Apollinaire, Guillaume Apollinaire (de son vrai nom Wilhem Kostrowitsky, né Polonais, naturalisé citoyen français) en prison ? Qui l’eût cru ? À part peut-être celles et ceux qui connaissent de manière académique la vie de cet immense poète du XXe siècle.
Sous le pont Mirabeau ne coule donc pas que la Seine, mais aussi cette histoire, captivante et parfois rocambolesque, si elle n’était souvent tragique, que nous raconte avec une plume brillante et souple, l’écrivain prolixe Franck Balandier.
Le petit Parisien 23 août 1911; Gallica
Été 1911. APO et ses potes zonent dans les couloirs du Louvre quand l’un d’entre eux à l’idée saugrenue de dérober la sournoise Joconde, celle née du génie probablement torturé de Leonardo Da Vinci et qui suscite tant l’intérêt des visiteurs du musée le plus célèbre du monde. Et les autorités vont remonter jusqu’à la présence du poète en compagnie de ses acolytes… S’ensuit une incarcération très courte (il sera relâché faute de preuves solides) à la Santé dont le nom peut sembler parfois baroque et comme saura avec brio nous le démontrer l’auteur (auteur qui par ailleurs connaît sur le bout des doigts comme de l’âme les ambiances carcérales).
À travers un roman construit parfois en forme de journal, nous allons suivre les aléas du quotidien et accompagner APO jusque dans la mort (le pauvre Apollinaire s’éteint des suites de la grippe espagnole) à quelques jours de l’Armistice de 1918, qui signe la fin de la Grande Guerre. Entre rêves, moments de lucidité, délires – peut-être aussi dus à la fièvre -, le poète vit un dernier amour avec la voluptueuse Mona (tiens étrange, Mona comme Mona Lisa, celle avec son petit air pincé qu’on dirait même qu’elle est assise sur une punaise, celle dont on se demande encore si c’est réellement une femme ou plutôt un homme, celle dont quelques érudits un peu fantasques dépeignent comme un autoportrait de l’ingénieux Léonard) avant de rendre son dernier souffle.
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaîne
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène.
EXTRAIT DU POÈME A LA SANTÉ, RECUEIL ALCOOLS, 1913.
Et puis Franck Balandier, sous sa plume efficace, nous envoie en avant d’un siècle. Été 2015. Élise, jeune universitaire obtient l’autorisation de pénétrer la cellule où le poète a été retenu. À la Santé, dans une geôle désaffectée, en attente de réhabilitation, dans la prison classée. Comment peut-on classer une prison au patrimoine ??? Et comment peut-on la nommer la Santé quand on sait qu’on n’en sortira pas ou alors dans quel état ? Et elle va y faire une étrange découverte, tout en réalité autant qu’en poésie. Oui, mais même au centre du pire (la détention), on peut entrevoir la lumière sinon l’accueillir.
S’il s’est appuyé sur un fait réel, Balandier nous surprend à chaque page par sa capacité à donner de la hauteur à un événement qui ne ferait que quelques lignes dans une rubrique « faits divers » d’un canard quelconque… Là on s’accroche parce qu’on parvient, par la force créatrice de l’écrivain, à transcender l’ordinaire pour plonger et se délecter d’une histoire qui touche à l’intouchable, la grâce. Il arrive même souvent que l’on se sente convoqué par deux poètes. Balandier et Apollinaire…
Apo un roman de Franck Balandier. Éditions Castor Astral. 184 pages. Parution : août 2018. 17,00 €.
Le Monarque des Ombres : en refusant d’écrire la vie d’un jeune phalangiste de sa famille, mort en héros, Javier Cercas poursuit sa quête de compréhension de la guerre civile espagnole. Un récit exceptionnel qui nous interroge sur les prétendues certitudes de l’Histoire et le fondement de nos jugements moraux. Remarquable.
C’est un portrait. Une vieille photo usée par le temps. Les bords sont écorchés. La photo a été prise dans un studio de Saragosse entre le printemps et le début de l’été 1938. L’homme a 19 ans environ. « C’est un corps d’enfant dans un costume d’homme ». Ce costume c’est celui des tirailleurs d’Ifni, unité militaire engagée aux côtés de Franco contre la République espagnole. L’homme, ou plutôt, le jeune homme, est l’oncle de la mère de Javier Cercas. Il s’appelle Manuel Mena. Il va mourir au combat le 21 septembre 1938 sous les balles républicaines et devenir un héros familial.
Et Javier Cercas, l’auteur notamment des Soldats de Salamine et de L’anatomie d’un instant, écrivain d’une œuvre mondialement connue pour vouloir soulever la chape de plomb imposée par 40 années de franquisme, hanté par ce portrait, objet d’un culte familial que l’auteur juge honteux, Cercas refuse pendant des années d’écrire l’histoire de Manuel Mena. Ce jeune parent est «
devenu le parfait symbole funèbre et violent de toutes les erreurs et les responsabilités et la culpabilité et la honte et la misère et la mort les défaites et l’horreur et la saleté et les larmes et le sacrifice et la passion le déshonneur de mes ancêtres.
Ces tares, qui reviendront comme un leitmotiv tout au long de l’ouvrage, l’écrivain catalan ne veut pas les affronter. Elles sont le miroir des erreurs et des mauvais choix de sa famille.
Three Lions/Getty Images. 1936. Guerre civile espagnole
Mais ce portrait demeure sur son bureau des années durant. Alors, celui qui se définit comme écrivain et non comme un « littérateur » va, poursuivi par ce regard figé, dans lequel il voit le néant « et que le néant que j’y vois n’est autre que moi même », enquêter au fil des années, par touches successives, par rencontres avec quelques rares témoins survivants, et tenter de découvrir les motivations d’un adolescent, parti pour faire la guerre et tuer des compatriotes.
Photo Santo Yubero 1936. Guerre civile espagnole
La photo réaliste, dont on croit pouvoir deviner les secrets tant l’habit, le regard et l’attitude disent de choses, va peu à peu s’estomper sous les récits vérifiés de l’histoire. L’ardent milicien adulé par la famille comme un Achille de l’Iliade, mort d’une mort glorieuse, a peut-être été tué comme un Achille de l’Odyssée
Monarque des ombres en train de maudire sa condition de roi des morts dans la mort au lieu d’être le serf des serfs dans la vie.
L’histoire nous apprend en effet que Manuel Mena a eu politiquement tort. Les exactions et la dictature franquiste l’attestent. Et même l’étude du village du jeune phalangiste démontre comment les pauvres se liguèrent contre les plus pauvres, contre ceux ceux qui ne possédaient rien, voulant se préserver de ceux qui avaient encore moins. Un tour de passe-passe idéologique que l’écrivaine Toni Morrison décrit de la même manière pour expliquer le racisme anti noir généré par les riches blancs pour diviser tous les pauvres. Politiquement, Mamuel Mena s’est trompé et a eu tort. Mais moralement ? Sans jamais remplir les blancs des témoignages ou des écrits, voulant « céder la parole au silence » quand il ne sait pas, Javier Cercas, au fil de ses découvertes va envisager le regard du jeune homme photographié sous un autre angle. Dans le labo de l’Histoire nationale et familiale, l’image va se craqueler sous l’effet d’un nouveau révélateur et les certitudes de Javier Cercas vont vaciller.
Javier Cercas
Le récit devient alors une formidable réflexion, sur notre capacité à juger des femmes et des hommes, à l’aune de nos références historiques et morales d’aujourd’hui. En refusant d’écrire ce récit, et en motivant sans cesse son refus, Javier Cercas l’écrit finalement avec une force insoupçonnée, révélant toute la complexité réelle d’un mythe familial, d’un mythe national, porteurs de voiles bien plus épais qu’il n’y paraît. Il évite ainsi le risque du réquisitoire ou du plaidoyer, deux techniques bien trop réductrices, pour essayer de saisir et de comprendre :
Savoir, ne pas juger, comprendre. C’est à ça qu’on s’emploie nous, les écrivains.
La photo, pourtant nette et parlante, fait l’objet de retouches. Ce n’est pas un autre Manuel Mena qui apparaît, mais derrière le glaçage du papier, sous le vernis, nous percevons mieux ce regard, qui n’exprime plus le néant. Alors Javier Cercas se découvre aussi mieux. Il comprend finalement que l’histoire de nos ancêtres nous constitue comme nous constituons l’histoire de nos descendants. En cela le récit, non écrit, et pourtant existant de Manuel Mena est aussi un peu le nôtre. Il peut nous alléger du poids de la honte de notre passé, même ignoré.
Le monarque des ombres un roman de Javier Cercas. Éditions Actes Sud. Août 2018. 320 pages. 22,50€. ISBN : 978 2 330 10919 6.
Traduit de l’espagnol par : Aleksandar GRUJICIC, Karine LOUESDON.
Le week-end des 15 et 16 septembre 2018, profitez des Journées européennes du patrimoine pour explorer le patrimoine breton à l’aide de la carte interactive de la Région Bretagne « coups de cœur » de 50 sites, prolongez le plaisir jusqu’au 5 octobre grâce à une vingtaine de conférences et ateliers. Une programmation « spécial Bretagne » proposée par le Conseil régional.
Visite du chantier du château de Trévarez en restauration, balade à Saint-Briac à la pointe du pinceau d’Emile Bernard, découverte guidée du patrimoine de Plougastel ou Redon, exploration de la face cachée de la rue de Paris à Vitré derrière les maisons à pans de bois ou en pierre de taille… : durant deux jours, les Journées européennes du patrimoine offrent l’opportunité de découvrir les multiples facettes du patrimoine (maritime, religieux, sportif…) de Bretagne. De nombreux lieux, souvent fermés au public le reste de l’année, et une diversité d’animations invitent à l’exploration. Pour organiser votre escapade patrimoine, utilisez la carte «coups de cœur» des professionnels du service de l’Inventaire du patrimoine breton. Elle réunit à la fois une sélection de 50 sites en Bretagnerépartis sur tout le territoire régional et un cycle de 19 conférences animées par les chargé·e·s d’étude de la Région Bretagne et leurs partenaires jusqu’au 5 octobre 2018.
Une sélection du service de l’Inventaire pour l’édition 2018
La carte « coups de cœur» avec sites et conférences
Comment utiliser la carte ?
Zoomer sur la carte, cliquer sur les points de couleur pour consulter le programme de chaque site ou conférence, visualiser son itinéraire et surtout n’oubliez pas de partager l’information…
Un cycle de 19 conférences et ateliers 13 septembre au 5 octobre
Au-delà du week-end proposé au niveau européen, la Région Bretagne propose un cycle de conférences, causeries et ateliers en écho aux enquêtes d’Inventaire actuellement en cours. Elles portent sur des thèmes particuliers (patrimoine des sports, patrimoine maritime et littoral, patrimoine religieux), sur des territoires qui font l’objet d’inventaire participatifs actuellement (Treguier, le territoire du futur parc régional de Rance-Emeraude) ou encore sur l’actualité de la recherche en matière d’inventaire. Cette année s’ajoutent également des ateliers pour permettre aux bretons de se familiariser avec les outils numériques déployés par le Conseil Régional pour rendre accessibles les données produites lors des inventaires.
Pontivy (Morbihan), 13/09, conférence : Le lycée Joseph-Loth de Pontivy : enquête sur le patrimoine d’une lycée bicentenaire – Thierry Goyet, service de l’Inventaire du patrimoine – Région Bretagne.
Quimperlé (Finistère), 13/09, conférence : D’une rive à l’autre. Passages, bacs et passeurs dans le pays de Quimperlé. XVIIe-XIXe siècles, Pierre Martin – université Bretagne Sud.
Rennes (Ille-et-Vilaine), 13/09, conférence : Le patrimoine des sports, un nouveau champ d’études pour l’Inventaire du patrimoine – Philippe Bonnet, Service de l’Inventaire du patrimoine – Région Bretagne.
Treguier (Côtes d’Armor), 14/09, conférence : Le patrimoine religieux de Treguier – Judith Tanguy-Schröer et
Guillaume Lecuiller, service de l’Inventaire du patrimoine – Région Bretagne.
Chavagne(Ille-et-Vilaine), 14/09, conférence : Manoirs, retenues et villégiatures au fil de la Vilaine, les découvertes de l’Inventaire à Chavagne et au Rheu, Jean-Jacques Rioult, service de l’Inventaire du patrimoine – Région Bretagne.
Montertelot (Morbihan), 15/09 et 16/09, causerie : Des outils étonnants qui racontent la construction et l’entretien du canal, Mathilde Lancien – Région Bretagne
Tréguier (Côtes d’Armor), 15/09, conférence : Les chantiers navals paimpolais, Pierre-Yves Decosse – Association Océanide
Tréguier (Côtes d’Armor), 16/09, conférence : La pêche aux huîtres en rivière de Tréguier, Guy Prigent – Association Océanide
Chavagne (Ille et Vilaine), 16/09, atelier : Les ateliers de l’Inventaire : comment explorer/exploiter les bases de données de l’Inventaire ?, Stéphanie Bardel – Région Bretagne et Jeanne Renan-Marty – Rennes métropole
Rennes (Ille et Vilaine), 15/09 et 16/09, atelier : Les ateliers de l’Inventaire : comment explorer/exploiter les bases de données de l’Inventaire ?, Alain Jenouvrier, Eric Pautrel et Estelle Lancou – Région Bretagne
Plancoët (Côtes d’Armor), 23/09, causerie : En quête de Patrimoine à Plancoët, Murielle Nicol – COEUR Emeraude
Séné (Morbihan), 24/09, atelier : Les ateliers de l’Inventaire : comment explorer/exploiter les bases de données de l’Inventaire ?, Alain Jenouvier et Stéphanie Bardel – Région Bretagne
Rennes (Ille et Vilaine), 25/09, conférence : Le patrimoine des sports, Philippe Bonnet – Région Bretagne
Coatréven (Côtes d’Armor), 27/09, conférence : En quête de Patrimoine à Coatréven, Anais Tissier – Région Bretagne
Taden (Côtes d’Armor), 28/09, conférence : Images et histoires, Véronique ORAIN – Région Bretagne
St-Malo (Ille et Vilaine), 01/10 et 02/10, rencontre : Les rencontres internationales du patrimoine maritime et littoral : Réinventer et valoriser les héritages pour demain
St-Malo (Ille et Vilaine), 01/10 et 02/10, atelier : Les ateliers de l’Inventaire : comment explorer/exploiter les bases de données de l’Inventaire ?, Service de l’inventaire du patrimoine – Région Bretagne
Langoat (Côtes d’Armor), 05/10, causerie : Les fermes du Trégor, une architecture et une histoire à explorer, Judith Tanguy-Schröer – Région Bretagne
L’inventaire du patrimoine en Bretagne, pour quoi faire ?
Créé en 1964 à l’initiative d’André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, pour « recenser, étudier, faire connaître et créer une conscience artistique locale » autour du patrimoine régional, le service de l’Inventaire du patrimoine a été transféré aux Régions en 2004. Pour mener à bien ce recensement très précis sur le terrain en lien étroit avec les acteurs locaux, la Région Bretagne s’appuie sur une équipe d’une vingtaine d’historiens de l’architecture, chargés d’études, documentalistes, photographes, dessinateurs et techniciens qui sillonnent la région toute l’année pour inventorier un patrimoine parfois méconnu.
A Rennes, l’hôtel de Courcy s’ouvre à la visite
Aujourd’hui siège de l’assemblée du Conseil régional de Bretagne, l’hôtel de Courcy construit à Rennes entre 1826 et 1830 près du jardin du Thabor à Rennes ouvre chaque année ses portes au public durant les journées du patrimoine. Transformé sous la direction de l’architecte Jobbé-Duval en 1885 et entièrement rénové par le Conseil régional de Bretagne, qui l’acquiert en 1983 et y construit son hémicycle, il abrite en particulier un pavement de mosaïques du célèbre atelier Odorico. Des visites guidées y sont organisées chaque année durant les journées du patrimoine et le service de l’Inventaire présente à cette occasion son activité et ses moyens de diffusion (bases de données numériques, éditions…)
Entrée gratuite rue Martenot, à Rennes. Les 16 et 17 septembre de 10h à 17h.
Rennes 2030 ?Du 10 au 30 septembre, de nombreuses visites et promenades seront proposées gratuitement dans le cœur de ville de Rennes. L’objectif étant de sensibiliser les habitants et les commerçants aux changements prévus pour 2030. C’est le début d’une grande campagne de concertation.
Une carte en 3D est disponible sur le site pour comprendre les changements prévus.
La nouvelle gare sera livrée pour 2019 et le métro B pour 2020. D’ici là, anticipons déjà la suite.
C’est l’appel lancé ce jeudi 6 septembre par Nathalie Appéré, maire de Rennes. La livraison de la deuxième ligne offre de multiples possibilités dues à la réduction des bus. « On a les moyens de penser aux étapes futures et à la reconfiguration des circulations et des transports en commun ». Une ambition écologique, mais aussi politique en vue des municipales de 2020 :
On a l’opportunité de créer un cœur de ville écolo. C’est pour cela qu’il faut qu’on se projette pour 2030.
Le but est, entre autres, de rénover le patrimoine et de se mettre à jour sur certaines normes. « Des bâtisses des années 70 ne correspondent plus. Ça sera l’occasion de les moderniser », propose Nathalie Appéré. Si quelques idées sont déjà en projet, quelques incertitudes règnent encore chez les élus. C’est le cas par exemple du parking de La Vilaine. « Je ne sais absolument pas quoi faire de cet endroit », avoue Nathalie Appéré.
Nathalie Appéré devant le parking de La Vilaine
Pour avoir une idée, il va fermer le temps d’un week-end et de la réflexion. Le 29 et 30 septembre aura lieu une projection du film E.T sur le parking. Des activités sportives seront proposées comme du golf, de la musculation ou encore du yoga. Une boîte à jeux sera aussi mise à disposition.
Mais pour cela, il faut l’accord des habitants et des commerçants. Pour sensibiliser à la consultation, la ville a installé un grand belvédère place de la République accessible du 10 au 30 septembre, date des principales animations. L’occasion de prendre de la hauteur sur les ambitions des élus et observer Rennes autrement. Quatre balades seront présentées pour expliquer les changements voulus : le long de la Vilaine, parmi les jardins, mais également au cœur du centre historique. « Nos projets sont à état de maturité différente. C’est un moyen d’affirmer des orientations. Mais il ne faut pas pour autant se fermer à de nouvelles idées », précise Sébastien Sémeril, adjoint à l’urbanisme et au développement durable.
Alexis Mariani, directeur de l’aménagement urbain en haut du belvédère
Quatre tables rondes sont aussi proposées le 19, 25, 26 et 27 septembre respectivement à la Maison Internationale de Rennes, au Mabilay, à la chapelle de l’hôtel-Dieu et à l’auberge de jeunesse (canal Saint-Martin), toutes à 18h pour mieux comprendre les objectifs des changements. Une conférence sera donnée à l’université Rennes 1 le jeudi 20 septembre à 20h30 par Jean Viard sur l’adaptation et la cohabitation dans les villes face aux transformations. Journées du patrimoine obligent, de nombreuses visites seront enfin effectuées en thème avec Rennes 2030.
La place de la république est susceptible à des changements
Comme l’an passé, ce programme va servir à attirer un maximum d’habitants pour avoir une consultation globale. Y compris avec les commerçants, souvent oubliés dans ce genre de projet. « Ce sont les plus sensibles aux changements. C’est important de les avoir avec nous, car c’est un pôle que l’on veut écouter », insiste Marc Hervé délégué élu au commerce. Ce mois de septembre n’est qu’un point de départ à cette grande phase de concertation. Dès octobre, plusieurs cafés-débats urbains seront organisés afin de réunir toutes les propositions et en débattre. La restitution globale de ces idées pour 2030 aura lieu en mars 2019.
Alexis Mariani explique comment la place du Champ Jacquet ne sera plus utilisée par les bus.
Pratique : l’intégralité du programme est à retrouver sur rennes2030.fr. Réservation aux animations au 06.79.87.40.73.
Fracking et l’Amérique profonde : Middletown, Dakota du Nord. Année 2016, pendant la campagne électorale qui verra Donald Trump atteindre le fauteuil suprême du bureau ovale pour diriger la plus puissante démocratie du monde. Le Dakota, c’est le Midwest, un État particulièrement dur à tous points de vue. C’est d’ailleurs grâce à ou à cause de ces États du centre que Trump a été élu.
