gérante du bar le Mod Koz. Ainsi, depuis 4 ans, le bar a réussi à rassembler des habitués et à s’éloigner de ses racines jazz et rock pour en faire un lieu culturel breton. « C’est un bar intergénérationnel. Que ce soit par la culture, le public en journée, en soirée, etc. C’est un lieu qui compte pour Yaouank », indique Glenn Jegou, directeur artistique du Fest-Noz. Le Mod Koz ouvrira d’ailleurs l’événement le 2 novembre.

MOD KOZ
Les sessions irlandaises ramènent toujours beaucoup de monde d’après Tiphaine.

« Tout le monde est venu jouer ici. Même Miossec. Il ne manque plus qu’Alain Stivell et Dan Ar Braz ».

Des grands artistes, mais aussi des artistes en devenir. « Beaucoup viennent de licences en musicologie ou en master de musique musique traditionnelle au pont supérieur », explique Tiphaine. Au départ le bar manquait un peu de réseau pour organiser ses concerts, mais son emplacement en face de France 3 a aidé à ramener du monde. « Lorsque la chaîne invitait des artistes comme Miossec, il avait juste à traverser la rue et venait chez nous. Parfois, des concerts s’improvisaient », se souvient Tiphaine. Dans ce petit milieu, le bouche-à-oreille a ensuite joué des siennes.

SPARFELL
Le groupe Sparfell avec Simon Prodhomme, Jérôme Pungier, Liam Roudil, Mathias Pungier et Chloé Lavielle jouera au Mod Koz vendredi 28 septembre.

À l’occasion de ses quatre ans, une soirée spéciale est organisée vendredi soir. Pour l’animer, deux groupes habitués des scènes bretonnes. Tout d’abord Sparfell, un groupe de Lannion qui a enchaîné les dates en 2017. C’est donc naturellement qu’ils viennent fêter les 4 ans de « leur » bar vendredi. « Ça s’est fait très vite. La patronne est très proche des musiciens. Tout le monde la connaît dans le groupe », raconte Liam. Le guitariste est d’ailleurs également barman du Mod Koz : « C’est un endroit où il y a tout le temps des concerts. C’est devenu selon moi le spot breton le plus connu de Rennes pour jouer et faire des fest-noz ».

Emmanuelle Bouthillier et Dylan James pour un duo qui promet d’être rythmé.

Les autres habitués reviennent cette fois sans leur accordéoniste Yannick Laridon. Emmanuelle Bouthillier et Dylan James, plus connus avec leur groupe Planchée, interpréteront plusieurs chansons traditionnelles dans un duo mêlant violon, contrebasse et voix. À nouveau une belle soirée de prévue pour fêter les 4 ans de ce lieu essentiel de la culture celte.

Vendredi 28 septembre de 21h à 1h. 3 Rue Jean-Marie Duhamel 35000 Rennes.

Outre ce fest-noz et l’ouverture de Yaouank le 2 novembre, d’autres événements sont prévus régulièrement. Notamment un concert du duo Bertolino/Le Gac le 11 octobre.

 

AR STAL MA BOUTIQUE ÉPHÉMÈRE. UN POP-UP STORE A RENNES

La première boîte dédiée aux boutiques éphémères a ouvert ses portes à Rennes. Pour l’inauguration, l’artiste rennais Tom Nelson a pris ses appartements à Ar Stal, ma boutique éphémère au 3 rue Nantaise jusqu’au 30 septembre. Il y présente son travail abstrait issu du monde du graffiti. Présentation du nouveau pop-up store rennais.

ar stal boutique ephemere
De gauche à droite : Damien MÉNARD (Associé), Mme RELOU, Maximillien DAVID (Associé), Tom Nelson (Artiste), Benjamin POULAIN (Associé)

Inédit dans le paysage rennais, Ar Stal, ma boutique éphémère est un nouveau concept mis en place pour les créateurs et artistes. Stratégie marketing fondée sur l’ouverture de points de vente de courtes durées, les Pop Up Store pullulent en France – notamment dans les grandes villes – et sont déjà bien ancrés dans les cultures étrangères. Un échelon de plus pour asseoir Rennes dans sa nouvelle dynamique de métropole trendy.

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Un concept innovant et modulable

C’est entre le centre historique et le mail Mitterrand que se dessine cette nouvelle boutique à la devanture vitrée et l’intérieur quelque peu industriel. Des murs blancs, du parquet clair et un système d’accroche luminaire sont les points de départ de deux salles -volontairement neutres – mises à disposition.

À l’origine de ce projet, trois Rennais et l’envie de promouvoir la création artistique de manière temporaire, mais efficace. « Le concept de Pop up Store constitue une nouvelle forme de commerce – explique Maximilien David, un des collaborateurs. Plutôt que de signer un bail d’un ou trois ans, le lieu est investi de manière éphémère, les ventes sont ainsi démultipliées et permettent aux créateurs d’être nomades : un coup à Rennes, un autre à Marseille ou Paris et ainsi de suite ».

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Maxillien David, Damien Menard et Benjamin Poulain ont choisi d’installer Ar Stal ma boutique éphémère à la croisée de deux quartiers emblématiques de Rennes, entre l’ancien et le nouveau. L’ancienne auto-école Relou a alors laissé la place à cette nouveauté dans le paysage rennais qui promet bien des surprises. Le concept est simple : investir l’espace de votre choix pour la durée qui vous convient et offrir à ses clients un moment exclusif et privilégié qui ressemble à la marque selon une tarification transparente.

Que ce soit pour une durée de deux jours ou deux mois, une salle d’exposition ou un point de vente éphémères, les trois associés sont ouverts à tous les projets et ne se mettent aucune barrière afin de faire vivre le lieu en permanence. « Ar Stal est autant pour les artistes que les créateurs – de vêtements, de bijoux ou encore de chaussures. De grosses marques avec un peu plus de budget peuvent également utiliser le lieu comme espace de déstockage ou comme un endroit off, privilégié pour leur clientèle ».

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Ce concept innovant apporte une liberté de choix aux futurs locataires éphémères. Un premier local de 21 m² et un second de 14 m² attendent d’être habillés par des créateurs et artistes. Sans oublier la botte secrète dont les nouveaux propriétaires des lieux sont fiers et qui ravira les amoureux de vieilles pierres : un sous-sol de 18 m² au cachet historique aménageable au besoin.

Comme tout nouvel espace qui voit le jour dans la capitale bretonne, artistes et créateurs locaux sont une priorité même si la dimension internationale dans laquelle s’inscrit actuellement la ville est également à l’ordre du jour « La ville de Rennes prend un réel tournant sur le plan international. Il suffit de regarder le couvent des Jacobins – explique Maxillien David, un des collaborateurs. Si nous avons la possibilité de donner une visibilité et un coup de pouce aux Bretons et au made in France, nous le ferons avec grand plaisir. C’est une démarche qui nous tient à cœur ».ar stal boutique ephemere

Une première exposition sous le signe du graff

Le compte à rebours est lancé pour découvrir la première exposition d’Ar Stal. Jusqu’au 30 septembre, le graff s’invite dans la nouvelle boutique éphémère rennaise. Le travail artistique de Tom Nelson inaugure les murs blancs avec l’exposition Rythme. À travers des toiles à dominantes bleu et noir, l’artiste reproduit sa signature à l’infini jusqu’à obtenir une abstraction dans cette accumulation de lignes.

Dans la recherche constante d’effets de matière, Tom Nelson s’amuse de la spontanéité du geste en tant que ligne directrice. Une technique que l’on peut également associer aux coups de pinceau de Jackson Pollock, une de ses références phares.

Galerie d’art ou point de ventes éphémères pour la suite ? Le mystère reste entier en ce qui concerne les événements à suivre. Affaire à suivre.

ar stal boutique ephemere

Ar Stal, ma boutique éphémère
3 rue Nantaise
35 000 Rennes

06 59 85 38 02

facebook / instagram

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NOS BATAILLES DE GUILLAUME SENEZ. PATERNITÉ ET SOCIÉTÉ

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Présenté lors de la Semaine de la Critique à Cannes 2018, Nos Batailles de Guillaume Senez, avec Romain Duris, sort en salle le 3 octobre. Unidivers a vu le film à l’Arvor et interviewé le cinéaste, vidéo à l’appui…

Olivier (Romain Duris), travaille d’arrache-pied dans les usines d’une entreprise de commerce en ligne (type Amazon), réduisant sa vie familiale et conjugale à un quasi-néant. Jusqu’au jour où sa compagne et mère de leurs deux enfants, au bord du burn-out, disparaît sans laisser de trace. Olivier se retrouve alors à devoir cumuler une situation professionnelle harassante et de lourdes responsabilités paternelles.

film nos batailles

« Ça va aller… »

Un monde au bord de la crise de nerfs où le dernier bouclier est la solidarité humaine, c’est ce que nous propose Guillaume Senez. Reprenant le « Jusqu’ici tout va bien… » de La Haine, Olivier, en proie à un tombereau de difficultés autour de lui, se répète constamment « ça va aller… ». Loin de traduire la confiance en un avenir meilleur, ce leitmotiv façon méthode Coué traduit l’impuissance du personnage principal confronté à une société oppressante susceptible de détruire tout ce qu’il y a de beau et de vrai dans l’existence.

Malgré les efforts et les sacrifices de différents personnages, les énergies se vident, les foyers s’effritent, les êtres s’assèchent. Comme dans les films de Ken Loach, c’est le soutien affectif, parfois physique, qui permet aux personnages de recharger les batteries et de faire tenir les murs. Par la solidarité, la franchise, le soutien, les clans se forment : voilà notre société en but à l’entreprise capitaliste, c’est nous face au malheur, face au quotidien difficile, aux cadences intenables : nous face au monde. Au milieu de tout cela, un homme se bat.

https://youtu.be/BLXjuSUY8ws

Intense, mais douloureux

À l’écran, ce sont la répétition des lieux, des scènes, l’atmosphère de quasi-huis clos aux teintes bleues froides, les éclats de colère, les crises de larmes, le cadrage si rapproché… qui confèrent au film Nos batailles sa sensibilité singulière. Intense, mais douloureux, notamment pour le spectateur, pour qui le film n’est pas qu’une partie de plaisir… Arrivent tout de même des scènes libératrices, d’une profonde douceur, lorsque les sourires éclatent comme la glace entre les êtres. Pour Olivier, sur qui les charges s’accumulent, ce sont une sœur, une mère, une amie chez qui il va tour à tour puiser la force de continuer à avancer et de se remettre en cause en tant que père. À bien y regarder : beaucoup de scènes sont montées comme des combats, les duos sont des duels ; c’est ainsi que le récit avance, que les personnages s’étoffent. Les difficultés et les douleurs occupent dans le film Nos batailles un rôle de révélateur de vérité et sont gage d’un possible renouveau des liens affectifs. Avec justesse, les relations entre les personnages s’affirment ainsi face aux obstacles.

Interpréter le réel

Loin d’une imagerie spectaculaire, très réaliste au contraire, la sensibilité de Nos Batailles repose en partie sur la qualité des acteurs. Par des procédés audacieux de direction d’acteurs, tels que l’improvisation, le cinéaste parvient à créer un rapport authentique et empathique entre les spectateurs et les personnages. Romain Duris interprète avec adresse la quantité d’émotions contraires et les ambivalences qui composent son rôle. Dans ce personnage pas facile d’Olivier, autour de qui chaque scène tourne, il sait rassembler l’inquiétude et la force, l’impuissance et le dépassement, le regret et l’obstination en un visage, tendu, marqué, et soudainement éclatant, transfiguré par un sourire. Ce rapport tout particulier aux personnages, cette proximité, fait de Nos batailles un film physique, à l’identité propre, où la justesse de l’émotion sublime sa pertinence.

film nos batailles

Prendre de l’auteur, sans s’y brûler…

Notons pour finir que Nos Batailles est un film réellement auteuriste. S’éloignant des codes des genres dont il est proche (la romance, le polar, le mélodrame…), il traite avec sincérité des sujets chers à son réalisateur. Il y a bien sûr la paternité, véritable fil rouge du film. Il y a aussi la déshumanisation au travail, l’engagement politique et syndical, la poursuite des idéaux, l’amour blessé, etc. Le tout ramené derrière la finesse d’un scénario qui laisse au mystère sa juste part. Car ils ne sont pas si nombreux, réjouissons-nous de voir un film d’auteur qui laisse autant de place à l’émotion, à l’acteur et au scénario sans mièvrerie ni intellectualisation démonstrative.

Une scène qui en dit long ?

Olivier et Betty, sa sœur, discutent un soir sur le canapé du salon. Après être restée un temps chez Olivier pour le soutenir à la suite du départ de sa femme, Betty doit retourner à sa vie dans une troupe de théâtre. Olivier enjoint Betty de rester plus longtemps auprès de lui et de ses enfants. La discussion dérape rapidement et chacun en arrive à critiquer l’autre. Olivier prétend que Betty pourrait rester, car après tout elle n’a « ni job, ni mari, ni enfant ». À l’évocation de cette simple vérité, Betty s’effondre en larme. Olivier comprend sa maladresse ainsi que la détresse cachée de sa sœur. Il la prend dans ses bras. L’ardeur du conflit, construit par des années d’incompréhension, s’efface. Triomphe les liens du cœur et l’entraide, le tout autour d’un verre de vin rouge fraternel.

Entretien avec Guillaume Senez

Nos batailles Guillaume Senez. Avec Romain Duris, Laure Calamy, Laetitia Dosch. Date de sortie 3 octobre 2018 (1h38min)

LES TIFOS TOP SECRETS DU STADE RENNAIS. DE L’ART DANS LES TRIBUNES

Chaque week-end, les tifos fleurissent dans les tribunes des stades de football du monde entier.  Des tifos ? De grandes fresques réalisées avec des drapeaux ou des banderoles et fièrement portées par les supporters : ceux du Stade Rennais ont d’ailleurs souvent été salués par la presse internationale. Jeudi 20 septembre 2018 avait lieu la première rencontre européenne depuis sept ans, une belle vitrine pour les supporters rennais et leurs œuvres.

