Humaniste, Dominique de Villepin vient au secours d’une France meurtrie

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Ce 23 juin 2025, à moins de deux ans de l’élection présidentielle, Dominique de Villepin a annoncé dans Le Parisien et Paris Match la création de son propre parti politique, baptisé La France humaniste. L’ancien Premier ministre a précisé qu’il en serait le président d’honneur et que le mouvement, ouvert à tous, comptait déjà plusieurs dizaines d’implantations locales.

« J’ai décidé de créer un mouvement d’idées, de citoyens, à travers la création d’un parti politique », déclare-t-il. « Nous avons besoin de rassembler tous les Français pour défendre la justice sociale et l’ordre républicain », ajoute-t-il. Il entend ainsi offrir une alternative à la « logique de surenchère permanente » qui mine le débat politique, entre radicalité de La France insoumise et celle du Rassemblement national.

Son message est clair : restaurer une politique d’équilibre, de mesure, où la fonction présidentielle redevienne ce qu’elle était selon lui : « arbitre, garant des institutions et inspirateur de la nation ». Une fonction qu’il envisage à la manière du général de Gaulle : au-dessus des partis, mais pleinement incarnée, structurante.

Le lancement de La France humaniste intervient alors que Villepin est de plus en plus visible dans les médias. Depuis près de deux ans, sa parole revient avec insistance : très sollicité pour commenter les crises internationales (guerre en Ukraine, situation à Gaza, tension en mer de Chine), Villepin s’est imposé comme une conscience diplomatique, un éclaireur dans le brouillard du présent. Déjà, en octobre 2023, son intervention sur France Inter à propos de Gaza marquait un tournant. Il y condamnait la violence du Hamas tout en rappelant l’impasse tragique d’une « prison à ciel ouvert », posture courageuse dans un débat trop souvent polarisé. Là encore, c’est la filiation gaullienne qui se donne à voir : une diplomatie fondée sur le droit, l’équilibre, et la responsabilité.

Depuis, ses interventions s’enchaînent : plateaux télé, conférences, tribunes — jusqu’à être placé en tête des personnalités préférées des Français (Ifop, mars 2025), notamment à gauche, où 68 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon déclarent avoir une bonne opinion de lui. Le soutien transpartisan étonne. Villepin, ancien Premier ministre, ancien ministre des Affaires étrangères, artisan du « non » à la guerre en Irak, fait aujourd’hui figure d’homme d’État dans un monde saturé d’opinions et de postures.

Son positionnement ?

Une synthèse rare : exigence morale, connaissance du monde, culture de l’État. Il se définit contre la surenchère sécuritaire ou budgétaire, contre les emballements identitaires, pour une voie de la mesure. Il veut incarner cette France du milieu qui n’adhère ni aux radicalités ni aux simplismes. C’est une forme de gaullisme d’équilibre : l’autorité sans autoritarisme, l’ordre sans oppression, la parole publique comme exigence. « Il ne s’agit pas d’occuper une place, ni d’aller chercher un petit plaçou », déclare-t-il, citant Chirac.

Mais en lançant un parti structuré, avec à sa tête Benoît Jimenez, maire UDI de Garges-lès-Gonesse, Villepin franchit une étape supplémentaire. L’adhésion y est gratuite. La structuration est en cours. Et l’agenda est clair : faire émerger une autre voix à l’approche de 2027. Il publiera d’ailleurs début juillet Le pouvoir de dire non chez Flammarion, dans lequel il expose sa vision de l’autorité, du refus et du rôle du chef d’État dans un monde désorienté. Cet ouvrage s’annonce déjà comme un prolongement intellectuel du gaullisme du XXIe siècle.

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Dominique de Villepin crée la France humaniste

Un recours républicain ?

Dans une France figée dans une tripolarisation inédite, Villepin incarne peut-être plus que jamais la figure du recours. Non pas un recours providentiel au sens mystique ou populiste, mais un recours républicain, exigeant, épris de droit et de justice.

Ce qui frappe, c’est cette capacité à analyser le monde avec profondeur. Chaque fois qu’il s’exprime, sa parole suscite des commentaires de respect transversal. On y retrouve des échos favorables à droite comme à gauche, chez des modérés déçus mais aussi chez des extrêmes en quête de figures morales.

Peut-il être élu ? Cette question reste ouverte. Il n’a pas de parti de masse ni de troupes aguerries, mais une autorité singulière, presque littéraire, avec une touche balzacienne. Il attire moins par une promesse de pouvoir que par une espérance de hauteur. Et cela compte aujourd’hui.

La création de ce parti est un baromètre. Les semaines à venir nous diront si la France humaniste connaîtra un engouement soutenu. Le cas échéant, nul doute qu’il ralliera nombre de ténors politiques en sus des Français.

Une stratégie de rassemblement souple et transpartisane

Dès lors, la stratégie de Villepin n’opérerait pas par par une conquête partisane classique, mais par un rassemblement d’esprits libres et de consciences républicaines, même éloignées sur l’échiquier politicien, qui agrègeraient leurs propres troupes.

Avec François Bayrou, l’axe serait celui du dialogue territorial, du service de l’intérêt général.

Avec Bruno Le Maire, leur culture d’État et leur fidélité au gaullisme social pourraient les réunir dans un même esprit de réconciliation économique et éthique.

Avec Raphaël Glucksmann, se noue un lien humaniste autour des droits fondamentaux, de l’Europe et d’une diplomatie fondée sur les principes.

Avec Édouard Philippe et Michel Barnier, l’accord pourrait porter sur une vision modérée, sérieuse et respectueuse de la France dans l’Europe et dans le monde.

Avec Gabriel Attal, Villepin pourrait bâtir un pont vers les jeunes générations politiques républicaines, en quête de consistance.

At last but not the least, oui, pourquoi pas avec François Ruffin ? Car, en poussant un peu, une cause commune est susceptible d’émerger : la dignité des services publics et la reconnaissance des invisibles.

Et ce, sans compter les transfuges macronistes susceptibles de voir dans la France humaniste de Villepin ce qu’ils avaient cru espérer chez Emmanuel Macron.

A ce stade, il semble donc que la France humaniste n’est pas une résurgence nostalgique du gaullisme, mais une tentative sérieuse d’en réactualiser la substance dans un monde fracturé. La verticalité institutionnelle, le respect des services publics, la justice sociale, la promotion d’une économie décente, l’indépendance diplomatique et une certaine noblesse de la parole et du langage forment une cohérence que peu de figures politiques incarnent aujourd’hui. Dominique de Villepin, à sa manière, aspire à prolonger la Ve République contre ceux qui – à l’extrrême-droite, à l’extrême-gauche, mais aussi à droite et à gauche – en défigurent l’esprit.

Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il étudie les interactions entre conceptions spirituelles univoques du monde et pratiques idéologiques totalitaires. Conscient d’une crise dangereuse de la démocratie, il a créé en 2011 le magazine Unidivers, dont il dirige la rédaction, au profit de la nécessaire refondation d’un en-commun démocratique inclusif, solidaire et heureux.