C’est là que François Roux a planté sa plume précise, passionnée, passionnante et le décor de son nouveau roman, Fracking (fraking en anglais c’est la fracturation), qui porte un titre à faire peur et les peurs sont justifiées tout au long de ce récit d’une puissance à « fracturer » tant le lecteur que les personnages qui forment cette histoire, que les paysages omniprésents, qu’une Amérique violente parce que justement, elle trouve ses fondements dans la violence et son essor dans une violence quasi constante. (La conquête de l’Ouest ne s’est pas réalisée dans la douceur…)
Deux familles, les Jenson et les Wilson rivalisent. Il y a ceux qui ont abandonné leurs terres durement acquises à de grands groupes pétroliers et vivent plus qu’aisément, il y a les autres qui se battent au quotidien avec leur bétail, leurs soucis et la pression du dollar, des lobbies. Il y a ceux qui mettent en avant leurs valeurs, il y a ceux pour qui l’or noir permet tout… jusqu’à l’indécence.
François Roux revient avec brio et une connaissance acquise sur le terrain – l’auteur a séjourné dans le Dakota et a rencontré nombre de personnes pour les besoins de son roman -, à propos de la fracturation hydraulique qui fait les beaux ou tristes jours de l’Amérique depuis une bonne dizaine d’années. En effet, celle-ci pourrait permettre aux Américains d’être autonomes énergiquement à compter de 2020 et de s’affranchir des diktats de l’OPEP. Et malgré tous les doutes qui émanent de mouvements écologiques, les candidats Clinton et Trump n’ont visiblement que faire des incidences de la fracturation sur la nature, l’environnement, la faune, la santé, le quotidien des personnes, les réserves sioux.
Les Sioux manifestent contre un projet d’Oléoduc souterrain.
Ce roman est aussi celui de toutes les « fractures », celles de la roche, celles des terres, celles des relations entre les uns les autres. Les rapports humains se tendent, se distendent, deviennent de plus en plus durs non sans rappeler l’époque du Far-West, du temps de la conquête des territoires, du temps où les protestants venus de la vieille Europe sacrifiaient les populations amérindiennes pour s’approprier leurs terres. La violence trouvait sa « légitimité » dans une sorte d’urgence, celle du business, celle de la réussite, celle du rêve qui se vendait à prix d’or, dans le sang et la sueur, dans le bruit et la fureur.
Au fil de l’histoire, plus on approche du 8 novembre 2016, plus les fracturations se multiplient. Le peuple américain excité tantôt par le clanClinton, tantôt par le clan Trumps’affronte. Les uns pensent que Trump ne pourrait être élu, ce serait trop surréaliste. Les autres pensent que Clinton ne pourra accéder à la fonction suprême, trop au-delà de la dure réalité quotidienne des laissés-pour-compte de cette Amérique du Midwest.
Observation, analyse, engagement, l’auteur s’intéresse toujours aux questions sociétales, aux grands chocs politiques, géopolitiques, qui confirment ou changent le visage des peuples, du présent, de l’avenir de l’Humain.
Au fil de la lecture, on fait ce constat : un des incontournables de la rentrée littéraire. Comme à son habitude François Roux nous entraîne, ne nous lâche pas et sa plume est si performante que Fracking se lit en une seule fois. Impossible de poser ce roman passionnant pendant trois heures.
Et cela entraîne à relire ses deux précédents bijoux, Le bonheur national brut (2014), Tout ce dont on rêvait (2017) aux Éditions Albin Michel.
Fracking un roman de François ROUX, Éditions Albin Michel, 270 pages. Parution : août 2018. 19,50 €.
La vidéo a fait le tour du monde. Un jacuzzi, une fille aux cheveux roses, un garçon et surtout un refrain imparablement addictif. En 2011, le morceau The Cigarette Duet installait la Néo-Zélandaise Princess Chelsea en orbite autour de la planète pop. Pas de plan marketing ni de stratégie promo, juste un énorme buzz. 40 millions de vues YouTube plus tard, alors que vient de sortir « The Loneliest Girl », son 3e album, elle démarre une tournée européenne qui passe par Paris, mercredi 12 septembre (Le Point Ephémère), puis Rennes (88 Live Club) jeudi 13. Elle sera sur scène avec son groupe, dont un certain Jonathan Bree à la guitare. Présent au festival de la Route du Rock à Saint-Malo, en août, il est aussi son producteur et le patron de leur maison de disques, Lil’Chief Records.
Xylophones, voix d’ange, synthés façon machine à rêver, rythmes hypnotiques, arrangements baroques : Chelsea Nikkel a construit un univers musical des plus singuliers. Une sorte de doll-pop avec des mélodies accrocheuses qu’auraient pu interpréter les Shangri-Las dans les années 60. Pianiste de formation classique, capable de jouer de la plupart des instruments, la jeune fille est bourrée de talents, à commencer par l’écriture de ses chansons : des ritournelles toutes plus entêtantes les unes que les autres. Extrait de son nouvel album, I love my boyfriend est de cette veine.
Princess Chelsea adore les images, les couleurs, les peluches et les fleurs. Sur ses pochettes de disque, vidéos, ou photos de presse, elle se met en scène, tantôt kitsch, parfois girly, souvent romantique. En concert, le public peut la découvrir dans une longue robe rouge oxyde à manche courte tombant sur des Dr Martens. Autour de sa taille, une guirlande multicolore contraste avec l’allure de maîtresse femme que lui confère son collier ras le cou en dentelle noire. Et que dire de ces petits squelettes en caoutchouc suspendus à ses claviers ou de ce tee-shirt noir à son nom avec une typo façon Hellfest au-dessus d’une tête de chat. La chanteuse d’Auckland aime jouer avec les contraires : ceux de ses textes, parfois sombres ou inquiets, parfois à l’eau de rose ; ceux des ambiances mélancoliques ou des instrumentations guillerettes. On est à peu près aussi dérouté par la liste qu’elle nous dresse de ses influences musicales : « Bruce Springsteen, que j’adore depuis cinq ans, Black Sabbath, The Beach Boys, Fugazzi, la country music, Mozart, Bach ou Fleetwood Mac ».
Princess Chelsea (photo : Bertrand Gobin)
On l’a rencontrée la veille de son concert à Londres, au tout début d’un marathon européen qui l’emmènera dans une douzaine de pays, des Pays-Bas à la Roumanie, de la Slovaquie à la Turquie. Pour elle, faire coïncider cette tournée sur le Vieux continent et la sortie de son album est presque naturel. « Mon public a toujours été majoritairement en Europe, reconnait-elle. Mais nous avons tout de même prévu des concerts en Nouvelle-Zélande ensuite. Ce sera un peu comme une victoire de rentrer à la maison après avoir fait le plein de confiance ici. C’est plus stressant de jouer devant sa famille et ses amis. Je suis assez timide et réservée : monter sur scène, jouer ce personnage est un peu effrayant, c’est toujours un véritable challenge sur les premières dates de la tournée. Mais c’est tellement gratifiant ».
Princess Chelsea est en concert à Rennes, 1988 Live Club, jeudi 13 septembre, 20h, 1ere partie : Des Roses (Nantes)
L’optimisation de la gestion des déchets engendre des questionnements dont l’importance ne cesse de croître dans notre société de consommation. Nous surproduisons, surconsommons. Puisque la biodiversité ne saurait digérer cette mauvaise gestion des déchets ruisselants, que faire de ces surplus de matières que notre mode de vie engendre ? La réponse en un article et un reportage vidéo.
Une méthode vieille comme l’agriculture semble faire son come-back en France et ailleurs : le compostage. Le compostage, c’est le recyclage des déchets organiques (de jardin ou de cuisine) en un tas qui, par procédé naturel, va se décomposer et se transformer en engrais. Peu poétique ? Et pourtant c’est la simple métamorphose de feuilles mortes en délicates roses, de vieilles épluchures en légumes frais, de coquilles vides en jeunes arbustes.
Revaloriser le déchet
Rendons aux déchets leurs lettres de noblesse ! Les qualités du compost sont multiples et son potentiel encore largement inexploité — bien qu’on le transforme déjà en biogaz en Rhénanie. Composter apparaît déjà nettement comme un moyen de réduire sensiblement le poids de nos poubelles. Chacun de nos concitoyens produit près de 50 kg/an de déchets de cuisine biodégradables. Le compostage permet de transformer 100 % de ces inconfortables résidus en un terreau fertile, aux vertus assainissantes et rendant les plantes plus résistantes qu’avec les méthodes « modernes ».
En termes de consommation, moins de déchets impliquent moins de sacs poubelles consommés, moins d’aller-retours à la déchetterie et une économie d’engrais, de terreau et d’eau pour le champ, pour le jardin ou pour le simple pot à la fenêtre. Que le déchet ne soit plus la fin d’un processus horizontal [production → consommation → déchet, fin.] mais le début d’un nouveau cycle [production → consommation → déchet → re-production, etc.], telle est la mission première du compost partagé.
Face au constat criant des bienfaits du compostage, certaines métropoles, dont celle de Rennes, se sont engagées à favoriser la mise en place de « composts partagés ». Plus qu’un outil environnemental, ces sites dédiés au réemploi des déchets sont également des créateurs de liens sociaux dans les voisinages. Rencontre en vidéo avec Jean Marc Fougeroux, agent de Rennes Métropole ; Marius de l’Association Vert le Jardin ; et Chloé, référente d’un site de compost partagé à Rennes.
Sur un modèle relativement similaire à celui du recyclage du verre, il est donc désormais possible (souhaitable ?) de recycler collectivement ses déchets verts à Rennes, dans des bacs mis en commun… à condition de le vouloir.
Chaque Rennais(e), en coopération avec son voisinage, peut effectuer une demande gratuite d’introduction d’un compost partagé près de chez lui, ou peut rejoindre les utilisateurs d’un compost public existant. Une carte interactive des sites déjà présents est en accès libre*.
Carte composteurs partagés Rennes Métropole
L’Autonomie e(s)t le référent
L’Autonomie est une valeur motrice de ce projet. Ainsi, un site nécessite un ou plusieurs référent(e)s. Le référent, citoyen lambda (vous, moi,…), prend volontairement le rôle de gardien d’un site de compost partagé et d’interlocuteur-médiateur auprès du voisinage (informations, conseils, etc.), en relation avec la métropole. Une formation gratuite peut être dispensée par Rennes Métropole à quiconque souhaite se faire référent en herbe, ou simple utilisateur d’un compost partagé.
Ce rôle d’implication volontaire dans la vie de quartier met en évidence certaines valeurs portées par ce système encore alternatif, en particulier le vivre-ensemble et la gestion collective. Faire les efforts ensemble, dans un but commun, éco-responsable, nécessaire, serait-ce un nouveau pas vers l’assagissement de notre mode de vie ? « Une logique, du bon sens » commente simplement Chloé, référente de site.
Contact : Rennes Métropole – Direction des déchets et des réseaux d’énergie
4 avenue Henri Fréville
35031 – Rennes
08 00 01 14 31 (nr gratuit)
dechets@rennesmetropole.fr
Demander un composteur individuel :Rennes Métropole met à disposition gratuitement des composteurs individuels en plastique de 300 l (un seul composteur gratuit par adresse). Ils sont réservés aux habitants vivant dans une maison ou possédant un rez-de-jardin privatif.
Les composteurs seront à récupérer sur les plateformes de végétaux de la Métropole, situées à Brécé, Clayes, Le Rheu, L’Hermitage, Saint-Sulpice-la-Forêt, Corps-Nuds et Saint-Erblon. Des distributions de composteurs sur inscription sont également proposées sur Rennes :
– Sur le parking de la piscine des Gayeulles
– Sur la parking de la maison du Ronceray
– Sur le parking Les Hautes Chalais
Retrouvez sur les lieux un agent avec un camion aux couleurs de Rennes Métropole. Une mini-formation sera dispensée sur place avec la remise d’un guide sur les pratiques de compostage.
* Il s’agit d’une carte créée par un regroupement inter-associatif, animée par la Mce et tous les citoyens. Elle répertorie, sur le Pays de Rennes et de Vitré et à l’aide d’icônes thématiques, des initiatives permettant de réduire notre empreinte écologique (c’est à dire la surface de Terre nécessaire à satisfaire nos besoins et à assimiler nos déchets). Les associations de la Maison de la consommation et de l’environnement ont développé ce site cartographique pour partager une conception et un devenir plus écologique de leur territoire en proposant de consommer « autrement ». Il s’appuie sur le projet Greenmap de New York ainsi que sur les logiciels libres.
Et si en cette pleine période de rentrée littéraire 2018, nous replongions dans celle de 2017 ? La sortie en format de poche, un an après, de nombreux romans, est l’occasion d’une séance de rattrapage, à moindre coût et moindre risque. Sélection subjective des dernières parutions en poche.
Commençons par LElivre des critiques littéraires, celui figurant sur toutes les listes des prix et qui est revenu bredouille : Souvenirs de la Marée basse de Chantal Thomas, avait fait l’objet de critiques dithyrambiques unanimes, mais n’a pas rencontré tous les lecteurs attendus malgré un succès fort honorable. Une ode à la natation, métaphore d’une liberté acquise racontée dans un récit très personnel qui vous séduira peut-être.
Le roman Les huit montagnes de Paolo Cognetti eut la chance quant à lui de voir les critiques favorables confirmées par le Prix Médicis étranger, un prix mérité pour ce récit où Bruno, enfant de la montagne, initie Pietro, enfant de la ville aux bonheurs des alpages, des forêts, de la nature. Vingt ans plus tard, les deux amis se retrouvent dans ce roman d’initiation et de transmission magnifique.
Autre roman étranger à ne pas manquer : À la mesure de l’Univers de Jon Kalman Stefansson qui confirme son talent avec ce cinquième roman traduit en Français, alors que sort ce mois-ci Asta. Une écriture prodigieuse, poétique et évocatrice, qui en racontant la vie de plusieurs générations de familles islandaises, transforme cette île en terre universelle. Une occasion immanquable de découvrir celui qui est en train de devenir l’un des plus grands auteurs contemporains.
Autre succès 2017 couronné par le prix Renaudot, La disparition de Josef Mengele d’Olivier Guez, un texte éprouvant, mais nécessaire narrant la cavale d’après guerre de ce tortionnaire nazi qui officia à Auschwitz. Protégé par Peron, s’enfuyant au Paraguay et au Brésil, cette fuite rocambolesque raconte aussi les méandres de la politique mise au service d’intérêts particuliers.
Moins connu et pourtant lui aussi primé, par le prestigieux Prix Pulitzer de la fiction Le Sympathisant de Viet Thanh Nguyen, raconte la vie de 1975 à 1980 d’un agent double vietnamien entre Saïgon et la Californie. L’ambiguïté règne dans cet univers qui n’est pas sans rappeler les romans de John Le Carré.
Sorti il y a quelques semaines en FolioTropique de la violence de Nathacha Appanah mérite aussi votre lecture. À Mayotte, où les enfants errent dans un climat de violence extrême, cinq vies vont se croiser pour décrire un destin poignant et inéluctable de jeunes mahorais. Un livre d’une efficacité redoutable et qui laisse longtemps un goût amer en bouche.
Peut-on parler de seconde chance pour La tresse de Laetitia Colombani qui obtint le Prix Relay des Voyageurs, mais surtout un succès populaire immense. Une reconnaissance multiple pour ce livre à l’écriture simple, mais juste, qui en mettant en parallèle trois destins de femme vivant en Inde, en Sicile et au Canada, tisse une ode à la liberté et à l’émancipation féminine. Un peu simpliste et prévisible, mais très efficace.
Le jour d’avant de Sorj Chalandon, un auteur aimé à Unidivers, vous plongera dans l’univers de la mine à Liévin en 1974, un roman bouleversant dont les dernières pages se liront comme un roman policier, dans cette chronique vengeresse d’une famille victime d’un coup de grisou.
Terminons enfin avec un roman un peu atypique de Olivia Elkaim, dont le titre dit tout, Je suis Jeanne Hébuterne, lorsque l’on sait que Jeanne est la dernière compagne de Modigliani, compagne qui le rejoindra dans la mort et dont l’auteure grâce à un style épuré, enflammé et envoûtant sait dire la passion.
Il vous reste maintenant à faire votre choix entre rentrée littéraire 2017 et rentrée 2018 en cherchant surtout à vous faire plaisir. Bonne lecture et belles découvertes.
Novateurs il y a quelques années, ils sont désormais ancrés dans le paysage : les bars gaming ou les bars e-sports (le concept est légèrement différent) fleurissent désormais à Rennes, d’ailleurs un petit nouveau, le Checkpoint bar, s’est récemment installé rue Legraverend. Nous avons fait un petit tour de ces lieux particuliers pour comprendre ce qui les distingue les uns des autres.
Souvenez-vous, il y a deux ans, nous nous étions intéressés au WarpZone. Ce bar gaming dédié aux jeux vidéos et aux jeux de société situé 92 Mail François Mitterrand. Depuis, il a bien grandi et n’est plus uniquement un simple bar. « Nous avons ouvert cinq magasins. Au début on voulait aider un ami qui a trouvé un coin à Caen. Mais depuis ça marche bien », explique Julien un des cogérants de ce qui est désormais une franchise de bar gaming. Les cinq commerces sont très différents les uns des autres : « À Vannes l’ambiance est très hard-rock, métal et cosplay. Ici à Rennes c’est beaucoup plus large étant donné la métropole ». Pour lui, rien n’a changé si ce n’est la crédibilité qu’il gagne auprès de ses fournisseurs. « Ça nous ouvre des portes pour des négociations. Quand on a ouvert ici à Rennes, on ne pensait pas que tout ça se ferait ». À Lannion (Côtes-d’Armor), un nouveau WarpZone, anciennement le Factory, vient justement de s’ouvrir. Thomas est satisfait de son lancement en juillet. « J’en retiens que du positif ! C’est une belle aventure qui commence et on est bien aidé ».
Les trois bars gaming rennais proposent aussi des soirées jeux de société
À l’exact opposé géographique du WarpZone se trouve le Meltdown. Ouvert en 2012 à Paris, il est l’un des premiers bars consacrés à la diffusion de l’e-sport. Depuis ce bar n’a pas que grandi. Il est devenu la franchise la plus développée d’Europe dans ce domaine. Celui de Rennes a ouvert il y a deux ans rue Jean Guéhenno. « On est désormais à l’international même avec trois bars au Québec », reprend Nicolas Aubry. Pour ce gérant du Meltdown, le bar gaming se gère surtout en fonction de sa communauté. « Nous proposons les mêmes jeux, les mêmes tournois, les mêmes consoles. Ce qui change c’est l’espace qu’il y a et l’ambiance que l’on propose dans chacun des bars ». Ce n’est nullement une question de franchise, malgré la taille de celle-ci : « C’est le bar qui gère son ambiance et non la franchise qui dirige ». D’ailleurs, il assure que « les 3/4 des gens qui viennent ne connaissent la marque que lorsqu’ils en voient d’autres dans d’autres villes ».
Photo Checkpoint Rennes
Aujourd’hui, malgré le succès grandissant du Meltdown et du WarpZone, les deux bars doivent faire avec de la concurrence. Le Checkpoint s’est installé le 19 juin après une campagne de crownfunding remportée avec succès. « On est très surpris du lancement. On a eu beaucoup plus de monde que nous le pensions et nous avons déjà nos habitués », s’étonne Alexandre nouveau gérant du bar. Lui et sa compagne ont mis du temps avant de se lancer. « Au départ on voulait faire un bar à bières. Mais finalement on a voulu allier notre passion des jeux vidéo pour finalement ouvrir un bar gaming ». Alexandre est bien conscient du boom de ses bars, mais aussi de la concurrence déjà installée. « Je pense que c’est le moment. Il y a une telle population à Rennes qu’il y a de la place pour trois bars. Dans 5/10 ans il y en aura de plus en plus et peut-être plus assez de possibilités pour tout le monde » avance-t-il.
Photo Checkpoint Rennes
Le Checkpoint se situe davantage dans la découverte des jeux vidéos sans oublier le brin de nostalgie ressentie pour chaque jeu rétro. Alexandre voulait un bar plus convivial et plus familial que les deux autres : « Quand nous accueillons des familles, c’est comme une victoire pour nous. Ce qui ne nous empêche pas d’organiser des tournois ».
Mais pour Nicolas, il n’est pas question de try hard, à savoir de la haute compétition dans des gros tournois. « Le problème avec le try hard c’est que les gens consomment moins. On reste un bar avant tout, car cela reste quand même beaucoup de financements ». Alors un nouveau bar gaming, bonne ou mauvaise idée ? « C’est super, car cela prouve qu’il y a une vraie communauté à Rennes et ça va faire parler de nous trois comme ça. Mais il n’en faudrait pas plus », explique le gérant du Meltdown.