Leur fabrication est un secret bien gardé. Les tifos, ces grandes fresques affichées dans les tribunes, sont présents chaque week-end dans tous les stades du monde, que le club soit professionnel ou amateur. Au Stade Rennais, impossible de fouiner dans la confidentialité de la création des tifos par l’association de supporters, le Roazhon Celtic Kop. « On ne peut pas se permettre de laisser prendre des photos ni accepter un média pour observer le processus de création », indique un membre du RCK.

https://youtu.be/O7w_H0bhiDc

Bien qu’il existe quelques reportages réalisés dans certains clubs en France, il reste très difficile pour un journaliste de pénétrer les coulisses de la confection des tifos. « Il demeure une vraie défiance entre les supporters vis-à-vis des médias. L’envie de rester « indépendant » me semble être aussi une explication. Le message serait : « on n’a pas besoin de vous » », tente de comprendre Gauthier De Hoÿm De Marien, journaliste et auteur du livre Tifos, quand l’art s’invite au stade. 

« Cela fait environ cinq ans que des médias tentent de venir faire un reportage. Nous avons toujours refusé ».

Mais alors, pourquoi garder un tel secret ? Les rivalités entre clubs poussent les créateurs à repousser toujours plus loin l’inventivité et les idées. Surtout quand ils commencent à être reconnus à l’international. « Dans l’ensemble, la fabrication se fait avec les mêmes matériaux et les mêmes méthodes. Le secret, c’est ce que représente le tifo et sa logistique autour de la mise en place », pense Gauthier. Du thème au nombre de personnes à la confection, de son déploiement à son timing, tout est coordonné au millimètre près.

À l’instar des autres artistes, les équipes graphiques des groupes de supporters proposent de véritables œuvres d’art aux spectateurs du stade. Une création brandie ensuite par plusieurs milliers de personnes dans une tribune, voire tout un stade pour les groupes les plus organisés, le tout orchestré par un ou plusieurs capos. Au RCK, l’ambiance est tournée vers les films et les séries de la culture pop; la Casa de Papel, Batman ou encore Star-Wars par exemple. « On met environ 15 jours pour monter tout cela », explique sans plus de détail un membre du groupe.

TIFOS RENNES

Néanmoins, ces fresques ne sont pas encore reconnues comme de l’art pour l’opinion publique. « Les gens ne se rendent pas compte du travail que cela représente. Du processus de fabrication. On peint, on découpe, on assemble, on coordonne. C’est juste un problème de communication », songe Gauthier. Son côté très revendicatif et engagé en faveur de son club ou contre un rival demeure une limite.

« Certains clubs financent les tifos. Mais les groupes de supporters préfèrent garder leur indépendance »

Bien que les supporters aident à préserver une image positive de l’ambiance au Stade Rennais à travers ses tifos, aucune subvention et aucune aide financière n’est accordée. « Nous souhaitons préserver notre indépendance », indique un des membres. Ce qui leur permet de déployer parfois des œuvres plus engagées, comme en 2016 après une saison loin des attentes du public.

Bien qu’interdits, les fumigènes s’ajoutent souvent à la fresque. L’œuvre devient alors lumineuse, vivante et spectaculaire comme ici à Varsovie, considérée par beaucoup de spécialistes du football comme le plus beau tifo jamais conçu. « On connaît les résultats du Legia Varsovie ? Non pas forcément. Par contre, on sait qu’ils font des réalisations extraordinaires », décrit Gauthier.

https://youtu.be/va_Nb7vVcRI

Avec le retour du Stade Rennais sur la scène européenne le 20 septembre, les supporters avaient à cœur de montrer à l’Europe de quoi ils étaient capables. Un gigantesque tifo  recouvrait toute la tribune du RCK. À nouveau, la presse a salué l’association de supporters pour son retour sur la scène européenne. « Avec les réseaux sociaux, c’est un excellent moyen de se faire connaître », ajoute Gauthier. En effet, journalistes et supporters n’hésitent pas à relayer les créations sur ces réseaux; comme ici contre Paris le dimanche suivant :

Cet art est particulier, car outre d’être engagée envers un club ou une communauté, elle est aussi, comme les matchs, une forme de compétition avec d’autres villes ou d’autres groupes de supporters. Et un plaisir pour les yeux et les oreilles des spectateurs.

Retrouvez les supporters du Roazhon Celtic Kop sur leur page Facebook ou sur Twitter.

Et les photos de TIFOS par le RCK (à voir sur la page Facebook):

LA FRANCE D’HIER. RÉCIT D’UN MONDE ADOLESCENT DES ANNÉES 50 À MAI 68

Jean-Pierre Le Goff sociologue et philosophe nous livre ici à travers un récit autobiographique une belle réflexion sur la jeunesse, celle de ceux qui aujourd’hui ont plus de 60 ans et virent la France du Général trembler dans le premier semestre de 1968. Mais ce phénomène peu ou prou toucha les pays occidentaux en l’espace d’une à deux années.

LE GOFF

Ce que nous raconte Jean-Pierre Le Goff est à la fois un récit sociologique à travers son autobiographie et un résumé de son parcours philosophique. Son enfance se déroule près de Cherbourg, son quartier, sorte de village comme l’ont connu ceux nés dans les années cinquante, où dans un espace de 500 m tout le monde se connaissait et au-delà commençait la vastitude un peu inquiétante du monde. Cette enfance qu’il nous décrit dans une ville au sortir de la seconde guerre mondiale avec sa reconstruction, ses baraques et ses bunkers ou les enfants s’amusaient à la « petite guerre » refaisant un conflit que beaucoup de leurs pères avaient évité, aurait pu se dérouler à Brest, Lorient ou Saint-Nazaire tant les conditions d’existence étaient similaires.

ANNEES 50

Cette enfance se déroule dans la classe moyenne déjà distincte de la paysannerie et du milieu ouvrier, à la lisière de la petite bourgeoisie. Cette classe moyenne en pleine expansion découvre la société de consommation dans le miracle des Trente glorieuses  avec le plein emploi et la mise à disposition de biens de consommation qui modifient peu à peu la place des femmes sans la famille. Cette classe ambitieuse, sans doute motrice de l’Histoire, rêve par désir substitué d’ascension sociale de la réussite de ses enfants et leur imagine un avenir meilleur par le chemin des études qui, sous la poussée démographique, s’ouvre aux plus méritants et aux filles. Si cette période semble bénie, L’Empire colonial lui se désagrège peu à peu à travers des épisodes sans gloire : un mélange de sérénité sociale engoncée dans un carcan de morale d’une autre époque et d’orgueil blessé. Avec le Général aux commandes, la France veut toujours jouer un rôle parmi les Nations et se rêve un autre avenir à coups de prouesses techniques : Bombe thermonucléaire, Caravelle, Paquebot France et usine marémotrice.

Elvis Presley années 50
Concert d’Elvis Presley dans les années 50

Le passage des GI’s et des Tommies a ouvert aux jeunes Français la porte d’autres cultures, le Bop, le Rhythm and blues et enfin le Rock père de la contreculture. Ce que nous raconte Jean-Pierre Le Goff c’est le caractère prégnant de la morale sur les mentalités par l’action de l’Église catholique encore très active par le catéchisme, les patronages et la confession. Il est curieux d’entendre parler des blousons noirs, cette jeunesse prolétarisée des années 50-60, peu conscientisée sur le plan politique qui exprimait dans un défi violent (rixes, alcool, vitesses) un certain nihilisme social. On ne peut s’empêcher d’en faire le rapprochement avec ces jeunes dits des « quartiers » que nous avons du mal à comprendre.

NANTERRE 1968

Au travers de sa vie d’adolescent, de bachelier puis d’étudiant, l’auteur nous décrit le désir de plus en plus profond de cette jeunesse surtout pour les plus éduqués pour plus d’autonomie, de liberté non seulement sociale, mais aussi de liberté du corps, du rejet des vieux habits du « Vieux monde ». Mai 68 commencé le 22 mars (occupation de la Cité universitaire des filles de Nanterre) et sans doute déjà un peu avant n’a pas été une Révolution au sens de 1789 ou 1848. Il y eut d’ailleurs et c’est fort heureux très peu de victimes. La médiatisation des barricades par les médias fit croire un temps fort bref à un début de guerre civile dont personne ne voulait.

ANNEES 50 TV

Le pouvoir de De Gaulle s’effilocha, laissant la place à une nouvelle gouvernance. Mais au-delà des images d’Épinal, ce qui est tombé ces semaines-là ce sont un certain nombre de carcans moraux dont l’autorité du Pater Familias (du père de famille au Général), ces « spectacles » au sens de Debord, ces rapports humains médiatisés par des images. En ce sens Mai 68 fut le début d’une autre époque qui aboutit à la banalisation de la contraception, à la libération des mœurs dont nous pouvons juger à ce jour les bénéfices, n’en déplaise aux « bien-pensants ». Une phrase accroche dans le livre, elle est du professeur de philosophie de l’auteur en classe terminale (Jean Van den Berg)

L’homme authentique est conscient de son existence et vit avec le sentiment inquiétant de l’inachevé… il n’accepte jamais une situation. Il est sans cesse mourant et il meurt à chaque instant. Celui qui meurt sans cesse renaît aussi sans cesse.

LA FRANCE D’HIER. RÉCIT D’UN MONDE ADOLESCENT DES ANNÉES 50 À MAI 68, Jean-Pierre Le Goff, Éditions Stock. 288 pages. 21.50 €.

Jean Pierre le Goff

Philosophe de formation, sociologue, Jean-Pierre Le Goff est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Mai 68 : l’héritage impossible, La fin du village et, chez Stock, Malaise dans la démocratie.

AVEC LA SOMME DE NOS FOLIES SHIH-LI KOW NOUS TRANSPORTE EN MALAISIE

Départ pour la Malaisie, ses paysages, ses légendes, son histoire et sa société multiculturelle avec cette pétillante histoire d’un village et de quelques habitants tendres et loufoques.

SHIH LI KOW

Nous entrons à Lubok Sayong, petite ville fictive proche de Kuala Lumpur (Malaisie) un jour de grande inondation. Il faut dire que le village, situé dans une vallée encadrée par deux rivières et trois lacs légendaires est voué à être inondé. Ce qui n’empêche pas Mami Beevi, têtue comme une mule à s’attacher à son quartier, sous le regard placide de Auyong, directeur de la conserverie de litchis.

MALAISIE KUALA LUMPUR

Toutefois, à la mort accidentelle de sa demi-sœur qui rentrait du foyer de Kuala Lumpur où elle venait d’adopter Mary Anne, Beevi accepte de reprendre la grande maison paternelle pour y élever l’enfant, seule rescapée de l’accident. Elles en feront une maison d’hôtes.

SHIH LI KOW

Pour son premier roman, Shih-Li Kow alterne les récits de deux personnages bien choisis pour leur calme et leur bienveillance, mais aussi pour leur différence.
Auyong est un homme adulte malais d’origine chinoise. Il symbolise l’ancienne génération face à la jeune Mary Anne, une orpheline qui a tout à apprendre et a tant besoin d’amour et de reconnaissance. Elle est profondément attachée à Mary Beth, une autre orpheline de quinze ans que Beevi accueillera souvent pour apaiser Mary Anne.
Plus tard, Mary Beth lui fera découvrir la ville où tout va bien plus vite qu’au village ennuyant.

MALAISIEL’auteur va énormément jouer sur ces oppositions. Ancienne et nouvelle génération, histoire intime et universelle, quotidien et légende, village et ville, humour et gravité. Elle construit ainsi un récit à la fois divertissant et enrichissant, délivrant douceur et puissance pour mieux séduire le lecteur.

Autour des deux narrateurs gravitent bien des personnages, chacun ayant sa part de folie. On croise Ismet le potier, Naïn la folle aux sangsues, les Miller des Américains, les membres de la famille de Beevi et surtout l’incroyable Miss Boonsidik, un transgenre dont les histoires vont permettre de mettre en évidence toute la sensibilité de Auyong. Miss Boonsidik est pour moi un personnage essentiel qui relie l’intime d’un village à une cause universelle.

Et quel voyage ! Dans l’histoire d’une famille, d’un village, d’un pays multiculturel.

C’est toujours les Noirs en bas de l’échelle ; nous les Indiens, en bas, les Malais au sommet et vous les Chinois au milieu, à jouer sur les deux tableaux.

Un beau cocktail de charme, de loufoquerie et d’humanité.

La somme de nos folies de Shih-Li Kow, Editions Zulma, 23/08/2018. 384 pages, ISBN 978-2-84304-830-2, Prix : 21,50 €.

Titre original : The Sum of our follies traduit de l’anglais (Malaisie) par Frédéric Grellier.

Biographie Editions Zulma :

Née dans la communauté chinoise de Kuala Lumpur, Shih-Li Kow écrit en anglais. Son premier recueil de nouvelles, Ripples and Other Short Stories, publié en 2009, a été finaliste du Prix international Frank O’Connor. Jouant admirablement du proche et du lointain, du particulier et de l’universel, du vraisemblable et du fabuleux, du sérieux et du cocasse, sa voix singulière défend sans conteste la diversité et l’ouverture – politique, artistique, ou écologique – dans la Malaisie multiculturelle d’aujourd’hui, à travers des figures qu’elle nous rend inoubliables. La Somme de nos folies est son premier roman, et c’est un enchantement.

MANGA. DIX NUITS DE RÊVES OU DE CAUCHEMARS PAR KONDÔ YÔKO

« J’ai fait un rêve ». Ainsi commence chacune des nouvelles de Natsume Soseki repris par la mangaka Kondô Yokô. Plus d’un siècle après leur publication dans le journal Asahi, le manga Dix rêves dix nuits publié aux éditions Philippe Picquier plonge le lecteur dans l’univers à la fois cauchemardesque et poétique d’un des plus grands écrivains japonais. Attention, risque d’angoisse avant d’aller se coucher !

manga dix nuits dix reves éditions picquier

« Une chose effrayante, si on la regarde telle qu’elle est, devient un poème » Natsume Soseki, Oreiller d’herbes (chapitre 3)

Il est l’heure de plonger dans les ténèbres de la nuit de l’ère Meiji avec le nouveau manga proposé aux éditions Picquier Dix nuits dix rêves… avouons que les histoires de fantômes japonais sont certainement les plus effrayantes, les films cultissimes The Ring et The Grudge en sont la preuve flagrante (les versions originales bien entendues…). Issus de légendes, contes et superstitions nippones, ils ne sont que le résultat de l’influence ancienne que constitue la littérature classique japonaise et des maintes prouesses filmiques développées dans les années 50, la référence en la matière étant le long métrage The ghost of Yotsuya de Nobuo Nakagawa (1959).

dix nuits dix reves manga éditions picquier

Les éditions Philippe Picquier récidivent avec Dix nuits dix rêves. Après Je suis un chat — un célèbre roman autobiographique illustré par Tirol Cobato en 2016 — dix nouvelles indépendantes publiées dans le journal Asahi en 1908 sont à leur tour mises en images par la mangaka Kondô Yôko. Pilier de la littérature du soleil levant de la fin du XIXe siècle, le travail d’écriture de Natsume Soseki — de son vrai nom Kinnosuke Natsume — était représentatif de la transition du Japon vers la modernité, pendant l’ère Meiji entre 1868 et 1912 (son portrait figure même sur les billets de 1000 yen c’est pour dire)

dix nuits dix reves manga éditions picquierQu’est-ce qu’un rêve si ce n’est la construction de l’imagination à l’état de veille, destinée à échapper au réel et à satisfaire un désir ? Un homme au chevet de sa femme, un samouraï qui peine à atteindre l’éveil et subir les railleries du moine… chaque nouvelle se matérialisent, sortent des tréfonds de l’ère Meiji et envoûtent le lecteur dans une ambiance irréelle et mystique. Elles se transforment en songes — ou plutôt cauchemars — sous les dessins de Kondô Yôko et se dissipent dans le trépas d’un être cher.