Le WarpZone, se situe à mi-chemin ce try hard et la découverte. « On a des ordinateurs avec parfois de gros tournois, mais ça m’est arrivé aussi d’apprendre aux gens comment se servir d’un clavier », se souvient Julien. Il organise aussi des soirées années 80 par exemple pour ne pas oublier qu’initialement c’est un bar. Finalement dans ces lieux, chacun trouvera la manette adaptée à son type de jeu. « Plus il y a d’ouvertures mieux c’est. Ça fait plus de partenaires pour des parties », plaisante Julien.
Les bars gaming et e-sports à Rennes : le Warpzone, le Checkpoint Bar et le Meltdown.
Cela fait 9 ans qu’Oasis, l’un des groupes britanniques de rock les plus renommés, a été dissous suite à une énième et violente dispute entre les frères Gallagher. Depuis, le chanteur Liam a lancé son propre groupe Beady Eye avant de sortir, l’année dernière, son propre album solo As you were. De son côté, Noel Gallagher a formé son groupe les High Flying Birds. Le 3e album de cette formation, intitulé Who Built The Moon, est disponible depuis décembre 2017. Dans le cadre de leur tournée, ils ont fait escale le dimanche 26 août au festival du roi Arthur.
photo Patricia Holss sur Twitter
Cet été, les festivals ont mis en avant dans leur programmation certains groupes et artistes emblématiques de périodes appartenant certes au passé, mais dont les musiques réunissent encore les générations. On pense notamment à la participation de Depeche Mode aux Vieilles Charrues ou encore des membres du groupe IAM lors du festival du roi Arthur le samedi 25 août dernier. C’est lors de ce même festival, le 26 août à 20h15, que Noel Gallagher et son groupe les High Flying Birds ont ravi les nombreux spectateurs présents face à la scène Excalibur.
Photo : Nico M
Le concert a débuté par l’interprétation de quatre chansons des quatre premières chansons de son dernier album Who Built The Moon. La première d’entre elles, Fort Knox, à l’introduction lente et débutant sur des sonorités synthétiques, est construite autour d’une note faisant presque office de « bourdon » et donnant lieu à une répétition quasi hypnotique. Elle présente également une combinaison de sonorités aériennes de guitares saturées, associées à une rythmique forte. D’entrée de jeu, on remarque donc que l’ancien membre d’Oasis a fait le choix de développer une esthétique musicale réellement atypique, qui mêle de façon habile et pertinente des éléments tirés de plusieurs répertoires. Les plus énergiques, comme Holy Mountain et Keep On Reaching, sont ainsi construites autour de tempos effrénés ainsi que d’accords à la guitare électrique, répétés et parfois martelés, qui semblent tirés du rock garage et du punk. Cela n’a rien de vraiment étonnant, quand on sait que Noel Gallagher a nourri, durant son enfance, une passion sans bornes pour le groupe The Jam, porté alors par son chanteur et guitariste Paul Weller. Keep On Reaching fait également intervenir un jeu de cuivres qui jouent le rôle de ponctuation et qui peut rappeler, en un sens, celui qui prévalait dans les chansons de funk et de soul des années 60 et 70. Noel Gallagher a également réalisé sur cette chanson un appel et réponse avec ses choristes, procédé central dans le gospel et les esthétiques de la soul music.
https://www.youtube.com/watch?v=oTsbNohkxcA
Les morceaux interprétés ce jour-là par les High Flying Birdstranscriventdes ambiances contrastant les unes avec les autres et sont fondés sur des rythmes assez diversifiés. Ceux-ci sont effectivement très marqués, voire métronomiques, dans des chansons comme In The Heat of The Moment. Mais dans d’autres morceaux, ils sonnent comme plus effacés et ceci au profit des longues valeurs rythmiques, parfois planantes, des guitares saturées. C’est le cas, par exemple dans The Right Stuff, dont on retiendra également les remarquables envolées lyriques d’Audrey Gbaguidi, l’une des choristes. Ses intonations sonnaient alors comme de véritables incantations qui ont contribué à mettre en place une atmosphère de quasi-transe. Mentionnons également le rôle mélodique important du bassiste Jason Falkner dans cette chanson, de même que dans Holy Mountain.
photo Patricia Holss sur Twitter
La ligne artistique suivie par Noel Gallagher est ainsi claire. Elle affirme une volonté d’explorer des horizons esthétiques contrastés qui sont presque complémentaires les unes des autres. Mais pour autant, elle ne fait pas table rase d’un passé dont elle est, dans tous les cas, tributaire. Ainsi, les fans de la période Oasis n’ont pas été déçus et se sont vus offrir un florilège de chansons parmi les plus célèbres de l’ancienne formation des frères Gallagher. La première d’entre elles fut Little By Little, suivie de Whatever, titre incontournable dont le souvenir semblait encore vivace chez les spectateurs. Ces nouvelles interprétations de ces morceaux leur ont donné un second souffle : l’enfant de Manchester a rejoué tous ces tubes en les transcendant, le plus souvent en transposant les tonalités et en adoptant une instrumentation différente. Ainsi, après Half The World Away, interprétée dans une version légèrement plus dynamique que la version originale, il a attaqué le tant attendu Wonderwall, de façon très sensible et en y glissant de subtiles et délicieuses variations mélodiques.
https://www.youtube.com/watch?v=8HOmMLTYW7k
Dans ce set concocté par Noel Gallagher et son groupe, les références aux canons les plus efficaces du rock n’étaient jamais bien loin. Y transparaissait principalement l’influence des Beatles, l’une des inspirations les plus importantes dans l’éducation musicale de Noel Gallagher. En effet, les parcours harmoniques de certaines chansons sont proches de ceux exploités par les Fab Four. La chanson Dream On en est un bon exemple et comporte d’autres aspects qui évoquent les morceaux des Fab Four. Cette chanson, en l’occurrence, met notamment en avant un rythme syncopé accentué par le tambourin et des doublures assurées par les choristes qui évoqueraient presque le duo vocal Mc Cartney-Lennon. Le solo de trompette, à la fin de ce même titre, rappelle aussi, dans une certaine mesure, les parties de cuivres présents sur les enregistrements des Beatles à la période des albums Sergent Pepper et Magical Mystery Tour. On remarque, dans le même temps, que l’ancien compositeur d’Oasis partage avec Paul Mc Cartney et John Lennon une réelle inventivité mélodique. Il l’a néanmoins mise à profit de façon différente par rapport ses prédécesseurs et de façon plus manifeste sur le plan rythmique.
Photo Valentine Jube
On ne peut qu’être heureux de constater que contrairement à son frère Liam, Noel Gallagher ne vit pas dans le souvenir figé de l’époque Oasis, mais prend plutôt un certain plaisir à lui rendre hommage, à sa manière. C’est notamment ce que l’on peut ressentir dans son interprétation plutôt épurée et réellement émouvante de Don’t Look Back in Anger, pendant laquelle il s’est accompagné à la guitare acoustique. Il faut rappeler que cette chanson avait pris un sens tout particulier, lorsqu’elle fut reprise en chœur lors des hommages aux victimes des attentats de Manchester de mai 2017. On peut estimer, sans réserve, que ce fut le véritable climax de ce concert, tant il semble difficile de résister à la puissance émotionnelle intrinsèque de cette chanson. Visiblement, Noël Gallagher et les High Flying Birds avaient un message d’espérance et d’unité qu’ils ont réussi à transmettre aux spectateurs. Ces derniers n’ont pas manqué de leur témoigner leur reconnaissance par de vives acclamations. Les artistes ont finalement conclu leur concert sur une version très fidèle d’All You Need Is Love, hymne qui sonne comme un hommage aux véritables modèlesque furent les Beatles dans son parcours. Une prestation magistrale qui devrait rester longtemps dans les mémoires des festivaliers.
Culture Club pose ses caméras au bar La piste, mail Mitterrand de Rennes. L’émission Culture Club animée par Thibaut Boulais en compagnie de Ronan Le Mouhaër (pour la dernière fois, snif…) et Nicolas Roberti est tournée chaque mois dans un lieu emblématique de la Métropole de Rennes. TVR, Canal B et Unidivers – 3 regards culturels en 1 pour le même prix (gratuit). Culture Club, l’essayer c’est l’adopter !
Invités : Merwann Abboud-Wazir qui a passé 28 jours au comptoir du bar le Hibou. François Audrain pour son nouvel album « Accueil transit ». Catherine Leberre pour la saison 2018/2019 du Ponant à Pacé et puis L’opéra en plein air / La grosse entube / Oui / Rituel Festival…
Le 21 juin 2016 disparaissait dans les flammes l’église Notre-Dame-de-la-Merci, l’un des plus beaux patrimoines religieux du Trégor sis à Trémel. Deux ans plus tard, avant sa restauration, un beau livre paru aux Editions Locus Solus ressuscite déjà en images l’église édifiée au début du 16e siècle. Mêlant photographies prises lors de l’étude d’inventaire conduite en 2014 et clichés saisis après l’incendie, Trémel, Notre-Dame-de-la Merci propose une approche sensible et émouvante de ce joyau du patrimoine trégorrois.
Bien que protégée au titre des Monuments historiques et entretenue au cours de plusieurs chantiers de restauration récents, l’église de Trémel, et ses cinq siècles d’expression artistiques et de piété, était réduite en cendres il y a deux ans, rappelant, s’il en était besoin, toute la fragilité du patrimoine et l’importance de le protéger.
L’église Notre-Dame-de-la-Merci
L’église de Trémel est dédiée à Notre-Dame-de-la-Merci, patronne de l’Ordre des Mercédaires dont la mission depuis le 13e siècle était de racheter les chrétiens captifs des pirates maures.
En forme de croix latine, elle a été construite au début du16e siècle à l’initiative des seigneurs de Kermerzit et de Trébriant. Le maître d’œuvre de l’église, un certain Jean Guillou, serait intervenu entre 1500 et 1520, s’inspirant de la chapelle toute proche de Saint-Nicolas de Plufur réalisée par Philippe Beaumanoir.
Avec ses pierres de taille en granit gris et sa couverture en ardoise, l’église se caractérise par un chevet polygonal à trois pans, une haute tourclocher et quatre chapelles seigneuriales. Au 17e siècle sont ajoutés le porche et la sacristie. Enfin, en 1934 1935, Xavier de Langlais, membre des Seiz Breur (les Sept Frères en breton), réalise le chemin de croix.
En raison de son intérêt historique et architectural, l’église de Trémel est classée Monument historique en 1910.
Une approche du patrimoine renouvelée
Deux ans avant ce drame, en 2014, l’édifice avait fait l’objet d’une étude historique et d’une couverture photographique complète par les photographes du service régional de l’inventaire du patrimoine culturel. Quelques mois plus tard, en mars et en novembre 2017, ceux-ci retournaient à Trémel, au chevet du monument pour le regarder à nouveau et tenter de capter l’émotion suscitée par la catastrophe.
Trémel, Notre-Dame-de-la-Merci témoigne ainsi de l’effroyable réalité d’un incendie et de l’immense perte causée par ce sinistre.
Publié entre la destruction et la restauration de l’édifice, ce livre repose sur une entreprise originale, à mi-chemin entre la démarche documentaire et artistique. Le choix du média photographique met en avant ce nouvelle approche, plus sensible, du service de l’inventaire.
Faisant cohabiter les regards patrimoniaux, portés avant et après le sinistre (respectivement 22 et 34 clichés), l’ouvrage permet de saisir la richesse du monument avant qu’il ne soit détruit quasi intégralement. De courts textes et légendes viennent en appui des images.
Ce livre invite à renouveler les regards et les approches sur le patrimoine de cette église.Se détachant de l’objectivité et de son apport strictement documentaire habituel, la photographie assume dans cette publication sa part interprétative.
Une toute nouvelle collection d’ouvrages
Après la parution en juillet de Châteaulin, Histoire et Patrimoine, la Région poursuit le lancement des publications de sa nouvelle ligne éditoriale consacrée au patrimoine, avec la sortie de Trémel, NotreDame-de-la-Merci.
Cet ouvrage inaugure la collection « Images Patrimoine », qui propose de (re)découvrir le riche fonds iconographique (500 000 clichés)constitué par le service de l’Inventaire du patrimoine lors de ses enquêtes.
Un soutien à la restauration de l’église
Sur les 1 000 exemplaires imprimés du livre, 250 sont livrés à la commune de Trémel pour l’association de sauvegarde de l’église. Le montant de leur vente sera intégralement versé à la commune en vue de la restauration de l’édifice. Ce geste, symbolique, marque la volonté de la Région de mobiliser autour de ce futur chantier et surtout d’inciter acteurs locaux et habitants à s’approprier leur patrimoine.
Trémel, L’église Notre-Dame-de-la-Merci,
Photographies de Charlotte Barraud, Bernard Bègne et Délia Gaulin-Crespel. Enquête d’inventaire et recherches historiques menées par Guillaume Lécuillier. Textes de Guillaume Lécuillier et Elisabeth Loir-Mongazon. Septembre 2018, Éditions Locus Solus, 96 p., 12 €.
Avec le filmPremière Année, le réalisateur Thomas Lilti, médecin de formation, signe son troisième long-métrage sur le monde médical. Vincent Lacoste – déjà au casting d’Hippocrate (2014) – donne la réplique à William Lebghil dans cette nouvelle comédie dramatique. Coup de projecteur sur l’enfer de la première année en médecine ! Au cinéma dès le mercredi 12 septembre 2018.
« Je pense que ceux qui deviendront médecins se rapprochent plus du reptile que de l’être humain » Benjamin SITBON (William Lebghil)
À l’heure où une réforme gouvernementale pourrait supprimer le concours en fin de première année de médecine, Thomas Lilti replonge dans ses vieux démons et embarque par la même occasion le public avec lui dans le film Première année.
Pour rappel, 8 000 étudiants passeront seulement le cap de la première année de médecine alors qu’ils sont 60 000 à se présenter. La France compte actuellement 290 000 médecins, une grande partie de ces médecins arrivés au travail dans les années 70 partiront dans les 5 à 10 ans à venir (nous sommes actuellement en déficit croissance exponentielle, on parle de la France comme d’un « désert médical »). Si l’on maintient le numerus clausus (nombre fermé en latin), on accroît le déficit sur le territoire alors que la population vit de plus en plus longtemps, que les besoins en accompagnement ne font que grandir… Par ailleurs, les jeunes médecins qui arrivent sur le marché observent deux attitudes : ils ne s’installent pas en campagne ; ne souhaitent plus ouvrir de cabinets (trop de charges) et s’en vont vers les centres hospitaliers ; pour pallier la pénurie, la France fait venir des médecins de pays étrangers (l’Est, les pays du Maghreb, le Proche et Moyen-Orient, etc.)
Après Hippocrate (2014) et Médecin de campagne (2016), le film Première année suit le périple d’Antoine et Benjamin, deux jeunes étudiants rencontrés sur les bancs de la faculté de médecine. D’un échange anodin le jour de la rentrée naît une amitié dédiée aux révisions (et aux révisions) plutôt qu’à la fête, et ce jusqu’au jour fatidique : le concours de la Première Année commune aux Études de la Santé – plus communément appelée la PACES – celui qui permet d’accéder à la spécialité de son choix selon son classement. « Après avoir passé la PACES, j’aurais aimé qu’un film parle de ce que j’ai vécu pendant cette année », souligne le réalisateur Thomas Lilti lors de l’avant-première au cinéma Gaumont de Rennes.
D’un côté, Benjamin (William Lebghil), lycéen qui entre à l’Université Paris Descartes (Paris 5) un peu par hasard après l’obtention de son baccalauréat ; de l’autre, Antoine (Vincent Lacoste), étudiant en première année de médecine pour la troisième fois : l’innocence de la découverte contre la lourde expérience du concours.
« Il faut qu’on devienne des machines à répondre aux questions » Benjamin SITBON (William Lebghil)
Considérée littéralement comme une « boucherie pédagogique », la PACES semble un excellent moyen d’éliminer le surplus d’étudiants, toujours plus nombreux. Pour une personne extérieure, la dénomination peut paraître outrée, mais le public dans la salle – majoritairement des étudiants en médecine, pharmacie, dentaire ou encore sage-femme – est venu juger de la crédibilité et du réalisme du film de Thomas Lilti.
L’horreur de la PACES : Légende urbaine ou réalité ?
Les premières minutes du film Première année donnent le ton. Au vu de l’amphithéâtre bondé, le chahut de début d’année, l’équipe pédagogique déjà alarmiste et la montagne de polycopiés remis le premier jour, cette première année ne semble effectivement pas une partie de rigolade… et les deuxièmes années ne sont pas là pour rassurer les brebis égarées : « L’année scolaire commence en août en médecine […] vous êtes 2000 inscrits, seulement 300 seront admis. Tu t’attendais à quoi ? »
D’entrée de jeu, le personnage de Benjamin est plongé au cœur du problème et les inexpérimentés du milieu se reconnaîtront aisément dans l’innocence de cet étudiant un peu flemmard lâché au milieu d’une jungle de compétiteurs affamés dont il n’avait pas mesuré l’ampleur. « Mon personnage découvre cette première année de manière innocente. Comme lui, j’ai préféré apprendre au fur et à mesure ce que signifiait être étudiant en médecine – précise l’acteur William Lebghil, également présent à l’avant-première – lors du tournage, nous nous sommes rendu compte avec Vincent (Lacoste) combien la première année était violente et le concours impressionnant ».
Culpabilité de ne pas travailler, stress permanent, compétition nourrie par les candidats, mais également par les enseignants… Loin du stéréotype des étudiants débridés que l’on a coutume d’apercevoir au cinéma, le réalisateur propose de « montrer ce qu’est la réalité de la jeunesse quand elle se trouve sur les bancs de l’école, plutôt que la vision d’une jeunesse désœuvrée ». C’est un pari réussi ! Plus qu’une histoire de grosse galère, le film Première année est avant tout le récit d’une rencontre et des liens qui se créent à cette période de la vie, des liens qui boostent et poussent jusqu’au bout.
Des spécificités du cinéma français, Thomas Lilti a retenu l’importance du jeu d’acteur et le poids du psychologique, tout en conservant une simplicité de plans et cadrage appréciée. Sans vouloir faire passer un message dans chaque scène, le film Première année aborde des problématiques certes importantes, il n’en reste pas moins un film divertissant et ludique, pour toute la famille. Le réalisateur le dira lui-même : « Essayez de ne pas regarder le film que par le prisme de la médecine ». Un conseil avisé avant la projection !
Film Première année, Thomas Lilti, avec Vincent Lacoste et William Lebghil, Sortie au cinéma le mercredi 12 septembre 2018
Environ 400 étudiants venus des quatre coins du monde se sont rendus à la journée internationale desétudiants du Centre de Mobilité Internationale de Rennes (CMI Rennes). Beaucoup d’associations culturelles et d’administrations avaient également fait le déplacement jeudi 6 septembre 2018 afin de faciliter au mieux l’intégration desétudiants étrangers.
Les conseillers prêts à recevoir les groupes.
S’intégrer dans une nouvelle ville, ce n’est pas facile. Mais quand c’est un nouveau pays, tout est dépaysant. Pour faciliter l’intégration, le Centre de Mobilité Internationale (CMI Rennes), entouré des universités, du Crous et des associations culturelles, organisait ce jeudi 6 septembre la journée internationale des étudiants étrangers. Cette année, ils sont environ 10.000 à étudier à Rennes, venus de tous les coins du monde. « Comme chaque année l’objectif principal reste l’aide dans les démarches administratives toujours un peu compliquées », détaille la directrice du CMI, Sylvie Durfort. En effet, le stand de la CAF était le plus rempli cet après-midi. « C’est un moment d’échange. Les étudiants vont pouvoir reconnaître à qui s’adresser et quand ».
Le Crous, un stand lui aussi populaire. Pas mal d’étudiants en ont profité pour recharger leur carte pour les repas.
Beaucoup de visages perdus au milieu du hall. Mais ils sont rapidement pris en charge avant d’être redirigés vers plusieurs pôles. « Nous au CMI nous sommes avant tout là pour les démarches. Mais cet après-midi les services de transport de bus et de trains sont aussi là ». De nombreux plans et de tracts étaient distribués. Les sacs étaient garnis d’informations et de plans.
Esther, Sandra, Ishan et Robert ont 20 et 21 ans. Ils semblent perdus dans les couloirs du CMI : « On vient de Caroline du Nord de Greensboro. On vient apprendre le français », explique Esther, non sans quelques compréhensibles difficultés. « En général, les étudiants sont contents de l’accueil qui leur est réservé. Pas seulement de la structure, mais des Rennais en général », complète Sylvie Durfort. Il faut dire que tout a été mis en œuvre pour faciliter cet accueil. « Tout est centralisé ici. Même la préfecture. Un local a été ramené ici pour que les étudiants n’aient pas à se déplacer. C’est un guichet central », ajoute Sylvie.
Sur le parvis du CMI un melting-pot de cultures
Les universités ont grandement encouragé les étudiants à venir participer à cette journée qui s’est conclue par une soirée dîner offerte. « On nous a déjà très bien tout expliqué avant de venir. On est juste venu pour en apprendre plus sur la ville et s’orienter mieux », avoue Esther avant de monter avec son groupe d’ami dans le bus pour la visite guidée. Là, une visite du patrimoine rennais leur était proposée. Une façon de déjà se repérer pour la suite de l’année.
De gauche à droite : Esther, Sandra, Ishan et Robert. Tous les quatres viennent de Greensboro en Caroline du Nord.
L’occasion tombait bien pour le CMI afin de faire parler d’eux et des réductions sur les sorties culturelles qu’ils proposent à ses étudiants étrangers tout au long de l’année : théâtres, concerts, répétition de concert, visites guidées de la Bretagne…C’est sur l’offre culturelle que Sylvie Durfort et le CMI souhaitent faire mieux. Le centre organise aussi sa propre coupe du monde de foot, samedi le 6 octobre et sa coupe du monde de volley le 1er février.
Pratique : Tout le programme des animations, des sorties, des concerts et des tournois de sport se trouve sur le site du CMI.
Adaptés des livres du Quimpérois Yves Cotten, les trois courts-mheutrages « Le Quatuor à cornes » déboulent dans les salles françaises le 12 septembre 2018. Trois filmsanimés destinés à un public à partir de 4 ans, réalisés dans trois styles d’animation différents, qui mettent en scène une joyeuse bande de ruminantes. Le Quatuor à cornes est une coproduction franco-belge initiée par l’entreprise rennaise, constante productrice de qualité, Vivement Lundi ! Donc, vivement mercredi 12 !
Aglaé la pipelette, Rosine la tête en l’air, Clarisse la peureuse et Marguerite la coquette ne se contentent pas de regarder passer les trains. Ce petit troupeau de vaches vous entraine dans leurs aventures à travers ce programme de trois courts meuhtrages plein de tendresse.
Le concept qui a guidé la conception du programme : adapter trois des livres d’Yves Cotten en conservant les personnages et leurs caractères singuliers, mais en proposant à plusieurs réalisateurs d’imaginer des univers plastiques différents. Une manière de faire découvrir aux enfants (et aux plus grands) la diversité des styles possibles avec le cinéma d’animation.
– « La Clé des champs », dessin animé de 26 mn réalisé par Benjamin Botella et Arnaud Demuynck. Le Quatuor qui n’a jamais vu la mer est pris d’un désir de rivage… Ce film était en sélection officielle au Festival International du Film d’Animation d’Annecy en juin dernier ;
– « Dorothy la vagabonde ». Un drôle d’animal aux poils longs, aux cornes immenses et avec un drôle d’accent s’est endormi dans le champ du Quatuor…
Une adaptation de 8 mn 40 en marionnettes animées écrite et réalisée par Emmanuelle Gorgiard qui transpose le livre de Cotten dans un univers textile et chatoyant.
– « Aglaé la pipelette », dessin animé de 7 mn écrit et réalisée par Pascale Hecquet. Aglaé aime par dessus-tout faire la conversation à ses petites camarades. L’ennui, c’est qu’elle oublie de leur laisser la parole…
Le programme est complété par un making-of réalisé par Céline Dréan :
DANS LES SALLES
« Le Quatuor à cornes » sort nationalement le 12 septembre 2018. Il sortira notamment sur Paris (5 salles du réseau MK2), Nantes (Le Cinématographe), Rouen (Omnia République), Rennes (Arvor), Caen (Le Lux), Angers (Les 400 Coups), Brest (Les Studios), Saint-Nazaire, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Grenoble, Marseille, Montpellier…
« Le Cameroun, tel que nous le connaissons, a changé de forme plusieurs fois, a été indépendant en 1960 et en 1961. Mais tous ceux qui se sont battus pour une vraie indépendance ont été assassinés : notamment les chefs de l’UPC, Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, et le héros de ce roman, Empreintes de crabe, Ernest Ouandié. Le pays a ainsi connu une terrible guerre civile de 1960 à 1970. Ses dirigeants n’aiment pas ceux qui le leur rappellent. Contre la censure, les écrivains, les intellectuels ont inventé plusieurs systèmes d’écriture, dont l’écriture bangam, bamiléké donc, utilisée par certains personnages de ce roman. Ces écrivains, s’ils ne sont pas traités de fous, sont jetés en prison ou ont quitté le pays. ». Patrick NGANANG.
Quel roman ! Quelle histoire dans l’Histoire du Cameroun ! Quel voyage littéraire ! Patrick Ngagang nous entraîne dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest dans une période complexe et difficile, celle de la post-colonisation à savoir pendant la guerre civile qui ravagea Le Cameroun, pays qui borde le golfe de Guinée – tour à tour sous le joug de l’Allemagne et de la France avant son indépendance en 1960. À travers le prisme de personnages, ce qui en fait un roman choral, on assiste à la stratégie mise en place par des hommes forts du pays qui orchestrent les guerres ethniques, toujours en lien avec des puissances occidentales, et avant tout la France qui ne souhaitait pas perdre les intérêts économiques qu’elle possédait dans cette partie de l’Afrique.
Au programme, trahisons, mensonges, corruption, assassinats, sauvagerie… Tout y passe. Il faut s’accrocher et lire avec une carte auprès de soi, des notes que l’on peut trouver sur le Net. Mais c’est aussi un roman sur l’amour, sur la force qui unit les uns les autres même au cœur du pire, sur l’exil quand plus rien ne semble possible que la fuite ailleurs. Mais aussi cette formidable volonté de vivre et de donner du sens à une nation jeune et parfois malheureusement handicapée par son instabilité permanente. Instabilité menée de mains de maître bien entendu par des barons politiciens mafieux.
Douala est le port principal du Cameroun, estuaire du Wouri. Le Wouri remonte dans les terres entre fleuve classique et marigot. Marigot, là où aiment rôder les crocodiles qui guettent leurs proies et les attaquent au moment où elles s’y attendent le moins. C’est fatal. Les politiciens de cette époque sont-ils différents ? Pas vraiment, tels les crocos décrits, ils dévorent leurs proies, le peuple ! Et se dévorent entre eux !
Photo @KahWalla sur twitter
Empreintes de crabe, c’est également – sur un point plus géopolitique -, un regard pertinent et riche sur l’histoire de l’UPC (Union des populations du Cameroun), un parti politique clandestin, mouvement de libération nationale, de ses pères fondateurs, de ses membres influents, qui a eu pour but de résister à la force coloniale. A-t-il réussi ? Vaste programme pour désillusions certaines. (le crabe est le logo officiel de l’UPC)
Chronologie issue du site http://www.cl2p.org
Qu’en est-il depuis les années 70 ?
Longtemps restée en clandestinité, l’UPC refait officiellement surface en 1991 avec le retour au multipartisme au Cameroun. Différentes tendances du mouvement sont créées après son renouveau et tiennent des congrès, plus ou moins unitaires, en 1991, 1996, 1998, 2002, 2004 et 2007.
Depuis son retour sur la scène politique nationale, ce n’est qu’en 1997 que l’UPC présente officiellement un candidat à l’élection présidentielle, en la personne du professeur Henri Hogbe Nlend, sorti second derrière le président sortant Paul Biya, réélu. Une nouvelle tentative de candidature d’un membre de l’UPC, le Samuel Mack Kit est faite en 2004. Cette candidature est rejetée par la Cour Suprême, officiellement pour dossier de candidature incomplet.
Empreintes de crabe un roman de Patrick Ngagang. Éditions Jean-Claude Lattès. 520 pages. Parution : août 2018. 22,90 €.
Communiqué. Mercredi 5 septembre 2018, Emmanuel Couet, Président de Rennes Métropole, a présenté le nouveau projet culturel des Champs Libres de Rennes. Aux côtés de Corinne Poulain, la nouvelle directrice, il a défini la nouvelle ambition pour les Champs Libres, tout en réaffirmant l’équipement comme un lieu de débat et du partage des savoirs pour tous. Grande nouveauté : la création d’un Conseil d’établissement présidé par Cynthia Fleury.
Une ambition nouvelle pour les Champs Libres
Emmanuel Couet a salué la formidable réussite des Champs Libres, qui attirent chaque année plus de visiteurs et a rappelé combien cet équipement est l’expression de l’identité culturelle de la métropole.
Douze ans après son ouverture, les Champs Libres se dotent d’un nouveau projet qui fixe une ambition collective :
« En s’appuyant sur les forces à l’origine de l’établissement, il s’agit de structurer les missions autour de la production et de la diffusion de la connaissance, du partage des savoirs et de la mise en débat de notre société : créer ainsi du sens, des références qui puisent dans notre passé, dans les sciences, dans la recherche, le monde et les arts, pour envisager plus sereinement l’avenir ensemble. »
Ce projet s’articule autour de 4 grands axes :
Améliorer l’accessibilité des Champs Libres et innover dans la relation aux publics pour faire en sorte que les Champs Libres soient plus que jamais un espace public ouvert, accessible et accueillant ;
Renforcer le positionnement des Champs Libres comme centre de création et de production artistique, en définissant notamment un plan d’action numérique commun ;
Améliorer l’ancrage sur le territoire et tisser davantage de liens avec les acteurs culturels locaux, les écoles, les universités et les 43 communes de la métropole ;
Faire rayonner les Champs Libres, en s’appuyant sur la dynamique propre à chaque équipement pour rendre visibles au-delà du territoire métropolitain, tout ce qui fait la singularité des Champs Libres.
Emmanuel Couet, Cynthia Fleury, Corinne Poulain
Création d’un Conseil d’établissement, présidé par Cynthia Fleury
Innovation majeure, le nouveau projet culturel des Champs Libres voit la création d’un Conseil d’établissement dont l’enjeu est de fixer les grandes orientations des Champs Libres en renforçant notamment les synergies entre le musée de Bretagne, la bibliothèque et l’Espace des sciences et en développant des liens nouveaux autant avec les universités et l’enseignement supérieur qu’avec les structures culturelles et associations d’éducation populaire.
Rennes Métropole a proposé à Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, de présider ce Conseil, composé des présidents des conseils scientifiques du musée de Bretagne, de la bibliothèque et de l’Espace des sciences, ainsi que d’universitaires et de partenaires de l’équipement.
Les travaux de Cynthia Fleury, autour de l’individu et de la démocratie, s’inscrivent parfaitement en résonnance avec les aspirations du territoire. Figure intellectuelle reconnue, elle incarne une approche humaniste dans le rapport aux savoirs.
A propos de Cynthia Fleury
Cynthia Fleury, Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, titulaire de la Chaire « Humanités et Santé », est également professeur associée à l’École des Mines (PSL/Mines-Paristech). Sa recherche porte sur les outils de la régulation démocratique. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Dialoguer avec l’Orient (PUF, 2003), Les pathologies de la démocratie (Fayard, 2005 ; Livre de poche 2009) et La fin du courage (Fayard, 2010 ; Livre de poche, 2011), Les irremplaçables (Gallimard, 2015).
Cynthia Fleury – photo C. Hélie Gallimard
Elle a longtemps enseigné à l’École Polytechnique et à Sciences Po (Paris). Elle a été présidente de l’ONG Europanova, organisatrice des États Généraux de l’Europe (plus grand rassemblement de la société civile européenne), dont elle assure aujourd’hui la fonction de vice-présidente. Elle est le plus jeune membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Elle est également membre fondateur du réseau européen des femmes philosophes de l’Unesco. En tant que psychanalyste, elle est marraine d’ICCARRE (protocole d’intermittence du traitement du Sida) et membre de la cellule d’urgence médico-psychologique du SAMU (CUMP-Necker). En 2016, elle a fondé la Chaire de Philosophie à l’Hôpital (Hôtel-Dieu Paris). Elle dirige désormais de la Chaire de Philosophie à l’Hôpital Sainte-Anne (GHT Neurosciences et Psychiatrie).
Chiffres clés
En 2017, les Champs Libres ont accueilli près de 1,14 millions de visiteurs, parmi lesquels:
653.000 entrées à la bibliothèque
275.000 visites des espaces d’exposition et de médiation (dont 62.000 visites scolaires) >172.000 visites pour l’Espace des sciences, 1er centre de culture scientifique et technique en région > 65.800 visites pour le musée de Bretagne >38.000 visites pour l’espace Anita Conti
37.000 visiteurs en salle de conférences pour 149 évènements organisés
Du haut de ses 21 ans, Hoshi, de son vrai nom Mathilde Gerner, bénéficie déjà d’un début de carrière plus que prometteur. Originaire de Saint-Quentin-en-Yvelines, elle a commencé le chant et la guitare dès ses 14 ans puis a développé un style musical singulier et une vocalité fiévreuse qui a vite retenu l’attention. Après son EP Comment je vais faire, paru en 2017 sous le label Jo & Co, elle a sorti en mars dernier son premier album Il suffit d’y croire. Sa tournée actuelle est dernièrement passée par le festival du roi Arthur, le 26 août sur la scène Excalibur.
À l’instar de son équivalent carhaisien des Vieilles Charrues, le festival du roi Arthur a programmé des grands noms de la musique populaire internationale. Bien sûr, la journée de dimanche, succédant au triomphe des Marseillais d’IAM, a été marquée par la venue de Noël Gallagher, désigné comme tête d’affiche de cette année. Dans cette sélection figuraient également des artistes, certes récemment émergés,mais dont les talents sont certains. Parmi eux, la jeune chanteuse Hoshi qui a ouvert cette dernière journée à 16h05, en présentant ses chansons au public de Bréal-Sous-Montfort.
Photo: Yann Orhan
Les thématiques de ses textes ont trait à des passions liées à des expériences de vies douloureuses et qui, pour la plupart, s’avèrent autobiographiques. Elles transcrivent autant ses incertitudes et ses déceptions (Comment je vais faire) qu’elles ne relatent les évènements traumatisants de sa vie (par exemple Manège à trois, inspiré de la séparation de ses parents). Mais ces passions tristes sont néanmoins associées à des instants solaires que la jeune artiste souhaitait introduire dans son esthétique. C’est notamment ce qui définit la chanson Comment je vais faire, dans laquelle Hoshi exprime son envie d’aller de l’avant et de profiter de l’instant présent pour sortir de ses angoisses. Il s’agit donc, selon elle, d’une musique « sombre, mais avec des lueurs d’espoir ». D’un point de vue musical, on perçoit en grande partie ces éclaircies non seulement à travers les rythmes dynamiques sur lesquelles certaines chansons sont construites, mais surtout les accords majeurs qui se détachent dans les parcours harmoniques de la plupart d’entre elles, presque exclusivement en tonalité mineure.
Son esthétique musicale mêle donc des moments d’intense mélancolie (les tonalités mineures sont là pour le rappeler) à des moments d’entrain et une rage de vivre traduite par les tempos effrénés de nombre de ses chansons. Ce sont ces mêmes sentiments mêlés que reflète son esthétique vocale éraillée et impulsive, au phrasé souvent entrecoupé et parfois précipité. Ces aspects la rapprochent d’artistes comme Jacques Brel, sa première influence, ainsi que de Cali. En parallèle, ses diverses références musicales englobent, outre le grand Jacques, le répertoire de Patti Smith ou encore les chansons de Nirvana, portées par la voix écorchée de Kurt Cobain. Mais même avec ce caractère hétéroclite, ces influences semblent converger en un point commun : l’expression à fleur de peau d’une urgence qui anime ces artistes et qui semble également la caractériser. Si sa voix a bien évolué depuis ses débuts et dispose déjà d’une forte personnalité, l’acquisition progressive d’une fluidité supplémentaire devrait probablement lui profiter. Mais il est vrai que dans le champ de la variété française, dans lequel on a souvent l’habitude de timbres lisses ou quasi opératiques, elle a le grand mérite d’exploiter un timbre grave réellement expressif qui manque parfois (hormis des exceptions notables comme Zaz et Cali). De fait, elle devrait ravir les adeptes de timbres fébriles et rocailleux.
Photo: North Sébastien Live Photography
Dans l’écriture de ses paroles, on peut remarquer un maniement plutôt habile des figures de style et une prédilection pour les assonances et les allitérations, ainsi que le calembour et la métaphore. C’est ce qu’on remarque, par exemple, à travers les titres et les paroles des chansons Parking sonne et Ma merveille. Ces éléments confèrent alors une certaine dimension poétique à ses chansons. Mais elle a également démontré qu’elle savait s’adapter à des rythmes et des instrumentations diverses. Dans la chanson Comment je vais faire, on ressent un impact de la variété et de la pop française actuelle. Par moments, le rythme de sa vocalité s’apparente également à celles des musiques dites urbaines. Il faut rappeler qu’elle a coécrit cette chanson avec la chanteuse Alma, qui, l’année dernière, a représenté la France à l’Eurovision. De même, la composition de ce titre est signée Nazim Khaled, à qui l’on doit notamment la chanson Ça va, ça va pour Claudio Capéo.
La concentration de l’instrumentation autour du combo guitare/basse/batterie/claviers a offert un certain minimalisme qu’on peut préférer aux arrangements studio parfois un peu plus fournis de Tristan Salvati. Il faut dire qu’elle a pu compter, lors de ce concert, sur des musiciens fidèles et polyvalents qui s’adaptaient également à plusieurs styles instrumentaux : la chanson Une femme à la mer, construite autour de la rythmique assurée par le batteur Virgile Carlsson, présente vers la fin un solo du claviériste Dominique Sablier qui semblait inspiré par les rythmes décalés de la salsa cubaine. Mais dans la chanson Je pense à toi, son style pianistique, plus mélodique dans son approche, rappelle davantage celui de musiciens comme Alain Lanty (qui a notamment accompagné Renaud dans Mistral gagnant et Grand Corps Malade dans 4 saisons). De façon différente, dans la chanson Ma merveille, les musiciens ont adopté une esthétique proche de la « neo soul » et du R’n’B des années 90. La ligne de basse assurée par Alexandre Mompart semblait ici inspirée du funk de par son caractère soliste affirmé. Dans le même temps, la rythmicité de la voix scandée d’Hoshi peut évoquer celle caractéristique de Selah Sue, autre interprète et guitariste passionnée.
Le succès rapide qu’a connu son univers musical auprès du grand public a attiré de nombreux spectateurs à la scène Excalibur. Vers la fin du concert, elle s’est absentée momentanément de la scène, laissant à ses musiciens le soin d’introduire la célèbre Ta marinière pour conclure le set. Articulée autour d’une rythmique plutôt disco pop (avec sa cymbale charleston omniprésente), elle a déchaîné les spectateurs. Une partie d’entre eux arboraient d’ailleurs le fameux vêtement, signe probable que l’univers musical d’Hoshi les a déjà conquis. De fait, elle a été véritablement acclamée par les festivaliers. Parfois, « il suffit d’y croire ».
Dans le cadre de sa tournée, Hoshi passera le 12 octobre au centre culturel Les Arcs de Queven (56) et le 22 novembre au Centre Culturel Juliette Drouet de Fougères (35).
A Douarnenez, Stéphanie Stein lance un projet culturel et artistique intitulé La Maison des Lumières. Après avoir été le berceau du Port-Musée de Douarnenez et le foyer de la revue maritime La Chasse-Marée pendant 40 ans, l’Abri du Marin du port Rosmeur et la Conserverie Chancerelle sont depuis le mois de juillet 2018 les propriétés de Stéphanie Stein et Didier Gourvennec Ogor. En attendant l’ouverture prévue à Noël 2018, tour d’horizon de la requalification en lieu artistique d’un héritage patrimonial en suspens…
La ville aux trois ports semble être le cœur névralgique des préoccupations artistiques et culturelles de Stéphanie Stein. « Il y a des endroits magiques qui parlent d’eux-mêmes et inspirent tout le monde, Douarnenez en fait partie. C’est la raison pour laquelle je me suis tournée vers ce lieu. Au départ, le projet ne concernait que la conserverie Chancerelle et non l’Abri du Marin, mais quand j’ai découvert cet endroit…»
Créé sur le port du Rosmeur par Jacques de Thézac en 1912, l’atmosphère qui baignait ce bâtiment (classé Monument historique depuis 2007) et Douarnenez en général a contaminé Stéphanie Stein depuis son enfance. Après la création avec le collectionneur Christophe Guillot en 2016 d’Ars Ultima, un fonds de dotation dédié à la création artistique, son attachement à la ville l’a conduite à acquérir au mois du juillet dernier l’Abri du Marin et la plus ancienne usine de sardines de la ville.