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Durant dix nuits, l’amour côtoie la mort et la tragédie submerge les pages encrées. À la fois sombre, poétique et insolite, les ténèbres se terrent dans un coin — dans une forêt, une chambre, un bateau… – et surgissent dans la simplicité du trait de Kondô Yôko. La mélancolie de l’écriture pré-moderne de Natsume Soseki se transmet alors et s’épanouit dans des dessins sans fioritures. Le contraste du noir et du blanc, le travail de la lumière et l’obscurité, accompagne le texte sans prendre le dessus sur l’histoire, une neutralité graphique qui peut désarçonner les adeptes de manga au premier abord. Souvenirs enfouis, désirs cachés… chaque nouvelle se trouve à mi-chemin entre des morceaux de vie capturés et des contes moraux, une adaptation entre la réalité et le fantastique.

Les pages graphiques de Kondô Yôko sont parfois enrichies de dessins aux références subtiles à l’estampe japonaise. Une influence qui dynamise et contraste avec le style initial des dessins — plus occidental — pour un résultat ensorcelant !

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Sôseki (1867-1916) est un des plus grands écrivains de l’ère Meiji. Auteur d’une œuvre à l’humour acéré, audacieux et intransigeant dans ses idées, il a également capturé dans des haïkus la grâce des instants vécus. Déjà parus aux Editions Picquier dans la collection Manga : Je suis un chat, La Porte.

Kondô Yôko est née à Niigata en 1957, elle est auteure de mangas. Un intérêt pour l’ethnologue de la première moitié du XXe siècle Orikuchi Shinobu la pousse à s’inscrire à l’université du Kokugakuin. C’est pendant ses études qu’elle fait ses débuts comme mangaka. Elle tire parti ses connaissances en ethnologie pour adapter de nombreux contes moraux ou contes édifiants anciens. Elle adapte également plusieurs romans de Sakaguchi Ango : Princesse Yonaga et l’homme-oreille, Dans la forêt des cerisiers en fleurs, Une femme et la guerre d’Ango Sakaguchi qui paraîtra aux Editions Picquier en 2019.

Dix rêves, dix nuits. Textes de Natsume Soseki illustrés par Kondo Yôko. Traduit du japonais par Patrick HonnoréÉditions Philippe Picquier. 160 p. 15,50 €.

L’AMAZON TRAINING CONTRE LES AGRESSIONS SUR LES FEMMES

En France, environ 260 000 personnes se sont fait agresser en 2017 selon une étude de la police et de la gendarmerie. Il s’agit majoritairement de femmes. Devant cette triste situation, l’association Défenses Tactiques rennaise propose des cours de self-défense, de type krav maga, appelé Amazon Training et réservé aux femmes. Le travail n’y est pas que physique…

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Le cours débute par la protection physique. Un mouvement précis montré par le coach Frédéric Faudemer.

À l’accueil, deux étudiantes en tenue de ville prête à en découdre : « on se change où ? », « Pas la peine, vous êtes déjà en tenue », rétorque Frédéric le coach de l’Amazon Training et créateur du cours pour son association Défenses Tactiques. On comprend alors de suite que ce n’est pas un sport comme un autre. Il a pour but de savoir faire face à une agression qu’elle soit dans la rue, au travail ou chez soi. « La tenue officielle, c’est jean, t-shirt, basket. Il faut que vous soyez comme en situation de tous les jours, le plus proche de la réalité », explique le coach.

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Pour être au plus proche de la réalité, la tenue c’est en jean.

« Dans le courant de l’année, on vous demandera de venir en talons »

Dans ce cours réservé aux femmes, tous les âges et tous les niveaux sont représentés. Dans l’un des premiers entrainements de l’année, Fred fait bien comprendre que l’Amazon Training, ce n’est pas qu’un sport. C’est avant tout de la discussion et de la négociation. « On fait face avant l’agression ». Une étudiante venue tester pour la première fois le confirme : « ce n’est pas que du sport ». Morgane Reghai fait partie de l’équipe et l’affirme : « on est aussi un groupe de parole ».

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Contrer une agression c’est aussi calmer l’agresseur en respectant des étapes précises comme l’explique Frédéric.

« Ce n’est pas qu’un club, c’est une famille »

La gestion d’une situation post-traumatique après une agression fait partie du programme. « Ce n’est pas que physique. C’est mental aussi. Il y a une grosse part de reconstruction psychologique », ajoute Morgane. « Parfois, on fait ramener des ONG pour aider à la discussion ». En bref, on est bien loin du cliché sur la self-défense que l’on peut s’imaginer. Malgré le énième rappel de Frédéric « tout le monde peut-être et agresseur et agressé », l’objectif est, paradoxalement, que chacune puisse se sentir en sécurité.

« Certains médecins recommandent de faire du sport après une agression. L’Amazon Training est un bon compromis. »

La première partie du cours est vouée à la négociation avec l’agresseur afin de parer un coup provenant par surprise. « C’est comme ça que j’ai eu l’idée de créer ce cours il y a 4 ans. Malgré mes diplômes en éducateur et mes expériences en boxe, j’ai remarqué que ça ne suffisait pas pour contrer une attaque arrivant par-derrière. Ce n’est pas parce qu’on a les moyens qu’on a le mental », se rappelle Frédéric pour expliquer la création de ce cours.

L’Amazon training a été crée il y a 16 ans et fait partie de l’ADAC (Académie des sports de combat). Éric Quéquet, ancien garde du corps de Jacques Chirac entre autres est à l’initiative de ce mouvement. « Tout est parti d’une anecdote en 1995 par là. On était au théâtre et on attendait une amie. Elle est arrivée très en retard, car elle a été victime d’une agression. D’autres femmes ont ensuite confirmé son témoignage en indiquant que c’était très fréquent. Pourtant elles savaient se battre. Cela m’a posé beaucoup de questionnements ». Éric est alors parti à la rencontre de mouvements féministes pour comprendre le pourquoi de ces nombreuses agressions. « J’ai commencé à donner des cours à des amies. Après ça, elles me disaient ce qui n’allait pas dans mon enseignement. J’ai vite compris que le premier facteur, bien au-delà du physique, c’était la non-confiance ».

Eric Quéquet : « On apprend souvent l’attaque préventive et la défense. Alors que le discernement et la négociation c’est la base de toute attaque à éviter ».

Il divise son cours en quatre parties : la connaissance des situations à risque, la préparation mentale, physique et technique. « Il m’a formé en compagnie des professionnels de police », indique Frédéric. Éric, prévoit d’ajouter des modules à son enseignement, notamment en psycho pathologie pour aider à la reconstruction après une agression. Il propose aussi des stages de mise en situation pour les entreprises et les particuliers. « Cela reste le meilleur vaccin possible », suggère-t-il.

Après 30 minutes de discussion et d’exercices sur la négociation et la dissuasion, Frédéric lance la partie défensive : « Tout ce qu’on fait là, il faut que cela devienne un réflexe ». La protection, la surprise, parer des coups, mais aussi la fuite, tout est pensé pour éviter et gérer les agressions. « Même votre attitude dans la rue, ça compte », rappelle Frédéric.

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Prendre la fuite oui, mais encore faut-il le faire bien malgré la panique et la foule autour

Pour Chloé et Claire, toutes les deux étudiantes, ce sport est « super pour se défouler. On fait un cours d’Amazon Training et un cours de boxe par semaine. Après la fac c’est bien, c’est dynamique ». Et pour les hommes ? « On propose aussi des entraînements mixtes puis nous les redirigeons éventuellement vers la boxe anglaise ou française, voire d’autres sports de combat pour ceux qui veulent aller plus loin », résume Morgane.

Si ce cours a pour but de tenter de raisonner un agresseur, il permet aussi de se défendre et enfin de se remettre de cette situation. L’association défenses et tactiques de Rennes compte pour cette année près de 350 membres.

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Une équipe sur-motivée

Cours d’Amazon Training le mercredi de 19h à 20h15 et le jeudi de 18h30 à 19h45 à la salle St Thérèse près de l’église. D’autres cours de self défense et de boxe pour tous les niveaux sont également proposés par l’association défenses tactiques de Rennes. Renseignements au 06 43 68 89 31.

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RENNES. 14 EXPOSITIONS EN SEPTEMBRE-OCTOBRE 2018

À compter du 29 septembre 2018, nombre de lieux d’expositions rennais seront investis par la sixième édition des Ateliers de RennesBiennale d’art contemporain. Parallèlement à cet événement, Rennes Métropole n’est pas en reste en ce qui concerne les nouvelles expositions. Archéologie, technologie, musique, peinture… partons à la découverte des expositions à venir, de septembre à décembre 2018 !

PIERRE, FEUILLE, CISEAU, ROBOT. Parlement de Bretagne

expositions 2018 rennes métropole

Jusqu’au 4 octobre 2018, l’exposition Pierre, feuille, ciseau, robot présente les vingt-quatre projets des vingt-neufs étudiants-participants au concours du même nom, organisé par l’EESAB – École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne, Site de Rennes – en partenariat avec l’entreprise Maillard & Maillard. Spécialisée dans le travail de la pierre, l’exposition se concentre sur ce matériau au sein d’un symbole de la Bretagne dont la première pierre a été érigée il y a 400 ans.

Jusqu’au 4 octobre 2018. Parlement de Bretagne. 16 rue Salomon de Brosse, 35 000 Rennes.

CLAIRE NOMITCH. Maison de Quartier la Touche

expositions 2018 rennes métropole

Après un enseignement académique, l’artiste Claire Nomitch a appris le métier d’artiste peintre et de dessinatrice en atelier. Elle aborde à travers ses peintures, le mouvement, le monde floral et la ville de Rennes.

Du 14 septembre au 4 octobre 2018. MAISON DE QUARTIER LA TOUCHE. 6 rue cardinal Paul Gouyon, 35000 RENNES. Entrée libre.

SILENT FIGURE WITH LANDSCAPE. Le Bon Accueil

exposition 2018 rennes métropole
© Le Bon Accueil

Coutumier des expositions où l’univers musical influence l’art, le Bon Accueil accueille le travail de l’artiste et musicien danois Pawel Grabowski aka øjeRum du 14 septembre au 11 novembre 2018. L’exposition Silent Figure with Landscape part à la découverte des collages mélancoliques de l’artiste, empreints des idées plastiques des « artistes iconographes » et du maître du genre John Stezaker. Les images glanées et les reproductions de portraits tirés de l’histoire de l’Art sont épurées afin de laisser une plus grande place aux paysages.

Avec une scénographie du duo rennais Urbagone, les œuvres originales sont complétées de cassettes, LP, CD de l’artiste ou labels ayant utilisé une de ses images comme visuel de pochette. À savoir qu’il s’agit probablement d’une des dernières expositions dans ce lieu d’exposition avant une période nomade due aux travaux d’aménagement des prairies et la future reconversion du lieu en bar guinguette.

Du 14/09 au 11/11/2018. Le Bon Accueil. 74 canal Saint-Martin, 35 700 Rennes. 09 53 84 45 42. contact@bon-accueil.org. Entrée Libre. Site

HISTOIRES ET LÉGENDES BRETONNES. Musée des Beaux-Arts de Rennes

exposition 2018 rennes métropole
© Le musée des beaux-arts de Rennes

Parallèlement à la sixième édition des Ateliers du Vent – Biennale d’art contemporain (du 29 septembre au 2 décembre 2018),  Histoires et légendes bretonnes est proposée dans la collection permanente du 15 septembre 2018 au 05 mai 2019. Dans le cadre d’un échange exceptionnel avec le musée d’Orsay (Paris), le tableau La légende bretonne du peintre symboliste Edgard Maxence a pris ses appartements dans les collections du musée depuis mai 2018. Il sera au centre d’un parcours au travers des œuvres de la collection en lien avec les histoires et légendes bretonnes.

Du 15/09/2018 au 05/05/2019. Musée des Beaux-Arts de Rennes. 20, quai Émile Zola, 35 000 Rennes. Payant. Site

CINQ BRANCHES DE COTON NOIR. Institut Franco-Américain

exposition 2018 rennes métropole
© Institut franco-américain

En partenariat avec la Librairie Le Failler, l’Institut franco-américain accueille une exposition autour de la BD : Cinq branches de coton noir (Aire Libre, 2018).

 » 1944. Johanne découvre les mémoires de son ancêtre Angela Brown et en fait part à son frère soldat Lincoln, parti à la guerre. Si l’histoire relatée dans ces mémoires est réelle, c’est l’histoire des États-Unis qui est à récrire. En explorant les méandres de l’histoire américaine (sur fond de ségrégation raciale), Cinq branches de coton noir retrace la quête de trois Monuments Men à la recherche de la toute première bannière étoilée « . Un récit qui sera au cœur de cette exposition.

Du 18/09 au 6/10/2018. Institut franco-américain. 7 quai Chateaubriand, 35 104 Rennes. 02 99 79 89 22. Site

ACCORDÉONS ET SOUVENIRS DE VOYAGE. MJC Escapade, Pacé.

expositions 2018 rennes métropole
©Fabien Drouet & David Roussel

Dans le cadre du Festival Le Grand Soufflet (du 3 au 13 octobre 2018), Accordéons et souvenirs de voyage met en scène treize malles ouvertes sur le monde. À la fois interactive, sonore et lumineuse, chacune raconte une histoire d’accordéon. De la musique, des voix et des rires se mélangeront à divers vestiges du passé, des souvenirs qui invitent l’imaginaire à voyager au fil des époques et des univers…

Du 25 septembre au 5 octobre 2018. MJC Escapade, Pacé – Du 9 au 18 octobre 2018. Le Rotz, Maure-de-Bretagne.

PORTRAIT DE FAMILLE, DIDIER MENCOBONI. Galerie Oniris

expositions 2018 rennes métropole

L’abstraction, le concept et la couleur, voilà les trois points essentiels dans l’œuvre de Didier Mencoboni. Utilisant aussi bien la toile que le papier, le tissu que le plexiglas, les petits et grands formats de l’artiste ont tout de la recherche picturale expérimentale. Chaque technique constitue le prolongement de l’autre, avec l’idée omniprésente de sortir du tableau pour passer au volume ou plutôt prolonger le tableau. Pour sa première exposition personnelle à la galerie Oniris, Didier Mencoboni présente des toiles, œuvres sur papier et sculpture récentes.

Du 28 septembre au 3 novembre 2018. Galerie Oniris. 38 rue d’Antrain, 35 000 Rennes. 02 99 36 46 06. Site

Le centre d’art les 3CHA, Chateaugiron
EXPOSITION-MOUVEMENT #2 – Nils Völker (du 6/10 au 27/10/2018)
ANGELA GLAJCAR (17/11/2018 au 19/01/2019)

expo 2018 rennes métropole
© Centre d’art Les 3CHA, Chateaugiron

Un vent germanique souffle au-dessus de la chapelle du château de Chateaugiron. En partenariat avec le Festival Maintenant, le centre d’art Les 3 CHA présente l’exposition-mouvement #2 et donne suite à celle réalisée avec Étienne Saglio du 24 février au 17 mars 2018. Du 6 octobre au 27 octobre 2018, l’artiste allemand Nils Völker présentera l’une de ses dernières créations Paddling Poll – Pataugeoires en français. Passionné par la représentation physique des principes informatiques (cycles, motifs, mécanique algorithmique), ses sculptures gonflables sont plongées dans le noir et contrôlées par une programmation électronique. Entre Art et technologie, Paddling Poll fait le lien entre le mode physique des objets et celui du numérique.

exposition 2018 rennes métropole
© Centre d’art Les 3 CHA, Chateaugiron

À sa suite, ce sera au tour de l’artiste contemporaine allemande Angela Glajcar d’appréhender la chapelle des 3 CHA du 17 novembre 2018 au 19 janvier 2019. Travaillant sur une carte blanche, l’artiste contemporaine allemande usera de son matériau de prédilection – le papier blanc – pour cette future installation in situ. L’ombre et la lumière, la fragilité et la force, tant de paradoxes qu’explore Angela Glajcar dans son travail. Elle aligne les feuilles, les découpe, les déchire jusqu’à l’obtention de tunnels de lumière pour une exploration dans son imaginaire. Le mystère reste entier concernant le contenu de l’exposition…

Les 3 CHA – Le Château. 07 85 11 24 93 – 02 99 37 76 52. Entrée libre. Site

CYCLOPS, EXPLORATEUR DE L’OCÉAN. Espace de sciences, Les Champs Libres

exposition 2018 rennes métropole
© L’espace des Sciences

Le public embarque pour un nouveau voyage sensoriel avec l’espace des Sciences. Du 25 septembre 2018 au 10 mars 2019, Cyclops, explorateur de l’océan explore les profondeurs de la mer et ses écosystèmes insoupçonnés. À la fois immersive et ludique, l’exposition parcourt les abysses, les pôles et les tropiques à travers trente dispositifs interactifs. Partez à la recherche des espèces qui peuplent les océans !

Du 25 septembre 2018 au 10 mars 2019. L’espace des sciences, Les Champs Libres. 10 Cours des Alliés, 35 000 Rennes. Infos – Réservations : 02 23 40 66 00. Site

MULTIPLE OF FIVE, par Nils Völker. MJC, le Grand Cordel

exposition 2018 rennes métropole
© MJC Le Grand Cordel

Dans le cadre du festival MAINTENANT, le Grand Cordel propose Multiple of Five – réalisée en collaboration avec Electonik[k] – une autre expression du monde nébuleux de l’artiste allemand Nils Völker, déjà présent au centre d’art Les 3CHA. Utilisant des matériaux du quotidien, l’installation se compose d’une colonne en mouvement constituée de quarante sacs en plastique. Légère comme l’air, un programme informatique personnalisé donne l’impression que la structure respire dans un mouvement rythmique et organique.

Du 5 octobre au 24 novembre 2018. MJC Le Grand Cordel. 18 rue des Plantes, 35 700 Rennes. 02 99 87 49 49. Site

RENNES, LES VIES D’UNE VILLE. Musée de Bretagne, Les Champs Libres

exposition 2018 rennes métropole
© Musée de Bretagne

Avec cette exposition d’intérêt national, le musée de Bretagne revient sur les origines de Rennes, ou Condate devrait-on dire. Rennes, les vies d’une ville retrace l’histoire de la ville depuis ses premières traces (- 100 avant J.C.) jusqu’à l’apparition de la communauté d’agglomération (2000). À la fois historique et anthropologique, l’exposition s’appuie sur les multiples fouilles archéologiques mises en œuvre ses dernières années. Elle propose également une vision pluridisciplinaire afin de raconter le phénomène de transformation urbaine à l’œuvre.

Du 20 octobre 2018 au 25 août 2019. Musée de Bretagne, Les Champs Libres. 10 Cours des Alliés, 35 000 Rennes. Infos – Réservations : 02 23 40 66 00. Site

COUS’HUMAIN. Le Volume, Centre culturel de Vern sur seiche

expositions 2018 rennes métropole
© Le Volume, Centre Culturel de Vern sur seiche

Du 16 novembre au 19 décembre 2018, le travail de plasticienne Anne Bothuon s’installe au Volume le temps de l’exposition Cous’humain. Du fil et du tissu, voilà la matière première de cette artiste qui façonne des sculptures d’hommes et de femmes. Les corps moelleux et les détails soulignés grâce à des fils entrelacés reflète notre propre humanité. Comment résister quand nous ne sommes faits que de chair, d’os, de poussière, de fil ou de tissu ?

Du 16/11/2018 au 19/12/2018. Le Volume. Avenue de la Chalotais, 35 770 Vern-sur-Seich. 02 99 62 96 36. Entrée Libre. Site

Pour rappel, le FRAC Bretagne consacre la totalité de ses espaces d’exposition à la sixième édition des Ateliers du Rennes – Biennale d’art contemporain A cris ouverts ! du 29 septembre au 2 décembre 2018.

expositions 2018 rennes métropole

À cris ouverts ! sera présentée dans de multiples lieux à Rennes : Halle de la Courrouze, Musée des beaux-arts de Rennes, Frac Bretagne, 40mcube, La Criée centre d’art contemporain, PHAKT Centre Culturel Colombier, Galerie Art & Essai, Lendroit éditions
À Saint-Brieuc : Galerie Raymond Hains
À Brest : Passerelle Centre d’art contemporain

Du 29 septembre au 2 décembre 2018. Informations sur le site

ALEXIS HK COMME UN OURS SORTI DE LA CAVERNE

Alexis HK avait consacré son précédent spectacle à un hommage à Georges Brassens, l’un des piliers de son éducation musicale. 6 ans après Le dernier présent, le musicien et chanteur revient avec un nouvel album intitulé Comme un ours (sortie : le 5 octobre 2018).

Cela fait maintenant 21 ans qu’Alexis Djoshkounian, alias Alexis HK s’est fait connaître dans le monde de la chanson française, par un premier album, intitulé Antihéros notoire. Après quatre albums solos enregistrés durant les deux dernières décennies, il a mis entre parenthèses son travail en studio  pour se lancer en 2015 dans une tournée célébrant le répertoire de Georges Brassens. Deux ans plus tard, l’artiste a de nouveau ressenti le besoin d’élaborer un projet plus personnel. Il en sortira un album et un spectacle au nom plutôt évocateur : Comme un ours.

Cette nouvelle création d’Alexis HK dresse de notre époque, avec sa dimension ambivalente et contrastée, un portrait réaliste et tout en nuances. Les ambiances particulières contenues dans chacune de ces chansons renvoient ainsi aux états d’âme et aux passions de notre temps. De fait, certains textes abordent des sujets graves ou délicats et installent des atmosphères au goût « doux-amer », soulignées en outre par des parcours harmoniques oscillant entre tonalités mineures et majeures : c’est notamment le cas de la chanson titre de l’album, Comme un ours, dans laquelle Alexis HK décrit des individus aux personnalités complexes, enfermés dans leur solitude. D’ailleurs, il décrit lui-même son spectacle, non sans un certain humour au « ixième » degré, comme étant « interdit aux enfants de moins de 36 ans ». Toutefois, il a également préservé une confiance dans la vie qu’il affirme dans d’autres chansons, en retranscrivant ses bonheurs les plus précieux et ses plus doux aspects. C’est ce qu’il souligne par des instrumentations plus feutrées, sensibles et pleines de tendresse, comme celle de Je veux un chien. D’un point vue mélodique et harmonique, le contenu musical de ces chansons semble parfois inspiré de ceux de Georges Brassens et Renaud, deux des références les plus importantes dans le parcours musical de l’artiste.

ALEXIS HK
Photo : Marc Philippe

En dépit de ce balancier « doux-amer », Alexis HK a abordé tous ces sujets qu’il sublime à l’aide d’une écriture très poétique. On peut rapprocher cette démarche créatrice de celle d’autres artistes de la chanson française contemporaine, parmi lesquels Thomas Fersen. Son approche musicale s’y apparente en particulier à travers son style vocal, nonchalant et à l’articulation soignée, dépourvu d’artifices, mais toujours mélodieux. Il partage également avec Fersen un goût pour la poétisation de la vie moderne, aspect qui apparaît notamment dans des chansons comme Un beau jour ou La fille à Pierrot. Dans cette dernière chanson, on notera également des tournures poétiques très élégantes (« Il vaut mieux admirer la beauté en fleur/Que de vouloir l’enfermer tout au fond du cœur »). Un aspect qui semble révéler une influence des chansons de Georges Brassens, parallèlement à un humour décalé, partagé entre autres avec Renaud. Cette marque poétique, émaillée de diverses figures de style, se met également au service d’ambiances extrêmement mélancoliques, par exemple dans la chanson Porté. Elle permet également, comme dans Marianne, d’aborder avec délicatesse des évènements aussi tragiques que les attentats du 13 novembre 2015.

ALEXIS HK
Photo : Pierre Leblanc

Pour ce nouveau spectacle, l’ours bien léché qu’est Alexis HK a choisi de conserver une esthétique très épurée qui caractérise son style : en effet, il se produit sur scène simplement accompagné d’une guitare ou d’une mini-guitare. Certains éléments de son style instrumental semblent évoquer le jeu caractéristique de Georges Brassens et celui de Maxime Le Forestier : on retrouve par exemple une utilisation du « picking » folk dans Salut mon grand, chanson qui met en scène un homme s’adressant à son fils.

Par ailleurs, on perçoit tous ces éléments dans l’album, dont les arrangements incluent également des sonorités électroniques. Celles-ci sont issues de la collaboration d’Alexis HK avec Sébastien Collinet, lequel a notamment travaillé avec Carmen Maria Vega et Rover. Parmi ces sonorités, on trouve celles de boites à rythmes aux résonances hip-hop. Cette similarité avec ce style musical est tangible dans Les pieds dans la boue, avec une rythmique électronique plutôt marquée mêlée au phrasé très scandé d’Alexis HK. Ce type de rythme structure également l’accompagnement de La chasse, dont le côté répétitif peut évoquer, d’une certaine façon, les boucles de samples typiques du hip-hop. Dans les arrangements de l’album, figurent également de belles parties de cordes, auxquelles l’artiste participe lui-même à la contrebasse. De même le piano y a droit de cité et entre dans une parfaite complémentarité avec la guitare et le guitarlele, offrant parfois de belles et subtiles interventions (Je veux un chien).

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le spectacle et l’album qui s’annoncent sont placés sous le signe de la poésie. La voix chaleureuse d’Alexis HK et ses mélodies, d’apparence simple, mais en réalité élaborées, s’invitent en nous… pour ne plus nous quitter.

ALEXIS HK

Sa chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCPytqv-6u5782htahqpL8UQ

Sa page Facebook : https://www.facebook.com/alexishkofficiel/?ref=br_rs

L’ILE AUX TRONCS. WAR REQUIEM A VALAAM PAR MICHEL JULLIEN

Michel Jullien nous avait attirés en 2017 sur les pentes raides et arides de la montagne provençale du Ventoux en compagnie de « Denise », magnifique bouvier bernois, et de son maître. Cette fois, nous voilà embarqués aux fins fonds de la Russie, sur la petite île de Valaam, confetti posé au milieu de l’immense lac Ladoga. C’est « L’île aux troncs », dernier opus en date de Michel Jullien. Michel Jullien, auteur une fois encore de pages qui sont des merveilles d’écriture, où la cocasserie le dispute au pathétique, le rire se mêle au tragique, la truculence côtoie la noirceur…

Le livre L’Île aux troncs est sous-titré « roman » et qu’on ne s’y trompe pas : l’histoire, mal connue, de ces hommes mutilés par la guerre, exilés sur l’île de Valaam, est parfaitement authentique. Pendant et après le second conflit mondial, Staline avait chassé ces « amputés de la paix », anciens combattants et rebuts de l’Armée Rouge, venus mendier, « orpailleur d’aumônes et limiers d’oboles », dans les gares et sur les boulevards de Moscou ou de Leningrad en exhibant sur le pavé ce qui leur restait de carcasse. Le « petit père des peuples », irrité de voir ces miséreux jonchant la place publique et troublant l’image de la grande et victorieuse Union soviétique, avait alors expédié d’autorité sur une île du lac Ladoga « quelque deux cents mendigots invétérés », lourds invalides de guerre, « vétérans déglingués », estropiés revenus du front, portions d’hommes réduits de moitié dans l’un ou l’autre sens, à l’horizontale ou à la verticale.

lac ladoga

La petite communauté réunie sur ce minuscule bout de terre n’était faite que de ces combattants déchus, « genoux étêtés, jambes équarries, cuisses élidées, le comptoir des vétérans de 41, de 42 à 45, des braves gens ayant disséminés leurs membres à leur corps défendant, en Pologne, qui en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Roumanie, en Allemagne, un peu partout, mais la plupart en Russie. [….] Il y avait de tout. Des amputés mi-longs, des ras, des inégaux avec une section marquée sous la rouelle du genou, quand l’autre membre disparaissait à l’arrondi de la fesse ».