Fière de ce nouveau (gros) bébé culturel, Stéphanie Stein est enthousiaste à l’idée d’échanger sur son projet. « La Maison des Lumières est un cocktail. Nous souhaitons rassembler des publics extrêmement variés autour de projets artistiques ambitieux sans pour autant qu’ils soient effrayants ou impressionnants pour un visiteur non averti ». Après la signature officielle début juillet 2018 et un réaménagement intérieur éclair, la nouvelle identité de la bâtisse rose, reconnaissable entre toutes, a été dévoilée durant le festival marin Temps Fête du 25 au 29 juillet dernier. Dans la foulée, le compromis de vente est signé pour la conserverie Chancerelle – avec une superficie de 6 000 m² – et complète ce qui deviendra « la maison des Lumières, la maison de Douarnenistes, la maison des artistes ».
Plage reconstituée, buvette, crêpes, musiques et expositions… La maison au style a repris les airs festifs qui l’animaient déjà au début du XXe siècle et s’est transformée en Lanterne du Marin. L’exposition-pop Rendez-nous les Lumières a rassemblé 4 000 visiteurs, un aperçu alléchant du programme censé débuter à Noël.
Imprimante 3D et dessin sur tablettes, expositions immersives et interactives, réalité virtuelle et mapping vidéo (et ses quelques milliers de m²), Stéphanie Stein et Didier Gourvennec Ogor tenteront d’offrir un art numérique de qualité au plus grand nombre dans un lieu accessible et convivial. « L’idée : la création d’un lieu de vie où nous avons plaisir à être – explique Stéphanie Stein – une maison qui doit rassembler les familles et non un endroit où le public a peur d’aller parce qu’il n’est pas sûr de ce qu’il y trouvera. La beauté de Douarnenez et de ses ports s’épanouira avec le médium qui est la rencontre des lumières, que sont les artistes, avec le soutien des Douarnenistes qui lui donneront un supplément d’âme. »
Avec comme parrainage et référence principale l’Atelier des Lumières de Paris, les espaces sont dédiés à des installations et expositions immersives offrant aux visiteurs d’être actifs. « Il y aura également de la musique live presque tous les soirs comme dans les anciens bars d’hôtels chics où un pianiste jouait, sa cigarette à la bouche ou posée dans un cendrier sur son piano. À Douarnenez, un nombre incalculable de bons musiciens vivent dans la ville. Nous allons les inviter à occuper ce lieu et à en faire leurs maisons ».
La Maison des Lumières semble suivre les pas de son créateur : « Les marins n’étaient pas seulement parqués, ils pouvaient se restaurer et dormir, mais de ce lieu émergeait aussi une activité débordante. Sur les photographies, on peut voir des tableaux sur tous les murs. C’était un lieu de vie au sens noble du terme ». La vision de Jacques Thézac n’est pas prête de tomber dans l’oubli avec Stéphanie Stein et Didier GourvennecOgor.
Véritable entreprise culturelle en devenir, la question de céder au domaine privé deux entités patrimoniales de Douarnenez ne semble toutefois pas faire l’unanimité. En désaccord avec un projet culturel au cachet pourtant douarneniste, des contradicteurs aux caractères bien trempés ont attaqué Stéphanie Stein via leur page Facebook, un affichage sauvage et des tags très violents. Certains sont persuadés que l’avocate ne cherche qu’à racheter à bon prix des friches patrimoniales afin de les réhabiliter et opérer une culbute financière à leur revente ou leur location. « À l’heure actuelle, les attaques sont orientées vers la personne et nous condamnons ces actes anonymes, violents et extrêmes – clame l’adjointe à la Culture et à la Communication de Douarnenez, Marie-Noëlle Plénier – Je trouve regrettable que l’on attaque un projet global qui n’a pas encore été présenté dans son ensemble… ».
« …Stéphanie Stein porte un projet de nature à développer l’activité de Douarnenez avec le réinvestissement de friches patrimoniales que nous nous réjouissons de voir revivre. Je conseillerais un appel au calme, laissons-les travailler et voyons ce qu’elle a à proposer ». En réponse à ces attaques, Stéphanie Stein et Didier Gourvennec Ogor proposent une réunion publique au mois de septembre (la date n’a pas encore été arrêtée) afin de présenter en détail le projet aux Douarnenistes. De quoi mettre en lumière les bienfaits attendus de cette maison…
Quel meilleur moyen de reprendre ses occupations favorites que de retrouver le chemin de sa librairie BD préférée ? Petit tour des rayonnages réapprovisionnés pour vous en ce mois de septembre.
Même si la rentrée BD atteint les sommets au mois d’octobre et novembre, les éditeurs n’hésitent plus à avancer leur parution, à l’image de la rentrée littéraire, dès le mois de septembre. Ce mois-ci une tendance lourde se confirme : les romans graphiques, ces ouvrages que Art Spiegelman, auteur de l’incontournable Maus, qualifiait de « BD avec un marque-page », occupent une large part des catalogues de rentrée.
Dans cette catégorie, on attend avec impatience la sortie du livre de Pierre-Henry Gomont, Malaterre (1). L’auteur nous avait séduits avec son remarquable Péreira prétend. Il revient cette fois-ci avec un récit d’inspiration autobiographique qui raconte les errances et les manipulations alcoolisées d’un père rêveur d’une Afrique équatoriale fantasmée et pointent probablement des souvenirs et des expériences personnelles dans ses planches qui confirment le talent graphique incontestable du dessinateur, maître des courbes et des volutes.
À Unidivers, on est fidèle en admiration et on revoit avec plaisir le retour de la dernière BD de Catherine Meurisse qui nous avait enchantés avec La légèreté. Cette fois-ci la dessinatrice de Charlie Hebdo se penche sur son enfance campagnarde. Le dessin léger et faussement naïf de Les Grands Espaces (2) accompagne à la perfection la découverte d’un monde d’adultes où l’on explique que la nostalgie est « un truc de vieux ». Alors album nostalgique certainement, mais pour tous les lecteurs, vieux et… jeunes, tant la poésie de Catherine Meurisse s’adresse à tous.
Autres retrouvailles, celles de Clément Oubrerie et de Julie Birmant dont la série Pablo avait obtenu un grand succès mérité. Les deux auteurs changent ici de registre avec Renée Stone. Meurtre en Abyssinie (3) qui marque leur entrée dans le domaine du polar. Cette BD est annoncée comme l’arrivée d’une « Miss Marple, jeune, belle et intrépide », chargée d’élucider le meurtre du père d’un archéologue. Voyage en Éthiopie et aux confins de l’Irak pour une série naissante qui devrait faire parcours au lecteur le monde entier. Les pages, presque monochrome du début, mettent en exergue l’extraordinaire talent d’Oubrerie pour dessiner les visages féminins.
Changeons d’éditeur avec Futuropolis, une autre maison qui met en valeur ces fameux graphic novels. Avec Eldorado (4), nous partons au début du XXe siècle « entre les deux Amériques ». Marcello participe à la construction d’un canal en Amérique Centrale. Sa correspondance amoureuse destinée à son épouse est interceptée par la femme de l’ingénieur en chef. Une superbe histoire d’amour marquée par la folie et des paysages exceptionnels. Fresque sociale, cette BD est une des belles surprises de la rentrée.
Immersion totale dans le monde musical avec la parution simultanée chez Casterman de deux BD intimement liées puisque du même auteur, le talentueux Reinhard Kleist, elles racontent, avec la force du dessin noir et blanc, le destin du rocker Nick Cave (5) dont le portrait de couverture révèle à merveille le caractère impétueux et délirant et de l’homme en noir, Johnny Cash (6). Deux albums complémentaires pour deux artistes aux personnalités autodestructrices que le dessin superbe de l’auteur magnifie. Après Castro ou Le Boxeur, Reinhard Kleist s’impose comme un incontournable créateur dans cette superbe collection Écritures de chez Casterman.
Sans « aucun pathos » nous est-il promis, Une vie comme un été (7) retrace la vie de Gerda Wendt, célèbre astrophysicienne alternant entre ses derniers jours en maison de retraite et les grandes étapes de sa vie : petite fille brillante à l’école, jeune femme passionnée de sciences devant faire un choix entre sa carrière et sa vie de couple. Un dessin placé sous le signe de l’infiniment grand et empreint d’une prometteuse vision poétique.
Parfois les nouveautés sont de simples rééditions d’ouvrages épuisés ou à qui les éditeurs souhaitent donner une nouvelle chance. À ce titre deux titres ont retenu notre attention. On ne présente plus Philippe Squarzoni, auteur engagé, dont le célèbre Saison brune le fit connaître du grand public. Avec Torture Blanche (8), il raconte avec son acuité habituelle sa participation à la 41e mission de Protection du Peuple palestinien. Il dit la vie du peuple palestinien dans les territoires occupés et les mouvements pacifistes israéliens. Un ouvrage engagé, édité une première fois en 2012, qui appellera cette fois encore un large débat passionné.
Ce n’est pas toi que j’attendais (9) nous avait emballés lors de sa sortie initiale. Ce récit d’un père qui devient papa d’un enfant pas tout à fait comme un autre, est formidable d’humanité, de tendresse, et d’honnêteté. Fabien Toulmé, dont le dessin nous rappelle celui de Riad Sattouf, n’hésite pas à nous faire part de ses angoisses, de ses refus et nous livre un récit bouleversant et attachant. Une nouvelle occasion de découvrir cette BD importante.
Un peu de légèreté avec Mozart à Paris (10) de Frantz Duchazeau racontant l’arrivée à Paris en 1778 de Amadeus qui tente de gagner sa vie en donnant des leçons de piano et cherche à faire jouer sa propre musique. Mais le génie et la spontanéité de l’ex-enfant prodige lui attirent de nombreuses inimitiés que ni son talent unique ni son humour n’atténueront… bien au contraire. Un dessin et une thématique qui rappellent le Voltaire de Clément Oubrerie paru en 2017. Une référence de qualité.
On ne peut terminer cette revue sans ignorer la parution du Chemisier (11) par l’un de nos plus grands auteurs de BD français : Bastien Vivès. Un nouveau destin de femme, Séverine, qui se voit prêter un chemisier qui va changer sa perception des autres et du monde. Une parution qui fait figure désormais d’évènement dans le monde de la BD, tant l’univers de Vivès est devenu incontournable.
Vus êtes parés maintenant pour retrouver les vicissitudes… et les joies d’une reprise en douceur. Bonnes lectures et bonnes découvertes. Chez votre libraire préféré.
Les livres de Marc Pautrel sont des rencontres. En 2017, il nous a emmenés dans l’univers du peintre Chardin. Un an avant, c’est à Blaise Pascal que l’écrivain s’est attaché, dans les jeunes années de sa vie, dans la genèse de sa pensée scientifique et dans sa relation au monde, avant son illumination divine du 23 novembre 1654. Un texte sobre, prenant et magnifique sorti de la plume d’un écrivain original et (trop) discret.
Blaise Pascal a été éduqué par un père qui lui a appris à lire, à écrire, à comprendre le grec et le latin, laissant l’enfant découvrir seul le monde de la géométrie, du calcul et des nombres. Le père, lui-même mathématicien fervent, sait en effet « combien la science mathématique peut consumer la vie ». La mère de Blaise, délaissée par les passions scientifiques d’Étienne, son mari, mourra de solitude, dit-on, laissant dans le chagrin un époux qui se sentira coupable et un fils orphelin définitivement malheureux.
Gassendi grand théologien, prévost de l’église de Digne, et professeur royal de mathématiques et philosophie, gravé par Guillaume Vallet (Musée Gassendi, 904.2.30)
Le père est un ami de Gassendi, Fermat, Roberval, autant de savants esprits qu’il rencontre régulièrement et avec qui il discute passionnément. Un père qui admire aussi son fils, dont il perçoit qu’un jour il aura le génie de changer le monde.
Le fils accompagne le père dans ces échanges de haute volée. Blaise observe, écoute, retient. Un jour, Étienne, le père, ne peut participer à l’une de ces discussions. Avec son autorisation, le fils s’y rend et, libéré de la présence et du poids paternels, prend pour la première fois la parole. Au tableau noir, le tout jeune garçon explique à la docte assemblée, médusée, la fausseté de la démonstration qu’il vient d’entendre : « L’enfant a parlé et le monde a basculé, comme une porte secrète qui après qu’on a manipulé un levier dissimulé, se découpe dans le mur et ouvre à l’intérieur de la maison, une insoupçonnable et immense cavité, une grotte, un caveau, un monde caché sous le monde et si vaste que c’est le monde d’avant qui soudain n’est plus que la petite niche dans un recoin du nouvel univers. L’enfant de treize ans a enseigné les maîtres, il leur a signifié qui était leur Dieu ».
La vie du jeune Blaise Pascal se passera à découvrir, comprendre, expliquer. Une vie de fulgurances et de lumières. Une vie fragile aussi, une vie dans « un corps en lambeaux » qui le fera souffrir chaque jour que Dieu fait, et dont il oublie les faiblesses dès qu’il se met à penser, calculer, démontrer : « Quand il explique, quand il répond aux questions, retourne les objections, court dans le grand labyrinthe dont il semble soudain l’auteur, il sourit. Il rit. Il est heureux au milieu de formules, il semble évoluer parmi ses amis les chiffres, les schémas, les lettres, les figures, triangles, rectangles, cercles, ellipses. On dirait que c’est Blaise qui donne naissance à ces êtres abstraits, qu’il crée seul les mathématiques ».
Le jeune Blaise sera inventeur, créateur de la première machine à calculer pour aider son père, « commissaire de la Taille », autrement dit collecteur d’impôts. Il sera aussi découvreur. Dans une expérience de physique appliquée au sommet du puy de Dôme, il démontrera ce qu’est la pression atmosphérique. Il sera mathématicien de génie en posant les bases du calcul des probabilités pour comprendre et théoriser le hasard. Pour Blaise, tout s’explique « dans l’apparent désordre du monde » et rien ne doit lui échapper. Peu à peu, « il connaît tout sur tout […]. Les réponses s’additionnent, le brouillard se dissipe […]. Il se prouve sans cesse qu’il accumule du pouvoir sur le monde, qu’il peut devenir un demi-dieu ».
Dieu, précisément, va bientôt être « son nouveau défi ». Et son nouveau ciel. Un grave accident de carrosse sur un pont de la Seine, bien près de lui coûter la vie, sera le moment décisif qui le bouleversera. Gravement atteint, il sortira d’un coma de deux semaines : « Il n’y avait plus que la mort qu’il ne connaissait pas et à présent il l’a effleurée ». Alors « sa vie commence à lui échapper […], un brasier délicieux envahira son être ». Ce sera le prélude à l’illumination mystique, sa fameuse nuit de feu et de conversion de 1654, où il jettera sur le parchemin les mots du Mémorial, fulgurants, extatiques, dans l’élan de la parole biblique et la lumière de Dieu : « Pascal écrit, il note à grande vitesse ce qu’il a vécu, les versets de la Bible, Feu, la langue vivante, le fleuve des mots français, éternellement en joie pour un jour d’exercice sur la terre, il n’y a rien d’autre à ajouter. Il a commencé ces lignes par la date du jour, l’an de grâce 1654, lundi 23 novembre. Il termine par le seul mot qui lui vienne à l’esprit pour dire Fin : Amen ».
Une jeunesse s’achève, s’ouvre une autre vie…
Une jeunesse de Blaise Pascal, janvier 2016, 96 pages, 12 €
Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard
96 pages, 12 €
Janvier 2016
ISBN 9782070177837
Prix Henri de Régnier de l’Académie française 2016
« Il regarde la grande roue tourner et donner un sens à l’eau, il a la bizarre sensation qu’il est lui-même devenu à la fois la roue et l’eau, comme le fruit d’une inéluctable union, il est en même temps l’artisan et l’outil. Parce que ses questions sont immenses et que toujours il voudra découvrir le lieu où vont se cacher les morts, ses découvertes elles aussi sont devenues immenses. »
Le Dessin sans fin d’Elly Oldman – de son vrai nom Loona – s’échappe de son compte Instagram où il était chaudement installé depuis 2 ans. À 28 ans, l’illustratrice rennaise lance une cagnotte Ulule afin de financer La grande Histoire du Dessin sans fin, fresque interactive de 2,5 m sur 5 m présentée en 2019. Présentation d’un projet très graphique soutenu par Unidivers.
Elly Oldman
La petite histoire du Dessin sans fin
Qui aurait cru que l’illustratrice à l’initiative du projet The infinite Drawing– Le dessin sans fin en français – ne dessinait que depuis deux ans ?
Sujette à une violente crise d’épilepsie en été 2016, Elly Oldman – actuellement serveuse à Rennes dans un bar place Sainte-Anne – se retrouve désensibilisée du côté gauche. Elle perd par la même occasion la capacité d’écrire et de s’exprimer correctement. Devant l’incurie des médecins, l’illustratrice entame elle-même une rééducation : tracer des lignes droites sans qu’elles se touchent afin de réapprendre à écrire.
Un accident suivit par une autre sur son lieu de travail, une entorse à la cheville. Résultat : elle se retrouve alitée pendant six mois chez elle. Sombre année pour Loona qui va néanmoins mettre ce temps de claustration à profit et se lancer dans une aventure artistique singulière.
Plutôt que de tracer des traits droits sans saveurs, Elly Oldman commence à dessiner. « Je me suis rapidement prise au jeu, dessiner du figuratif était beaucoup plus marrant. J’ai passé cinq à six mois à dessiner tous les jours. Une vraie révélation » expique-t-elle.
Une fresque de 14m de long (pour le moment…)
« Je n’arrivais pas toujours à finir les dessins que je commençais. Je n’avais pas envie non plus de leur donner un sens spécial »
Pour faire suite à une publication d’un compte Instagram qu’elle suit, l’idée émerge dans son cerveau bientôt en surchauffe. La machine du Dessin sans fin se met rapidement en marche. Pourquoi ne pas publier un dessin au fur et à mesure de sa création ? « L’idée était de dessiner ce que je voulais, quand je voulais sans rendre de compte à personne. C’est un dessin sans fin, la logique n’a pas d’importance »
Sur la base d’un carré de 21 cm pour chaque dessin, le dessin sans fin d’Elly Oldman s’inspire de la pop culture, mais ne raconte pas d’histoires. Selon ses envies et ses humeurs, les personnages prennent vie et grandissent avec l’encre numérique de sa tablette graphique. « Un robot un peu niais, deux copines dessinées pour leur anniversaire, des fringues, des éléments de films, Aretha Franklin… Je me rappelle de la raison pour laquelle j’ai dessiné chaque élément. Quand un tiers le regarde, il voit des histoires auxquelles je n’aurais pas pensé, c’est ce qui rend ce travail intéressant ». Les personnages se construisent parfois au fil des mois et entraînent les abonnés dans un vrai jeu de piste. « Comme le dessin sans fin se construit de haut en bas, il est possible de découvrir la deuxième moitié d’un rhinocéros par exemple plusieurs semaines après le dessin de la première partie »
En bons aventuriers, ses 17 000 followers (et autres) peuvent analyser les multiples lignes aujourd’hui publiées sur le compte @TheInfiniteDrawing et découvrir ce qui se dissimule derrière chaque publication.« Si je dessine pendant dix ans, on pourra voir le Dessin sans fin comme un journal intime un peu stupide de ce qui a pu se passer dans ma tête ou dans ma vie ces dernières années ». Du haut de ses 14 mètres de long le Dessin sans fin ne semble donc pas au bout de sa vie.
Le nouveau projet : La Grande Histoire du dessin sans fin !
« Le dessin sans fin n’est pas exposable en l’état, il a donc fallu chercher une alternative ». Sur les conseils de différents proches, Elly Oldman se lance dans la création d’une nouvelle fresque de 2,50 mètres de haut sur 5 mètres de large qui inclura un jeu de piste en réalité augmentée *. Cette dernière devrait ensuite être greffée au Dessin sans fin.
« Dans ce nouveau projet, j’avais envie de créer quelque chose avec du sens, qu’il soit cohérent avec le collectif Rive Rennes monté avec une amie afin de lutter contre les incivilités quotidiennes à Rennes ». Avec des petites actions comme ramasser des mégots ou organiser des concerts pour soutenir le planning familial, Rive Rennes essaie de sensibiliser les habitants aux petites (ou grosses) impolitesses qui, de premier abord, ne choquent personne (allez savoir pourquoi…), mais qui montre l’irrespect de nombre de personnes. « Quand je bosse au bar, il m’arrive de me faire insulter par des gars sans raison. Certains jettent leur kebab ou leur verre par terre… »
« Quitte à réaliser une fresque vue par des enfants autant qu’elle soit pédagogique. Sans être moralisatrice je veux juste dire ce qui me paraît logique : Respecte les gens et respecte ta planète »
L’histoire :
Il était une fois dans un monde parallèle, un homme un peu bête (comme vous et moi, au final) qui ne prenait plus soin de son marécage, ce qui entraîna une catastrophe écologique. Il décide alors de boucher les trous et envoie des émissaires dans les cinq autres mondes à la recherche de personnes à enfermer dans des bocaux dans le but de reboucher son marécage.