Monastère de Valaam
Monastère de Valaam

Dans cette communauté de mendiants à la Breughel, Michel Jullien nous montre deux éclopés inséparables et complémentaires. Et pour cause : Kotik Tchoubine est le seul de la troupe de Valaam à avoir été « divisé » en deux dans le sens de la longueur, la jambe droite toujours là, sauvée, « avec ménisque, tibia et le pied au bout, une guibole singleton, exclusive à l’île », et debout « comme se tiennent les flamants, sur une patte ». Tous les autres infirmes de l’île ont été « diminués sous le ventre », pareils au samovar, « courtauds comme l’ustensile, ventrus, une pièce de vaisselle que l’on pose dans un coin avec le grand réservoir qu’est le corps, le vase et son couvercle qui fait la tête et puis des anses sur les côtés pour les bras ». Et le « samovar » fidèle compère de Kotik, c’est Piotr Antonov Sniezinsky. À eux deux, « un trognon et une jambe en hémisphère », ils font la paire, ils sont « l’abscisse et l’ordonnée », l’un ne va pas sans l’autre, ou l’un va avec l’autre. Et puis la complémentarité se double d’une fascination commune pour la figure de Natalia Mekline, héroïne de l’aviation soviétique, dont ils portent en permanence sur eux, la photographie officielle, icône religieusement adorée, où la jeune aviatrice, belle à « faire grelotter leur libido », arbore une poitrine lourdement bardée de médailles comme seuls osent en montrer les caciques de haut grade et à large casquette de l’empire soviétique.

MICHEL JULIEN ILE AUX TRONCS

Il faut dire que l’as des ailes russes fut une rusée championne du bombardement nocturne, et silencieux, moteur à l’arrêt, le temps de lâcher ses trois quintaux de cargaison explosive. Son coucou, « riquiqui de toilure et rafistolé cent fois à la ficelle », récupéré d’un hangar agricole où il servait d’engin d’épandage, volait par nuit noire, en rase-motte et à la vitesse de l’escargot, déjouant la vigilance de trop rapides chasseurs ennemis. Son escadrille, composée exclusivement de femmes, était devenue les « Sorcières de la nuit », terreur de l’adversaire et orgueil du régime.

MICHEL JULIEN ILE AUX TRONCS
Portrait au fusain par Gennady Dobrov

Nos deux éclopés se mirent en tête un jour d’aller rencontrer l’héroïne par leurs propres moyens. L’un, Piotr, assis dans un fauteuil fait d’hétéroclites pièces de récupérations, sera poussé par l’autre, Kotik, juché sur sa « guibole célibataire ». Ce singulier équipage avait déjà voyagé sur l’île, découvert les charmes de l’endroit et des virées à deux. « Heureuse machine » grâce à laquelle « les dimensions de l’île s’étendaient à chaque sortie ». Nos deux larrons découvrirent « la beauté des lointains », jusqu’au nord-est de l’île. « Là, ils vivaient la perpétuité d’un après-midi, des heures accomplies, idéales, passées près d’un bosquet, sous un pin bicéphale à picorer des esturgeons dans un creux de gamelle, à sucer du navet, à se saouler du hoquet des vaguelettes sur la berge, ourlées comme des cicatrices en mouvement ».

MICHEL JULIEN ILE AUX TRONCS
Portrait au fusain par Gennady Dobrov

Alors pourquoi ne pas pousser beaucoup plus loin encore le périple, jusqu’à Loubny, là où est née et vit leur idole reine des airs ? L’audacieuse expédition avortera bien vite, dans le froid paralysant de la nuit que n’arrangeait pas le permanent engourdissement éthylique des deux compères.

Natalia Fiodorovna Mekline
Natalia Fiodorovna Mekline

Retour au bercail, donc, et à la colonie d’amputés et de culs-de-jatte logés tous dans le monastère de l’île, « celui de la Transfiguration du Sauveur ». Surprise, Piotr et Kotik y trouvent ce jour-là le grand réfectoire plein comme un œuf, « une assemblée extraordinaire de souches massées vers le centre, avec des bouches ouvertes, des voix tues, des regards en l’air et des têtes basses dans un grand vacarme éteint » à l’écoute d’un poste à galène grésillant d’où s’échappait, intermittentes, une musique solennelle et une voix grave venue de loin annonçant, comme un coup de théâtre : « Le cœur du compagnon d’armes de Lénine a cessé de battre ». Piotr et Kotik, perdus dans les sanglots et le néant de leur vie, s’effondrent alors dans les bras l’un de l’autre.

L’île aux troncs est le récit à la fois délirant et déchirant d’une amitié improbable entre deux êtres brisés, « vétérans étrillés » par la guerre et la terreur stalinienne, deux moitiés d’êtres humains amoureux d’une femme dont ils n’en verront jamais qu’une représentation de papier journal pliée jour et nuit sous leur bras. Cours burlesques de deux vies désespérées, de deux personnages qu’on croirait sortis de la plume d’un Beckett ou d’un Céline, liés d’une amitié dont Michel Jullien réussit à nous restituer, admirablement, la profondeur, la poésie et la beauté.

MICHEL JULIEN ILE AUX TRONCS

Michel Jullien L’Ile aux troncs. Collection jaune. Roman. 128 p. août 2018. 14,00 €. ISBN : 978-2-86432-986-2

BD DIDIER, LA 5E ROUE DU TRACTEUR, MAIS LA BD DE RENTRÉE !

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Dans la BD Didier la 5e roue du tracteur, Rabaté et Ravard explorent avec humour et tendresse la France de nos campagnes. Didier, agriculteur quadragénaire, cherche la compagne idéale. Un « Bonheur est dans le pré » drôle et touchant. Un petit bijou de cette rentrée.

 

bd didier 5e roue tracteur

Depuis notamment, « Les petits ruisseaux » (12e réédition !), on connait les goûts de Rabaté pour, sans ordre de préférence, la campagne, les tracteurs, les petits coups de blanc, les cyclistes, les femmes d’âge mûr bien en chair. Quand on feuillète “Didier, la 5e roue du tracteur”, on se dit que l’on est bien en terrain connu. Pourtant cette fois-ci c’est Ravard qui est au dessin. Mais Rabaté, scénariste ne pouvait oublier ses amours.

bd didier 5e roue tracteur ravard


Comme le montre le tracteur de la couverture, on ouvre un album ROSE. Oh, pas le rose tendre des trois petits cochons. Non, celui de Barbie, celui que les fabricants de jouets posent d’office sur leurs créations prétendument destinées aux seules filles. Rose donc, flashy, pétant, violent, un rose tout à fait normal pour une histoire à l’eau de la même couleur. Vous imaginez, Didier, 45 ans, est agriculteur en Bretagne. Il vit avec sa sœur, Soazic, une femme que l’on qualifierait dans le langage des hommes de “forte”, dans une exploitation laitière, et surveille surtout ses… poires. Et ses hémorroïdes qui l’incitent un jour à chercher âme sœur, non par le truchement de “l’amour est dans le pré”, mais par Meetic. À ce duo consistant vient s’ajouter Régis, voisin à qui l’on vend toute son exploitation tombée en faillite et qui s’installe provisoirement (?) à la ferme.

bd didier 5e roue tracteur

Écris comme cela, on pourrait craindre le pire, mais on connait la propension des deux auteurs à éviter le grotesque, la caricature, pour nous faire pénétrer dans un univers de bienveillance, de tendresse. Bien sûr, les ventres sont gros. Bien entendu les vaches ont une panse gonflée. Évidemment les hommes boivent un peu trop. Mais à ces grosses ficelles sont associés de purs moments de gentillesse et de poésie. Comme ce CV de Meetic, où en face de “Trait de caractère” Didier a écrit “Romantique persévérant”, qualité que sa sœur transformera en “Fainéant !” et que Serge modifiera en “Dilettante” avant de conclure par le joli mot de “Poète”. Rabaté et Ravard aiment trop leurs personnages pour les ridiculiser et les trainer dans la bouse (de vache). Ils sont humains avec leur fragilité et leur sensibilité, parfois dissimulées, mais toujours présentes. Ce n’est pas pour autant le monde de Disney et les situations rappellent l’attachement au réel. La Fête des Labours ressemble beaucoup à celle de votre commune. Serge se retrouve à la rue après la liquidation de son exploitation. Les suicides des agriculteurs sont évoqués, mais l’humour et l’amour reprennent toujours le dessus.

bd didier 5e roue tracteur ravard

Et à l’image des populaires Vieux Fourneaux, les dialogues savoureux restent dans les mémoires, comme ce cri de Coquinette, rencontrée sur Meetic et un peu “portée sur la chose” malgré son âge :

“Je voulais des gosses, plein… Maintenant le problème est résolu. Je te coûterai pas cher en éponges à tomate, la maternité est fermée depuis longtemps ! Heureusement il reste la salle de jeu !”

Comme souvent avec ces auteurs, le dessin mérite de s’attarder au-delà de la première impression générale. Les visages, a priori grossiers révèlent une multitude de sentiments. Dans le fond les enseignes s’appellent, “Adult’hair” ou “Boisson Rouge”. Et Didier, devant son poirier, éclaire la page de tendresse et de connivence. Ravard, auteur de “Mort aux vaches” a repris avec talent les codes de Rabaté, apportant son trait personnel, plus net, plus tranché et plus coloré.

bd didier 5e roue tracteur

Avec Didier, Rabaté et Ravard nous offrent un album tendre et doux. Et rose. Trois qualificatifs que cette BD illustre à merveille pour nous donner, dans cette rentrée grise et poisseuse, un bol d’air pur rafraichissant. Même avec l’odeur de bouse de vache.

Didier, la 5e roue du tracteur. Dessin de François Ravard. Récit de Pascal Rabaté. Éditions Futuropolis. août 2018. 80 pages. 17€. 

RENNES. QUATRE BRADERIES ET VIDE-GRENIERS DIMANCHE 23 SEPTEMBRE 2018

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Dimanche 23 septembre, pour dénicher de curieuses trouvailles, c’est le bon week-end ! Trois braderies vide-greniers sont proposées à Rennes dans le quartier de Saint-Hélier, du Sacré-Cœur et du Landry ainsi qu’une braderie des livres au Thabor.

Après le succès de la braderie Saint-Martin la semaine dernière, trois vide-greniers se feront face. Le premier aura lieu dimanche 23 septembre dans le quartier de Saint-Hélier. Les quelque 600 exposants vendront leurs objets dès 8 heures, avenue des Français Libres. Une animation avec le 9e festival intergénérationnel rennais est également proposée. Mais aussi des chants marins, du tango argentin, des arts martiaux et bien sûr une restauration sur place.

Vide-grenier
En espérant que la pluie prévue ce week-end ne vienne pas perturber les braderies

Au sud de la gare, se trouve aussi la braderie des Sacré-Cœurs. Au cœur du quartier de la Madeleine, 2000 exposants (pour 3000 places de 2 mètres disponibles) placeront leurs tables et leurs objets autour de la place de l’Église. L’entrée est gratuite et le vide-greniers se déroulera de 8 heures à 18 heures.

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De l’autre côté des rails se cache un autre vide-greniers. Dans la rue Mathurin Méheut et ses alentours, environ 500 exposants prendront part à cette quatrième braderie du Landry. Il se déroulera de 8 heures à 18 heures.

braderie-secours-populaire-redim

Pour les lecteurs, une braderie des livres est proposée au Thabor par le secours populaire. Un large choix d’ouvrages, mais aussi de CD et de DVD est proposé sous le kiosque ce dimanche de 9 h 30 à 17 heures en complément des concerts des « copains du Thabor » tout l’après-midi. Une vente au profit de l’association. Impossible donc de s’ennuyer ce dimanche.

Vide-greniers Saint-Hélier : le dimanche 23 septembre de 8 heures à 18 heures. Renseignements au 06 82 30 20 43. Entrée gratuite.

Vide-greniers des Sacré-Cœurs : le dimanche 23 septembre de 8 heures à 18 heures. Renseignements au 02 23 62 10 10. Entrée gratuite.

Vide-greniers du Landry : le dimanche 23 septembre de 8 heures à 18 heures. Plus d’information sur le site adhs.ovh ou au 07 83 97 41 00. Entrée gratuite.

Grande braderie des livres au Thabor : le dimanche 23 septembre de 9 h 30 à 17 h au kiosque du Thabor. Renseignements au 02 99 53 31 41. Entrée gratuite.

LA BRETAGNE UNE AVENTURE MONDIALE OU L’HISTOIRE DU BRETON

La Bretagne, ses légendes, ses personnages, son indépendance, son histoire. Dans l’ouvrage collectif La Bretagne, une aventure mondiale dirigé par Joël Cornette, 19 historiens racontent autrement la région bretonne : comment le caractère bien trempé de ses habitants s’est-il développé au cours des siècles et pourquoi les Bretons ont-ils souvent été mis à part de la communauté des Français ? Le tout parsemé d’anecdotes passionnantes.

Qui est vraiment le roi Arthur ? Comment la Bretagne est-elle devenue une terre politiquement à gauche ? Pourquoi Ouessant est-elle une île mythique ? Toutes ces questions trouvent leurs réponses dans l’ouvrage collectif La Bretagne, une aventure mondiale. Encore un livre consacré à l’histoire de La Bretagne ? Certes, mais ce qui le différencie des autres s’avère la qualité de ses informations autour de l’identité bretonne.

bretagne aventure mondiale

« La Bretagne est une vieille rebelle. Toutes les fois qu’elle s’était révoltée pendant deux mille ans, elle avait eu raison ; la dernière fois elle a eu tort. Et pourtant au fond, contre la révolution comme contre la monarchie, contre les représentants en mission comme contre les gouverneurs ducs et pairs, contre la planche aux assignats comme contre la ferme des gabelles, quelque fussent les personnages combattants (…), c’était toujours la même guerre que la Bretagne faisait, la guerre de l’esprit local contre l’esprit central. »
Victor Hugo, « Quatrevingt-treize »

Comment s’est-elle forgée et pourquoi ? « C’est un peu le thème du livre avec tout ce qui en découle comme son imaginaire ou la spécificité de la langue », explique Joël Cornette, directeur de l’ouvrage, professeur à l’université de Paris VIII et Grand prix de l’histoire de l’Académie française et… brestoise. De brillants chercheurs (Olivier Chaline, Jean Kerhervé, Christian Bougeard, Roger Dupuy, Jean-Clément Martin, Éva Guillorel, et la « Bretonne et républicaine » Mona Ozouf), mais aussi Donatien Laurent, ethnologue en quête des traditions orales, sont réunis pour faire découvrir et partager les secrets d’un territoire original et nous aider à comprendre l’irréductible et forte personnalité de cette singulière Armorique.