Plus loin, dans notre monde… Une petite fille et son robot jouent dans le jardin de la maison quand un bocal tombe du ciel – tout droit sur la tête du robot. À l’intérieur, une chèvre en costume trois pièces avec un livre à la main. L’animal raconte son histoire aux deux personnages principaux : depuis plusieurs années, elle est enfermée dans ce bocal afin de boucher un des trous du marécage d’un monde voisin. Offusquée, la petite fille va tenter de résoudre le problème afin de sauver sa planète…
Dans une esthétique identique à celle du dessin sans fin, chaque monde sera identifiable dans la fresque en fonction d’attributs spécifiques. La Réalité Augmentée va transporter le visiteur dans une quête pour la sauvegarde des mondes. Dans chaque monde, un problème devra être résolu, la rapprochant de plus en plus du problème number one qui met à mal les autres univers : la fuite du marécage.
« Cette fresque est pour moi le reflet de la vraie vie. Les personnages critiquent les actions du roi sans se dire « pourquoi pas l’aider ». Ils sont égoïstes et veulent régler leurs problèmes en premier lieu alors que résoudre le souci principal aiderait tout l’ensemble des monde. C’est un peu ma vision de la vie ». Gentille et innocente, la petite fille va venir en aide à chaque planète avant de demander qu’elle est leur excuse à présent pour ne pas aider le roi et trouver une solution au problème principal. Un peu de mystère quant à la fin de l’histoire…
Le message est simple. « Faites attention aux autres, à votre environnement. Essayez de rire un peu plus et tout se passera mieux. C’est un leitmotiv que j’applique tous les jours ».
La campagne Ulule : Pas de budget, pas de projet !
Si l’argent poussait sur les arbres, la création artistique de qualité n’aurait plus à s’en faire, mais ce n’est malheureusement pas le cas… Afin de réaliser La Grande histoire du dessin sans fin, Elly Oldman a lancé depuis maintenant quelques semaines un appel aux financements via le site Ulule.
« La cagnotte permettra au projet de base d’être lancé. J’irais ensuite voir la ville de Rennes afin de savoir à quelles subventions je peux prétendre »
Jusqu’au 30 novembre, l’illustratrice (et Unidivers !) invite les internautes à soutenir le projet. « La cagnotte atteint pour l’instant 2 600€, mais ça paie seulement les divers taxes et frais auxquelles je dois faire face. Si elle ne dépasse pas ce montant, je serai obligée de l’annuler ».
Jean-Michel Delacomptée est un universitaire dix-septiémiste qui nous a offert de brillants essais sur Saint-Simon, Bossuet, ou Madame de Lafayette. Après avoir écrit sur ces grandes figures de notre histoire littéraire, il a fini par écrire aussi sur lui-même. D’une simple et ancienne photographie familiale, retrouvée par hasard, il a écrit un récit magnifique d’émotion sur sa jeunesse et la figure de ses parents, de son père en particulier. Un très beau récit de la mémoireet de la transmission.
La première page du livre s’ouvre sur une photo. Nous sommes dans les années 50. Un père et son fils marchent sur un trottoir de la capitale. L’homme, tête légèrement inclinée, semble écouter avec attention son fils qu’il tient par la main, un garçon souriant, à la mise et coiffure impeccables de l’écolier modèle, qui tourne le regard vers son père. L’enfant sur cette photo, retrouvée par hasard, c’est Jean-Michel Delacomptée quand il avait six ans.
Une photo oubliée, comme toutes celles que ce fils, sa vie durant, a négligé de conserver, préférant à la précision des clichés la mémoire, ténue et fragile, des lieux, des scènes et des visages. « Pour se perpétuer en leur grâce, les souvenirs doivent rester tremblants […], en filigrane de la vie ».
Cette photo, c’est la petite madeleine de Jean-Michel. Elle va faire resurgir « l’inexprimable bonheur de l’enfance », les tendres figures de son père et de sa mère. Et les images de sa prime jeunesse et de la maison familiale dans une ville de la banlieue parisienne désignée dans ce livre sous la seule initiale de « S. ». Sarcelles, peut-être, mais peu importe. Une ville qui, il y a quelques décennies encore, « rassemblaient quelques quartiers environnés de fermes ».
Ce père fut bienveillant, se souvient Jean-Michel Delacomptée, mais strict sur la discipline, redoutant que la paresse et le relâchement, qu’il abhorrait par-dessus tout, ne gagnent irrémédiablement l’esprit de son jeune fils. La maman, plus indulgente, cédait aisément au pardon des fautes de l’enfant.
Des parents que rien ne semblait devoir rapprocher, sauf une bonté et une mansuétude communes à tous deux : un père maladif et solitaire quand il était tout jeune, reclus très longtemps dans l’humble maison parentale d’un bourg à l’écart, en Picardie, et une mère née d’une famille aisée, marquée par l’antisémitisme nazi, grandie au cœur de Paris, loin de la modeste banlieue où elle a fini par rejoindre celui qui est devenu son mari. Et qui a passé là « quarante ans de déplaisir de ne pas vivre ailleurs ».
Cet homme que Jean-Michel n’a guère écouté ou entendu quand il était sous son aile, ce n’est que longtemps après sa disparition, dans ce retour vers l’enfance, et cette forme d’examen de conscience, qu’il prit la juste mesure de ce que fut pour lui la fermeté autant que la bonté de ce père plein d’attentions : « C’est aujourd’hui seulement que je perçois la tendresse qui soutenait l’éducation affable et rigoureuse dont il vantait les bienfaits, désireux de me consolider face aux aléas de l’existence en trempant mon caractère, tout en essayant de faire de moi un honnête homme ».
Jean-Michel Delacomptée
Le fils a passé ses années de jeunesse à l’ombre d’un père qui démarchait les libraires –c’était sa profession-, et contribuait ainsi à lui transmettre le goût des mots et des livres. Ses toutes premières lectures furent banalement celles des enfants de son âge, illustrées d’images de « Tintin » ou des « Pieds nickelés ». Plus tard, le roman et la poésie prirent toute leur place dans sa vie. Ne serait-ce que pour séduire les jeunes filles ! Et l’une d’entre elles en particulier, sensible elle aussi à la musique des vers et du verbe que les deux enfants, camarades de classe, adoraient se réciter mutuellement. Nerval l’aura marqué : « J’ai rêvé de l’amour dans « Sylvie ». Nous héritons des livres dont la lecture en notre jeunesse a exercé sur nous son empire. On devient pour une part ce qu’ils ont imprimé en nous. Ils nourrissent les attentes, les émois qui naissent d’une rencontre. Que la littérature vienne à disparaître, nos songes crieront famine. Et l’on apprend à aimer comme on apprend à lire : dans les livres, tôt, parmi d’autres enfants. ».
« Ecrire pour quelqu’un » est l’histoire d’un homme de plume qui a grandi au milieu des ouvrages de la bibliothèque familiale. Et ce livre, célébration d’une enfance, est aussi célébration de la littérature. La chaleur et l’intelligence des parents ont bien aidé le jeune Jean-Michel à se nourrir des lectures que sa mère lui conseillait « comme autant de caresses qu’elle nous auraient données », ou qu’il trouvait dans les volumes qu’il dérobait à la vigilance de son père chargé de les présenter aux libraires ! « J’ai l’impression d’avoir, dans mon enfance, tapissé de livres mon esprit. Et le sentiment, depuis, d’écrire aussi pour eux ».
Jean-Michel Delacomptée, devenu essayiste et romancier, a trouvé la matière de ses ouvrages chez les grands auteurs de notre littérature. Modestement, il n’avait encore rien écrit sur lui-même. Aujourd’hui, le souvenir de son père est venu le visiter, pourrait-on dire à la manière de Modiano (qui parlait ainsi de la figure de Friedo Lampe dans « Dora Bruder »), et une photo exhumée lui aura suffi pour refaire le parcours de sa vie. « Si je n’avais pas retrouvé la photo où je marche auprès de mon père, peut-être ne serais-je pas revenu vers lui, ni vers ma mère, ni vers personne ».
« On n’écrit pas pour soi, mais pour les autres, écrit Jean-Michel Delacomptée. Pour les morts qui subsistent en nous, et pour les vivants qui nous lisent. […] Les livres alors, comme le font les poèmes, dressent des tombeaux. Ils ne recouvrent pas de marbre les morts, ils les revêtent d’une douce ferveur. Ce sont des urnes à portée de mains qu’il nous suffit d’ouvrir, où nous plongeons nos souvenirs, et dont les cendres sont les mots ».
Ultimes phrases d’un livre, admirablement écrit, de la mémoire et de la transmission.
Osez respirer le parfum des Sirènes de Gisèle Pineau… Par ses frasques et ses manières dévergondées, Séréna avait agacé la curiosité des jeunes garçons à qui elle offrait parfois de humer ses cheveux aux fragrances d’eau marine. Des années plus tard, dans les yeux de leurs femmes, ils étaient devenus ces types roublards et lubriques. Des maris et des pères de famille inconséquents. Ils avaient aimé la Sirène avec passion. Non seulement pour son esprit libre, son grain de folie et ses chansons mais, surtout, pour ce qu’elle incarnait et qui les attirait sans cesse vers elle comme un aimant…
Tout commence par une tragédie. Le 14 juillet 1980, la belle Séréna, jeune Créole aux formes sensuelles, est retrouvée morte chez elle dans une mare de sang. Son fils, Gabriel, deux ans, git à ses pieds…
Avec le temps, l’enfant recueilli par sa tante grandit comme il peut. Surprotégé parce que traumatisé. Surprotégé parce que dans certaines familles – ici en Guadeloupe -, on pourrait avoir tendance à entourer d’un amour presque étouffant, un gamin qui a vécu le pire. Si le pire n’était pas à venir.
Mais qui a tué ou comment est morte Séréna ? Qui était réellement celle qu’on surnommait La Sirène – à cause de son prénom, mais aussi de son charme envoûtant – était un phénomène : les hommes l’admiraient, les femmes la jalousaient ? Il faudra patienter longtemps avant d’émettre quelques hypothèses, sillonner entre les entrelacs d’une intrigue bien dissimulée pour tenter de comprendre comment s’est déroulé le drame. Et accepter de suivre le projet littéraire de Gisèle Pineau et s’immiscer dans les histoires imbriquées des familles de l’île.
On dit que les secrets – même les mieux gardés – finissent toujours par être révélés. Peut-être parce que cela est nécessaire. Peut-être parce qu’ils servent les intérêts de quelques-uns. Peut-être parce qu’un secret est finalement fait pour être révélé un jour ou l’autre même s’il a traversé plusieurs générations.
Dans ce roman choral, Gisèle Pineau, nous peint avec brio le destin d’une femme bien singulière, tout en s’appliquant au récit d’une saga familiale pas comme les autres. Avec une plume très visuelle autant que sensitive, tel le peintre devant sa toile, elle nous entraîne dans un monde riche en couleurs, en odeurs et parfums, faisant appel à tous nos sens parmi les héliotropes blancs, jasmins de bois, figuiers et autres frangipaniers.
28 juin 1635 : la Guadeloupe devient une colonie française
C’est aussi une plongée dans une Guadeloupe qui – si elle sait se montrer autant festive que mélancolique -, n’en finit pas de tenter de se redresser de son époque coloniale, celle où les Blancs rappelaient sans cesse leur suprématie sur le peuple noir arraché à son Afrique natale.
Le parfum des sirènes, Gisèle Pineau, Éditions Mercure de France – 245 pages, 18,80 €. Parution prévisionnelle : 30 août 2018
A venir : 5 septembre 2018 : Librairie Gallimard, Paris, 7e.
19 heures : soirée de lancement du Parfum des sirènes. Rencontre et dédicaces.
BIOGRAPHIE
Née à Paris en 1956 de parents guadeloupéens, Gisèle Pineau a vécu sa jeunesse loin de sa terre d’origine. Son père, militaire de carrière, s’engage dans les Forces françaises libres et combat pour la France envahie par l’armée allemande, après avoir répondu à l’appel du 18 juin 1940. Pour Gisèle Pineau, la France est le pays de l’exil. Le racisme et l’intolérance subis chaque jour nourriront plus tard son œuvre. En 1975, elle s’inscrit à l’Université de Nanterre où elle suit un cursus de Lettres modernes, qu’elle abandonnera pour une carrière d’infirmière en psychiatrie. Elle se marie, et repart en Guadeloupe, où elle exercera cette profession au centre hospitalier de Saint Claude, pendant près de vingt ans.
Avec son premier roman, La Grande drive des esprits, paru en 1993 aux Editions du Serpent à plumes, Gisèle Pineau impose son style et son regard sur la condition des femmes antillaises, dont elle dit la souffrance, les violences et les espoirs secrets. Elle se distingue comme premier écrivain féminin à obtenir le prix Carbet de la Caraïbe pour ce roman et reçoit également en 1994 le Grand Prix des lectrices de Elle. Nouvelle voix au sein de la jeune génération d’écrivains d’outre-mer, aux côtés de Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant et Ernest Pépin, son talent se confirme avec la parution aux éditions Stock de L’Espérance-macadam (1995), L’Exil selon Julia (1996), et L’Âme prêtée aux oiseaux (1998).
Elle est aussi l’auteur avec Marie Abraham, de Femmes des Antilles, traces et voix, cinquante ans après l’abolition de l’esclavage, un essai sur la condition sociale des femmes antillaises dans l’histoire.
Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, Gisèle Pineau est également membre du jury du prix Tropique et du Prix du Livre insulaire d’Ouessant, dont elle a assuré la présidence en 1999.
Elle a reçu le Prix des Hémisphères-Chantal Lapicque 2002 pour son roman Chair Piment. Ce prix couronne un livre qui participe au rayonnement de l’usage de la langue française à travers le monde.
C’est en 2016, dans le café rennais du Chat Bavard, que fut fondée la Sugar Family, suite aux sessions réalisées par les musiciennes et interprètes Leïla Chevrollier-Aïssaoui et Léna Rongione. L’arrivée progressive de Matthieu Grimm à la guitare et de Victor Denancé au violon fiddle leur a permis de mettre en place un collectif soudé. Leur EP, sorti en 2016, devrait bientôt être suivi d’un futur premier album qui intègrera de nouvelles compositions. Leur dernière tournée avait débuté le 16 juin à l’occasion de la fête de la musique à Thorigné-Fouillard et s’est achevée samedi 25 août à Bréal-Sous-Montfort, au village du festival du roi Arthur.
Photo: Mouna Saboni
Cette année, le festival du roi Arthur, qui a attiré 33 000 spectateurs, a bénéficié d’une programmation caractérisée par l’éclectisme. Cet aspect s’est manifesté tant sur le site même du festival que dans sa partie village, où divers groupes ont réalisé des performances toutes aussi réussies les unes que les autres. Il en a été ainsi du concert donné par la Sugar Family, le samedi 25 août à 12h30, scène Viviane.
Cette formation rennaise réunit cinq musiciens passionnés, autour d’un ensemble d’esthétiques musicales réunies sous le terme d’ « old time music ». Il s’agit du plus ancien répertoire américain qui nous soit parvenu après les musiques amérindiennes et dont les musiques country sont issues. Ces esthétiques, aux multiples influences (notamment britanniques, celtiques et afro-américaines) nous semblent très familières mais elles restent finalement encore assez méconnues. Par ailleurs, le nom même de la Sugar Family fait explicitement référence aux groupes familiaux de la country américaine, en particulier le plus populaire, la Carter Family. Parmi les reprises qui constituaient leur répertoire, trois d’entre elles étaient des chansons folk popularisées par les Carter : Bury Me In The Weeping Willow,Keep On The Sunny Sideet Can Be The Circle Unbroken, une adaptation d’un hymne chrétien de 1908. Mais s’il est bien connu que la famille, c’est sacré, nous savons tous également que le cercle des amis l’est aussi et de façon toute aussi importante. De fait, la Sugar Family est porté par cinq musiciens rennais qui se sont associés il y a maintenant deux ans : Leïla Chevrollier Aïssaoui (chanteuse du groupe Leïla & The Koalas) au chant et au banjo-uke, Victor Denancé au violon fiddle et à la guitare, Léna Rongione (également moitié du groupe IO) au banjo et au chant, ainsi que Matthieu Grimm à la guitare. Cet été, le collectif s’est agrandi du contrebassiste Evan Kervinio et, lors de leur concert, a accueilli Charles Blandin qui remplaçait Matthieu Grimm à la guitare.
Photo: Nico M
Leur set a débuté sur le sémillant Sail Away, Ladies, une chanson du Kentucky dont la composition remonterait au XIXe siècle et qui a été notamment interprétée en 1927 par Uncle Dave Macon. L’essentiel de leur performance a donc été consacré à des reprises inspirées de musique « old time » (Over In The Gloryland). Elle a également mis en avant le répertoire de la musique cajun louisianaise, à travers une interprétation instrumentale du standard Reel de joie, à forte inspiration irlandaise. Mais elle incluait également l’une des compositions du groupe, I Found My Babe, débutant par une lente et belle introduction vocale à deux voix, celles de Leïla Chevrollier et Léna Rongione.
A l’écoute, on remarque, sur de nombreuses chansons, que la voix de Leïla Chevrollier prend certains accents délicieusement nasillards qui ne sont pas sans évoquer le timbre vocal de Sara Carter de la Carter Family. Mais d’autres aspects plus doux de sa vocalité, notamment dans I Found My Babe, peuvent rappeler celle de Rhiannon Giddens. Cette dernière nous avait d’ailleurs enchanté le 21 décembre 2017 avec son concert Celtic Blues au TNB en collaboration avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne. Même si leurs parcours musicaux s’avèrent différents, ce rapprochement entre ces deux artistes n’est pas totalement hasardeux : en effet, c’est ce même mouvement de réinterprétation de la « Old time music » (soit les prémices des musiques populaires américaines contemporaines) que partage la Sugar Family avec d’autres artistes actuels comme Rhiannon Giddens. C’est aussi dans ce même contexte que ce répertoire a été récemment remis en lumière, dans le cadre du documentaire des American Epic Sessions (avec entre autres une redécouverte des premiers enregistrements de la Carter Family), porté par l’illustre Jack White.
Photo: Nico M
Lors de leur prestation, les musiciens de la Sugar Family ont démontré une grande fidélité aux esthétiques de la musique « old time » dont ils revendiquent l’influence. En outre, les mélodies jouées par Victor Denancé au violon fiddle, lors des introductions et des « breaks » instrumentaux se rapportent autant à ce répertoire qu’au violon cajun et aux racines des répertoires country dans les musiques irlandaises. On note également la grande habileté du jeu mélodique de Léna Rongione au banjo, aux solos impeccables. Le tout est agréablement mêlé aux harmonies vocales assurées par les musiciens eux-mêmes, évoquant autant celles des musiques country que des spirituals.
Par ailleurs, nous pouvons considérer que ce concert du groupe rennais, le dernier de leur tournée, a su remplir avec succès l’une des fonctions premières auxquelles les esthétiques country semblent destinées : la danse. Léna Rongione, entre autres, a également démontré un certain talent pour le « clogging ». Cette danse populaire, souvent apparentée aux claquettes et proche de la danse irlandaise, a complété, le temps d’une chanson, le dynamisme du jeu instrumental des autres musiciens. Leurs interprétations, privilégiant les tonalités majeures enjouées et les rythmes « uptempo » très entraînants, ont su véhiculer un réel entrain. S’ajoutait à cela leur bonne humeur qui semble avoir été communicative auprès du public. C’est ainsi qu’au milieu du spectacle, une ronde a été improvisée par une partie des spectateurs, emmenant dans la danse les plus téméraires. La scène s’est déroulée sous l’oeil amusé et toujours malicieux de Leïla Chevrollier. C’est ce qu’on appelle finir la saison en beauté…
Le festival du Roi Arthur 2018 a accueilli une palette blues, soul, country proposée par Theo Lawrence and The Hearts. Des riffs de guitare et une voix grave aux allures de The Black Keys, puis des sonorités soul symbolisant implicitement le groupe rennais HER, le public ne pouvait qu’être comblé. Rencontre avec le groupe avant de monter sur scène présenter leur premier album Homemade Lemonade.
Unidivers : Bienvenue au Roi Arthur, comment avez-vous préparé ce festival par rapport à un concert habituel ? Olivier Viscat (bassiste) : C’est la première fois que l’on vient jouer ici. Il y a des modifications de set list. On a fait une petite répétition avant. Theo Lawrence (chanteur) : On ne peut pas faire autant dans la dentelle. Il faut plus envoyer en festival, car les gens ne nous connaissent pas forcément. Il faut essayer de les captiver et de jouer le jeu du festival. Les festivaliers ne sont pas convaincus d’avance. O.V : On aime bien se laisser des espaces de liberté. Il faut bien improviser un petit peu, c’est là où la musique se fait. T.L : Quand il n’y a pas d’improvisation, on fait un mauvais concert en général. Dès qu’il y a plein d’imprévus, c’est un excellent concert.
U : Vous êtes proche de votre public ? Thibault L. Rooster (batteur) : On rencontre le public surtout après les concerts. O.V : La majorité des gens qui viennent nous voir nous découvrent encore. Notre premier album est sorti en mars dernier, on est encore dans la tournée de l’album. Il y a de plus en plus de monde qui vient nous voir et ça c’est plutôt cool. Des fois certains font plus d’une heure de route pour nous voir, c’est incroyable. On est là pour les conquérir. T.L : C’est un public naissant, car on existe depuis peu de temps. Ça fait deux ans que l’on fait des concerts. Notre public se construit.
U : Comment s’est formé Theo Lawrence and The Hearts ? T.L.R : Le groupe s’est formé sur Paris. Theo et Olivier avaient déjà un groupe. Et, ensuite, ils ont trouvé d’autres musiciens dont moi et Thibault qui est à la deuxième guitare. Paris est un milieu musical assez restreint, on a vite fait de connaître tout le monde. T.L : On n’a pas fait d’auditions, on n’a pas mis de petites annonces. On s’est rencontrés, car on partageait les mêmes goûts musicaux.
U : D’ailleurs, pourquoi avoir adopté ce nom de scène ? O.V : C’est un groupe où l’on harmonise tout ensemble. On fait tous les arrangements ensemble. Mais il y a quand même Theo qui occupe une grande place dans le groupe en étant auteur, compositeur, chanteur et guitariste. Le « The Hearts » c’est pour la pulsation et la sincérité. T.L :, Mais on n’y a pas pensé en se disant c’est la pulsation et la sincérité (rires).
U : Votre groupe se distingue par cette influence blues, d’où vous vient cette culture ? T.L : Le blues est un des styles qui nous intéressent, mais on aime mélanger un peu tous les styles. Il y a de la soul, de la country et du rock. On aime bien en général les artistes qui mélangent tous ces styles-là, les synthétisent et font leur propre style comme Neil Young par exemple. Il fait du rock, mais il a embrassé plein de genres et de cultures différentes et c’est un peu ce que nous essayons de faire. J’ai été séduit pas le blues, la country, la soul et le gospel, car ce sont des musiques toujours très interprétées dans lesquelles il y a beaucoup d’espace pour mettre de soi. Elles sont toujours très habitées et incarnées.
https://www.youtube.com/watch?v=pO8kTRv4l3o
U : Une voix grave, des riffs de guitare, une mélodie douce qui nous transporte, c’est comme ça qu’on pourrait définir votre marque de fabrique… T.L : Vu que ça ne fait pas longtemps que l’on existe, il se trouve que ce que l’on a sorti ressemble à ça, mais ça pourrait changer à tout moment. On ne s’est pas dit qu’on allait faire un style de musique en particulier. Depuis qu’on joue ensemble, j’ai l’impression que ça a déjà évolué trois ou quatre fois. Je ne dirais pas qu’on applique une recette avec un son que l’on va reproduire au fur et à mesure des albums. Le deuxième album que l’on va sortir l’année prochaine va être un prétexte pour évoluer encore au niveau du son. Je ne prendrais peut-être pas la même voix et les arrangements ne seront peut-être pas les mêmes.
U : L’album Homemade Lemonade est sorti en mars dernier, il s’agit de votre premier album, qui intègre une veine musicale blues, country, soul et rock, comment il a été pensé ? Ça a été deux années de préparation ? T.L.R : Les morceaux qui sont dessus n’ont pas deux ans d’existence. Ce sont des morceaux assez récents, pas plus de six mois, à part peut-être un ou deux morceaux. Certains ont été réarrangés en totalité sur le moment en studio. Je ne crois pas qu’on ait pensé l’album dans une globalité. On avait des titres, on les a enregistrés, compilé de la meilleure manière possible. Cet album n’a pas été pensé comme une pièce majeure. O.V : Ce n’est pas un concept album. T.L : On avait des morceaux beaucoup plus vieux qu’on jouait depuis plus longtemps, mais les morceaux que nous avons enregistré ne suivent pas une logique, c’était plus une envie de jouer ces morceaux aujourd’hui. T.L.R : Cela s’entend d’ailleurs. Il y a plein de morceaux qui n’ont rien à voir en termes de styles sur l’album. T.L : Entre Count Me In Tomorrow et Sucker For Love, il y a vraiment un grand écart et c’est parce que justement c’était les morceaux du moment. T.L.R : Comme il n’y a pas de ligne directrice particulière, on fait selon l’humeur de chacun. T.L : Pour être honnête, on a enregistré 15 morceaux et il n’y en a que 10, car on trouvait que les 5 autres n’étaient pas assez bien enregistrés.
U : De quoi parle cet album finalement ? T.L : Il n’y a pas de message particulier sur la politique. T.L.R : Il y a des thèmes différents, le thème récurrent c’est quand même l’amour (rires). O.V : C’est l’amour, mais sous toutes ses formes. Count Me In Tomorrow est une chanson sur l’amour fraternel. T.L : L’idée n’est pas de faire des histoires originales ou d’essayer de trouver des paroles qui n’ont pas été faites avant, mais plus d’aborder des thèmes qui ont été reproduit 150 fois en mélangeant les styles que l’on aime. Entre James Carr, un chanteur de soul que j’adore et Hank Williams, un chanteur de country, ils peuvent tous les deux chanter une chanson d’amour sans pour autant avoir les mêmes intentions. Notre but est d’apporter notre pierre à l’édifice dans une tournure plus personnelle et de chanter sur des sujets auxquels tout le monde peut s’identifier.
https://www.youtube.com/watch?v=p9crj3S0GSQ
U : Écrire sur des sujets politiques ou sociaux ne vous intéresse pas… O.V : Moi ça me fait un peu chier, mais ce n’est que l’avis du bassiste, je n’écris pas les paroles (rires). T.L : Vu que j’écris les paroles et que je n’y connais rien en politique, je n’écris pas là-dessus. Je suis totalement dépolitisé depuis que je suis né, je n’ai aucune idée de ce que se passe dans le monde (rires). J’écris sur ma petite expérience.
U : Le blues rural est pour vous un genre intemporel ? T.L : Oui complètement. Le blues rural représente une personne qui chante avec un instrument. Ça existe depuis 1000 ans, ça continue d’exister et ça continuera toujours à exister dans divers contextes. Même à l’époque du Roi Arthur, il avait le blues de son épée.
U : Certains morceaux plus blues rock US comme Never let it go rappellent l’univers de The Black Keys. Vous ne seriez pas un peu les Black Keys français… T.L : Oui (rires). O.V : On aime bien évidemment les Black Keys et c’est un joli compliment. T.L : Ils sont inspirants, mais je ne sais pas si on se voit comme les Black Keys français. Il y a tellement peu de gens qui ont envie de faire les styles qu’on joue, que l’on nous rapproche forcément d’un groupe américain qui le fait de manière populaire.
U : Lorsque l’on vous écoute pour la première fois, on pense instinctivement à un groupe américain provenant du sud des États-Unis, du Mississippi, alors que finalement vous êtes pour la plupart originaire de banlieue parisienne… T.L : C’est sûr qu’on n’essaye pas de sonner français. O.V : On fait juste ce qu’on a envie de faire. T.L : Lorsque l’on dit ça sonne un peu français, généralement ce n’est pas bon signe. T.L.R : Ce qui fait sonner français c’est le chant en français. Le groupe Téléphone à l’époque, c’est juste la voix qui fait que ça sonne français. Tu mets de l’anglais dessus c’est du rock britannique. T.L :, Mais on ne chantera pas en français demain ça c’est sûr.
U : On pourrait vous définir comme un groupe vintage… O.V : Ça prend forcément ses racines dans des vieux trucs, on est influencés par le contexte. T.L.R : Par une musique qui n’est pas de cette époque actuelle, mais la manière dont on l’interprète n’est pas vintage. O.V : Ce n’est pas revivaliste. T.L : Etant donné que nous avons écouté de la musique des années 50 jusqu’aux années 2000, on peut se permettre d’écrire des morceaux, les arranger et y ajouter des trucs free jazz new-yorkais, car on a une vision globale de tout ce qui s’est déjà fait. On n’est pas vintage dans le sens où l’on pioche dans tout ce qu’on écoute, on le mélange et ça ne se faisait pas avant, car les styles étaient plus cloisonnés. C’était régi par des codes de structures, de chansons et d’accords qui étaient fixes. On ne fait pas un style dans une époque avec des codes qu’on applique à la règle comme il y avait avant. Si on écoute un album blue note des années 1960, d’un album à l’autre, des gimmicks se répètent. Aujourd’hui ça existe moins, j’ai l’impression que c’est beaucoup moins cloisonné. Pour notre inspiration musicale c’est pareil, elle n’est pas cloisonnée.
U : Theo, vous avez un timbre de voix grave, très soul, comment le cultivez-vous ? J’ai pu lire que Joe Tex était l’un de vos idoles… T.L : C’est un chanteur que j’adore. J’aime aussi James Carr, Solomon Burke, Aretha Franklin, plein de chanteurs issus du gospel et de l’église qui incorporent un prêche dans leurs morceaux et qui ont fait un peu le crossover entre la musique religieuse et la musique commerciale comme Ray Charles. J’adore quand les deux se mélangent et quand des accords font penser à l’église avec un couplet et un refrain pop.
U : Le 16 août dernier, la reine de la soul, Aretha Franklin nous a malheureusement quittés, que retenez-vous de cet artiste et quels titres vont ont le plus marqué ? T.L : Je ne l’ai jamais entendu chanter une seule note mal interprétée. O.V : C’est sans doute une des plus grandes interprètes du 20e siècle. Il y a les gros tubs comme I Say A Little Prayer ou encore You Send Me avec un super groove de basse. T.L : Il y a Do Right Woman, Do Right Man que j’adore. T.L.R :Ain’t No Way avec la mère de Whitney Houston qui fait les cœurs.
Mai 68. Cinquante ans déjà, un demi-siècle. On en parle, on parle. Certains l’ont vécu pleinement, activement ; d’autres l’ont subi. Et le plus grand nombre des Français l’ont vu passer comme un printemps un peu houleux. Mais pour les Trois enfants du tumulte, Mila, Delphine et Théo, il aura marqué leur vie à jamais.
« Ils voulaient en finir avec la prudence, réinventer une forme de grâce qui mettrait le vieux monde à genoux. Ils croyaient au miracle des peaux. Ils étaient amoureux et tapageurs. Seul importait le tumulte des vies nouvelles se profilant après les bourrasques de mai. Ballotés entre désir de liberté et nostalgie du chaos, ils crurent un instant au mirage de la radicalité. » (Yves Bichet)
Le roman Trois enfants du tumulte se déroule pour partie à Lyon où se tient une grande manifestation qui va mal tourner. Au moment où le cortège des étudiants tente de rejoindre celui des ouvriers en grève, un camion fonce sur les forces de l’ordre et percute le commissaire Lacroix, qui mourra à l’hôpital. C’est le premier mort de mai 68. Pour Mila et Théo, venus manifester ce jour-là, c’est le début d’une autre histoire… D’une tout autre histoire…
Yves Bichet nous installe dans ces années où la France se remet comme elle peut de la guerre d’Algérie, des accords de Grenelle, la France des années yéyé, de la pilule, de la liberté sexuelle où les jeunes comme les moins jeunes se lâchent et veulent vivre pleinement sans interdit aucun. De Gaulle s’efface et Pompidou prend la main. Plusieurs décennies plus loin, on se pose la question : est-ce que c’était mieux à cette époque ? C’était différent, c’est tout.
À travers les trajectoires des personnages, on prend conscience que les questions les plus profondes, celles qui vont de l’intime à l’universel, demeurent les mêmes en 1968 qu’en 2018. Que fait-on de nos vies ? À quoi aspirons-nous ? Quel sens donne-t-on à la pensée, aux valeurs ? C’est quoi la chose « politique » ?
Au-delà de l’histoire de ces trois-là, il y a l’Histoire. On pourrait penser que mai 68 a réellement changé le cours des choses, pour toujours. Sur le plan politique, on peine à le croire. Sur le plan économique, 68 aura marqué un tournant et l’amorce de la fin des Trente Glorieuses. (même si c’est plus précisément et économiquement 1974 avec le premier choc pétrolier). Ce qui est certain cependant, c’est que les manifestations à Lyon en ce mai 68 auront une influence toute dramatique sur les trajectoires de Mila, Delphine et Théo, trois gosses finalement victimes du tumulte.
Trois enfants du tumulte un roman d’Yves Bichet aux Éditions Mercure de France, collection bleue. 265 pages. Parution : août 2018. Prix : 19,80 €.
Auteur polymorphe, Yves Bichet écrit essentiellement pour les adultes, des romans et des pièces de théâtre. « Peau noire Peau blanche » est son premier texte pour la jeunesse.
La rentrée littéraire 2018 a bel et bien commencé avec une première vague de livres durant la seconde quinzaine d’août et déjà quelques prix, notamment pour des primo-romancières fort remarquées.
Adeline Dieudonné a décroché le Prix Première Plume 2018 pour son roman La vraie vie (Editions de l’Iconoclaste, 29 août 2018) et Estelle Sarah-Bulle est lauréate 2018 du Prix Stanislas pour son livre Là où les chiens aboient par la queue (Liana Levi, 23 août 2108). Les deux auteures font partie aux côtés de deux autres primo-romancières, Inès Bayard (Le malheur du bas, Albin Michel) et Meryem Alaoui (La vérité sort de la bouche du cheval, Gallimard), des quatre finalistes pour le Prix du Roman Fnac 2018.
Mais venons-en aux parutions très attendues de septembre, essentiellement en littérature étrangère.
Après Sur cette terre comme au ciel, couronné par le Prix du Premier Roman Etranger en 2016, Davide Enia, dramaturge italien revient avec un roman littéraire et poétique issu de son enquête sur l’île de Lampedusa : La loi de la mer (Albin Michel, 5 septembre 2018). Un récit profondément humain : l’histoire intime du rapprochement d’un père et d’un fils face à la douleur collective en ce lieu de la Méditerranée.
Avec J’ai couru vers le Nil (Actes Sud, 5 septembre 2018), Alaa El Aswany met en scène plusieurs personnages dont la destinée bascule dans un pays en pleine mobilisation populaire. Espoir, désir, hypocrisie, répression, l’auteur illustre ici l’histoire récente de l’Egypte. Profitons de ce roman, encore aujourd’hui interdit en Egypte…
J’ai couru vers le Nil Alaa El Aswany
La communication entre les arbres, on en parle beaucoup. L’écrivain américain, Richard Powers en a fait le sujet de son dernier livre. L’arbre monde (Cherche Midi, 6 septembre 2018) redonne à la nature sa place essentielle. Autour de Pat Westerford, botaniste, nous suivons le destin de neuf personnes entraînées vers la Californie où un séquoia est menacé de destruction. Un vaste sujet sur nos liens avec la nature.
Richard Powers L’arbre monde
On se souvient toujours avec tendresse de sa première histoire d’amour, surtout des années plus tard lorsque l’âge polit les souvenirs. Dans un style et une ambiance très anglais, Julian Barnes nous livre La seule histoire (Mercure de France, 6 septembre 2018) de Paul, un homme vieillissant qui a dix-neuf ans a connu une belle histoire d’amour avec une femme mariée de quarante-huit ans. Ce premier amour qui va de la légèreté au tragique détermine toute la vie du narrateur. Paul s’en souvient avec mélancolie et interrogations.
Julian Barnes nous livre La seule histoire
Côté romans noirs, mon choix se porte sur le dernier livre de Joseph Kanon, Moscou 61 (Seuil, 13 septembre 2018). Printemps 1961, en pleine guerre froide, Simon, éditeur rejoint à Moscou, son frère devenu un espion soviétique après la guerre d’Espagne, pour finaliser la rédaction de ses mémoires. Confession ou manipulation, les deux frères que tout oppose se livre un face à face redoutable.
Très belle réussite que ce premier roman d’Adeline Dieudonné La vraie vie. Une histoire dense, prenante, angoissante, attachante. Une gamine de dix ans plonge dans la vraie vie…le jour où un siphon à Chantilly explose à la tête du marchand de glace…
Dans La vraie vie, Adeline Dieudonné campe la jeune narratrice dans la plus grande maison du lotissement Le Demo. Un hasard plus qu’un signe d’aisance. Son père, comptable dans un parc d’attractions a trois passions : la chasse, la télévision et le whisky. Une chambre spéciale est réservée à ses trophées de chasse. Lorsqu’il boit trop de whisky, il n’hésite pas à frapper la mère, une femme effacée emplie de crainte, « une amibe » qui reporte son affection sur les animaux qu’elle élève.
Les jours d’enfance avec Gilles, son petit frère, sont ponctués par l’heure de La valse des fleurs, carillon annonçant l’arrivée du vieux glacier dans le le lotissement Le Demo. Bravant l’interdiction, la fillette aime demander un peu de chantilly sur sa glace Chocolat-stracciatella.
Le « package famille normale » jusqu’au jour de cet accident idiot! Gilles, profondément choqué par la mort du glacier défiguré s’enferme dans le silence auprès de la hyène empaillée de la chambre des cadavres.
La fillette n’a plus qu’un seul objectif, inventer une machine à remonter le temps pour effacer ce drame et redonner le sourire à son petit frère, avant que la vermine ne mange totalement son cerveau.
Même si elle est surdouée, passionnée de physique, l’affaire n’est pas si simple. D’autant plus qu’au fil des jours, Gilles, guidé par son père, se transforme en mâle chasseur et qu’elle-même grandit en devenant une femme.
Les rêves d’une enfant s’effondrent face à la cruelle réalité.
Cette gamine surdouée et sensible est particulièrement attachante. En grandissant, elle prend de plein fouet cette cruelle violence envers les femmes.
L’ensemble est particulièrement bien construit. L’auteur enrobe son récit principal de tant de petites choses que le résultat est à la fois percutant, sensible et charmant. Par ses multiples facettes, ce premier roman ne peut que séduire un très large public.
Adeline Dieudonné vient de recevoir le Prix Première Plume 2018 pour ce premier roman La vraie vie. Elle fait aussi partie des quatre finalistes pour le Prix du Roman Fnac 2018 et de la sélection pour le Prix « Envoyé par la Poste » 2018. Et cela ne fait que commencer !
La vraie vie Adeline Dieudonné, Editions de l’Iconoclaste, 29 août 2018, 270 pages, Prix 17 euros, EAN : 978-2378800239
Adeline Dieudonné est née le 12 octobre 1982. Elle habite Bruxelles. Romancière et actrice,elle a remporté grâce à sa première nouvelle, Amarula, le Grand Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a publié un opuscule, Seule dans le noir, et une pièce de théâtre, Bonobo Moussaka, en 2017. La Vraie Vie est son premier roman.
Avec la Loi de la mer, Davide Enia nous plonge dans l’actualité. Située entre le continent africain (La Tunisie) et l’Europe (Sicile), la petite île de Lampedusa paraît charmante quand on appelle son nom sur les moteurs de recherche. Un petit rocher dans une turquoise… Cela susciterait presque une envie pour aller y goûter le soleil et la mer dans une villégiature tranquille… Oui mais, car il y a toujours un « mais ». Lampedusa, depuis de nombreuses années est devenue tristement célèbre parce qu’elle est une des premières étapes pour les migrants avant d’espérer pouvoir entrer en Europe.
Sous la cendre du temps brûlent les braises du remords.
Qu’ils viennent de Libye, d’Érythrée, du Mali, du Soudan, du Cameroun, femmes, enfants, jeunes gens, vieillards fuient leur terre natale pour tenter d’échapper à la guerre, la pauvreté, la corruption, priant pour que notre continent les accueille et se révèle l’eldorado auquel ils aspirent, l’eldorado qu’on leur a vendu et qui souvent les expulsera : une vie loin de l’horreur, un travail, un toit, un peu de respect, la vie quoi !