« Cette “nouvelle” histoire de la Bretagne a précisément pour
but, par une approche plurielle, de dessiner les traits de
caractère, de comprendre le “génie” propre de cette province
à la personnalité si forte »

Devenue française en 1532, la Bretagne demeure une énigme et continue de nourrir un imaginaire fertile. Des menhirs de Carnac aux druides, des chevaliers du Graal à Bécassine en passant par les Bonnets rouges de 2013, ce Finistère de l’Europe a construit son identité, riche et complexe, bien au-delà des clichés. Comment définir la Bretagne ? Peu de provinces offrent une histoire aussi longue aussi diversifiée avec tous ses peuples et ses coutumes tout en restant trop souvent méconnue. Dans ce volume collectif, se découvre une aventure mouvementée, de la naissance des Bretons à l’aube du Moyen-Âge, jusqu’aux multiples défis imposés aujourd’hui par la mondialisation. À la fois terre de légendes, péninsule maritime et puissance souveraine au XVe siècle quand les ducs sont sacrés et couronnés à Rennes, la Bretagne se distingue tant par sa langue vigoureuse et imagée que par une longue tradition de quête d’autonomie.

« La révolution radicale, celle
qui met aux prises la noblesse et le tiers état, a sans doute
commencé en Bretagne. »

Son sous-titre, « une aventure mondiale » renvoie à la géographie singulière et la capacité économique de la Bretagne à assurer des échanges avec le monde depuis le XVe siècle, comme l’explique Olivier Chalien dans le passage Sur toutes les mers du monde. Ce rapport local/mondial est tenu par les ports comme Brest ou Nantes, mais surtout Saint-Malo. Ce sous-titre est aussi « un hommage » à Patrick Boucheron et son ouvrage : « Histoire mondiale de la France » parue en 2017. Il pointe un élément central de la Bretagne et de son commerce historique : l’échange. Là aussi comme le ressenti identitaire partagé entre breton et français.

« S’il y a eu des Bretons sur presque toutes les mers du
globe, c’est qu’ils ont su, à plusieurs reprises, mettre au point les navires qu’il leur fallait. »

Cela faisait longtemps que l’historien spécialisé dans l’histoire moderne de la Bretagne souhaitait réunir divers articles sur le thème de la Bretagne, ses grandes dates et son identité dans la revue scientifique mensuelle : Histoire. « Nous nous sommes vu refuser cette idée, jusqu’à l’été dernier. Beaucoup pensaient qu’il n’attirerait que les Bretons. Il s’est bien vendu, pas qu’en Bretagne ». Cela a conduit Joël Cornette à augmenter le nombre d’articles pour en rédiger un livre de 384 pages, fort complet. « En plus du prologue d’une centaine de pages sur l’identité bretonne, nous avons rajouté des témoignages, dont un très intéressant de Mona Ozouf, philosophe et historienne, où elle explique l’association entre identité bretonne et républicaine ». Du reste, si cet ouvrage ne manque pas de donner de l’eau au moulin des autonomistes, voire des indépendantistes, il interroge le statut d’une identité à la fois forte et non repliée sur elle-même.

Par leurs actions, par leurs revendications, par leurs suffrages
électoraux, les habitants de cette singulière Armorique
ne cessent de transmettre un message (…) : la volonté
et la fierté d’être, à la fois, Français, Européens et… Bretons.

 Joël Cornette
Joël Cornette

19 auteurs ont prêté main-forte à Joël Cornette. Chacun dans leur spécialité. Tous les courants de l’histoire sont traversés à travers trois parties : Terre de légendes (de la préhistoire jusqu’au 15e siècle), La plus maritime des provinces (15e au 18e siècle) et Trois cents de combats (1789 à aujourd’hui). « Un des axes est de comprendre d’où viennent certains stéréotypes : les Bretons sont têtus, les Bretons ont du caractère, les Bretons sont des ploucs. Le but est aussi de les déconstruire et de les expliquer. Même si selon moi on a eu un grand déblocage sur l’histoire de la Bretagne dans les années 60« , ajoute Joël Cornette. La recherche scientifique autour de l’histoire de la Bretagne est, de fait, « en perpétuelle actualisation ».

La Bretagne, une aventure mondiale adopte un axe de nature identitaire afin de déconstruire nombre de stéréotypes, ce qui est en fait la plus précieuse de ses originalités.

La Bretagne une aventure mondiale, éditions Taillandier, 3 mai 2018, 384 pages, 20,90 €.

Pratique : Joël Cornette sera présent à la librairie Forum du livre de Rennes pour une rencontre et des dédicaces en son café littéraire le vendredi 21 septembre 2018 à 18h.

MÊME LE SCORPION PLEURE. NOUVEAU POLAR DE GUY RECHENMANN

Retour en force pour une quatrième enquête d’Anselme Viloc, le flic de « papier » de Guy Rechenmann, dans Même le scorpion pleure. Entouré de ses comparses, drôles parfois même farceurs, mais néanmoins d’une efficacité remarquable, l’auteur nous plonge dans une histoire noire, étrange, au Cap Ferret, station balnéaire si prisée d’Aquitaine.

scorpion pleure guy rechenmann
Pour l’ancien Savoyard qu’il demeure, Anselme va devoir naviguer dans le mode restreint des affaires de viager. Non, rien à voir avec le célèbre film de Pierre Tchernia – au titre éponyme -, où le héros, joué par l’inégalable Michel Serrault, enterre tous les prétendants à sa bâtisse en rusant de grossiers stratagèmes pour raccourcir les jours du crédirentier. Cette fois, les vendeurs meurent dans des conditions suspectes et similaires, mais les négociateurs ne font pas long feu non plus. À qui profitent donc tous ces crimes en rafales ? En apparence, l’affaire devrait s’annoncer rapide et aisée puisque les ventes viagères en France demeurent presque confidentielles et sont recensées essentiellement dans deux zones : Paris et la Côte d’Azur.

Eh bien, pas si simple en réalité. Anselme, qui pleure son ami Augustin, une des victimes, s’attaque là à un véritable réseau savamment organisé que rien ne semble pouvoir stopper. Heureusement, le flic en retraite n’est pas seul. Il peut compter sur sa hiérarchie comme sur ses anciens collègues pour « investiguer ».

Entre souvenirs, anecdotes dures ou burlesques, entre moments présents, Guy Rechenmann soigne tant l’intrigue de ce polar qui nous sort des trajectoires habituelles, que les ambiances du Cap Ferret et les portraits des différents personnages pour un roman qui permet de passer un excellent moment tant on se passionne pour une enquête singulière où le lecteur est totalement associé aux recherches que pour les bleus à l’âme que nous livre l’inspecteur Viloc. Et les champs des possibles ne manquent pas ; si on ne se perd pas dans le labyrinthe créé par des criminels ingénieux, c’est toujours grâce à Anselme Viloc, qui bienveillant et logique, s’assure que nous progressons en même temps que lui. Même si d’aucuns pourraient grogner que cela reste significatif, l’auteur souligne combien son personnage s’est investi dans ses affaires passées autant qu’il s’investit dans cette quatrième énigme, que sans un bon collectif – tout comme au sport -, rien n’est possible et qu’une famille, des gosses c’est tout un bonheur à condition d’en prendre grand soin. N’oublions pas non plus cette question en filigrane : pour un vrai flic… la frontière entre le métier et la vie personnelle existe-t-elle ? est-elle possible ? Et puis… cette phrase de Jean Ferrat qui résonne de loin… Nul ne guérit de son enfance…

Même le scorpion pleure, un polar piquant, redoutablement efficace. Au-delà, un roman sur une personnalité hors du commun.

Écrivain et homme de télévision, Guy Rechenmann avoue être un rêveur et un poète. Le hasard, il n’y croit guère, préférant parler de coïncidences, son thème de prédilection… Il attendra 2008 pour publier un recueil de poésies et de nouvelles, La Vague (Écri’mages). Suivront plusieurs romans dont Flic de papier, Fausse note et À la place de l’autre (Prix virtuel du Polar 2016) aux Éditions Vents Salés, dans lesquels apparaîtra Anselme Viloc, un flic atypique et obstiné qui lui permet de revisiter de façon inattendue le genre policier.

Même le scorpion pleure un polar de Guy Rechenmann – Éditions Cairn – 230 pages, mars 2018, 16€.

Couverture : Djebel – Photo auteur Guy RECHENMANN

RENNES. POUR MATTHIEU RIETZLER « L’OPÉRA EST UNE FÊTE »

Sa prise de poste officielle avait lieu le 1er septembre, mais dès le 20 août Matthieu Rietzler était à Rennes afin de respirer la ville et rencontrer les équipes de la maison d’opéra dont il est le nouveau directeur. Il prend la suite d’Alain Surrans devenu directeur d’Angers-Nantes-Opéra avec lequel il devra travailler en étroite collaboration tout en maintenant une spécificité – et une forme d’indépendance – rennaise. Il nous accorde son premier entretien.

Diplômé d’une école de commerce, et jusqu’il y a peu secrétaire général de la Maison de la Danse à Lyon, Matthieu Rietzler est tout sauf un novice dans le monde de l’art lyrique. « Après 15 ans de piano, c’est un stage à l’opéra de Nancy qui m’ouvre les portes du monde lyrique, et si j’ai fait des études de commerce puis un troisième cycle en management public c’est avec l’envie de traduire cela dans le monde de la musique. J’ai dirigé des centres de vacances musicales, en Bretagne en partie, avec au cœur de ma démarche la question de la transmission de la musique. J’ai été responsable du jeune public à l’Opéra National du Rhin puis jusqu’à 2012 secrétaire général de l’opéra de Lille ».

Matthieu Rietzler

Mais ces six dernières années, c’est autour de l’art chorégraphique qu’il a exercé son désir de transmission. « Après dix ans passés dans des maisons d’opéra, mon passage à Lyon m’a permis de prendre du recul et de faire l’expérience d’une institution culturelle d’importance avec ses 150 levers de rideau et ses 150 000 spectateurs chaque année. »

Comment expliquer alors la tentation de Rennes ? « Après 6 ans à Lyon j’éprouvais un vrai désir de revenir vers l’opéra et la maison rennaise est une très belle maison. Il y a une belle adéquation entre l’esprit de la ville et l’opéra qui est certes assez petit, mais qui constitue un véritable écrin. C’est un opéra qui permet d’être généreux avec le public et très incluant, tout le contraire d’un temple dont on n’ose pas franchir les portes. Dans la mesure où mon parcours est très lié au public, il m’a semblé que j’avais quelques atouts pour cette maison, pour créer les meilleures conditions de rencontre entre les artistes dont on défend le travail et le public que l’on cherche toujours à élargir ».

Manifestement le jury a été sensible à ces atouts. « J’imagine que le jury a aussi été sensible à mon parcours très lié à la musique, mais pas exclusivement à l’art lyrique, ainsi qu’à mon expérience dans des institutions culturelles de taille (Opéra National du Rhin, Maison de la Danse de Lyon) tout en restant pragmatique et très lié au terrain ».

Son âge, 37 ans, a peut-être aussi joué en sa faveur quand on observe à Rouen et à Nancy la nomination de deux autres directeurs de moins de 40 ans. « Il y a peut-être une volonté des tutelles de rajeunir les directions des maisons d’opéra, pour autant les trois directeurs, comme les trois maisons, sont très différents et pas interchangeables. Ce qui est vraiment enthousiasmant c’est le contexte culturel rennais avec l’arrivée d’Arthur Nauzyciel au TNB, de Corinne Poulain aux Champs Libres et des nominations à venir au FRAC et au Musée des Beaux-Arts, on sent une véritable ébullition et, dans ce contexte, penser la place de l’opéra dans la ville au 21e siècle est très excitant. »

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Beggar’s opera, une comédie musicale avant l’heure

Après 12 ans marqués par la direction d’Alain Surrans, aujourd’hui directeur d’Angers-Nantes-Opéra, quelle orientation va prendre l’opéra de Rennes ? « Cette saison n’est pas la mienne, la suivante également est déjà très dessinée par Alain Surrans. Mais je suis très heureux de les défendre et très à l’aise pour le faire. D’abord parce que je connais bien Alain avec lequel j’ai collaboré sur des coproductions lorsque j’étais à l’opéra de Lille, et avec lequel je partage l’ambition de faire largement partager l’opéra. Ensuite parce que ce sont de très belles saisons. Pour l’avenir ce qui m’intéresse c’est de trouver la meilleure adéquation entre  une œuvre et notre salle. L’opéra de Rennes est parfait pour le baroque, pour le 20e ou pour le début du 19e. Quelques répertoires sont moins adaptés, je ne dis pas qu’on ne les fera pas, même s’ils sont très lourds à monter, mais j’accompagnerai particulièrement des projets qui sont parfaits pour cette salle. A cet égard la présence du Banquet Céleste est une vraie chance, et j’ai déjà parlé avec Damien Guillon de projets scéniques et lyriques ».