@ Figaro
Au moment où les uns les autres rentrent de vacances (pour celles et ceux qui ont eu la chance de pouvoir en profiter un peu justement), Davide Enia nous propose un récit, La loi de la mer, qui se déroule dans l’enfer quotidien de Lampedusa. Aucune intention de culpabiliser la lectrice, le lecteur dans sa démarche littéraire, juste le souhait légitime de nous décrire le réel, autant il peut nous surprendre positivement par des rencontres humaines, autant il peut nous terrasser dans nos petites habitudes confortables par la description de ce drame humain qui ne cesse depuis trop longtemps : des bateaux qui coulent chaque jour chaque nuit, des passeurs qui voient en cette situation un business hautement lucratif, des autorités européennes qui, dans leur gestion, ressemblent davantage à une tour de Babel plutôt qu’humainement coordonnées. Et ce, malgré le travail conséquent de la Croix-Rouge, des sauveteurs, des pêcheurs de la zone.
Mais ce serait limiter le récit de Davide Enia à ce seul exode de malandrins souvent destinés à la mort, à flotter sur la Méditerranée, à finir bouffés par des crabes et des poissons, à terminer démembrés par la force des courants et du sel… Ce serait limiter les rives de la petite île de Lampedusa à voir s’amonceler de petits cadavres que l’on entasse avant de les ensevelir dans des fosses communes quand on en a le temps.
SOS à Lampedusa (plage Isola dei conigli) – Campagne Amnesty International
La Loi de la mer est aussi l’occasion pour l’auteur d’un retour dans cette île, témoin de ses escapades de gosse, d’adolescent, avec son père, cardiologue à la retraite, chez des amis proches, l’accompagnement de son oncle Beppe, en proie à un cancer généralisé. Même au cœur du pire, Davide Enia nous décrit une époque heureuse, des moments intenses, ceux de l’innocence, ceux du partage, le tout écrit avec une poésie et une pudeur remarquables. Des pages d’humanité.
Une histoire dans l’Histoire. Pendant plus de trois ans, l’auteur a rencontré tous les acteurs (habitants, secouristes, exilés, survivants) qui forment la chaîne vivante d’un livre puissant et singulier. Si tout a été dit sur le drame des migrants de Lampedusa, rien n’a été dit. On est aux antipodes des images choc choisies qui tournent en boucle sur les chaînes d’infos en continu. Au plus proche de l’urgence de la réalité, toutes les questions sur le sens et la fragilité de l’existence sont posées.
La loi de la mer, un roman de Davide Enia, Éditions Albin Michel, 230 pages. Parution : 6 septembre 2018. Prix : 18,00 €. Traduit de l’italien par Françoise Brun. PRIX MONDELLO 2018
DAVIDE ENIA
Acteur, metteur en scène et dramaturge, Davide Enia commence à écrire en 1998. Lauréat de nombreux prix qui ont récompensé son travail théâtral, il a vu ses pièces publiées en Italie
chez de prestigieux éditeurs. Son premier roman Sur cette terre comme au ciel (Albin Michel, 2016), unanimement salué par la presse, a remporté le Prix du Premier Roman Étranger.
Belle incursion de la prose dans le catalogue des éditions Folle Avoine, le romancier Jean-Claude Le Chevère a publié en 1988 son premier texte, « Lucienne », véritable découverte littéraire, magnifiquement écrit, qui allait être suivi de nombreux autres textes, publiés très fidèlement par Folle Avoine mais aussi par les éditions Apogée.
« Lucienne ou la vie des autres » est un récit de « vies minuscules » pour reprendre le titre du roman de Pierre Michon. Lucienne, femme résolue et courageuse, est l’aînée, de quelques années, de son mari Georges Moreau, homme doux et rêveur, tombé amoureux de celle qui deviendra sa femme, un jour qu’elle travaillait aux champs à ses côtés, et qu’elle avait tombé la jupe, sous la chaleur de l’été, laissant apparaître un short sur des jambes magnifiques !
Lucienne, à peine passé le cap de soixante ans, n’en peut mais, épuisée par le labeur de toute une vie de ménages et d’employée de maison, au service des autres, de « la vie des autres ». Sur consigne stricte de son médecin, la malheureuse est condamnée au repos, clouée dans sa maison, puis dans son lit. Se succèdent alors les visites, inquiètes, de ses voisines, les unes ses employeurs, les autres ses amies.
Et ces visites font défiler le film de sa vie. Une vie de domestique qui la conduira à Paris, tout d’abord, chez un couple qui cherchait une « jeune bonne pour le ménage, logée, nourrie » avait-elle lu dans les annonces de « Ouest-Eclair ». C’est alors la découverte de la capitale et de ces couples qui l’emploient, à qui l’argent ne fait pas défaut, la découverte aussi de leurs manières de vivre qui ne laissent pas de la surprendre, de la révolter surtout, par leur futilité, leur hypocrisie, leur avarice, leur complaisance morale et leur mépris de classe. Heureusement, la solidarité et l’amitié entre copines de travail la sauveront de ces épreuves parisiennes.
Autant de travers et défauts sociaux et moraux qu’elle retrouvera, une fois revenue dans son petit village de Sourville, et qui alimenteront une amertume grandissante au fil des ans. « Les sentiments, c’est pour les gens distingués qui ont de l’éducation. Nous, ils doivent se dire que nous vivons presque comme des bêtes. Il n’y a que dans les films que les pauvres ont du sentiment. Je ne sais pas si vous avez remarqué à la télévision mais les pauvres pleurent mieux que les autres, surtout quand ils sont vieux, ça suit toutes les rigoles sur leur tête fripée comme une pomme flétrie ».
Changer de docteur ? dira-t-elle un jour à Madame Lefort, élégante et hautaine bourgeoise de Sourville qui lui recommande son propre médecin, le Dr Haillant : « Il me dirait que je me porte mieux que lui et il m’embaucherait pour éplucher ses patates ».
Son amertume va aussi vers son propre et unique fils, le faible Marcel, sous la coupe d’une épouse cupide, méprisante et humiliante bru, âpre au gain de l’héritage. Marcel « devenu un petit bourgeois. […] Tes parents sont restés des moins que rien […]. On n’est pas assez bien pour toi » ressasse-t-elle dans sa tête.
Le malheureux Georges sera encore un peu plus désemparé quand Lucienne sombrera dans un mutisme définitif, lui qui aura vécu abreuvé quotidiennement des mots inépuisables de sa femme qui parlait pour deux et « commentait tout ».
La mort qui approche rendra Lucienne tristement consciente de l’amour qu’elle aurait dû mieux donner à son mari : « Je jacassais toujours et lui, discret, attendais que j’aie fini. J’aurais dû me taire cent fois pour entendre un mot de lui mais c’est un humble et il ne lui viendrait jamais à l’idée de taper du poing sur la table pour se faire une place dans le brouhaha ».
Le temps du deuil et au-delà, « Georges aura toute sa vie pour se souvenir de Lucienne, pour être surpris de son absence derrière la porte de la cuisine ou dans le jardin. Au fond personne ne supporte l’idée que tout ce qu’on fait, dit, pense s’arrêtera définitivement un jour. L’homme est trop orgueilleux pour admettre qu’il est limité dans le temps. Alors il a inventé l’âme ».
Toute notre vie, nous les pauvres, nous économisons pour plus tard, nous ne vivons pas et quand nous pensons pouvoir en profiter, nous sommes surpris par la mort. La vie se comporte avec nous comme une véritable saloperie ». On n’est pas loin du noir pessimisme d’un Céline qui écrivait dans le « Voyage au bout de la nuit » : « La plupart des gens ne meurent qu’au dernier moment, d’autres commencent et s’y prennent vingt ans d’avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre ».
Après les obsèques, le pauvre Georges regardera repartir son fils, ce fils sans caractère accablé de son indélicate épouse. Il restera seul avec sa douleur, « souhaitant qu’on le laisse en paix s’abandonner à son chagrin, qu’il puisse en toute tranquillité sentir couler le long de ses joues ridées les larmes qui attendent depuis des jours, qui se pressent derrière ses paupières et qui, libérées, descendent maintenant lentement et viennent se perdre dans le col de sa chemise mal fermée ». Ce sont les derniers mots, bouleversants, de cet admirable récit.
Communiqué. Nomination de Rachel Fourmentin à la direction de la Culture de Rennes. Nathalie Appéré, Maire de Rennes et Emmanuel Couet, Président de Rennes Métropole ont nommé Rachel Fourmentin à la tête de la direction de la Culture de Rennes, Ville et Métropole.
Administratrice territoriale, Rachel Fourmentin a effectué l’essentiel de son parcours professionnel au service des politiques culturelles territoriales, notamment au Conseil départemental du Val-de-Marne et au sein de la Région Franche-Comté où elle a récemment piloté et mis en place la nouvelle direction Prospective à l’occasion de la fusion des Régions Bourgogne et Franche-Comté.
Avec des qualités humaines et de management reconnues, Rachel Fourmentin mettra toutes ses compétences et son expérience au service de la direction de la Culture pour poursuivre la démarche et les travaux engagés par Corinne Poulain depuis trois ans, avec le souci permanent d’une collaboration et d’une concertation avec l’ensemble des acteurs culturels.
Rachel Fourmentin prendra ses nouvelles fonctions le lundi 8 octobre 2018.
A propos de Rachel Fourmentin
Rachel Fourmentin
Rachel Fourmentin, 37 ans, est diplômée de l’INET (promotion Lucie Aubrac). Auparavant diplômée de Sciences-po Paris, elle a également mené un DEA sur l’Histoire de l’Europe centrale contemporaine.
Actuellement directrice de la prospective à la Région Bourgogne-Franche-Comté, elle était précédemment directrice de la culture, jeunesse, sports et vie associative de la Région Franche-Comté de 2012 à 2016.
Conteurs d’Amérique latine, Alberto Chimal et Alberto Laiseca signent ensemble un double album « Le Départ / La Mère et la Mort ». Accompagnés par les puissantes illustrations de Nicolas Arispe, leurs textes viennent, avec une amère douceur, marier l’amour maternel et la mort, à travers les combats de deux mères pour sauver leurs enfants.
Que peut la Mort face à l’amour d’une mère, lorsque son enfant meurt ? Quel est le prix à payer pour refuser l’inéluctable ? Les conteurs latino-américains Alberto Chimal et Alberto Laiseca apportent chacun leur réponse à ces questions, à travers le double album « Le Départ/La Mère et la Mort ». Ils le font à leur propre manière – c’est-à-dire sans la moindre pitié, presque avec cruauté – accompagnés par les dessins sombres du dessinateur argentin Nicolas Arispe.
Dans « Le départ », d’Alberto Chimal, une mère voit un tremblement de terre emporter son fils. Comment accepter cette perte, comment le laisser partir ? Elle implore les dieux de le faire revenir à la vie. Et les dieux, cruels, exaucent son vœu. Son enfant lui est rendu. Mais si son âme reste vivante, le corps, lui, ne cesse de se décomposer, blessé, sans jamais le moindre espoir de cicatriser. Alors la mère reste là face au fils qui, par sa faute, souffre un supplice interminable, qui l’implore de le laisser mourir. Et le conteur d’ajouter, impitoyable : mourir il ne peut pas, parce qu’il est déjà mort.
Cette Mort se grime en poilu de la première guerre mondiale dans le récit d’Alberto Laiseca, « La Mère et la Mort ». Des fils, elle en a emporté des millions, sur les champs de bataille d’Europe. Pourtant, rien ne saurait la rassasier. D’une mère, qui habite dans un chalet, près du Rhin, elle veut prendre l’enfant nouveau-né. Pour l’arracher à la vigilance maternelle, elle envoûte la femme, et emporte son fils par-delà le fleuve, par-delà la forêt d’épines et la montagne de pierre et de fer, jusqu’à son domaine.
Mais la mère ne peut se résoudre à abandonner son fils. Elle qui connaît – comme tout le monde – où habite la Mort, part sur ses traces pour lui réclamer son enfant. Elle est prête à tout abandonner, ses yeux, ses jambes, un bras pour rejoindre la maison de la Mort et se mutile sans réfléchir, dans l’espoir fou de revoir son nouveau-né.
Les deux écrivains, le premier mexicain et le second argentin, ne s’embarrassent pas de longs discours. Leurs phrases s’égrènent comme des vers, au pied de chaque page. L’écriture du premier, Alberto Chimal, est nerveuse, ponctuée de virgules, comme pour mieux souligner la cruauté de son récit. Le ton du second récit, d’Alberto Laiseca, se fait beaucoup plus innocent, presque doux, et le décalage avec l’horreur de l’histoire n’en est que plus marquant. Dans les deux, on retrouve la tonalité du conteur, ce langage vivant fait d’interpellations, d’évidences, de fantastique.
Les dessins de Nicolas Arispe se marient à la perfection avec ces récits. Étalés en double page, ils nous plongent dans cet univers sardonique, cruel, et pourtant poétique. À l’encre noire, semblables en tout point à des gravures, ses illustrations balancent entre les danses macabres médiévales et le paganisme, entre les représentations gothiques et les illustrations traditionnelles des contes. Son style oscille entre le mysticisme sacrilège de Jérôme Bosch et l’atrocité des dessins d’Otto Dix sur la Première Guerre mondiale.
On se perd à contempler ces terribles images, aussi terribles et marquantes que les récits qu’elles accompagnent. Elles regorgent de détails, de références, de symbolisme. Il emprunte aux tableaux de l’art flamand, du romantisme allemand, aux gravures de Pieter Brueghel. On entraperçoit le Béhémot de l’Ancien Testament et des caméléons porteurs de masques funéraires africains, une statue de l’archange Michel, des gargouilles médiévales, un foisonnement de symboles qui contribuent à construire cet univers terrible, où la douceur de l’amour maternel et de la nature se mêlent à des paysages décharnés, à cette présence, toujours de la Mort terrible.
Au cœur de l’album, les deux récits se retrouvent, autour d’une image miroir, et chaque mère la première au visage de renard, la seconde dépeinte en squelette, devient le reflet de l’autre. Il ne reste, point de conclusion et de liaison des deux histoires, que ces femmes seules, songeuses, leur deuil perdu dans la vie sauvage de la forêt.
À la fin de sa lecture, lorsqu’on repose ce double album, on reste un temps immobile. Ce n’est pas pour rien qu’il a été primé et sélectionné à de multiples reprises : la lecture des deux récits marque profondément. La poésie le dispute à l’horreur, l’atmosphère à la fois terrible et douce des illustrations en noir et blanc accompagne parfaitement le récit. Les auteurs, l’illustrateur, jouent avec la Mort, jouent avec le macabre. Ce jeu va du simple plaisir de l’horreur, conter une histoire d’horreur, dans laquelle les mères sont impuissantes et leurs fils se décomposent en charogne, aux questionnements philosophiques sur l’amour, sur le deuil. On peut à la fois balayer les histoires d’une seule traite ou se perdre dans les méandres de l’encre noire, dans le symbolisme des images.
On peut le relire, encore et encore, la puissance de l’album reste la même, bouleversante. Et la chute de chaque histoire nous frappe toujours autant, presque par surprise à chaque fois, implacable.
Avec la cruauté du conte, l’album fait écho aux sacrifices des mères, de ces mères qui réclamaient leurs fils disparus sur les places d’Amérique latine, du Chili au Brésil, qui allaient chercher leurs fils au fond de la Tchétchénie, qui manifestaient dans les rues de Tunisie ou d’Égypte pour leurs enfants. Il fait écho, aussi, à tous ces sacrifices quotidiens, presque banaux. Le combat contre la Mort – une mort domestiquée, qui fait partie du quotidien – n’est, après tout, qu’un sacrifice de plus.
La Mère et la Mort/Le Départ
Auteurs : Alberto Laiseca, Alberto Chimal
Illustrateur : Nicolas Arispe
56 pages – 23 euros
Le groupe Chanson D’occasion a été formé en 2012 à Aizenay en Vendée par les guitaristes Matthias Bourmaud et François Joubert, rejoints ensuite par le contrebassiste Emmanuel Logeais. La même année, ils donnaient leurs cinq premières représentations au village du Vendée Globe. Après 2 premiers albums, ils ont sorti l’année dernière leur nouvel opus dont le nom annonce tout de suite la couleur : « Des tubes et du swing ». Ils ont ainsi engagé une tournée débutée en février, au cours de laquelle ils sont passés au festival Transat en ville à Rennes, le 15 août 2018.
Le mercredi 15 août, la place de la mairie a accueilli une nouvelle fois un univers singulier, pour le festival Transat en ville. Ce soir-là, les spectateurs rennais ont pu découvrir celui du groupe Chanson D’occasion. Les musiciens de ce trio vendéen, qui ont donné leur premier concert au Vendée Globe en 2013, ont reçu une éducation et un parcours musicaux aux influences diverses : Matthias Bourmaud, l’un des deux guitaristes, a fait partie du groupe de rock reggae Guerilla Fresca pendant 10 ans. Emmanuel Logeais, le bassiste du groupe, avait officié dans la même formation, puis dans le groupe de funk Da Flex. Quant à François Joubert le second guitariste, il est autant influencé par les chansons de Claude François que le jazz manouche de Sansévérino ou encore le rock de Jimi Hendrix. Cependant, c’est dans une tout autre démarche que le groupe s’est lancé depuis maintenant 5 ans : reprendre des grands succès français des trente dernières années en les associant à l’esthétique du jazz manouche. De fait, on retrouve les éléments typiques ce style dans leur esthétique : un jeu de guitare aux accords percussifs accentuant les temps faibles (le « backbeat »), sur un tempo le plus souvent rapide et des enchaînements d’accords correspondant le plus souvent à ceux du jazz.
Des Tubes et du Swing
D’entrée de jeu, la mise en scène qu’ils ont élaborée pour l’introduction de leur concert a révélé leur affinité pour les ambiances rétro et décalées. Sur scène, des anciens postes de télévision diffusaient des vidéos en noir et blanc. Puis les trois musiciens ont fait progressivement leur entrée un par un, en chemisettes jaunes estivales à motifs ananas. Et le tout… sur le thème principal de Retour vers le futur, composé par Alan Silvestri. Sans plus attendre, ils ont attaqué directement leur set par la reprise de Résiste de France Gall qui a immédiatement introduit les spectateurs dans leur univers hybride.
Leur combinaison de chansons de variété française, de rock et de rap avec le jazz manouche s’avère surprenante et peut paraître déconcertante pour certains auditeurs. Il est par exemple difficile de se figurer une fusion entre le swing de Django Rheinardt et les paroles explicites de NTM (Ma Benz). Mais à l’écoute, on constate assez vite que cette esthétique jazz manouche se marie parfaitement aux éléments du rap, d’autant plus que ces deux répertoires ont en commun une rythmicité et une percussivité centrale. Ainsi dans leur reprise du tube d’IAM, Je danse le mia, Matthias Bourmaud et François Joubert ont conservé le célèbre riff de Give Me The Night de George Benson, ainsi que le rythme vocal présents dans la version originale. Mais dans le même temps, ils y ont mis en avant un aspect mélodique et harmonique plus affirmé. Par moments, leur esthétique semblait également s’aventurer vers des rythmes différents de ceux du jazz manouche. Leur interprétation de New York avec toi, chanson culte de Téléphone, est effectivement construite sur une rythmique qui semblait plus chaloupée et sur un tempo plus lent qui rappelle presque la bossa-nova brésilienne. Dans le même temps, les harmonies vocales, assurées par les deux autres musiciens, s’y mêlaient harmonieusement et s’apparentent aux groupes vocaux « doo wop » des années 1950.
Leurs réarrangements de ces grands succès laissent apparaître une réelle inventivité, tant sur le plan harmonique que mélodique. Bien sûr, certaines chansons sont tellement marquantes (notamment par leurs mélodies) qu’il leur semblait parfois ardu de les transformer complètement. C’est par exemple le cas pour leur reprise de La fille du coupeur de joints d’Hubert-Félix Thiéfaine, pour laquelle ils ont conservé la plupart des enchaînements d’accords originaux. Ils en ont pourtant livré une interprétation très lyrique, au discours musical quasi théâtral. On notera également le solo inspiré de François Joubert, dans un style qui n’est pas sans évoquer la musique gitane. De même, l’aspect planant de son introduction semblait correspondre à l’atmosphère « enfumée » retranscrite par les paroles de Thiéfaine.
Au final, on peut considérer que la formule artistique de Chanson D’occasion a fait mouche. Le choix plutôt hétéroclite des chansons permettait effectivement à plusieurs générations de spectateurs de s’y retrouver. Le charme semble avoir opéré et les paroles ont été assez souvent entonnées en chœur, comme par exemple sur L’homme pressé de Noir Désir. Les trois joyeux drilles ont également offert des traits d’humour parfois mordants, qui faisaient d’habiles interludes. À la toute fin du concert, Matthias Bourmaud s’est également lancé dans une improvisation de scat pendant laquelle il a été accompagné par les spectateurs. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Vendéens ont fait bouger le public rennais et sont restés fidèles à leur credo : « des tubes et du swing ».