Et dans un répertoire plus proche de nous ? « C’est par la diversité des œuvres et des genres qu’on accueille une diversité de publics. J’ai bien envie de faire une place à la comédie musicale, Beggar’s opera, programmé cette année, est une comédie musicale avant l’heure. Je ne dis pas que l’on en fera tous les ans, mais je pense qu’il y en aura une l’année prochaine. Il y a de très belles œuvres musicales dans le milieu du 20e, les grandes heures de Broadway, qui, quand elles sont portées par de bons artistes, sont de vraies œuvres de partage. »

Et la musique contemporaine ? « La dimension contemporaine m’intéresse beaucoup, en lyrique, mais pas seulement. On se fait un mythe d’une musique contemporaine qui n’est pas accessible, mais ce n’est pas toujours vrai, il y a des propositions qui sont très simples d’accès. Un projet lyrique contemporain, du compositeur Francesco Filidei, est déjà bien avancé, et j’aimerais aussi travailler avec, par exemple, Sébastien Rivas, Gérard Pesson, Philippe Leroux ou l’ensemble Links. Notre responsabilité c’est aussi d’être attentifs aux opéras contemporains créés dans d’autres maisons, car, au-delà de la commande, ce sont des œuvres finalement trop peu jouées. »

vaisseau fantome
Le vaisseau fantôme, opéra sur écrans en juin 2019

Aucune nostalgie à l’égard de la danse ? « Nostalgie non, mais envie de lui faire une place, c’est une belle forme artistique, indissociable de la musique, qui enrichit le parcours des spectateurs. Il pourra y avoir des ballets, comme Cendrillon l’année dernière, mais j’ai aussi envie de travailler avec nos collègues rennais qui programment des œuvres contemporaines. »

Une volonté de travailler avec les acteurs culturels locaux ? « Oui, j’aimerais travailler avec les Tombées de la nuit, avec Mythos ou avec les Trans pour voir quels ponts on peut tisser. Les musiques minimalistes, par exemple, sont assez proches des musiques actuelles. Et bien entendu, construire des liens toujours plus étroits avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne, notre partenaire de prédilection. »

Travailler avec les acteurs locaux, mais aussi avec Angers-Nantes-Opéra. « L’enjeu c’est de produire une œuvre lyrique qui au lieu d’être jouée 4 fois le sera 10 ou 12 fois. Il y aura une ou deux années d’expérimentations, et peut-être ferons-nous des erreurs, mais je suis plutôt confiant. Certes, Angers-Nantes-Opéra est une institution au budget plus important que celui de l’opéra de Rennes, mais nous sommes un opéra qui a des singularités fortes, un vrai savoir-faire dans le domaine de l’action culturelle ou du numérique, et surtout une vraie maison de production. J’ai été nommé sur un projet qui est que Rennes doit être un opéra de plein droit et de plein-exercice. Il est essentiel de demeurer une maison de production. Il en va de l’emploi des artistes et c’est le cœur même d’une maison d’opéra. Les opéras donnés lors des prochaines saisons seront alternativement produits à Rennes et à Nantes. L’enjeu sera de travailler avec Nantes en bonne intelligence. Autant je m’entends bien avec Alain, autant nous n’avons pas exactement les mêmes goûts. Je lui proposerai par exemple des noms de metteurs en scène qui ne sont pas les siens et je suis certain que la programmation s’enrichira. Par ailleurs, les économies d’échelle réalisées nous permettront de jouer plus. Autour de ces productions lyriques concertées, il y aura des spécificités strictement rennaises. Je suis convaincu qu’Angers-Nantes-Opéra a aussi beaucoup à apprendre de nous. »

Vous pensez à Opéra sur écrans ? « Oui, par exemple. C’est un vrai savoir-faire rennais que nous exportons cette année à Nantes, et c’est une belle reconnaissance. Après la première qui sera rennaise, le Vaisseau Fantôme sera diffusé depuis le théâtre Graslin. Mais notre collaboration étroite permettra de rendre l’évènement annuel et dès l’année prochaine il sera diffusé depuis Rennes. » Bien sûr le choix de l’œuvre est déjà arrêté, mais il faut garder le suspens intact jusqu’à juin. Disons seulement que c’est l’un des 10 opéras les plus joués au monde…

Par le passé vous avez été très impliqué dans la sensibilisation du public à la danse, à la musique et bien sûr à l’art lyrique, ce sera toujours le cas ? « Oui, la non-fréquentation des lieux culturels n’est liée qu’à une somme de barrières à l’entrée, à partir du moment où on travaille à lever ces barrières on ouvre les portes. J’envisage par exemple un travail avec le conservatoire à rayonnement régional sur les questions d’éducation artistique, en profitant de notre bâtiment pour y faire vivre des mini expériences musicales avec des dispositifs très légers. L’accès au genre passe par l’accès au lieu. Il y a deux mots qui me guident. Direct, car ça ne doit pas être compliqué de venir à l’opéra. Cela s’entend à tous les niveaux de notre projet : une programmation accessible, une communication inclusive, cela doit aller jusqu’à la manière de vendre des billets et d’entrer dans notre bâtiment. Et puis fête parce que l’opéra c’est la fête, on ne va pas transformer l’opéra en lieu de fête, mais l’opéra c’est le spectacle total qui doit être réjouissant. »

matthieu rietzler opéra rennes
Matthieu Rietzler

Et il y a des œuvres réjouissantes que vous rêveriez de produire à Rennes ?

« Bien sûr ! Pour autant, je souhaite que le choix des titres soit le fruit d’échanges avec les chefs ou les metteurs en scène ; pas seulement guidés par les goûts du directeur. Mais pour vous répondre, je dirais sans hésiter la Flûte enchantée, parce que c’est un véritable bijou, du baroque italien ou français, du Rossini bien sûr, la salle est parfaite pour Rossini. Et plus près de nous une œuvre d’une très grande force politique comme Der kaiser von Atlantis composée par Viktor Ullmann dans un camp de concentration, et aussi The rake’s progress de Stravinsky dans lequel on retrouve l’essence des opéras de Mozart tout en étant totalement dans le 20e. »

Ce sont des rêves ou des projets ? « Elles ne sont pas programmées, pour l’instant. »

Pour l’instant ? « Pour l’instant… »

Elles le seront ? « Un jour, probablement. »

FRANCOISE GRARD LIVRE LES PRINTEMPS AMERS DE SON ENFANCE

Françoise Grard est une romancière de l’enfance, auteur de romans écrits pour les jeunes lecteurs, publiés essentiellement par Actes Sud Junior. Mais elle est aussi, depuis peu, écrivain de sa propre enfance, de ses primes années passées avec Marthe, sa grand-mère adorée et protectrice, Geneviève, sa mère souffrante et lointaine, Janine, deuxième épouse de son père, femme égocentrique, insensible et despotique. Dans une singulière trinité, ces trois femmes vont être le socle de ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, tour à tour doux et amers, tendres et cruels, qui vont se succéder dans un long et bouleversant récit, magnifiquement écrit.

françoise grard

Comme un signe de l’importance essentielle du personnage, c’est « La maison de Marthe » qui ouvre le livre. Marthe, la grand-mère paternelle, est le refuge, le port d’attache des trois petites filles de Michel, brillant haut-fonctionnaire, ambitieux diplomate, mais père lointain par trop absorbé par son métier. Françoise, ou « Francette » est la narratrice d’une difficile enfance que Marthe viendra sauver de son néant affectif et familial.

Dans le naufrage de mon enfance, elle est le salut, le havre vers lequel mon sauvage instinct de conservation me ramène et me fixe.

La maison de Marthe, sise dans la méridionale Albi, loin de l’agitation de la capitale, entourée d’un vaste jardin, terrain de jeu aventureux et irremplaçable, fut un jour le théâtre d’une année quasiment sans école pour les trois sœurs, par la faute et la légèreté de Geneviève, la maman parisienne habitante du très chic septième arrondissement, négligeant de venir chercher ses trois filles, tout là-bas, au fin fond de la province albigeoise après les vacances de Noël. À la grande joie, secrète, de Marthe, l’ancienne institutrice, quelque peu rebelle et ravie d’héberger sa petite bande de filles pour de longues semaines hors des lois et contraintes scolaires et sociales ! « Ce fut la plus belle robinsonnade de ma vie », avoue Françoise qui allait vivre pour quelques mois, un rêve d’« île déserte » dans la maison de Marthe, dont le jardin fut le plus beau des terrains d’exploration, magnifié en son centre par ce grand pin parasol, majestueux et totémique, comme « paré du mystère d’une statue de l’île de Pâques ». Plus d’école, l’ennui va guetter, mais qu’à cela ne tienne : les trois sœurs vont compenser le manque, sous la gouverne de Marthe, complice et ravie, et jouer les maîtresses d’école avec un sérieux imperturbable et impitoyable devant des élèves en peluche et celluloïd ! Ô surprise, l’école « pour de faux » firent faire aux trois fillettes des progrès spectaculaires dont s’étonnèrent, à leur retour, l’année suivante, leurs institutrices parisiennes ! La liberté et l’imaginaire leur avaient été la meilleure des pédagogies !
Marthe fut beaucoup mère de substitution après la séparation de Michel, son fils, d’avec Geneviève, une bru aux racines et manières aristocratiques, condescendante avec cette grand-mère d’origine paysanne.

Geneviève ouvre la deuxième partie du livre. Elle est une mère au caractère radicalement opposé à celui de Marthe : égoïste, frêle et fragile jusqu’à la complaisance, hypocondriaque et sombre. Une mère aussi lointaine qu’insensible qu’exaspéraient déjà les pleurs de ses enfants dans leur berceau : « C’est une femme de lettres, une mélomane, le sublime est son domaine, les sphères de la perfection où elle navigue en solitaire l’ont détachée de toutes les basses réalités » écrit Françoise avec une amère ironie. Son mariage avec Michel ne durera guère, au point que ses trois filles ont peine à se souvenir de cette période où les parents vivaient en couple. Sa vie de femme de diplomate lui pèsera, contrainte aux artifices et conventions sociales dictées par la vie de représentation du mari. Une vie où le morbide et le mortuaire domineront tout. « Car Geneviève adore la mort, c’est son érotique à elle ». Une vie aggravée d’un antisémitisme et d’un goût des extrêmes en politique qui ne la quitteront jamais et l’éloigneront définitivement de sa fille. Parlant du génocide juif, Geneviève osera sans honte ce commentaire : « C’était maladroit, on en a fait des martyrs ». Au moment où elle prononce cette phrase, Françoise est « pénétrée d’une certitude : je ne suis pas sa fille ». Après le divorce des parents, voilà donc le divorce de la mère et de son enfant. Cette femme, éternellement et ostensiblement épuisée, aussi complaisante avec elle-même qu’impitoyable avec les autres, aura fait « un désert de sa vie ». Pas un mot de reproche de Françoise face à sa mère, malgré tout. La dissimulation, sous un difficile vernis familial et social, aura été de mise, pratiquée avec rigueur et constance par une fille dont « le respect dû à l’adulte était absolu ». J’aurais fait un parfait agent double, se dit-elle avec une cruelle ironie.

Un jour, Geneviève planta là ses trois filles pour un séjour de plusieurs mois chez une amie transalpine afin d’y passer un hiver que sa pauvre constitution n’allait pas supporter dans l’humide et froide capitale, leur dit-elle. Stupeur et tremblements des fillettes laissées seules à Paris sous la surveillance, relâchée, d’une certaine Madame D. L’abandon maternel rassemblera plus fortement encore les trois sœurs et ressemblera finalement à une longue parenthèse d’indépendance, de liberté, et de bonheur sans précédent, à mille lieues de la rude et ingrate férule maternelle. « De cette époque m’est resté le goût des plaisirs simples, le bonheur d’enchaîner des satisfactions élémentaires, la mansuétude des habitudes, la tendresse des rites ».

La vieillesse fit perdre à Geneviève ce qui lui restait de raison et, hospitalisée dans une institution gériatrique des beaux quartiers parisiens, elle vécut isolée, patiente incontrôlable et recluse que la canicule de 2003 emporta en quelques jours.

Janine, qui achève le récit, fut la seconde épouse de Michel. Une femme attirée par le prestige du corps diplomatique dont fait partie celui qui deviendra son époux dans une cérémonie de mariage tenue à l’écart et à l’insu de Marthe et des petites-filles. Un mari qui lui permettra de briller dans des rencontres mondaines aux quatre coins du monde, au hasard des affectations d’un époux qui accepte de vivre aux côtés de cette « poupée Barbie » accablante de snobisme et d’inculture. Janine glacera vite le sang de Françoise et de ses sœurs, figées par tant de jalousie, de mépris et de dédain à leur encontre. « Dans sa bouche, il n’est jamais question d’amour ; ce mot est inconvenant. Selon ses dires, seul l’intérêt préside aux relations entre hommes et femmes ». Odieux principe que Janine mettra en œuvre en manipulant et en s’appropriant sans partage l’héritage paternel à la mort de son époux.

Ce récit poignant et lumineux, d’une admirable écriture et qu’on ne lâche pas jusqu’à la dernière page, est une forme de roman d’apprentissage, celui d’une enfance et d’une jeunesse chaotiques aux côtés de trois femmes, d’une vie tiraillée entre la bonté de l’une, la folie ordinaire de l’autre, la méchanceté de la troisième. Sous le regard d’un père attachant, mais fuyant, diplomate balloté dans des affaires familiales qui, elles, lui seront toujours étrangères.

Au final, Marthe, la merveilleuse grand-mère et « sa folle tendresse qui mouillait ses yeux », sauvera la vie de Françoise qui finira, à l’aube de sa vie de femme, par s’extirper de sa « torpeur mélancolique » et réussira à « s’arracher aux adhérences du passé et penser à l’avenir ».

Ce texte magnifique a reçu en 2018 le prix Jean-Jacques Rousseau de l’autobiographie.

Françoise Grard, née en 1957, est professeur agrégée de Lettres au lycée Michelet à Vanves.

Après une enfance voyageuse, elle exerce son métier en région parisienne avant de publier depuis 1998 une trentaine d’ouvrages en littérature jeunesse, principalement chez Actes Sud Junior.

Écrire obstinément sur le thème de l’enfance l’a amenée à se pencher sur la sienne. Trois femmes de ma vie est son premier texte en littérature générale; elle y évoque trois personnages fondamentaux de son passé sur fond de temps troublés et de pays lointains.

LA BRADERIE DU CANAL SAINT MARTIN A 50 ANS

Dimanche 16 septembre, la braderie du Canal Saint-Martin fêtera son 50e anniversaire. Pas de grandes festivités, mais de bons souvenirs à se remémorer et certainement encore des trouvailles vintage sortis tout droit des greniers bretons.

canal saint martin 1964
canal saint martin 1964, collection Musée de Bretagne

C’est une institution dans le quartier de Saint-Martin à Rennes. La grande braderie se déroulera toute la journée de dimanche 16 septembre le long des berges. Avec 50 000 visiteurs l’an passé, le comité d’organisation vise le même chiffre. « Nous accueillons 1400 bradeurs pour 2900 emplacements à peu près », décrit Louis Milan, président du comité de quartier de Saint-Martin. Il n’y aura pas de festivités spécialement prévues pour cet anniversaire, mais comme toujours une ambiance très joyeuse et musicale toute la journée.

braderie

Cette braderie a vu sa première édition en 1968 : des enfants souhaitant revendre leurs jouets se sont installés sur les bords du Canal. Des jouets, mais aussi un peu de tout ce qu’ils pouvaient trouver. Une soixantaine de personnes s’étaient alors inscrites au projet. « À l’origine, cela s’appelait La Braderie de la jeunesse », rappelle Louis Milan. À cette époque, la mode des vide-greniers grimpe en popularité avec la Braderie de Lille ou celle de Andelys lancée quelques années plus tôt. La Braderie du canal lance la mode du vide-grenier en Bretagne. « Il est possible que l’on soit l’un des premiers de la région », suppose Louis Milan. Aujourd’hui on en trouve un voire même plusieurs tous les jours dans la région de juin à septembre.

braderiePortés par une première édition réussie, les enfants ont progressivement laissé la place aux parents qui eux aussi avaient leurs objets à vendre. « Le cadre est agréable et avec le canal à côté c’est joli. Ça a poussé les gens à venir et à revenir », explique Louis Milan. La braderie Saint-Martin gagne tellement en popularité que le site s’ouvre pour un deuxième jour pendant quelque temps jusqu’en 2011, à l’instar de ce qui se faisait dans les années 90, avant de revenir pour un unique dimanche, toujours le troisième de septembre, faute de bénévoles et de mesures de sécurité de plus en plus drastiques. Alors pourquoi ne pas aller chiner entre deux visites culturelles des journées du patrimoine ?

BRADERIE CANAL RENNES

La braderie du Canal Saint-Martin à Rennes aura lieu le dimanche 16 septembre et fêtera son 50e anniversaire.

LE MALHEUR DU BAS UN PRIMOROMAN SUR L’EFFET PAPILLON D’UN TRAUMATISME

Le malheur du bas… ou quand le non-dit entraîne le pire…

« On ne peut vivre longtemps dans la frénésie. La tension était trop forte en ce monde qui promettait tant, qui ne donnait rien. »

Georges Perec, Les Choses.

INES BAYARD
Photo Albin Michel (Facebook)

Primoroman pour Inès Bayard qui nous promet le pire, le pire du pire. Quand le non-dit, parce qu’indicible, conduit une femme au pire, à la destruction totale des autres, de soi. Et elle y parvient avec une force qu’elle décuple page après page. On n’en sort pas indemne.
Marie est une jeune femme qui travaille dans une agence bancaire comme cadre ; elle y paraît épanouie. Mariée à Laurent, avocat, ils semblent tous deux posséder le meilleur pour une vie heureuse. Ils s’entendent bien, habitent un bel appartement parisien et viennent d’accueillir le jeune Thomas au sein de leur couple, de leur foyer. Oui, mais voilà… Dès le début du roman, c’est la fin qui frappe le lecteur. Marie vient d’attenter à la vie de son fils, de son mari. Marie s’est également suicidée. Les secours arrivent… Un peu tard.

Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui a déclenché le geste de Marie ? Comment en est-elle arrivée à ces actes extrêmes ?
Inès Bayard va remonter le temps, les épreuves, les outrages, les petites morts subies par Marie pour tenter de nous expliquer son geste, la colère, l’abattement, la dépression, la haine qu’a dû supporter pendant trop longtemps, enfermée dans le silence, prisonnière de son propre malheur, la jeune femme. Pourquoi Le malheur du bas ? Parce que tout sera passé par ce bas, le bas de Marie, son intimité sacrifiée, son « bas » qu’elle ne supporte plus, bafoué par l’homme, par les hommes.

Ce roman, tragique, permet un pont avec les affaires du temps, avec ces femmes qui hurlent – à juste titre -, depuis des mois, des années, combien des hommes les maltraitent, les jugent inférieures à eux-mêmes, installés dans la toute-puissance parce que possesseur d’une force phallique qui les autoriserait à tout, à humilier LA femme, LES femmes sans qu’elles puissent se défendre, sans qu’elles puissent parler des horreurs dont elles sont victimes.

Dans une société machiste où règne l’omerta, Inès Bayard nous interroge sur la question du respect de l’une de l’autre, tout autant qu’elle pose la problématique d’un corps qui est dépossédé de son identité, de sa propre vie, parce que violé, violenté, sali, meurtri, assassiné, confisqué, volé.

ME TOO
Photo Washington Post. Tarana Burke #MeToo (Damian Dovarganes/AP)

Un premier roman bouleversant et grave à l’heure des langues qui se délient, au moment de la prise de puissance de mouvements comme #metoo, de femmes qui se battent et se débattent pour être reconnues, honorées et libres.

Le malheur du bas un roman d’Inès Bayard. Éditions Albin Michel. 270 pages. Parution : août 2018. 18,50 €.

Couverture : © Narcisse – Photo autPrix :  – www.albin-michel.fr

https://youtu.be/ElWxM1iLfHE

Rennes. Zède expose ses couleurs à l’Orangerie du Thabor

Du 10 au 19 septembre 2018, l’Orangerie du Thabor met en valeur le travail de Céline Ziwès, alias Zède, alias Bibiche pour les intimes. Artiste rennaise protéiforme, Bibiche expose une œuvre colorée et expérimentale allant du dessin à la linogravure, en passant par la photographie ou le collage papier.

Dans l’atmosphère chaude et lumineuse des serres du parc, la promenade peut valoir le détour. Flâneur du dimanche ou féru de street-art, il n’est pas difficile de trouver son aise dans les petits formats fluo de Bibiche Zède. Fruit d’un travail de recherche technique et de rêveries voyageuses, l’œuvre présentée peut surprendre ou déconcerter par sa simplicité comme elle peut réjouir par sa douceur, sa dimension humaine et son audace sensible, sans prétention. Nous avons rencontré Bibiche Zède pour un entretien.

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Unidivers : Ce n’est pas votre première exposition. Celle-ci a-t-elle quelque chose de différent ?

Bibiche Zède : Oui, c’est peut-être la plus complète. J’ai été du début jusqu’à la fin d’une idée que j’avais. Tout a commencé avec un seul tableau Sous tes yeux le voyage bleu; j’ai tiré le fil de cette histoire-là, qui est devenu la mère nourricière dont toutes les autres œuvres ont découlé. Aussi j’ai pris plus soin de mes travaux. Jusqu’à présent j’avais un dessin un peu plus agressif, plus brouillon aussi. Je me suis dit que ce tableau-là débutait un nouveau moment dans mon dessin, plus posé, plus calme.

BIBICHE ZÈDE

U. : Vous expliquez-vous cette évolution ?

Bibiche Zède : C’est progressif. J’ai toujours travaillé sur des paysages urbains et ce qui a évolué peut être, car depuis 3 ans je vis de mon dessin, c’est que je suis plus calme, plus sereine et ça se ressent dans le contenu. Quand on est plus enclin à la rêverie, moins stressé, le dessin suit.

U. : Malgré la répétition des formes, j’ai pu sentir une bienveillance générale, un dessin assez doux…

Bibiche Zède : Il n’y a pas de sens absolument profond derrière cela, mais j’aime bien l’aspect doux de certaines formes, comme quand on prend le train… c’est souvent là que j’ai mes idées, dans le train ou la voiture. On voit des paysages, des champs qu’on a envie de toucher, comme l’herbe verte dans Charlie et la Chocolaterie qu’on pourrait manger. La nature, du moins quand elle n’est pas maîtrisée, peut parfois être très ronde et douce. Même des villes peuvent donner ces impressions de douceur. J’essaie de rendre ça.

U. : Vous attardez-vous beaucoup sur le sensoriel ?

Bibiche Zède : Oui il y a un aspect très sensoriel dans la façon que j’ai eue de travailler sur cette exposition-là. J’ai découpé de petites formes en papier, une par une. Puis je les ai peintes et je les ai touchées de mes doigts, chacune, très longtemps. Ce n’est pas obsessionnel, mais disons que je m’en occupe comme si c’était de petites personnes que je vais essayer d’assembler pour voir comment elles dialoguent entre elles.

U. : Le thème c’est le voyage, où le retrouve-t-on dans l’exposition ?

Bibiche Zède : Partout, car on peut voyager de partout. Dans sa tête en fermant simplement les yeux, ou en bas de chez soi. Pour moi le voyage c’est lorsque la rétine s’imprègne de choses différentes, de nouvelles formes, nouvelles couleurs, nouvelles personnes et ça peut être en regardant deux p’tites dames qui discutent au Thabor. Il se passe quelque chose. C’est regarder le monde différemment. On met une sorte de filtre en se disant par exemple : « si je voulais que ce monde-là ressemble à un collage graphique, comment m’y prendrais-je ? ».

BIBICHE ZÈDE

U. : Je trouve quelque chose de très enfantin dans votre travail, est-ce assumé ?

Bibiche Zède : Ma mère m’a toujours dit de ne pas mélanger le rouge et le violet. Et puis quand j’ai été vivre au Mexique, j’ai vu que le rouge et le violet ça allait super bien ensemble et que c’était très beau. Donc ce qu’on m’avait dit était une perception parmi d’autres. Je revendique que l’enfant a une forme de spontanéité qui se perd dans l’âge adulte. Je revendique le fait d’essayer de conserver cette fraîcheur qu’ont les gamins et leur spontanéité… ne pas avoir peur de mélanger le rouge et le violet.

U. : Vous expérimentez beaucoup, avec la matière par exemple…

Bibiche Zède : Ce sont plus des techniques que des matières, car il y a toujours du papier. Les techniques vont changer entre le spray, la gravure, le dessin… je ne saurais franchement pas dire comment je les choisis. Je me dis que je vais faire de la linogravure alors je vais en faire et puis après je pars sur autre chose. Tout n’est pas réfléchi.

BIBICHE ZEDE

U. : Une anecdote sur un tableau ?

Bibiche Zède : Plutôt sur les trois photos là. Faire danser les phares 1, 2 et 3. Ce sont à la base de petits ramequins dans lesquels je mettais mon encre pour les illustrations. Souvent je me suis dit, en y mettant les gouttes d’encre, que ça ressemblait à ce qu’on a dans les yeux lorsqu’on les ferme très fort, avec la persistance rétinienne. Je les ai prises en photo, que j’ai saturées à fond, puis imprimées. J’ai appelé ce travail Faire danser les phares parce que quand on est petit et qu’on rentre à la maison à l’arrière de la voiture de ses parents, la nuit, et bien il y a les phares qui dansent comme ça sur le long de la route. Ce sont des images que j’ai gardées, qui sont très belles.

Il y a plein d’images qui imprègnent notre sensibilité tout au long de la vie. On a tendance à les écraser les unes après les autres. L’objectif, en travaillant un peu sur la méditation, les yeux fermés etc, c’est de se reconnecter à ces images-là, qui font qu’on a un panel infini d’images dans la tête.

U. : D’où le côté « obsessionnel » des formes dans votre travail ?

Bibiche Zède : Disons répétitives. Après vous pouvez dire que je suis obsessionnelle, ça ne me dérange pas. Je pense que beaucoup d’artistes sont obsessionnels, car l’idée, lorsqu’on trouve un intérêt dans une forme ou autre, c’est de chercher jusqu’au bout, jusqu’à épuisement de la forme, pour être sûr de ne jamais rien rater. On peut parler d’obsession dans le sens où on pousse la recherche jusqu’au bout, pour ne pas se contenter du premier geste.

L’exposition Sous tes Yeux le voyage de Bibiche Zède a lieu à l’Orangerie du Thabor du 10 au 19 septembre 2018.

Téléphone : 06 63 88 23 59, contact[@]bibichezede.com.

Site internet

Page Facebook de Bibiche Zède.

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CORINNE POULAIN AUX CHAMPS LIBRES, ATTENTION TRANSITION AU PROGRAMME

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Corinne Poulain est jusqu’au 15 octobre 2018 la directrice des Affaires culturelles de Rennes Métropole et désormais la nouvelle directrice des Champs libres. Elle a présenté le mercredi 12 septembre le programme des manifestations à venir du premier équipement culturel de Bretagne. En grande partie planifiées par le précédent directeur, Roland Thomas, les réjouissances événementielles 2018/2019 font figure d’année de transition vers la pleine maîtrise du lieu et de ses activités par Corinne Poulain.

Si chaque direction apporte son lot de nouveautés, l’évolution des Champs libres devrait connaître une accélération notable d’ici à 2020 avec une restructuration de la gouvernance et une croissance de la cohérence intérieure et de l’interaction avec les publics.

corinne poulain
Hervé Letort, Corinne Poulain, Céline Chanas

Pour le premier versant, il s’avère que le directeur des Champs libres jouit d’une supériorité technique, mais non hiérarchique, par rapport aux deux directrices et au directeur des trois établissements inscrits dans le lieu (i.e. Marine Bedel pour la Bibliothèque, Céline Chanas, Musée de Bretagne, Michel Cabaret, Espace des Sciences). Cette gouvernance conciliaire présente bien des avantages, mais aussi des inconvénients dont l’importance est à la mesure des dissensions susceptibles de survenir entre directeurs (lesquelles ne manquèrent pas ces dernières années…). Une verticalisation de la gouvernance et une autonomie marquée à l’égard de la direction des Affaires culturelles promettent de laisser les coudées franches à la direction de Corinne Poulain.

programme champs libres

Cette nouvelle distribution a pour objectif de faire prospérer le second versant qu’est le projet de Corinne Poulain, son programme éditorial et ses modalités de déploiement. Autrement dit, augmenter la cohérence des propositions au service de la capacité de rayonner des Champs libres. Dans ce dessein, les cycles postérieurs à 2019 s’attacheront à promouvoir des projets conjugués (entre la Bibliothèque, le Musée de Bretagne, l’Espace de sciences et la salle Anita Conti qui devrait monter en puissance sous la houlette d’Yves-Marie Guivarch). Des propositions conçues et réalisées dans une interaction plus étroite avec l’extérieur (le public rennais, les acteurs locaux et au-delà).

L’esprit qui préside à ce programme est illustré par la création d’un Conseil scientifique des champs libres avec la nomination à sa tête de Cynthia Fleury, philosophe lacanienne dans la mouvance du care. Il se résume en une question : comment les équipements culturels doivent-ils prendre soin des usagers afin que ces derniers expérimentent – seuls ou ensemble – un enrichissement intellectuel et affectif qui est gage d’une citoyenneté démocratique éclairée et féconde ?

Gageons que l’esprit souffle vite et fort. Et ne doutons pas que Corinne Poulain ambitionne de faire des Champs libres le vaisseau amiral d’une politique culturelle destinée à rayonner bien au-delà de la Métropole de Rennes…

En cette rentrée 2018, Unidivers vous conseille trois grands rendez-vous à ne pas manquer avec l’exploratrice des complexités Zadie Smith, la magicienne steinerienne Nancy Hudson et l’initiateur franco-congolais Alain Manbackou.